Chapitre 7 - Partie 2.
— Voici Avaline et Maliah, elles seront là pour vous servir tout au long de votre séjour. Quant à Esper, elle dirige tout le personnel de chambre et sera au service personnel d'Alora.
La première arrivée garde son air pincé alors qu'elle fait la révérence, puis fait signe aux plus jeunes de la suivre... comme si elles n'allaient pas déjà le faire.
— Elles vous montreront le chemin de vos chambres, explique notre hôte. Nous nous reverrons plus tard, une fois que vous vous serez reposé. Evander, vous avez bien mérité quelques jours de vacances, également.
— Merci, Votre Altesse.
Il s'incline une fois de plus et tourne les talons, tout comme Elion et Nami. Personnellement, je reste là, campée sur mes pieds et lâche :
— Je ne quitterai pas cette pièce sans réponses.
Pourtant, mon corps me fait un mal de chien. La blessure dans mon dos, surtout, a l'air de vibrer désagréablement. Je ne sais pas ce qu'il se passe, ni comment je peux encore me tenir debout, mais je compte tenir parole. Hors de question que je fasse comme si toute cette situation était parfaitement naturelle. Comme s'il était logique et normal que cette femme m'appelle par un prénom que je n'ai plus entendu être prononcé depuis des décennies. Un prénom, supposé être aussi mort que moi. Que celle que j'étais.
Je n'en ai jamais parlé à personne et ne comptais pas le faire. Ce secret-ci, j'avais bien l'intention de mourir avec. Mais la vie en a apparemment décidé autrement, cette traitresse.
La Grande Duchesse fait signe aux autres de s'en aller d'un simple hochement de tête et je n'entends finalement que les portes se fermant derrière eux. Je n'ose pas la quitter des yeux, de peur que tout ne soit qu'un rêve. Par méfiance, peut-être, aussi ?
Une fois seule avec moi, elle lisse les pans de sa robe et s'autorise un sourire.
— Tu as tellement changé. Tu es devenu une vraie jeune femme.
— C'est ce qui s'appelle la vie. Et avec tout le respect que je vous dois, cessez de faire comme si nous nous connaissions.
Peu touchée par mes mots sans doute trop durs, elle marche jusqu'au trône se trouvant là et y prend place. Je remarque qu'il est plus petit que ce a quoi je m'attendais, pour un endroit où qu'un d'important doit s'asseoir. Sans doute est-ce parce qu'elle n'est pas reine ?
— Il est vrai que tu ne me connais pas, déclare-t-elle. Pas vraiment, en tout cas. La dernière fois que nous nous sommes vues, tu étais haute comme ça.
Elle montre une distance entre sa main et le sol relativement faible, montrant combien je devais être petite.
— Mais tu te souviens de qui tu es vraiment n'est-ce pas ?
— Je suis Eleanora, fille de Kalea et Aven. J'ai grandi dans une ferme, loin de tout.
— Certes. Mais avant d'être Eleanora, fille de Kalea et Aven, tu étais Alora, fille de Verena et Kian. Avant de grandir dans une ferme, tu es née dans un palais, encore plus majestueux et somptueux que celui-ci. Tu étais une princesse et l'héritière du trône de Nirmae.
— La famille royale a été tuée. Il n'y a plus d'héritière. Voilà longtemps qu'une autre lignée a pris leur place.
D'ici, je vois son visage se fermer et peux lire une immense douleur dans ses yeux. Sa mâchoire se crispe et ses épaules se tendent. Parler de ceux qui règnent présentement n'est pas son sujet de discussion favori, on dirait.
— Je me rappelle de ce jour, comme si c'était hier, dit-elle, d'une voix brisée, éraillée.
Ses doigts viennent s'accrocher aux bras de son fauteuil. Ses yeux sont rivés vers le sol et son esprit laisse les souvenirs l'envahir.
— Tu étais si petite. Il faisait nuit lorsque l'attaque a été donnée. Ce sont les cris des soldats qui se faisaient massacrer, qui nous ont tiré du sommeil, bien avant que l'alarme ne soit donnée. Les villageois qui hurlaient à pleins poumons... Dehors, c'était le chaos, le feu se répandait partout. Le ciel était strié d'éclairs, de lourds nuages faisant couler un brouillard épais autour de nous.
Un frisson me parcourt. Je peux presque sentir l'odeur de la braise, de la cendre.
— Nous avons fui le palais, par des passages secrets. Ton père a ensuite ordonné à ta mère et moi de partir avec toi, de courir le plus vite possible. Il comptait rester là, pour se battre et la seule chose qui comptait pour lui, était de savoir que nous serions loin. En sécurité.
Mon coeur se serre douloureusement alors que des flashs reviennent. Ils sont flous, nombreux et se succèdent dans mon esprit, intensifiant mon mal de crâne.
— Ta mère a refusé de s'en aller sans lui. S'il restait, alors elle aussi. Elle aimait ton père à ce point, et les dieux savent qu'il le lui rendait bien.
D'un simple geste, elle chasse une larme que je n'ai même pas vu couler sur sa joue.
— Kalea m'a suppliée de t'emmener. Elle t'a serré fort, si fort contre elle, avant de te confier à moi. J'aurais aimé demeurer à leurs côtés, mais je savais que nous ne survirions pas. Ils nous auraient tous tués. Alors je t'ai attrapée et je t'ai emportée... tu pleurais si fort. Tu appelais tes parents, poussait des cris si déchirants.
De ma gorge, un sanglot s'échappe. Je ne peux le retenir et elle lève de nouveau ses yeux vers moi. Je me rends alors compte qu'elle n'est pas la seule à pleurer.
— Te souviens-tu ?
— Pourquoi est-ce que vous me dites tout ça ? demandé-je, et ma question sonne comme une supplique.
Je me fais l'effet d'être un animal blessé que l'on continue de torturer. Ces souvenirs, enfouis je ne sais comment, enfermés durant des années dans ma mémoire, décident maintenant de remonter à la surface, bien que peu nets, blessent autant qu'ils ont dû le faire à l'époque.
— Parce que j'aimerais savoir si tu te souviens de moi ? Durant notre fuite, nous avons réussi à prendre un carrosse et à nous faire escorter hors des limites du château par des hommes de la garde de ton père. Nous étions en route pour mes propres terres, là où nous serions en sécurité, au moins le temps d'y voir plus clair.
Les flashs me reviennent. L'intérieur d'un carrosse, semblable à celui dans lequel nous venons de voyager. Des cris, des ordres aboyés, au loin. L'étreinte rassurante d'une personne. Une voix douce, me demandant de fermer les yeux, qui me murmure que tout ira bien.
Avant que ça n'aille plus du tout.
Des secousses, encore des hurlements. Des râles et enfin, l'extérieur. Des soldats aux allures menaçantes qui essaient de m'attraper et moi, qui m'échappe.
— Ils nous ont retrouvées, dis-je dans un souffle.
— Oui, répond-elle, pleine d'espoirs. Nous avons quitté le carrosse et avons couru jusque dans la forêt. Malheureusement, ils m'ont rattrapée. Toi, tu étais plus jeune, plus petite et pouvais te faufiler partout...
Je sens soudainement les branches m'égratigner les chevilles et les bras, comme si je m'y trouvais encore. J'entends les épées qui s'abattent les unes contre les autres et les hommes qui tombent lourdement au sol.
Je me retourne, il fait noir et tout semple si immense. C'est terrifiant. Au loin, une silhouette qui essaie de me suivre, mais qui n'y parvient pas. Mon prénom, qu'elle crie et qui résonne entre les arbres.
Le mien, en réponse.
— Tante Emalyn, dis-je à haute voix, en même temps que celle de mon moi passé, dans ma tête.
Son visage s'illumine à nouveau et elle se lève d'un bond.
— Oui. C'est moi. Ta tante Emalyn.
Soudain, mes jambes se mettent à trembler violemment et ma tête à tourner. Ma vision se trouble et, avant d'une fois de plus sombrer dans l'inconscient, j'entends comme au loin, la voix de cette tante perdue, crier un prénom qui l'était tout autant.
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Hello !
Eleanora retrouve une partie de sa famille biologique ! C'est pas beau, ça ?
Alors, vos pronostics pour la suite ?
À très vite pour le chapitre 8 !
Pour retrouver toutes les news, fiches de personnages et quelques exclus sur le roman, c'est sur Instagram que ça se passe ! : @adelinegeorges.auteure !
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