Chapitre 3 - Partie 1.
Si l'on pouvait entendre une mouche voler il y a un instant, ce n'est plus le cas, maintenant. Tout le monde commence à rentrer chez soi, à s'enfermer à double tour, à fuir le périmètre. Et j'avoue que je me retiens moi-même, de prendre mes jambes à mon cou.
Car la présence de la Garde Royale ne peut signifier que deux choses :
Un Sang d'Argent a été dénoncé, ou traqué.Une guerre se prépare dans le royaume et l'armée vient chercher tous les hommes en âge de partir se battre.
Les deux options sont aussi peu engageantes l'une que l'autre.
Nami est tout aussi paniquée que les autres et presse son frère pour qu'il la rejoigne. Voilà des années que la Garde Royale n'est pas venue jusqu'à notre région, si reculée. C'est donc pour une bonne raison, et ça ne fera de bien à personne ici, je peux déjà le sentir.
Le sol tremble de plus en plus alors que je rattache ma petite carriole, désormais bien vide, au dos de Sirius. Bientôt, nous voyons des chevaux arriver au galop, puis au trot. Ce sont eux qui secouent la terre sur leur passage.
Un groupe d'une dizaine de soldats arrive. Tous sont vêtus d'une armure dorée bien brillante et portent avec fierté les armoiries de la famille Royale.
D'ici, je peux distinguer leur regard froid, la raideur de leur dos, la prestance de leur personne. Ils nous sont supérieurs, de par le rang et ils nous le font bien sentir, sans même avoir à ouvrir la bouche. Sur la place, il reste encore un groupe de personne et je m'approche de Nami, qui essaie tant bien que mal de dissimuler son cadet. Il est pourtant bien plus grand qu'elle, donc c'est peine perdue.
L'homme en tête de ligne n'est pas très âgé. Il doit être au beau milieu de la trentaine, pas plus. Ses épaules, que j'imagine déjà larges, sont amplifiées par la tenue officielle qu'il porte. Une épée est attachée à sa ceinture et je n'aimerais pas en tester le tranchant.
— Nous souhaitons voir la personne en charge, ici.
Même sa voix est glaciale, autant que ses yeux noirs, assortis à ses longs cheveux, attachés en une tresse, sans doute afin de ne pas le gêner.
— Alors c'est avec moi que vous devrez parler, dit une voix, provenant de derrière moi.
Je n'ai pas besoin de me retourner, car Braelyn franchit bien rapidement les quelques mètres la séparant de la Garde, allant se poster devant eux avec fierté.
Braelyn est la cheffe de notre village, comme l'était son père avant elle, puis sa mère avant celui-ci. Dans sa famille, le titre de chef revient aux aînés de la fratrie, qu'il soit homme ou femme. Tout comme ses prédécesseurs, elle prend soin de notre communauté. Bien évidemment, tout n'est pas parfait, mais aucune société de l'est, où que l'on se trouve. Au moins, nous sommes en paix, pauvres pour la plupart, certes... mais nous nous respectons tous assez pour ne pas nous faire souffrir, nous blesser les uns les autres. Il n'y a jamais eu de vol, d'attaques ou de meurtres par chez nous, car ceux qui ont essayé, par le passé, l'on amèrement regretté.
Du haut de son mètre soixante et de ses cinquante-deux ans, elle se tient là, droite et fière, devant des hommes de la Garde Royale, et je ne peux m'empêcher d'être impressionnée.
Celui qui a demandé à lui parler et que j'imagine être le plus haut gradé sur groupe descend de son cheval.
— Nous sommes ici par ordre royal.
Il sort une enveloppe d'une sacoche accrochée à la selle de son animal et la tend à Braelyn. Celle-ci s'empresse de l'ouvrir et au fil de sa lecture, son teint pâlit.
— Tous les hommes âgés de dix-huit ans et plus sont appelés au front, au nord du royaume.
Sa voix est blanche, éteinte et Nami attrape mon poignet, par pur réflexe.
— Nous sommes si peu, ici. Nous ne pouvons envoyer tous nos hommes se battre, explique Braelyn en pliant la lettre.
Elle relève ses yeux perçants dans la direction du soldat.
— Notre boulanger est un homme, les bucherons et les fermiers sont presque tous des hommes également. Nous mourrions de froid et de faim si vous nous les enlevez.
— C'est un ordre de la famille Royale, elle-même, répète le soldat, buté. Vous ne pouvez le contester, sinon nous nous verrions dans l'obligation de les emmener par la force.
Il marque une pause dramatique, avant de poursuivre :
— Et nous ne souhaitons pas en arriver là. Réunissez donc tous les hommes majeurs, capables de tenir une arme et de se battre. Vous avez une heure, le temps que nous laissions nos chevaux récupérer un peu.
Ensuite, il sort une deuxième chose de sa sacoche, qui d'ici, a l'air hors de prix. En cuir noir, elle est pourvue de magnifiques broderies d'or.
Dans ses mains, une bourse. Elle est énorme, bien fournie et pleine de, je le devine, pièces de monnaie.
— Vous serez bien évidemment dédommagés pour les pertes que l'absence de vos hommes pourrait engranger. La famille Royale vous donne ceci, en gage de gratitude.
Braelyn fixe le sac, qui a l'air tout aussi luxueux que la sacoche de laquelle il a été tiré et ne fait pourtant aucun mouvement pour la prendre.
— Vous êtes réellement en train de me proposer de vous vendre mes villageois ?
Le reste de la Garde lève ses yeux au ciel, comme si ce n'était pas la première fois qu'ils entendaient ce genre de phrase.
— Vos hommes reviendront, ne se démonte pas le soldat. Ceux qui survivront reviendront. Alors il ne s'agit pas là de vente, mais d'une compensation.
— Et vous croyez vraiment que cet argent changera quoi que ce soit ? Nous sommes loin de tout ! À quoi pourrait bien nous servir cette belle somme ?
Elle pointe la bourse du doigt, de mauvaise grâce. Et encore une fois, l'individu face à elle reste de marbre, montrant à quel point il est habitué à une telle réaction.
Je profite que tous les yeux soient braqués vers Braelyn pour murmurer à Nami de s'en aller discrètement, avec Elion. Il est assez âgé pour partir à la guerre, mais il ne ferait sans doute pas long feu sur un champ de bataille. D'abord, mon amie ne réagit pas et je pince doucement le dos de sa main, encore enroulée autour de mon poignet. Là, elle me regarde et je lui fais signe de fuir, de se cacher au moins le temps que les soldats partent, d'ici une heure.
J'use de ma taille, bien supérieure à la sienne, pour les cacher et mets intentionnellement Sirius près de moi afin de les laisser se faufiler. Heureusement, il y a un peu de monde autour de nous et c'est assez facile pour eux de partir.
— Tu ne vas pas accepter ça, Braelyn, n'est-ce pas ?
Thaddeus dévisage notre cheffe de village, désespéré. Lui est encore en âge d'être enrôlé... de même que son fils. De même que Theron. Et de bien d'autres personnes...
Mon père, lui, est trop âgé et a déjà été blessé au bras, lors d'un accident à la ferme, il y a quelques années. Je sais donc qu'il ne risque pas d'être appelé. Mais tous les autres ? Je crains pour eux de ne jamais les revoir alors que je les ai toujours connus. Le coeur serré, je ne sais que faire, me sentant totalement impuissante.
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Hello !
Alors, qui s'attendait à ça ?! 👀
À très vite pour la suite !
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