Chapitre 6 - Artémis
- Est ce que tu peux répéter ? demande-t-il d'une voix rauque.
- Pothos, ça fait déjà deux fois qu'elle t'explique, je pense que tu as compris, le reprend Thalya.
Je me passe une main dans mon carré blond, épuisée par la discussion qui vient d'avoir lieu. J'en ai marre de répéter qu'Antéros m'a laissé tomber pour ce que les humains appellent des vacances, comment je me suis retrouvée à faire un bout de chemin avec Thanatos pour finir par me planter de destination. Je ne comprends même pas comment j'en suis arrivée là ! J'ai l'impression qu'il ne veut pas comprendre que je souhaite seulement partir d'ici. Je me moque bien du reste.
- La seule chose que je veux savoir, si tu peux m'emmener jusque dans le Donegal. Je sais qu'il est là bas, je me débrouillerai pour le reste.
Nous ne devons pas être bien loin à vol de dieu. Alors il est hors de question que je perde du temps avec des transports humains si je peux l'éviter.
- Oui, je pense que c'est faisable. Tu sais précisément où il est ?
Je sors ce vieux téléphone dont je ne me servais que pour communiquer avec Antéros, et je tape l'adresse que j'ai pu récupérer dans l'historique de ce dernier. Normalement, il devrait se trouver là. Et si cette porte sur la Terre n'avait pas complètement déraillé, j'y serais déjà.
- Un bar ? s'étonne Thalya. C'est là qu'il vit ?
- C'est là qu'il est censé travailler.
- Je l'imaginais plutôt dans une galerie d'art, se moque Pothos. Il a vraiment des idées stupides parfois.
- A qui le dis tu...
Enfin... Peut-être que tout ceci nous permettra d'être enfin libre. Pour le moment, tant que je ne l'ai pas trouvé, je continue de penser que tout ceci est absurde.
- Artémis, tu penses que Thanatos pourrait chercher à s'en prendre à Pothos ? s'inquiète Thalya.
Ce dernier grommelle tandis que la rousse semble inquiète. Si j'ai bien compris, elle est censée être calée en mythologie, étonnant qu'elle ne sache pas que sa question est profondément inutile.
- Thanatos n'a aucun don sur Terre, et il est en fuite. Les Erotes sont la dernière de ses préoccupations.
- Maintenant que ma fiancé à fini de s'inquiéter, on va bouger.
- On n'est pas fiancé, rétorque Thalya en le fusillant du regard.
- Pour le moment. Artémis, on y va ?
Pothos se détourne vite de sa moitié, et je ne peux pas m'empêcher d'envier leur complicité, parce que je n'ai jamais eu le droit de la montrer avec Antéros.
- On en reparle à ton retour ! le prévient Thalya.
Ce dernier m'entraîne à l'extérieur de la chambre d'hôtel. Je ne l'avais jamais vu fuyant. Si je n'avais pas peur qu'il ne veuille plus m'aider, je ne me gênerai pas pour me moquer.
- Où sommes-nous au fait ?
- La Grèce. Je voulais la faire visiter à Thalya.
- Vous ne sembliez pas être en train de visiter...
- Au contraire. Elle découvrait le corps d'un dieu grec.
- Comme si elle ne le connaissait pas déjà !
Pothos laisse échapper un rire rauque tandis qu'il me guide jusqu'à une grande terrasse blanche et déserte à cette heure matinale. Le ciel se lève tout juste, créant un joli dégradé orange que je ne cesse d'admirer. C'est autre chose de le voir de la Terre. Le reflet du ciel dans l'eau rend le paysage idyllique, et je crois que je pourrais facilement m'habituer aux paysages humains.
- Je suis désolé qu'Antéros soit parti sans te prévenir.
Je sursaute en entendant la voix du dieu, et je le découvre en train de m'observer. Un sourire triste étire mes lèvres.
- Tu n'y peux rien. Au moins, ça me permettra de voir si Antéros est capable de m'aimer sans toutes ces règles qui n'ont plus d'intérêt.
- Je l'espère pour toi. Prête à le rejoindre ?
Un hochement de tête plus tard, me voilà sur le dos de Pothos bien loin de la Terre ferme. Cela fait une éternité que je n'avais pas volé en compagnie de quelqu'un d'autre que Antéros, et j'aurais aimé que cela dure. Au moins, ce n'est pas désagréable. Le vent s'infiltre dans mes cheveux, et j'observe avec émerveillement quelques oiseaux passer près de nous. Nous n'avons pas tout ça là-haut, ces animaux si banals, j'apprécie cette simplicité. Le paysage change peu à peu, le ciel dénué de nuage devant peu à peu plus orageux, et je pris pour qu'aucune averse ne nous tombe dessus. A croire que Zeus m'épargnera ça.
- Artémis, tu me sers trop fort le cou !
Je m'excuse en desserrant ma prise, retenant un rire, mais avant que je n'ai pu sentir quoi que ce soit d'autre, je sens Pothos se déstabiliser et perdre de l'altitude.
- Qu'est ce que tu fais ! m'écrié-je.
- On est suivi. On est bientôt arrivé, mais il vaut mieux baisser en altitude.
Suivi ? Je ne vois pas quel dieu pourrait nous suivre. Je garde les sourcils froncés alors que Pothos perd de l'altitude, et lorsqu'il se pose près d'un champ, je me prépare à utiliser mes dons. Celui qui nous suit ne doit pas savoir qui je suis.
J'observe tout autour de moi avec minutie, et je n'ai pas le temps de l'arrêter qu'il se pose dans mon dos. Alors je crée une fausse dans le sol pour l'y coincer, et je me retourne, prête à me battre s'il le faut.
- Toi ? m'étonné-je.
Hédylogos tente de sortir ses pieds de la boue, sans succès, et je croise les bras contre ma poitrine tandis que Pothos s'approche.
- Libère-moi, m'ordonne-t-il.
- Même pas en rêve, raillé-je.
- Pourquoi tu nous suivais ? interrompt Pothos, l'air agacé.
- Parce qu'il n'est pas question que vous approchiez Antéros. Je t'ai senti à des centaines de kilomètres, Artémis, et tu es celle qui doit rester le plus loin.
- Je te demande pardon ? m'éttoufé-je.
Il est censé surveiller Antéros, pas faire barrage bon sang ! Heureusement pour moi, Pothos semble de mon côté, et je crois que c'est un atout de taille que le plus agé des frères veuille m'aider.
- Laisse la passer, le rembarre Pothos.
Le frère que j'aime le moins me toise, l'air dur.
- Je ne peux pas te laisser tout lui dire. Je lui ai promis.
- Oh, parce que tu es un homme de parole maintenant ? raille Pothos.
- Qu'en as-tu à faire ? Tu as déserté l'Olympe pour vivre ton idylle, tu n'as pas ton mot à dire ! l'attaque Hédylogos.
- Je reste un dieu. Ne me sous-estime pas.
- Un dieu qui a réussi à se faire couper les ailes. Alors je crois que je peux te sous-estimer.
Je sens Pothos perdre patience, et avant qu'il n'en décolle une à son frère, je l'arrête d'une main sur l'épaule.
- Inutile d'en arriver aux mains. Il veut te faire sortir de tes gonds. Tu devrais rentrer auprès de Thalya, je suis à bond port, je peux bien me débrouiller avec cette divinité mineure.
Hédylogos prend mes mots comme une insulte et il a bien raison. Après un regard noir en direction de son frère, Pothos tourne les talons, et je dissuade d'un regard mon captif de balancer une énième méchanceté.
- Ne joue pas au plus malin, si je le décide je t'enterre sur place et il te faudra des heures pour t'en tirer.
Je le vois perdre son sourire immédiatement. il sait que je suis très sérieuse. Ce n'est pas parce que je suis de nature gentille que je ne suis pas capable de faire ce qu'il faut pour obtenir ce que je veux.
- Que fais-tu ici ? Le conseil t'avait interdit de le rejoindre.
- J'ai trouvé un moyen de contourner la décision. Je fais partie de ce conseil, je te rappelle.
Il ne semble pas convaincu mais ne rajoute rien. Il n'est de toute façon pas en position de force.
- Si tu comptes tenter de lui rendre ces souvenirs, je devrais t'en empêcher.
- Alors ça tombe bien, je ne compte pas le faire.
Ma réponse semble attiser sa curiosité, et je le laisse se libérer. Je ne compte pas le garder captif éternellement, j'ai besoin de lui pour me rendre auprès de Antéros.
- Je ne comprends pas bien.
- Je veux juste entrer dans sa vie et voir s'il peut se passer quelque chose entre nous en dehors de l'Olympe.
Un silence persiste durant lequel je fixe l'horizon, jusqu'à ce qu'un éclat de rire retentisse.
- Waou. Tu veux qu'il tombe amoureux de toi. La Grande Artémis est donc sentimentale ?
- Ferme là si tu veux pas passer la nuit avec les vers, grogné-je.
Cela ne fait qu'accentuer son hilarité, et je ferme les yeux pour me retenir de mettre ma menace à exécution. Je ne dois pas me faire remarquer, je ne peux pas l'oublier.
- Aurais-tu l'extrême obligeance de m'emmener à ton frère ?
- Qui me dit que je peux te faire confiance ?
Je pourrais ne pas répondre, je n'ai absolument rien à lui prouver. Pourtant aussi agaçant soit-il, je ne peux pas en faire un ennemi.
- Je n'ai aucun intérêt à ce qu'Antéros se souvienne de vos lois.
- Nos lois, Artémis.
Je ne relève rien, je préfère ne pas trop parler de ce que j'ai fait pour le moment. Je ne veux pas qu'Antéros l'apprenne par quelqu'un d'autre le jour où il retrouvera ses souvenirs. Parce que nous ne faisons plus partie du même monde.
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