« Ça aurait pu être bien pire »
J'étais assez habituée à être observée par les lycéens. Pendant les matchs de football, tous les spectateurs regardaient et critiquaient chacun de mes mouvements, attendant que je fasse une erreur ou que je fasse quelque chose d'incroyable. Pratiquement partout où j'étais allée, j'attrapais des gars qui me regardaient d'une manière qui me donnait envie de leur donner un coup de poing au visage et de courir loin, très loin d'eux. J'ai toujours été la première à me porter volontaire pour présenter des projets devant la classe, ce qui m'a amené à avoir beaucoup de paires d'yeux se concentrant sur moi.
Être le centre d'attention n'était pas quelque chose que j'aimais, surtout en ce qui concernait l'attention des garçons pleins d'hormones, mais c'était quelque chose qui venait de qui j'étais.
Cela étant dit, la façon dont tout le monde me regardait depuis mon arrivée au lycée ce lundi était vraiment inhabituelle. À chaque fois que je me retournais, je surprenais des personnes en train de détourner les yeux, alors que d'autres ne s'en donnaient même pas la peine Même quand j'avais le dos tourné, je ne pouvais pas ignorer le sentiment inconfortable que me procurait leurs observations. Je prétendais que ça ne me dérangeait pas, mais je commençais à en avoir vraiment assez.
Puisqu'il était l'heure de manger, je me dirigeais vers le self.
— J'ai quelque chose sur le visage ? demandais-je désespérément à Kelley qui me riait au nez.
— En plus de ce masque que tu portes ?
— Très drôle. Connasse.
Décidant de ne pas expliquer pourquoi je posais la question, j'ai suivie Kelley vers le groupe de tables non officiel de l'équipe. Christen était déjà assise à notre table habituelle et elle avait l'air ennuyée d'attendre que nous arrivions. Elle a sursauté lorsque nous avons glissé sur les places libres à côté d'elle, faisant tomber la tour de gobelets en plastique qu'elle était en train de construire. Nous riions plus fort que nous devrions, ce qui l'a motivée à nous jeter deux des verre tombés à la figure.
Quelques minutes plus tard, Tobin est arrivée avec une série de livres de calcul qu'elle laissa tomber négligemment sur la table. Le son a résonné dans la cafétéria alors qu'elle s'est assise à côté de moi, posant son front sur la table en gémissant. Après avoir partagés des regards confus avec mes amies, je lui ai doucement tapoté l'épaule.
— Quelque chose ne va pas, Tobs ?
Elle secoua la tête sans la soulever.
— Je vais avoir cet énorme test de calcul demain pour lequel je dois réviser à fond.
Kelley attrapa un des manuels et l'ouvrit en plissant les yeux comme s'il s'agissait d'une langue étrangère.
— Tu devrais juste aller à la bibliothèque pour être au calme.
— Je l'ai fait ! Tobin se pencha en arrière et leva les mains en signe d'exaspération. J'y suis allée directement quand ça a sonné !
Son éclatement soudain nous laissait toutes muettes, Tobin ne montrait jamais des signes d'agitation, surtout depuis que nous avions remporté le championnat national l'année dernière.
Ce fut l'un des matchs les plus intenses que nous ayons jamais disputé et nous avions à peine gagné grâce à un but chanceux à la dernière minute. Puisque c’était moi qui nous entraînais vers la victoire, l’équipe adverse était plus que désireuse de me blesser par la suite. Deux de leurs joueuses m'ont approchée dès le coup de sifflet final, ignorant le défilé qui avait été la célébration de mon équipe. Je m'étais retrouvée avec un nez ensanglanté, mais ça aurait été bien pire si Tobin n'était pas intervenue. L'arbitre a dû la retenir pour l'empêcher de faire quelque chose d'impulsif et de violent.
Ce n'était pas quelque chose dont elle était fière. Elle m'a présenté ses excuses près d'un milliard de fois pendant que les infirmiers tentait d'arrêter le saignement de mon nez. Je n'arrêtais pas de lui dire qu'elle n'avait pas besoin d'être désolée de m'avoir défendue, mais ça n'avait pas semblait la soulager. Plus tard, Tobin m'avait dit lors d'un retour en bus qu'elle ne se sentait pas mal de m'avoir défendue, mais plutôt parce qu'elle avait perdu son sang-froid devant tout le monde. Elle a dit qu'elle n'avait jamais voulu être une personne qui ne pouvait pas se contrôler.
Tobin soupira et se détendit légèrement.
— Je suis désolée les filles, c'est juste que les choses ont été vraiment bizarres toute la journée.
— Il se passe des choses étranges ? demanda Christen.
— Ouais, elle baissa la voix et se pencha doucement vers nous, les élèves n'ont pas arrêté de me regarder une seule fois depuis ce matin, et je ne sais pas pourquoi. J'ai quelque chose sur le visage ou quoi ?
Elle a directement attiré mon attention.
— Attends. Vraiment ? Les gens m'ont regardée toute la journée aussi !
Notre conversation fut interrompue par un type de mon cours d’histoire qui s’approchait de la table. Il leva ses deux mains vers Tobin et moi attendant un high five que nous lui donnions avec hésitation, et il nous félicita.
L'expression perplexe de Tobin reflétait la mienne, révélant qu'elle n'avait aucune idée de ce dont il parlait. Je venais seulement de réaliser qu'il aurait été judicieux de lui demander une explication, mais trop tard, il était déjà parti.
C'était la troisième fois que quelqu'un me donnait un high five pour des raisons que je ne connaissais pas.
— Tu vois ! Tobin fit signe à l'espace occupé auparavant par le gars. C'est bizarre. Les gens ne sont pas censés interagir avec moi.
Kelley prit la parole.
— Calme-toi un peu, je suis sûre qu'il y a une explication à tout ça.
Nous étions sur le point de continuer quand Ali s'approcha de notre table, les doigts tirant l'oreille d'Ashlyn pendant qu'elle l'entraînait avec elle, marmonnant quelque chose dans son souffle. Ashlyn nous jeta un coup d'œil gêné et tenta d'échapper à l'emprise d'Ali, en vain. Réalisant que ses efforts étaient inutiles, elle se redressa à côté de sa petite amie et nous fit face.
Il y avait une minute où personne ne disait rien, et tout ce que nous faisions était de les regarder alors que le silence devenait de plus en plus gênant. Puis Ali frappa doucement Ashlyn dans le dos, la forçant enfin à dire quelques mots.
— Hum... d'accord. Vous devez promettre de ne pas vous mettre en colère contre moi.
Oh mon Dieu.
— Qu'est-ce que tu as fait ? lui demandais-je, la faisant se frotter la nuque.
— Rien, Alex. Rien de grave.
— Je pense que c'est assez grave, la corrigea Ali en prenant une chaise pour s'y asseoir.
Quelque chose dans cette conversation sonnait vraiment faux. Ashlyn n'était presque jamais sérieuse à part à propos d'Ali, et la voir nerveuse était encore plus rare.
— Ne t'inquiète pas, Ash, lui dit Tobin. Nous ne serons pas en colère contre toi.
— Eh bien, hum, j'ai peut-être pris une photo de toi et Alex l'autre jour. Chez Kelley, elle grimaça comme si cette pensée la gênait. Et je l'ai peut-être postée sur Instagram.
J'étais toujours confuse, tout comme Tobin en vue de son expression. Nous avions pris une tonne de photos ensemble pendant que nous étions chez Kelley, aucune d'elles n’ayant une importance particulière. Ce n’était pas comme si Ashlyn avait attrapé un moment embarrassant pour nous et l'aurait montré au monde entier. C'était une rebelle, mais elle savait quelles lignes elle ne pouvait pas franchir.
— OK, regarde, Ali tendit la main et posa son téléphone devant Tobin. Ce n'était pas censé être une grosse affaire et provoquer ce genre de réactions.
— Ouais, Tobin, je ne savais pas que ça arriverait, ajouta nerveusement Ashlyn.
J'ai regardé Tobin hausser les épaules en décrochant le téléphone, puis presque s'étouffer avec le sandwich qu'elle mangeait. Je me saisis immédiatement du téléphone pour voir par moi-même ce qui l'avait secouée. Tout ce que je voyais, c'était une photo de Tobin qui me serrait la taille alors que je préparais des pancakes, sa tête regardant par-dessus mon épaule. Quand j'ai levé les yeux vers Ali, elle s'est penchée à contrecoeur et a fait défiler l'écran jusqu'à la section des commentaires.
— Wow.
Ashlyn gémit.
— Je suis vraiment désolée ! Je voulais juste dire des goals d'amitié, vous savez ? Je ne pensais pas que les gens le prendraient comme... ça.
Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire un peu en lisant chaque commentaire. Il y avait un court instant où tous mes rêves se réalisaient un peu.
Awn elles sont trop mignonnes ensemble !
Je savé que elle zetaient lesbos
Littéralement c'que j'veux dans mon couple bro
Elles sont en pyjama ? Scandaleux.
Tobin haussa les sourcils.
— Donc toute l'école pense qu'Alex et moi sommes ensemble maintenant ? Ali hocha la tête en réponse.
— Vous êtes officiellement le couple le plus sexy de Diamond Bar High.
Des centaines de personnes pensant que Tobin était amoureuse de moi devrait être la meilleure des choses, mais le sourire que j'avais au départ en lisant le commentaire de mes camarades disparaissait rapidement. Le fait était que Tobin et moi ne sortions pas ensemble et il était très peu probable que ma vérité reste cacher longtemps. C'était déjà assez dur de cacher mon secret à Tobin sans que toute l'école n'y prêtait attention. Cette rumeur ne ferait que mettre en lumière certain de mes sentiments si nous ne reprenions pas la situation en main.
Je regardai Tobin et constatai qu'elle se mordait la lèvre, ce qu'elle ne faisait que lorsqu'elle était nerveuse.
—————
Carli m'a prévenue que l'entraînement était annulé car Jill avait des choses plus importantes à faire. Je comptais utiliser ce temps libre à parler avec Tobin. Je devais donc la trouver et comprendre comment nous allions gérer cette rumeur, mais je ne l'ai pas aperçue une seule fois. Comme elle n'était pas dans une classe ou près du drapeau, j'ai décidé de lui parler demain.
J'étais presque arrivée à ma voiture quand un ballon de football a été lancé contre le sac que je tenais, le faisant tomber au sol ainsi que mes papiers qui dérivaient partout autour. Un gars vêtu d'un maillot de Diamond Bar High est apparu quelques secondes plus tard en courant.
— Oh mon Dieu. Je suis vraiment désolé.
— Ça fait rien, disais-je en me penchant pour ramasser mes fiches de cours et il en fit de même. Ça aurait pu être bien pire.
Il se permit de me faire un clin d'œil en me rendant mon sac.
— Je suppose que je dois travailler un peu plus sur mes passes.
Qui que ce soit, je pouvais dire qu'il avait de l'expérience pour draguer les filles. Je n'avais pas à regarder autour de moi pour savoir qu'il ne passait pas vraiment la balle à quelqu'un d'autre. Le maillot qu'il portait en disait long sur sa passion pour le football, montrant aussi que ses passes devraient être parfaitement contrôlées. Alors soit il craignait vraiment au football, ce qui me faisait douter car il était un joueur de l'équipe masculine, ou bien il m’avait lancé un ballon dessus pour qu’il ait une excuse pour me draguer. Les garçons étaient bizarres. Ou cons. Les deux, en fait.
— Je suis sûre que tes passes ne sont pas si mal, ma voix n'avait rien de ludique, mais il ne semblait pas comprendre le message.
— Peut-être que tu pourrais venir me voir faire de meilleures passes au match de vendredi ?
Je me suis remise droite sur mes jambes, mettant mon sac sur mon dos.
— Je suis occupée vendredi.
— Et si je te donnais un billet gratuit ?
— Je reste toujours occupée vendredi.
Je me suis détournée de lui et je suis montée dans ma voiture avant qu'il ne puisse répondre quoi que ce soit, en allumant le moteur pour m'assurer qu'il sache que je comptais partir.
En général, je n'étais pas aussi dure lorsque je refusais des invitations à sortir, mais il avait lancé un ballon de football sur moi. Ce n'était pas une façon d'approcher la gente féminine.
J'ai jeté un coup d'œil derrière moi avant de sortir de mon espace de stationnement pour m'assurer qu'il ne persistait pas et ne restait pas dans les parages. Je pouvais le voir s'éloigner, mes feux arrière brillant sur sa silhouette. Le dos de son maillot était étiqueté avec de grandes lettres blanches épelant CARRASCO.
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Il y avait un marathon de films Harry Potter à la télévision ce soir-là qui commençait à dix heures. Ce n'était probablement pas la meilleure idée car je devais me lever tôt pour les cours de demain, mais ABC Family ne diffuserait pas toute la saga avant au moins un mois. Je n’étais pas assez patiente pour supporter d’attendre aussi longtemps, alors qu'être un peu fatiguée demain était un si petit prix à payer.
Je m'étais changée avec mon chandail de Poudlard et m'étais nichée sur le gros pouf dans lequel mon père s'asseyait pour les ooccasions comme celle-là. Ça fit secouer la tête de ma mère et elle me dit que j'étais une fanatique avant de se diriger vers son lit pour aller dormir.
J'étais à mi-chemin de la Coupe de Feu lorsque j'ai commencé à sentir les griffes du sommeil se resserrer lentement sur mon esprit. Je n'essayais pas de me défendre, je me suis juste contenté de poser un oreiller sur ma poitrine et de me rouler en boule pour être plus à l'aise.
Aujourd'hui avait si perturbant que m'endormir au son du Tournoi des Trois Sorciers était très attrayant. J'ai alors pensé que demain les choses allaient peut-être être de nouveau chaotiques. Mais je profitais à fond de ce présent, puisqu'il était paisible et les regards des autres n'étaient concentrés sur moi.
Cette pensée résonnait dans tout mon esprit lorsque mes yeux ont commencé à se fermer.
J'ai rêvé que je remportais la Coupe du Monde avec toutes mes coéquipières. Quelqu'un me tendait un drapeau américain et après avoir couru avec dans une immense joie et fierté, je l'avais enroulé autour de mes épaules. Il y avait des confettis dorés qui m'entouraient et la foule était si enthousiaste que j'avais l'impression que je pouvais me noyer dans leur excitement. Des feux d'artifice rouges, blancs et bleus illuminaient un ciel nocturne avec certaines des constellations préférées de Tobin gravées dans celui-ci. Je regardais tout autour de moi et j'ai réalisé que c'était ce que j'ai toujours été destinée à faire.
Tobin courait lentement vers moi, sautant dans mes bras et enroulant ses jambes autour de ma taille. Je la serrais aussi fort que je le pouvais, en rapprochant son corps contre le mien d'une manière que je n'avais jamais eu le courage de faire auparavant. Tobin était douce et je ne voulais jamais qu'elle parte de mon emprise ; debout avec elle dans mes bras devant le monde entier. J'ai aussi réalisé que je pourrais considérer ce moment comme le meilleur de ma vie.
Et à la fin de ce rêve, nous passions toute la nuit à célébrer notre victoire.
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