Foudy n'a pas pu m'extraire beaucoup d'informations. Chaque fois qu'elle me posait une question sur les motivations de Tobin à agir si violemment, je faisais comme si je ne les connaissais pas. Je pouvais voir que mon secret la contrariait, car elle savait à quel point Tobin et moi étions proches, et elle était certaine que je devais savoir quelque chose.
Malgré tout, j'ai continué à dire que je ne savais absolument pas pourquoi Tobin attaquerait Servando. Mme Foudy restait méfiante face à mes réponses tout au long de ce qui ressemblait à un interrogatoire, et elle n'avait pas tort de supposer que je dissimulais des détails cruciaux.
J'étais certaine que la bagarre et ce qui s'était passé au match de football de vendredi soir étaient liés.

Une partie de moi voulait lui raconter ce qui s'était passé sous ces gradins, mais je ne pouvais faire sortir les mots sur le bout de ma langue. Le simple fait de penser à la force avec laquelle ses lèvres s'étaient pressées contre les miennes me faisait me sentir incapable de parler comme un cadavre.
En outre, le principal avait clairement indiqué que les actions injustifiables de Servando seraient toujours pardonnées, simplement parce qu'il était un homme capable de lancer un ballon de football.
Le dre à Foudy reviendrait à le dire au principale, ce qui ne donnerait pas grand chose.

Après m'avoir posé des questions pendant presque une heure, elle m'a finalement dit que je pouvais retourner en classe. Je me suis dirigée assez rapidement vers la sortie parce que j'avais très hâte de lui échapper. Ma main commençait seulement à pousser la porte de sa classe quand elle m'a donné une dernière chance d'être honnête avec elle.

— Tu peux tout me dire, Alex. Je veux seulement aider Tobin.

Je l'ai cru. Je l'ai vraiment fait.

— Merci, Mme Foudy.

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Tobin ne s'est pas présentée à l'entraînement cet après-midi, ce qui me donnait l'impression d'avoir un trou dans la poitrine.

J'ai dû créer un triangle avec Kelley et Christen quand il est devenu évident que ma partenaire de passes ne viendrait vraiment pas.
Je pouvais voir la curiosité dans les regards furtifs que se donnaient mes coéquipières. Elles avaient évidemment entendu parler des actions inhabituelles de mon milieu de terrain préféré, puisque une vidéo de son coup de poing dans le nez de Servando avait déjà commencé à circuler sur Instagram. Je m'attendais à ce qu'elles me bombardent de leurs questions, mais elles se sont abstenues de le faire.

Jill nous a demandé de nous entraîner à faire des tirs au but et nous nous alignions toutes derrière les marques blanches, le début de la surface de réparation.

Hope Solo bloqua ma balle et la jeta vers la ligne de touche juste pour m'embêter. Mon échec à envoyer la balle dans le fond du filet ne me mit pas de meilleure humeur. Mais je savais que si Hope n'avait pas été là, le tir serait rentré.
Je ris un peu en allant chercher le ballon, mais ma joie a disparu instantanément dès que j'ai aperçu qui se tenait à côté de mon entraîneure.

Le directeur me fit un signe et me donna un sourire lorsqu'il m'a vu, et ma colère augmenta. Les démons ne devraient pas être autorisés à marcher sur ce terrain. Il dit encore quelques mots à Jill avant de se retourner et de partir dans son bureau. J'ai eu du mal à résister à l'envie de poser ma balle par terre et de la lui tirer derrière la tête.
Jill m'interpella et me fit signe d'aller la voir.

— Oui, coach ?

Elle laissa échapper un long souffle.

— Je suppose que tu sais de quoi je veux te parler.

J'ai senti l'anxiété germer dans mon estomac.

— Ça a quelque chose à voir avec Tobin ? demandais-je et elle essaya de me sourire, mais ses yeux ardents rendaient douloureusement évident le fait qu'elle évitait d'exploser.

— J'ai de bonnes nouvelles et de mauvaises nouvelles. La bonne nouvelle est que Tobin ne sera pas expulsée.

Oh, merci mon Dieu.

— La mauvaise nouvelle, c'est qu'elle sera sur le banc de touche pour les trois prochains matchs.

Merde.

— Trois matchs ? Vous êtes sérieuse ?

Elle pinça les lèvres en réponse à mon exclamation véhémente, car c'était le seul moyen pour elle d'empêcher sa colère de s'échapper de sa bouche.

— Je ne suis pas contente de ça non plus. Mais en tant qu'employée de ce district scolaire, je suis obligée de donner à Tobin une sorte de punition.

Le courant d'anxiété dans mon estomac s'était transformé en arbre colosal.

— Nous avons besoin d'elle sur le terrain, coach ! L'équipe doit gagner la ligue pour se qualifier pour le championnat national !

Sa voix devint incroyablement nouée.

— Penses-tu que je ne le sais pas ? Elle a de la chance que je ne la mette pas sur le côté pour le reste de la saison après cette pagaille qu'elle vient de faire. C'est la punition la moins sévère que je puisse lui donner.

J'ai ouvert la bouche pour protester contre son affirmation, mais elle m'a coupé rapidement.

— Je ne vais pas me disputer avec toi à ce sujet, Morgan, le feu dans ses yeux n'était pas encore éteint. J'adore Heath, et je suis sûre qu'elle avait ses raisons de faire quelque chose d'aussi stupide, mais la laisser s'échapper est quelque chose que je ne peux tout simplement pas faire. Cela mettrait ma réputation et mon travail en jeu.

Tobin ne méritait pas ça.

— Jill, tu ne peux pas faire ça pour...

— Je peux faire ce que je juge nécessaire. Et je pense que nous savons toutes les deux que ça devait être fait.

Ce qui était vraiment nul, c'est qu'elle avait raison. Tobin avait enfreint une règle majeure de l'école et, en tant qu'athlète, elle était condamnée à être punie. Si Jill refusait d'agir, le principal prendrait note et l'intégrité de toute l'équipe serait mise en doute.
Être sur le banc de touche pendant trois matchs semblait être une bénédiction par rapport au fait d'être renvoyé de l'équipe, ce qui était généralement le cas pour les joueurs qui ne pouvaient pas contenir leur impulsivité. Jill était déjà clémente envers Tobin, et mes efforts pour la convaincre de ne pas punir Tobin ne pouvaient aboutir.

Je me suis remise à ma place, vaincue. Être championne de ligue allait être très difficile sans mon milieu de terrain préféré sur le terrain. Si je voulais sauver Tobin et mon équipe, je devais trouver un moyen de clarifier son nom.

—————

Mon père est sorti de ma vie quand j'avais treize ans. Ça s'est produit à cause de plusieurs raisons.
Ma mère était toujours dans son école d'infirmière à ce moment-là et elle était forcée de travailler à un restaurant local quand elle n'était pas en classe. Elle rentrait chez elle au milieu de la nuit, stressée et grincheuse, et je m'isolais souvent dans ma chambre pour éviter de l'énerver.
Nos fins de mois limités signifiaient que ma mère ne pouvait pas se permettre de m'inscrire au programme de football du club local, ce qui me laissait plus que dévastée.
Bien que je savais que la décision de mon père de partir était à l'origine de nos problèmes financiers, je me suis retrouvée avec un ressentiment injustifié envers ma mère. L'atmosphère chaleureuse qui régnait jusque-là dans notre maison a soudainement disparu et une atmosphère tendue et lugubre l'a remplacée.
Il n'avait jamais tenté de nous rejoindre. Il devait avoir changé son numéro de téléphone portable, parce qu'un système automatisé prenait la relève chaque fois que je l'appelais. Je vérifiais le courrier tous les matins dans l'espoir de découvrir une lettre de lui, mais tout ce que je trouvais dans la boîte aux lettres, c'était des factures. La seule chose qu'il nous envoyait était un chèque chaque mois, mais maman devait contacter les services sociaux pour le forcer à le faire.

Il a cessé de me manquer quand l'attente constante est devenue trop tortueuse. Et ce jour-là, c'était aussi le jour où ma mère et moi avions commencé à nous réconcilier.

Je ne savais pas trop où il se trouvait actuellement. Il y a environ un an, Christen m'avait dit qu'elle l'avait aperçu dans un supermarché, avec une femme séduisante à ses côtés et un bébé posé sur sa hanche. Cette nouvelle m'avait fait mal au cœur, mais j'étais incapable de l'oublier. L'idée qu'il ait une nouvelle famille restait encrée dans ma tête et me pesait sur le moral. Je me suis même demandé si ce bébé qu'il tenait était le sien, malgré que ça semblait improbable. Il ne nous avait laissé tomber que quelques années auparavant ; cela ne lui donnait pas assez de temps pour refonder une famille avec une autre femme.
J'en avais parlé à Kelley, car c'était elle qui était là pour moi après le départ de mon père. Elle l'avait appelé par une variété de termes impolis, puis elle avait dit que nous devrions le traquer et jeter des œufs sur sa maison. Cette suggestion m'avait fait rire, mais je lui ai dit qu'endommager sa propriété n'en valait pas la peine. Je savais que ça ne changerait rien.

—————

Quand je suis rentrée à la maison, l'odeur du poulet grillé et du pain chaud m'a assaillie dès l'entrée. J'ai posé mes sacs par terre et j'ai suivi ce parfum divin jusqu'à la cuisine, où se trouvait ma mère penchée au-dessus d'une poêle bouillante sur le feu. Elle leva les yeux quand elle m'entendit s'approcher et un doux sourire se matérialisa sur son visage. Ses lunettes étaient légèrement embuées, mais je pouvais toujours voir ses yeux brillants.

— Hey chérie, comment était l'école ? ce à quoi j'ai répondu par un haussement d'épaules et pris un siège autour de la table à manger.

— Ç'aurait pu être pire.

Elle s'essuya les mains avec un chiffon propre et éteingnit le fourreau.

— Tout va bien ? Habituellement, tu réponds simplement « bien » et tu restes dans ta chambre jusqu'à ce que le dîner soit prêt.

J'ai hésité un long moment avant de décider que lui parler de mes problèmes ne me ferait aucun mal.

— Tobin s'est battu, aujourd'hui. Elle sera sur le banc pour les trois prochains matchs et je ne sais pas comment l'aider.

Ma mère sortit le plateau de petits pains du four.

— Tobin ? Tobin Heath ? demanda-t-elle et j'acquiesçais.

— Oui, maman. Tobin Heath.

Elle posa le plateau de nourriture sur le comptoir et secoua la tête avec incrédulité.

— Comme ton amie, Tobin Heath ? Cette fille est une sainte. Qu'est-ce qui l'a poussée à faire quelque chose pareille ?

La sensation désagréable que j'avais ressentie lorsque Servando m'avait embrassé s'est mis à couler dans mes veines. J'ai ravalé mon mal-aise et fermé les yeux pendant deux secondes.

— Eh bien, elle l'a fait pour les bonnes raisons. Je ne sais pas comment le prouver. Le directeur est pressé de la déclarer coupable, et il est trop têtu pour envisager une autre possibilité.

Ma mère laissa échapper un rire sec.

— Il ressemble beaucoup à ma patronne. Toujours blâmer le petit gars pendant que le vrai méchant s'en va.

Je me suis abstenue de lui dire que son travail était menacé.

— C'est exactement ce qu'il fait, maman. Je sais que Tobin a enfreint les règles, mais Servando n'est pas un ange innocent dans cette histoire. Je ne sais pas pourquoi tout le monde le traite comme s'il l'était, dis-je alors que ma mère leva les sourcils.

— Elle se battait avec Servando ? Celui qui joue au football ?

Pour autant que je sache, il n'y avait personne d'autre à Diamond Bar qui s'appelait Servando.

— Lui-même.

— J'ai pensé qu'elle s'était battue avec une fille ! Pauvre Tobin ! Servando a dû la briser comme un bâton.

Je n'ai pas pu contenir mon sourire.

— Il ne l'a même touché une seule fois, maman, elle enleva ses lunettes embuées, et ses yeux se sont arrondis.

— Tu es en train de me dire que Tobin, qui n'a jamais levé la main sur une autre personne dans sa vie, a battu un garçon faisant deux fois sa taille ?

Mon sourire n'a fait que s'élargir, malgré la gravité de la question dont nous discutions.

— Elle l'a fait, je te le jure.

Ma mère ne dit rien et son expression devint fermée.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demandais-je en la regadant serrer ses lèvres.

— Si Tobin a vraiment été aussi agressive, il sera très difficile de prouver que Servando n'est pas la victime.

Et mon sourire disparut.

— Je sais.

Elle s'assit sur la chaise à côté de moi et posa une assiette de poulet devant moi. Il semblait grillé à la perfection, et les petits pains eux aussi étaient légèrement grillés, mais je ne pouvais pas me résoudre à en goûter un. J'avais perdu mon appétit.
Ma mère a dû voir mon changement soudain d'attitude, car elle a ajouté rapidement :

— Ça ne veut pas dire que c'est impossible. Je sais que Tobin ne ferait pas de mal à quelqu'un sans raison, alors Servando devait vraiment l'avoir cherché.

Ses lèvres avaient été trop chaudes, comme s'il avait été en chaleur.

— Ouais. Il le méritait amplement, elle prit ma main.

— Alors vous devez vous assurer que tout le monde connaisse la vérité. Personne ne va soutenir Servando si ce qu'il a fait est inexcusable.

J'ai utilisé ma main libre pour pousser mon poulet avec ma fourchette.

— Nous n'avons aucune preuve. Le principal ne va pas nous écouter.

— Hé bien, vous devez encore essayer. Ma fille n'a jamais été quelqu'un qui abandonne facilement.

Je ne savais pas comment lui dire que je commençais à en avoir assez d'essayer.
Depuis la soirée pyjama de Kelley, ma vie avait été entraînée dans un tourbillon d'événements que j'avais du mal à gérer.

— Alex, tu dois défendre ce qui est juste, peu importe qui est en tort, dit-elle alors que je la regardais et lui souri.

— Tu sais, la plupart des parents diraient simplement à leurs enfants de rester en dehors de ça, elle tendit la main et piqua un de mes petits pains.

— Je préfère élever un enfant avec des principes moraux plutôt qu'un enfant obéissant. De plus, nous parlons de Tobin.

Je lui ai décoché un regard interrogateur.

— Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire ? demaindais-je lui faisant rouler les yeux.

— Tu ferais n'importe quoi pour Tobin, Alex. Si je te disais de rester en dehors de ça, tu t'impliquerais quand même d'une façon ou d'une autre.

—————

J'ai appelé Tobin avant de m'endormir cette nuit-là, car je mourais d'envie de m'assurer qu'elle allait bien. Quand elle n'a pas répondu, je lui ai envoyé des messages. J'ai attendu qu'elle réponde pendant vingt minutes, mais elle n'avait même pas ouvert mes textes. J'ai alors envoyé un texto à Kelley et Christen.

Appel Skype d'urgence. Maintenant.

Lorsque mon ordinateur démarre enfin, je constate que Kelley et Christen sont déjà en communication vidéo et m'attendent. Kelley porte le t-shirt Biamond Bar Soccer de notre première année, et je peux voir qu'il a été usé par toutes les nuits où elle l'a porté pour dormir. Ses yeux ont l'air tombants, comme si elle venait de se tirer du lit. Christen ne semble pas très vivante, mais elle parvient à me sourire quand elle voit mon image apparaître. Je peux voir son chien sur le lit derrière elle, roulant avec ses mâchoires claquées autour d'un jouet à mâcher rouge vif. Kelley essuie le sommeil de ses yeux et bâille.

— Quoi de neuf, Morgan ?

— Nous devons élaborer un plan, dis-je alors qu'un sourire malicieux s'étendait lentement sur son visage.

— J'ai une longueur d'avance sur vous.

Christen et moi regardions Kelley attraper son sac à dos et sortir un vieux cahier en lambeaux. Elle feuilletta les pages jusqu'à ce qu'elle ait trouvé ce qu'elle cherchait. À ce moment là, elle a émis un petit « ahah » et montra le papier devant la caméra. Christen demanda exactement ce que j'allais moi aussi demander.

— Qu'est-ce que OST signifie ?

Kelley éloigna le papier de la caméra pour que nous puissions de nouveau la voir.

— Opération Sauvons Talex, nom d'un écureuil !

Christen se gratta la tête, comme si elle réfléchissait profondément.

— Tu sais, Kelley, parfois je me demande si ta mère ne t...

Je l'interrompis avant que l'insulte ne puisse quitter sa bouche.

— Attends, attends, remontre le papier.

Elle reposa le papier devant la caméra, et j'ai regardé de plus près son contenu.

— Kelley, il n'y a rien d'écrit dessus à part le titre. Je pensais que tu avais dit que tu avais un plan ? elle reposa le papier et leva un doigt correcteur.

— Non, j'ai dit que j'avais une longueur d'avance sur vous et je l'ai. J'ai déjà trouvé un nom pour notre brillant plan.

Christen sourit.

— Alors, je suppose que nous devons commencer à composer l'Opération Sauvons Talex maintenant.

Je me mordis la lèvre et j'ai passé mes doigts dans mes cheveux nerveusement. Je sentais l'appréhension s'accumuler dans mon estomac, mais je me suis forcée à l'ignorer.

— Avant ça, je pense que je devrais vous parler de quelque chose. Quelque chose qui s'est passé vendredi soir.