« Disons qu'on remonte de loin »

Quand j'étais en quatrième, la plus belle fille de l'univers s'était assise à côté de moi en mathématiques. Elle venait tout juste de déménager du New Jersey à Diamond Bar, comme l'avait annoncé le professeur lors de sa présentation.

Je me souvenais avoir pensé que c'était incroyable, qu'elle venait d'un monde complètement différent du mien.

Elle avait souri à toute la pièce et je n'avais pu m'empêcher de sourire en retour comme une idiote. J'avais presque commencé à hyperventiler quand on lui avait assignée la chaise vide à côté de moi.

- C'est quoi ton nom ?

Durant un instant, j'avais même oublié comment parler. Sa voix m'avait littéralement laissé sur le cul.

- Alex. Morgan. Alex Morgan.

Elle avait ignoré mes bégaiements et avait rigolé.

- Eh bien, je suis ravie de te rencontrer, Alex Morgan. Je suis aussi désolée que l'on se rencontre dans ces circonstances.

J'avais haussé les sourcils, confuse.

- Qu'est-ce que tu entends par là ? avais-je demandé pendant qu'elle se penchait en arrière sur sa chaise et qu'elle me montrait la pièce dans laquelle nous étions.

- Un cours de maths. Le salle où se meurent les rêves de réussite scolaire.

Malgré une vision si morbide de la classe, Tobin était vraiment très douée pour la résolution d'équations. Elle ne s'était jamais portée volontaire pour répondre aux questions, mais elle a dit qu'elle m'aiderait chaque fois que je le lui demanderais.
Je n'ai jamais eu besoin d'aide, mais j'avais une sensation étrange dans mon estomac chaque fois que je pouvais attirer son attention.

Comme tous les élèves, je n'aimais pas trop les cours, et Tobin les transformait en quelque chose que j'attendais avec impatience, rien que pour la voir et lui sourire.

Au fil du temps, mon béguin pour elle n'a cessé d'augmenter, et je n'ai jamais su l'arrêter.

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Kelley O'Hara n'était jamais censée savoir sur qui j'avais un crush. Elle était ma meilleure amie depuis que nous étions dans la même équipe de football en CM1, mais l'idée de lui en parler me faisait peur. Je ne connaissais pas ses opinions sur les homosexuels et je ne savais pas ce que je ferais si ils étaient négatifs.
À vrai dire, je craignais qu'elle ne le dise à tout le monde, car même si elle était incroyablement gentille, elle parlait de n'importe quoi à n'importe qui. Je ne voulais pas perdre ma meilleure amie pour quelque chose qui n'était pas de ma faute, pour quelque chose que je ne pouvais pas contrôler.

- Pour qui as-tu le béguin, Alex ? demanda-t-elle alors que je m'étouffais avec l'eau de mon verre, surprise de voir à quel point sa question était hors sujet.

- Quoi ?

- Je t'ai demandé sur qui tu as un crush. Tu n'as pas besoin de me le dire si tu ne veux pas, mais ces derniers temps, tu agis vraiment de façon anormal et ça m'intrigue.

J'ai alors dit la première chose qui m'est venue à l'esprit, mon premier instinc :

- Je n'ai le béguin pour personne.

- C'est Tobin, n'est-ce pas ? conclua-t-elle alors que je m'étouffais de nouveau avec mon eau.

- Non. Non, ce n'est certainement pas Tobin.

Elle m'a regardé un instant et m'a souri avant de venir s'asseoir à mes côtés. Elle m'a serré dans ses bras et j'ai eu l'impression de pouvoir respirer pleinement et sereinement pour la première fois depuis le début de l'année.

- C'est bon, idiote. Je vois bien comment tu fais tout pour ne pas laisser ton regard se balader sur elle dans les vestiaires, rigola Kelley.

J'ai commencé à rire nerveusement et a joué avec mes doigts tremblants.

- Je fais ça depuis toujours, je trouve ça irrespectueux d'observer les autres sans leurs autorisations.

Ma voix était partie dans les aigus, signe que je mentais, et ça, Kelley le savait parfaitement.

- Hé, Alex, c'est bon. Je me fiche du sexe de la personne qui te plaît, tant qu'elle te mérite et te respecte, sur ses paroles, elle resserra son étreinte.

- J'avais tellement peur de ce que tu pouvais dire, commençais-je à pleurer. Je suis désolée, Kelley.

- Je ne pourrais jamais juger ma meilleure amie sur son orientation sexuelle, ou même sur quoi que ce soit d'autre, me rassura-t-elle. Et puis, je suis sûre que Tobin te donnerait l'autorisation de la mater.

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J'ai seulement failli mourir une fois dans ma vie, une fois de trop certes, mais Dieu merci, elle était là pour me sauver.

C'était le dernier jour de mon année de quatrième, le soleil californien me donnait envie de rentrer à la maison et de sauter dans la piscine. J'avais déjà dit au revoir à Kelley, sachant que je la verrais cet été et que nous irions au même lycée.

Je cherchais la voiture de ma mère, mais mes yeux ont été attirés par Tobin, assise sur un muret non loin de moi. J'ai pensé à aller lui parler, juste pour lui dire au revoir et lui demander dans quel lycée elle irait, mais mes sentiments pour elle étaient tellement puissants que j'étais incapable de lui parler sans me perdre dans mes propres propos, j'étais beaucoup trop nerveuse en sa présence. Puis, une partie de moi ne voulait pas savoir si elle allait, oui ou non, au même lycée que moi.
Alors, je l'ai simplement regardé.

Soudainement, une voiture a klaxonné, me tirant ainsi de mes pensées. J'ai levé les yeux pour voir ma mère m'attendre dans sa voiture de l'autre côté de la rue. Je me suis détendue instantanément et me suis dirigée vers elle, prête à commencer mes vacances.

Et j'ai fait cette erreur qui aurait pu m'être fatale : je n'ai pas pris la peine de regarder les deux côtés de la chaussée avant de traverser

Tout s'est passé très vite ensuite. Je me suis engagée sur la route, mes livres à la main et mon sac à dos en bandoulière. J'ai vu le visage de ma mère devenir terrifié et sa bouche formait un cri que je ne pouvais pas entendre par-dessus le bruit des freins et du crissement des pneus.

J'avais entendu dire que le temps ralentissait lorsque vous étiez sur le point de mourir. Alors quand j'ai tourné la tête, le camion qui fonçait droit sur moi arriver lentement. J'ai senti le poids de mes livres partir ; j'étais complètement paralysée par la terreur.

Le camion, bien qu'il freinait de toute ses forces, roulait très vite et s'approchait de moi encore et encore. Il n'était plus qu'à environ cinq mètres de mon corps quand quelque chose est venu s'écraser de tout son poids sur moi, nous envoyant violemment de l'autre côté de la chaussée.

Tout cela s'était passé en moins de six secondes et j'avais certainement dû fermer les yeux pendant la sixième parce que je n'avais pas vu ce qui m'avait propulsée par terre. Je sentais le sol dur sous moi, du gravier était rentré dans certaines de mes blessures, les faisant bruler de douleur, et une masse sur mon corps, que je pensais être le véhicule qui m'avait tué.
Je me croyais réellement morte, et que, quand je rouvrirais les yeux, je verrais le Paradis ou quelque chose du genre. Mais quand je les ai ouverts, la seule lumière vive que j'ai vu a été le soleil dans le ciel. J'entendais vaguement la voix de ma mère se rapprochait, tandis que le poids sur moi devenait de plus en plus lourd. J'ai baissé les yeux pour voir ce qui se trouvait allongé le long de mon corps : c'était une personne aux cheveux châtains, si pâles que ça en était presque du blond.

Tobin.

Elle me serrait si fort que j'avais l'impression que mes os allaient se briser, et son visage était enfoui dans mon cou. J'aurais aimé qu'elle y reste pour toujours, mais elle m'a immédiatement lâchée en me sentant bouger.

- Alex ? Jésus. Est-ce que ça va ?

J'ai fait un signe de tête. Il y avait quelque chose de chaud qui coulait le long de mon front.

- Qu'est-ce qui vient de se passer ?

Elle a replacé des mèches de cheveux derrière mon oreille et mon cœur a commencé à s'emballer rapidement.

- Tu as presque été renversée, Lex... Ça mérite au moins dix pénaltys !

Elle a réussi à me faire rire un peu. J'ai prudemment levé ma main pour sentir ce qui était sur mon visage et elle est revenue couverte de sang sombre et épais. Mon expression a dû révéler à quel point ça m'a effrayée parce que Tobin a ôté sa flanelle et l'a posée doucement sur ma tête. Je m'attendais à avoir mal, mais je n'ai rien senti du tout, c'était comme si ma tête était engourdie.

- J'ai cogné ma tête ?

- Non, mais je pense que mon épaule l'a accidentellement touchée quand je t'ai poussée.

J'ai hésité quelques instants.

- Quand tu m'as quoi... ?

Quelque chose derrière elle l'a fait se tourner, et elle a secoué légèrement la tête.

- Plus tard. L'ambulance est là pour s'occuper de toi maintenant, d'accord ?

Je n'ai pu qu'hocher la tête et serrer sa main dans la mienne quand elle me l'a attrapée. Soudain, deux hommes se tenaient au-dessus de moi et ont déliées nos mains. J'ai essayé de protester, mais une atroce douleur m'a transpercé la tête, et tout ce que j'avais pu faire, ç'a été de me maintenir au brancard.

L'ambulance était si froide que je me suis demandée s'ils avaient l'air conditionné et si Tobin serait autorisée à venir avec moi. J'ai tenté d'appeler ma mère le plus fort possible avant qu'ils ne me placent un masque à oxygène sur la bouche. Elle a eu l'air de l'entendre puisqu'elle est apparue presque aussitôt.

- Je suis là, ma chérie, je suis là. Je suis tellement désolée...

J'étais sûre qu'elle a continué de dire des choses, mais je ne les entendais plus. C'était comme si mon esprit dérivait lentement de mon coprs et que je ne pouvais pas trouver un moyen pour relier les deux. J'ai commencé à paniquer, j'avais peur de ce qui allait se passer. J'ai regardé ma mère et, juste avant la fermeture des portes de l'ambulance, j'ai regardé Tobin. Elle se penchait pour ramasser soigneusement mes livres, tombés par terre. Elle a levé les yeux juste à temps pour rencontrer les miens.

Et j'ai perdu connaissance.

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Le premier jour de l'année à Biamond Bar High, Tobin et moi nous dirigions vers la salle de sport.

J'avais gardé de l'accident une petite cicatrice sur mon front, là où l'épaule de Tobin m'avait cogné il y a deux ans. Quant à elle, elle avait, depuis ce jour, une cicatrice sur son bras, partant de son épaule jusqu'à son coude intérieur.

Nous nous dirigions vers la même table pour prendre nos horaires car nos noms de famille se situaient tous deux entre G et P.
Une dame vêtue d'un blazer était assise devant nous, à la recherche de nos horaires. Quand elle a demandé si nous étions amies, Tobin a rit et lui a répondu :

- Ouais, disons qu'on remonte de loin.

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Guess who's back ?

Petite info pour ceux qui ne le savent pas : aux États-Unis, le lycée commence à partir de la troisième.

J'ai une passion énorme pour le football féminin (+ Gareth Bale parce que voilà 💙 ce mec est l'Usain Bolt du foot) du coup je lis que ça depuis environ 2 mois.

Et quand j'ai lu cette fanfic en anglais, j'ai eu un coup de cœur énorme. Donc, j'ai demandé à l'autrice si je pouvais traduire son œuvre.
Et si vous lisez ça, c'est qu'elle a dit oui !

Merci à pretzee d'avoir écrit cette pépite d'or !

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