« C'est quoi un Talex ? »

Tobin m'a encore apporté quelque chose à grignoter en Physique le lendemain, ce que j'appréciais beaucoup. Le seul problème que j'avais avec ça, c'était la façon dont tout le monde me regardait alors que je mangeais un croissant venant de la personne qu'ils pensaient être ma petite-amie. Je comprenais que les gens soient intrigués par un couple gay, mais il était vraiment inutile de regarder tout ce que je faisais.
J'ai lancé une regard impuissant à Tobin vers le milieu du cours, et tout ce qu'elle pouvait faire, c'était me le retourner.
Ce ne fut que lorsque notre instructeur commença à sélectionner des élèves au hasard pour répondre à des questions qu'ils se concentrèrent sur le tableau et non plus ma personne.

— Je t'aime, Alex, mais je ne t'apporterai plus jamais de petits-déjeuners.

Je rigolais en me rapprochant lentement d'elle alors que nous marchions dans le hall après la fin de de l'heure de Physique.

— Je ne peux vraiment pas t'en vouloir.

L'attention qu'on nous accordait affectait beaucoup plus Tobin que moi. Elle gardait la tête basse et tenait sa planche de skate contre sa poitrine, ce qui la rendait plus petite. J'ai supposé que se faire petite jusqu'à ce qu'elle soit invisible était exactement ce qu'elle voulait faire pour s'échapper de cette situation. Elle avait toujours été introvertie, évitant délibérément les drames, et elle en était maintenant au centre d'un.

Tobs ?

— Ouais, Lex ?

J'ai pensé à la conversation que j'avais eue avec Kelley l'autre soir.

— Les choses se passeront exactement comme elles sont supposées se passer, je dis alors la rendant un brin confuse.

— Ce sont quelques mots inspirants de sagesse que nous avons là.

J'ai attrapé doucement son bras pour l'arrêter alors que nous arrivions à mon prochain cours.

— Je veux juste dire que je ne veux pas que tu t'inquiètes pour quoi que ce soit. À propos de ce que tout le monde pense que nous sommes.

Son visage se détendit.

— Oh, tu n'as pas besoin de me dire ça, Lex.

J'attrapai sa planche et la serrai contre moi, en essayant de l'imiter.

— Je n'ai pas besoin ?

— Nope, elle essayait de ne pas sourire et j'adorais ça. Je suis super cool à propos de tout ça.

— C'est pour ça que tu portes un sweat à capuche pour pouvoir cacher ton visage. Il fait trente degrés à l'extérieur.

Tobin tira sur ses manches, qui étaient si longues qu'elles lui dépassaient les poignets.

— J'ai des frissons facilement.

Je me suis redressée et lui ai rendu sa précieuse planche.

— Je sais que cette rumeur nous a stressées toutes les deux.

Elle a haussé les épaules en secouant un peu la tête.

— Je ne sais pas ce qu'on peut vraiment faire à ce sujet.

— Je pense qu'il faut agir avant que les choses n'explosent.

— Tu ne viens pas de dire que les choses se passeraient exactement comme elles sont supposées se passer ?

— Mais c'est à nous de nous assurer qu'elles sont supposées bien tourner.

Elle me regarda une longue seconde.

— Pourquoi devons-nous faire quelque chose à ce sujet ? sa question me surpris.

— Tu ne veux rien faire à ce sujet ? Toute l'école pense que toi et moi sommes ensemble.

Tobin serra sa mâchoire.

— Tu n'avais pas à le dire comme ça.

Je n'ai pas hésité à demander de quoi elle parlait.

— Ne pas dire quoi comme ça, Tobin ?

Pour la première fois de ma vie, j'ai vu la fille qui, une fois, m'a sauvé la vie, avoir un air que je ne pouvais que décrire comme étant blessé. Elle le fit disparaître rapidement, remplaçant son expression sensible par une expression sans émotion.

— Comme si l'idée de sortir avec moi était honteuse et repoussante.

La cloche résonna une seconde fois entre les murs autour de nous et je venais tout juste de réaliser que le couloir s'était complètement vidé.
J'ai ouvert la bouche pour démentir ce qu'elle venait de dire, mais tout ce que j'ai pu faire, ce fut de rejouer sa déclaration encore et encore dans ma tête. Ce qu’elle a dit n'avait pas de sens.
Tobin ne pensait pas que sortir avec moi serait une mauvaise chose, et j'avais vraiment merdé en lui donnant l'impression de ne pas ressentir la même chose. J'étais sur le point d'essayer de m'expliquer lorsque Tobin s'est détournée de moi comme si elle allait partir.

— Tobin, attends !

Elle s'arrêta au moment même où Mme Foudy sortait du coin au fond du couloir, une pile de papiers à la main. Elle se dirigea vers nous.

— Les filles, ne devriez-vous pas être toutes les deux en co... ses yeux tombèrent sur Tobin. Je pensais t'avoir dit que je ne voulais plus revoir ce longboard.

Tobin acquiesça.

— J'étais sur le point d'aller le ranger dehors Madame.

— Je vais t'accompagner, histoire de m'assurer que tu le fasses vraiment.

Dès qu'elles ont été hors de vue, je me suis appuyée contre le mur à côté de moi et j'ai lentement fait glisser mon corps vers le bas jusqu'à ce que je sois assise. J'ai posé mon front sur mes genoux et j'ai pris une profonde inspiration pour me calmer.
Il n'y avait pas de raison que ça puisse mal tourner, et pourtant, j'avais réussi à en trouver une.

—————

Nous étions anxieuses dans le vestiaire avant le match contre Citrus, ajustant nos protège-tibias et nouant à double nœuds nos chaussures à crampons. Rose et Steph continuaient à me demander des conseils, et peu importe le nombre que je leur en donnais, elles reviennaient cinq minutes plus tard. Kelley était assise par terre près de son casier avec des bougies, agitant ses mains et effectuant un rituel de chance. Et de manière surprenante, Heather semblait également un peu secouée, elle allait sortir des vestiares avec son maillot à l'envers. Peut-être était-ce le fait que presque tous les habitants de Diamond Bar soient venus pour voir le match d'ouverture de la ligue et de la saison.

La première mi-temps fut assez rude. Les Citrus ne marquaient pas, mais avec notre horrible jeu, ils auraient vraiment dû pouvoir le faire.
Notre défense était tellement excentrée qu'une de leurs attaquantes parvenait toujours à esquiver Ali, Becky et Julie. Elles auraient pris les devants sans les capacités surhumaines d'Hope et de son calme.
Notre offense n'était pas beaucoup mieux, et oui, ça me comprenait. Tobin continuait de courir avec ballon sur le terrain, mais je n'arrivais à me connecter à aucun de ses centres. C'est comme si notre chimie était complètement partie et je savais que nous ne pouvions pas gagner sans ce lien entre nous.

Lorsque le sifflet de la mi-temps retentit, nous sommes rentrées dans le vestiaire comme si nous étions déjà vaincues. Nous sommes tellement épuisées que nous n'avons même pas montré d'enthousiasme quand nous avons vu Abby se tenir à côté de Jill.

— Eh bien, merci pour votre accueil chaleureux, les gars.

Nous rions sèchement à l'unisson, nous asseyons et prenons de longues gorgées d'eau.

— Allez, vous ne pouvez pas commencer à abandonner déjà ! Il reste encore quarante-cinq minutes de temps de jeu. Je sais que vous pouvez toujours arranger ça, elle voit que nous ne sommes pas convaincues. Okay, écoutez. Quand Jill m'a invitée à venir voir mes anciennes coéquipières - et les nouvelles recrues - jouer ce soir, j'ai annulé mon rendez-vous avec Sarah pour être ici. Maintenant, je ne vais pas vous regarder agir comme des futurs perdants quand vous ne l'êtes pas. Je sais que vous pouvez jouer mieux que ça, et je suis venue vous regarder jouer mieux que ça.

Mes amies commençaient à se ressaisir autour de moi en écoutant le discours d'Abby. Elle avait raison.

— J'ai quitté cette équipe en sachant qu'elle n'avait pas besoin de moi pour gagner, et ça me convenait. J'étais fière que ce groupe de joueuses soit si fort qu'il puisse tout gérer. Alors laissez tomber cette attitude merdique, et ne me décevez pas moi et tous ceux qui attendent de vous voir marquer quelques buts ce soir.

Becky se leva et prit Abby dans ses bras.

— Merci, Abby.

— Ne me remercie pas. Je suis juste là pour vous aider à vous retrouver. Je ne suis pas celle qui est sur le point de sortir et de montrer à Citrus qu'elles ne peuvent pas nous vaincre.

Je me suis retournée pour voir si nous sourions toutes, et c'était le cas. Notre esprit n'était plus comme avant. Nous n'avions plus besoin de quelqu'un pour nous rappeler de faire ce que nous étions venues faire ici : jouer au football comme la grande équipe que nous étions.
Becky se tourna vers nous et cria :

— Ayons un peu de confiance ici, Mesdemoiselles ! Nous devons gagner pour Abby !

Nous répondions à son ordre par des cris de bataille acclamés, l'adrénaline retournant dans nos veines. La foule est devenue folle quand elle nous a vu revenir sur le terrain la tête haute et déterminée.
J'étais sur le point de rejoindre ma place quand Tobin m'a arrêtée. Nous ne nous sommes plus parlé depuis notre rencontre plus tôt aujourd'hui. J'avais prévu d'éviter de lui parler jusqu'à demain parce que je ne voulais pas compliquer davantage les choses entre nous, surtout avant un match, mais apparemment, elle voulait discuter de quelque chose tout de suite.

— Hey, Tobs, peut-être que ça pourrait attendre plus tard ?

Ses yeux étaient plus que déterminés.

— C'est important. Je vais faire vite, je le jure.

J'ai jeté un coup d'œil à l'arbitre, qui tapait sur sa montre, puis mon regard s'est de nouveau posé sur Tobin.

— D'accord.

Elle est allée droit au but, parlant aussi vite qu'elle le pouvait.

— Je ne suis pas en colère contre toi, et j'espère vraiment que tu ne l'es pas contre moi non plus. J'ai été une idiote et j'ai réagi de manière excessive et j'espère ne pas t'avoir fait peur, ni quoi que ce soit et je suis désolée.

J'ai été surprise qu'elle ait choisi d'en parler maintenant, mais je n'avais pas le temps de m'étendre sur la raison de son choix. Nous ne disposions que de quelques secondes pour finir correctement cette conversation.

— Attends, tu es désolée ? Je suis celle qui devrait être désolée. J'allais m'excuser auprès de toi demain. Ce que j'ai dit était vraiment stupide.

— Non, ça ne l'était pas...

Je ne lui laissai pas le temps de finir sa phrase.

— Si, ça l'était. Je ne voulais pas te faire penser que...

Je pouvais entendre Jill crier après nous pour nous remettre en position, mais je savais que je devais d'abord rétablir quelque chose. Si je ne le faisais pas, alors tout ce que Tobin et moi-même ferions, ce serait d’aller là-bas et de continuer à jouer aussi terriblement que précédemment. Si je laissais les choses où elles étaient actuellement, nous serions toutes les deux responsables si nous perdons ce match. Je devais le dire pour que nous ayons la chance de gagner. Je devais dire cela pour compenser la façon dont j'avais contrarié Tobin plus tôt. J'aurais juste souhaité que nous ayons plus de temps.

— Je pense que sortir avec toi serait la meilleure chose qui soit.

Avant que je ne puisse voir sa réaction, je me suis retourné et et j'ai couru à ma place, sans regarder en arrière. Ce qui venait de se passer n'existait plus. Tout ce qui existait, c'était la nécessité de placer la balle devant moi dans le filet au loin, quel que soit le moyen utilisé. L'arbitre m'a jeté un regard agacé avant de siffler.
Comme je l'avais prédit, la façon dont nous jouions en deuxième mi-temps était bien meilleure que celle que nous avons jouée en première. Les Citrus ne se sont rendues que deux fois sur notre ligne de fond et se sont fait rapidement renvoyées à leur point de départ. On ne pouvait nier qu'elles avaient encore beaucoup d'énergie, mais elles manquaient cruellement de la même détermination qui règnait dans mon équipe. Notre organisation était plus forte et plus intelligente qu’elle ne l’était auparavant, ce qui nous a donné de nombreuses occasions de jouer de grands jeux. Ce ne fut qu'à la deuxième minute de prolongation supplémentaire que notre travail acharné a enfin porté ses fruits et aboutit à un but.

— Alex ! entendis-je Christen m'appeller pendant que j'avais le ballon aux pieds.

Les joueuses de Citrus l’ont immédiatement entourée pour s’assurer que je ne pourrais pas lui passer, mais c’était exactement ce qu’elle voulait. En attirant les joueuses adverses vers elle, elle les éloignait des flancs. Celles qui la surveillaient me faisaient face pour empêcher toutes passes, et Christen a ututilisé ça à son avantage.
Elles n'ont pas vu comment elle a pointé du doigt à droite, où Tobin attendait seule dans la surface de réparation. L’une d’elles s'est finalement rendue compte que trop de joueuses se trouvaient sur une seule personne et elle a regardé autour d'elle, mais il était déjà trop tard.

J'ai envoyé la balle directement à Tobin et elle a passé la gardienne juste avant le coup de sifflet final. Le meilleur moment a été quand Tobin a réalisé ce qu'elle venait de faireet qu'elle a sauté d' l'air en souriant d'une oreille à l'autre. J'ai couru vers elle et je l'ai serrée dans mes bras le plus fort possible. Le reste de l'équipe s'est rassemblée autour de nous et a fait de même. J'ai vu Abby et Jill qui nous observaient des lignes latérales par-dessus l'épaule de Tobin, un sourire satisfait sur leurs visages.
Tout le monde dans les gradins était debout et criait comme si leur vie dépendait de notre victoire.

Ce ne fut que lorsque l’équipe s’arrêta un peu de crier dans mes oreilles et qu'elle se soit dispersée que je pris compte de ce que la foule chantait : « Talex ! Talex ! Talex ! ». Tobin était toujours à côté de moi, extatique devant son exploit.

— Tu comprends ce qu'ils disent ?

— Ouais, ma voix semblait lointaine, je crois qu'ils disent « Talex ».

— C'est quoi un Talex ? je me suis tournée vers elle pour lui expliquer, puis je suis finalement revenue sur ma décision.

— Euh... je n'en ai aucune idée.

La milieu de terrain pinça ses lèvres avant d'ouvrir la bouche pour répondre, mais elle fut distraite par une femme qui s'approchait vers nous. Elle portait un blazer rigide, une jupe à rayures et des talons d'au moins dix centimètres, et elle luttait pour marcher dans la petite étendue d'herbe qui nous séparait. Ses cheveux châtain clair étaient attachés en un chignon serré. Une mallette noire était portée par sa main droite, se balançant d'avant en arrière à chaque pas qu'elle faisait. Il y avait quelque chose de familièrement frappant chez elle, mais je n'arrivais pas à extraire de ma mémoire l'endroit où je l'avais vue auparavant.

— Est-ce que tu la connais ?

Tobin marmonna quelque chose à propos de me reparler demain et se dirigea vers la femme mystérieuse avant qu'elle ne nous atteigne. Constatant qu'elles se connaissaient et avaient besoin de parler de quelque chose qui ne me concernait pas, je me suis détournée d'elles et je suis rentrée chez moi.
L'événement ne me semblait pas du tout important et il ne me retraversa pas l'esprit pour le reste de la nuit.
Ce ne fut que lorsque je me suis réveillée à deux heures du matin que je me suis souvenu où je l'avais vue auparavant et j'ai immédiatement regretté d'avoir laissée Tobin là-bas se débrouiller toute seule.

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