Chapitre 9.2
\!/ J'ai ajouté des TW dans l'intro. Au cas où vous auriez commencé à lire avant, je vous préviens que cette moitié de chapitre est violente et sanglante !
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Il se jeta dans la mêlée.
Il prit un garde pour cible et chargea. Bouclier en avant, il écrasa l'homme contre un arbre. Il releva sa protection pour l'enfoncer dans le cou du garde et la peau fragile céda sa place au sang.
Tremblant sous le poids du bouclier, Aniketos profita de ce duel pour récupérer le glaive du garde, bien plus léger. Il haïssait cette arme. Très courte, elle l'obligerait à se battre au corps à corps avec ses ennemis, lui qui avait l'habitude de tirer des flèches au loin. Mais haïr son arme ne voulait pas dire qu'il ne savait pas la manier. Au contraire, il redoutait tellement les combats rapprochés qu'il fournissait d'autant plus d'efforts pour s'assurer qu'aucun ne lui serait fatal.
Si les dieux lui étaient favorables du moins.
Une lame fondait sur lui. Il esquiva d'un saut preste et, dans un même mouvement, enfonça son glaive dans le flanc de son assaillant. Ce dernier tressaillit, se mit à trembler et fut achevé par un deuxième coup dans l'abdomen.
Alors que son épée ôtait la vie à un garde, Aniketos fut attaqué par derrière. Déstabilisé, il ne put parer le premier coup qui entailla son épaule. Il laissa un hurlement de douleur franchir ses lèvres mais empêcha le second assaut de l'atteindre en parant avec habilité. Un duel s'engagea entre les deux hommes.
Les armes s'entrechoquaient. Aniketos était déterminé à en finir au plus vite, il enchaîna les offensives avec de plus en plus de rapidité mais l'autre s'adaptait et lui rendait coup pour coup. Les unes après les autres, ses attaques étaient repoussées.
Le Romain semblait infatigable, intouchable. Il reprenait doucement la main, dominait le combat, Aniketos ne pouvait rien y faire. Son épaule blessée le ralentissait et affaiblissait considérablement la force de ses assauts. Pour avoir remporté de nombreux affrontements, il reconnaissait aisément un homme mort.
Il se savait vaincu.
Le garde aussi, comprenait que l'issue de cette lutte était proche et qu'il en sortirait victorieux. Sourire aux lèvres, il ne laissa plus aucun répit à Aniketos. Il ne cessa de changer le rythme de ses assauts, il jouait avec le Grec jusqu'à l'épuiser. Il feinta, levant son glaive comme s'il allait attaquer au niveau de l'épaule avant de brusquement l'enfoncer dans la cuisse gauche du Grec.
Aniketos s'était laissé duper comme un débutant. La lame pénétra sa chaire. Ses jambes refusèrent de le soutenir plus longtemps et il s'effondra. Ses genoux heurtèrent le sol, signant son arrêt de mort.
-Tu n'aurais pas survécu longtemps dans l'arène, ça ne m'étonne pas que tu aies voulu fuir, ricana son adversaire, victorieux.
Au moment où il s'apprêtait à tuer l'homme qui se tenait devant lui, le garde se souvint de l'ordre qui leur avait été donné : ramener le plus de prisonniers possibles.
Sa seconde d'hésitation lui fut fatale.
Aniketos avait relevé son glaive et semé la mort. Agenouillé mais invaincu. Dominé mais invincible.
Le corps du garde s'affaissa contre lui, il ne le repoussa pas. Il profita du camouflage que cette présence pouvait lui offrir. La tête du Romain reposait contre le ventre du Grec et cette étrange association passait inaperçue, au niveau du sol.
L'inaction le força à penser à ses blessures, chose qu'il aurait préféré éviter. Sa cuisse déversait des flots de sang et son épaule, impossible à observer, le faisait atrocement souffrir. Il fallait qu'il retourne se battre. C'était comme une évidence. En retournant affronter la mort, il oublierait la douleur qui le paralysait.
Il repoussa le cadavre et se releva, pantelant. Ses muscles et sa raison protestaient mais il ne les écoutait pas, persuadé que les dieux étaient de son côté et aveuglé par un besoin pressant de tuer à nouveau. Tuer librement.
Tuer parce qu'il le désirait. Parce qu'il l'avait décidé. Parce qu'il en avait besoin.
Tuer pour restaurer la fierté de sa cité. Tuer pour se sentir puissant. Tuer pour vivre.
Debout au milieu d'une masse de corps et d'éclats argentés, d'armures et de sang, il inspira profondément. Cet air impur, loin de la ville qu'il aimait, lui rappelait ce pour quoi il se battait. Cette odeur âcre de sang lui montait à la tête et lui donnait envie de plus.
Il fut plaqué au sol par un garde. Son dos heurta le sol et ce choc brutal lui fit lâcher son glaive. Contre la terre, les deux hommes se débattaient comme des chiens enragés. Ils cognaient à mains nues, roulaient, tentaient de s'étouffer.
À plat ventre, Aniketos repéra son glaive à proximité. Il tendit le bras pour le récupérer. Son adversaire, penché sur lui, l'étranglait avec ses deux bras, serrait de toutes ses forces pour lui ôter la vie. Le Grec luttait, il lui fallait cette arme.
Sa main se posa sur le manche. Suffocant, il tenta de s'en saisir, avec maladresse. Ses membres ne lui répondaient pas aussi vite qu'il désirait mais il la tenait.
Une sandale écrasa sa main. Il lâcha l'arme.
Il releva les yeux le long de la jambe qui venait de le priver de sa meilleure défense et ils rencontrèrent un visage familier. Cette vue le rendit fou, il bascula sa tête en arrière pour heurter le nez du garde. Déstabilisé, il relâcha le cou d'Aniketos qui reprit l'avantage et les fit rouler pour se retrouver au dessus de son adversaire. Il enfonça ses pouces dans les yeux du Romain avec une telle pression, que le sang ressortit des deux orbites pour se déverser sur tout son visage et éclabousser celui d'Aniketos.
Il le laissa pour mort, aveugle, agonisant et se releva, les mains pleines de sang, le cœur chargé de rage, prêt à affronter celui qui avait voulu sa mort. Il tourna frénétiquement la tête autour de lui, à sa recherche. Il ne voyait que des casques romains dans une mêlée dense et indiscernable.
-Maximus, hurla-t-il. Maximus ! Où te caches-tu, traître ?
Il le repéra à quelques pas seulement, occupé à se battre contre deux ennemis. Aniketos courut vers lui, le débarrassa d'un des hommes en lui brisant la nuque et Maximus acheva le second avec son glaive. Maximus semblait ne pas comprendre ce qui se passait. Il en était à se demander pourquoi Aniketos avait choisi de venir l'aider quand il reçut un coup dans le ventre.
Il se plia en deux sous l'effet de la douleur et n'eut pas le temps de se redresser avant de subir le courroux d'Aniketos. Le Grec lui maintint fermement la tête et releva plusieurs fois son genou droit dans celle-ci. La force de chaque impact était telle que le nez de Maximus se brisa et ses lèvres se fendirent. Aniketos le plaqua contre la terre meuble et continua à le frapper avec ses poings cette fois.
Plus rien n'aurait pu l'arrêter, ni le ramener sur la voie de la raison. Il tenait entre ses mains un homme qui l'avait humilié, trahi, fouetté et presque tué. Une personne qui avait violé sans scrupule une femme si fragile et si importante pour le guerrier. Pour Aelia, pour la trahison, pour son dos couvert de cicatrices, il frappait.
Cogne ! Cogne !
Mon poing qui bat...
Cogne ! Cogne !
Il faut faire mal.
Frappe ! Frappe !
Contre ses tempes...
Frappe ! Frappe !
Sois sans pitié.
Tape ! Tape !
Fort dans sa tête...
Tape ! Tape !
Sans arrêter.
Des coups ! Des coups !
La haine.
Des coups ! Des coups !
Jusqu'à l'épuisement...
Des mains puissantes le tirèrent en arrière, le sortant de sa transe meurtrière. Crixus et Mabyon se saisirent chacun d'un de ses bras et le relevèrent. Il dévia son regard sur le visage de Maximus. Le guerrier était méconnaissable. Son visage avait cédé sa place à des ecchymoses, des plaies ouvertes, des boursoufflures.
Aniketos sut aussitôt qu'il était mort. Et cette certitude était grisante.
La deuxième chose qu'Aniketos remarqua était le presque silence qui planait dans les bois. Il n'entendait ni lutte, ni cris. Rien. Le calme. Il inspira lentement pour que celui-ci puisse s'infiltrer en lui également. Le calme. Il expira. Ses jambes avançaient, entraînées par la force du gaulois et du chef qui le soutenaient. Les anciens gladiateurs se retournaient à leur passage, curieux, se demandant pourquoi Aniketos était ainsi empoigné. Il se laissait faire, apaisé d'avoir pu déverser sa haine. Il avait fait ce qu'il avait à faire, il ne le regrettait pas. Le calme reprenait sa place dans son cœur après la tempête.
Ils marchèrent ainsi un long moment au bout duquel Aniketos tenta finalement de se défaire de la prise des deux hommes.
-Lâchez-moi, demanda-t-il posément plusieurs fois. Je suis en état, je tiens debout, aidez ceux qui en ont vraiment besoin.
Crixus lui jeta un regard empli de haine en guise de réponse et resserra sa main autour du bras du Grec.
-Lâchez-moi, répéta-t-il. Lâchez-moi, je vous dis !
Les deux hommes qui l'encadraient l'oppressaient et il se sentait comme prisonnier. Lorsque cette pensée traversa son esprit, il réalisa brusquement. Il comprit en une fraction de seconde. Il avait tué un des leurs, il passait pour un traître et cette sensation d'être captif n'était pas qu'une impression. Maximus était un des alliés les plus fidèles de Crixus, ce qui expliquait sa haine. Il se mortifia d'avoir pris tout ce temps à comprendre.
-Crixus, ce n'est pas ce que tu crois ! s'écria-t-il alors.
-Tais-toi, je ne veux plus t'entendre, répliqua ce dernier.
Il se tut. Ils continuèrent leur avancée dans les bois et débouchèrent enfin sur le chemin qui menait aux latifundas. Là, Spartacus se tenait debout au milieu d'une foule de travailleurs. Il s'exprimait avec des grands gestes, comme lorsqu'il se lançait dans un de ses discours enflammés. Son public, très réceptif, approuvait à grand renfort de cris et de hochements de tête.
Aniketos, étonné, se tourna vers Mabyon pour recevoir une explication. Le Gaulois jeta un regard vers Crixus et finit par expliquer à voix basse :
-Les travailleurs sont venus en renfort, c'est grâce à eux que nous avons vaincu les gardes. Ils vont rejoindre nos rangs.
-Comment ont-ils su ? s'enquit le Grec.
Mabyon lui répondit par un sourire énigmatique et il n'obtint pas d'autre réponse. Arrivé à proximité de l'attroupement, le trio attira l'attention. Toutes les têtes se tournaient vers les nouveaux arrivés.
-Aniketos ! le salua Spartacus avec enthousiasme. Je te croyais mort, l'ami. Crixus, amène-le avec les autres blessés, il semble en avoir besoin.
-Hors de question.
Il marqua une pause, se redressa et, d'une voix forte pour que tous puissent l'entendre, reprit :
-Il a tué Maximus.
Cette phrase jeta un froid. Spartacus tenta de sonder Aniketos pour voir si son ami allait démentir mais ne reçut qu'un regard glacial. Il n'avait pas besoin de plus.
-Dans ce cas, attache-le avec nos autres prisonniers, ordonna le meneur d'un ton détaché.
Aniketos tenta de se débattre, il griffait, frappait, ruait, refusait de se laisser attacher. Il avait été fait prisonnier une fois dans sa vie, il ne supporterait pas une seconde humiliation. Il grogna. Il parvint à se défaire de la prise de Mabyon et avec sa main libre tenta de frapper Crixus. Celui-ci le rattrapa avec fermeté et lui maintint les deux bras dans le dos. Le Grec tenta de l'atteindre d'un coup de pied vers l'arrière. Il ne voulait pas redevenir un prisonnier, un esclave. Son ami ne pouvait pas lui faire ça. Il tenta de se retourner pour mordre Crixus.
Alors, sans un mot, Spartacus s'approcha et le frappa avec le plat de son glaive.
Aniketos s'écroula, inconscient. Et étrangement, malgré sa situation critique, sa seule crainte en son dernier instant de lucidité, était de savoir si Aelia avait atteint les latifundas sans encombre.
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Récapitulatif historique :
-Plusieurs sources indiquent que des gardes régionaux ont été envoyés par la ville de Capoue pour arrêter les fugitifs. Rien n'indiquait leur nombre mais les fugitifs avaient bel et bien réussi à les vaincre.
-Les travailleurs des latifundas (domaines agricoles) à proximité de Pompei ont effectivement gonflé leurs rangs.
-Spartacus avait vraisemblablement fait quelques prisonniers parmi les gardes... Vous verrez lors des prochains chapitres le sort qu'il leur réservait ;)
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J'espère que cet affrontement vous a plu, parce qu'à vrai dire, c'est la toute première scène de combat (hors fantasy avec de la magie) que j'écris donc je ne sais pas trop si ça fonctionne... (Aussi bien sur la partie 1 que celle-ci !)
N'hésitez pas à me faire part de vos impressions... À très bientôt pour la suite !
Puissent les dieux veiller sur vos pas,
Dream
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