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IMPORTANT: une petite modification a été effectuée dans le chapitre précédent pour cause de contradiction avec la suite – c'est ce qui arrive quand on ne prévoit pas le plan des chapitres AVANT de commencer à écrire... J'ai également ajouté 227 mots vers la fin. L'idéal serait d'aller relire le chapitre, occasion aussi de vous rafraîchir la mémoire – ma dernière update date d'environ deux éternités.
Mais si vous ne le voulez pas, je comprends.
Veuillez m'excuser .
Autre chose: ce chapitre contient une scène particulièrement gore. Soyez avertis.
Allez ! Place au chapitre.
Affaire Gloomy Sunday: deux morts s'ajoutent à la liste
Triste nouvelle en ce dimanche 25 juin 2017.
La série lugubre des sombres dimanches se poursuit avec deux nouvelles morts, ce matin même, à proximité du centre-ville. L'état des lieux ne sera certainement pas décrit dans ses détails les plus atroces mais, à l'instar des tristes prédécesseurs, il n'y a nul doute que le couple ait été abattu avec une sauvagerie sans égal. Car en effet, l'hypothèse du suicide devient de plus en plus contestable, selon les autorités.
« La violence exprimée dans chacune des scènes [de crime] n'est pas celle d'un suicide » a affirmé un officier il y a deux jours lors d'une conférence de presse. « Nous nous engageons à mettre la main sur le coupable, et vite ». L'avancée de la police dans l'enquête est encore incertaine à ce jour au vu de l'absence de déclaration concluante. Mais l'étrangeté de l'affaire ne fait que tripler : l'état dans lequel sont trouvées les victimes ne concorde pas avec leurs rapports d'autopsie. Meurtre et suicide continuent de s'entrechoquer dans une histoire mettant en affrontement la raison et la science.
Pour le moment, voici ce que nous savons au sujet du dernier couple victime de cette tragédie hebdomadaire.
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CARNAGE PERPÉTUEL. Theodore a dû s'éloigner un instant, histoire de prendre l'air. Il croyait avoir été témoin d'assez de violence ces derniers temps, mais de toute évidence les dimanches ne font qu'empirer.
Huit heures et cinquante-quatre minutes. Deux corps supplémentaires. Rien de surprenant, à ce stade. À vrai dire, Theodore a compris qu'il était trop tard quand, samedi soir, aucun progrès n'a été fait. C'est avec résignation qu'il a regardé les heures s'écouler, faisant défiler une nuit ne menant qu'à une catastrophe que tout le monde attendait.
— Eh. Ca va aller, Harris ?
Theodore est surpris de déceler de l'inquiétude dans le ton de Hobbs. Depuis le temps, son aspect éreinté devrait être une habitude pour tous ceux qui le côtoient.
— Mouais. Je réfléchis.
Hobbs ne relève pas, mais il semble comprendre.
— Bien. Je te montrerai ce que j'ai trouvé quand tu seras prêt à revenir. Prends ton temps.
Theodore grommelle et sur ce, Hobbs se retire.
Le soleil se fraie un chemin à travers les feuillages et trouve un moyen de frapper de plein fouet l'arrière du crâne déjà douloureux de Theodore. Qu'il y ait deux nouvelles morts en ce jour ne le choque – malheureusement – pas plus que ça mais que cela se soit passé en plein air, près d'un lac, c'est étonnant. Les surprises ne se sont pas arrêtées là, cependant. Certes, Theodore ne s'attendait pas à voir la scène de crime basculer d'un décor à quatre murs à un milieu en plein air. Mais ce à quoi il ne s'attendait pas non plus dépasse même l'état des corps.
Le fait que les victimes soient toutes deux de sexe masculin.
Ce détail ne devrait pas dérouter Theodore d'une telle manière. Après tout, la société dans laquelle il vit est sujette à une évolution constante et lui n'a en général rien contre le changement. Mais dans le cadre de cette affaire, le changement est plus que frustrant. Le tueur a commencé à peindre un tableau avec le meurtre de Megan et Connor Shaw, un motif qui s'est confirmé avec la mort de Norma et Carl Holley. Un modèle maintenant insensé, tout comme les théories de Theodore suite à ce dernier meurtre remettant en question les hypothèses établies. Elles n'étaient que spéculations, après tout. Mais des spéculations qui commençaient à se tenir et à tracer le chemin vers le coupable.
Plus que mélangées, les pièces du puzzle ont changé.
Theodore se remet debout. Plusieurs pistes sont déjà marquées tandis que les appareils photo s'occupent de flasher. Les stars du jour sont à l'honneur, leur image capturée sous tous les angles. Aaron Brock - d'après le portefeuille que Theodore a trouvé - a perdu la tête. Littéralement. Trônant dans la terre humide, le crâne décapité arbore un sourire fait de malice et certainement plus large qu'il n'est possible de l'être. Le tronc de l'arbre enraciné juste derrière présente une écorce teintée de rouge, et qui remonte jusqu'à des branchages se croyant déjà en mois de décembre ainsi décorés. Il aurait été sympathique de voir guirlandes et étoiles brillant de mille feux - étrange au mois de juin, mais sympathique. En tout cas bien plus que de voir cet arbre, fruit majestueux de la nature, porter les membres disloqués d'une marionnette autrefois humaine. Les bras et les jambes du malheureux Aaron Brock pendouillent pathétiquement en produisant une très légère pluie écarlate en contrebas. Le reste de son corps a également été mis en morceaux, ossements et organes ornant joyeusement les feuillages.
Enfin... Il en manque un.
Theodore n'a mis que quelques secondes à le trouver, quand il a visité la scène de crime plus tôt. La seconde victime, Thomas Morrissette, n'est pas loin. Son corps à lui est entier, pas de doute - même si ses globes oculaires semblent avoir failli sortir de leur emplacement, tant l'effroi les a agrandi. Il gît, inerte ; le premier détail distinctif est son pantalon. Baissé jusqu'aux genoux, il laisse entrevoir bien plus que des sous-vêtements. Tentative d'humiliation? Mais ce n'est pas tout. D'une façon rappelant assez le premier meurtre, la bouche de la victime est ouverte et contient quelque chose. Un cœur, à l'instar de Connor Shaw ? Non. Il s'agit d'un organe génital.
L'organe manquant à la première victime.
Theodore n'est pas certain de comprendre le message véhiculé à travers cette mise en scène. Hormis le caractère sexuel nettement plus prononcé, la sauvagerie et la brutalité de la mort sont facilement au même niveau que celles des deux autres incidents. Mais pour le moment ce que retient le détective est, qu'encore une fois, aucune trace de personne tierce sur la scène de crime.
Theodore commence sérieusement à croire qu'il pourchasse un fantôme.
— Tu as trouvé les paroles, c'est ça ?
Hobbs se tourne vers lui, hoche la tête.
— Affirmatif.
Au moins une chose restée la même. Theodore s'empare du sac plastique qu'Hobbs lui tend. Le papier est humide et recouvert de terre, mais en assez bon état pour révéler, avec clarté, les lettres splendidement dessinées.
Les anges n'ont aucune intention de te ramener
Seraient-ils en colère
Si jamais j'essayais de te retrouver ?
Theodore plisse les yeux.
— Une allusion à la mort.
— Et ce n'est pas la première.
Très juste. Il a déjà été question de « carrosse noir du chagrin » dans le passé. Theodore inspecte dans un premier temps la feuille, puis se met à regarder autour de lui. Tout ce qu'il arrive à capter dans son champ de vision, cependant, est Dockson tirant une tête de dix mètres de long en inspectant le point de section d'une jambe décrochée de l'arbre.
— C'est ça que tu cherches ?
Hobbs pointe une portion du sol ensanglantée, dans laquelle la terre est retournée et l'herbe déracinée. Cela ne se voit pas de prime abord, mais à mieux observer, des mots sont creusés comme un message sur le sable humide d'une plage.
L'amour n'est pas un jeu
Il est tout aussi facile de briser un verre qu'une personne
— Le moins que l'on puisse dire, commente Hobbs en agitant un doigt, c'est qu'il y a de l'innovation.
Theodore répond d'un rire sarcastique, mais se reconcentre vite. Hobbs et lui se sont penchés sur les paroles. Plusieurs fois. Le tueur s'adresse clairement à quelqu'un à travers cette tirade poétique ; mais, ne possédant pas le contexte requis, aucun d'eux ne sut définir avec certitude de qui cela pouvait s'agir.
Peut-être est-ce sur le point de changer.
— Qu'est-ce qu'il essaie de nous dire... ?
Theodore a pensé tout haut. A force d'avoir lu et relu les paroles trouvées sur chacune des scènes de crime, il a l'impression qu'elles sont gravées sur ses rétines. Ainsi, il n'a aucun mal à se les repasser en mémoire. Loin d'être expert en interprétation et analyse littéraire, Theodore estime quand même être capable de lire un minimum la personne derrière ces messages. Sans tout de suite partir dans des théories farfelues, il semble être juste d'imaginer que ces mots reflètent une profonde douleur. Un chagrin. Une trahison ? Un regret. Un deuil. Un amour.
On en revient toujours à l'amour.
Les discussions de Theodore avec Hobbs ont abordé la question sous toutes les perspectives, mais en sont souvent retombées à la même conclusion. Le coupable éprouverait une certaine rancune vis-à-vis de son ou sa partenaire, d'une intensité telle qu'il ressent de la satisfaction à briser des couples et à gâcher l'histoire, la vie de ceux-ci. Mais est-ce la vérité ?
Est-ce seulement si simple ?
Le soleil finit par se barrer – sûrement de honte, n'ayant point servi à éclairer Theodore. Mais comme le soleil, Theodore a besoin de prendre du recul. Prenant ceci comme une occasion idéale de rentrer chez-lui et – qui sait ? – se ressourcer, il fait le trajet à pied. Il parait que la marche est non seulement un bon exercice physique, mais aussi un bon moyen de se détendre et se vider la tête. Mais vu comme Theodore est toujours sur le point de s'arracher les cheveux, force est de constater qu'il ne s'agisse pas de la meilleure des solutions. Pour lui, en tout cas.
— Bonsoir, papa !
La porte à peine fermée derrière lui, Theodore ne peut s'empêcher de sursauter. Ce ne sont pas tellement ses nerfs à vif qui lui provoquent une telle surprise, mais plutôt le ton jovial de Julie. Trop jovial, peut-être. Du moins pour Julie.
— Tu vas bien ? demande-t-elle en lui plantant un baiser sur la joue.
Ca alors. Theodore est sur le point de faire une syncope.
— Bien, répond-t-il lentement. Toi aussi, à ce que je vois. Tu m'as l'air de bien bonne humeur.
Le faux ton suspicieux de Theodore provoque une pointe de nervosité chez sa fille. Pas besoin d'être détective pour le remarquer.
— C'est bien parce que tu rentre tôt aujourd'hui.
Tous deux échangent un sourire espiègle, mais Theodore ne peut s'empêcher de se demander – et surtout d'espérer – que cela soit un tout petit peu vrai.
— Est-ce que ta mère est là ?
Aucune trace de Betty au rez-de-chaussée.
— Je l'ai entendue sortir il y a un moment.
— Pour ?
Julie hausse les épaules avant de se jeter sur le canapé, téléphone en main.
— Faire des courses ? Je ne sais pas.
Theodore réprime un soupir et se garde de tout commentaire. Sa fatigue porte ses pas dans la cuisine comme en plein somnambulisme, et bientôt il se retrouve face à la machine à café. Pendant que celle-ci lui concocte de quoi doper son cerveau, Theodore lève la tête vers le réveil accroché au mur. Ses tics et ses tacs s'enchaînent, nonchalants, n'ayant aucune connaissance de leur talent pour marteler les nerfs de Theodore. Pour ne rien arranger, une musique vient lui titiller les tympans – et envoie par la même occasion une information dont son cerveau saturé n'a franchement pas besoin. Mais Theodore n'en tient pas rigueur. Ce doit être Julie qui l'a mise.
Tic tac, tic tac.
Theodore baisse les yeux vers son café.
Qu'est-ce qui ne tourne pas rond ?
ENFIN.
L'art de la procrastination ne connait aucune pitié.
Bon, la bonne nouvelle c'est que le prochain chapitre est déjà écrit. Très surprenant, je sais. Il y aura donc une update la semaine prochaine! Enfin, si je n'oublie pas. Me connaissant, ça risque d'être dur ^-^
*Disparaît dans un nuage de fumée*
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