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NOM DE LA VICTIME (NOM, PRÉNOMS): HOLLEY NORMA
SEXE : F
ÂGE : 37A 5M
RACE : CAUCASIEN
POIDS : 56 KG
TAILLE : 168 CM
NOTIFICATION DE LA MORT : JONES WARREN
DATE : 18 JUIN 2017 HEURE : 13H 09
ADRESSE : 54 HELLER AVENUE, 20031
RELATION AVEC LA VICTIME : AMANT
CICATRICES/TATOUAGES ET AUTRES PARTICULARITÉS PHYSIQUES : AUCUN
ÉTAT DU CORPS : ENTIER, NON DÉCOMPOSÉ
DIAGNOSTIQUE :
- ABRASION DE LA JOUE DROITE
- BLEUS SUR LE COU
- LACÉRATIONS SUPERFICIELLES SUR LES ÉPAULES/POITRINE
- LARGES LACÉRATIONS SUR LES BRAS
- PETITES COUPURES SUR LES MAINS/POIGNETS
- CONTUSION DU VENTRE
- ABRASION/CONTUSION DE LA HANCHE GAUCHE
- FRACTURE DES CHEVILLES
ETHANOL DANS LE SANG : DÉTÉCTÉ
DROGUE DANS LE SANG : AUCUNE DROGUE DÉTÉCTÉE
CONCLUSION : LA CAUSE DE LA MORT EST UNE HÉMORRHAGIE DUE À UNE SECTION DE L'ARTÈRE RADIALE AUX AVANT-BRAS. IL EST INDÉTERMINÉ SI CECI EST UNE MORT INTENTIONNELLEMENT PROVOQUÉE PAR LA VICTIME ELLE-MÊME OU UNE TIERCE PERSONNE.
DES ANALYSES PLUS POUSSÉES SERONT NÉCESSAIRES.
L A M O R T P L A N E D A N S L ' A I R, et Theodore a beau être exposé à ce flux de molécules odorantes peu appétissantes – bien que métaphoriques à l'instant – il ne s'y accoutumera jamais – pas entièrement. Les documents qu'il a face à lui, bien à plat sur son bureau, ne l'aident en rien. Où que ses yeux se posent, des clichés purement horrifiques lui renvoient l'image putride de quatre corps abusés. Quatre corps qu'il a eu l'honneur de rencontrer alors qu'ils gisaient, souillés, dans ce qui était autrefois leur confortable chez-soi.
La similarité des deux meurtres est à la fois une aide et une contrainte. Un coup de pouce, car l'enchaînement des deux événements prévoit la création d'un fil conducteur, un motif aux caractéristiques qui peigneront, avec un peu de chance, un tableau plus compréhensible. Une contrainte, en revanche, car le temps est compté. Nous sommes jeudi. Autrement dit, il reste trois jours avant le prochain dimanche, et Theodore ne doute pas une seconde de recevoir un certain appel. Combien d'autres morts avant d'avoir enfin une information clé servant à la progression de l'enquête?
C'est une course contre la montre à laquelle Theodore n'a franchement nulle envie de jouer.
Mais la décision ne lui appartient pas, et il en est rappelé lorsque quelqu'un toque à sa porte. Bientôt, la tête de Hobbs est visible dans l'encadrement. Theodore s'autorise un sourire ; l'image d'un ami est toujours la bienvenue, notamment lorsque les nuages se font de plus en plus gris au dessus de notre tête.
Et qu'il apporte du café.
— Je devrais envisager de t'inviter plus souvent dans mon bureau, déclare Theodore en prenant avec enthousiasme un gobelet.
Hobbs s'installe sur sa chaise attitrée, arborant un large sourire. Ce dernier finit par lentement se désintégrer, cependant. Theodore lui lance un coup d'œil curieux, le café brûlant ses lèvres.
— Mauvaises nouvelles ?
Hobbs dépose, comme il le fait très souvent, des papiers sur le bureau.
— C'est un double suicide.
Theodore marque une pause.
— Présumablement, s'empresse d'ajouter Hobbs.
Il se laisse aller contre le dossier de sa chaise, soupirant. Theodore, quant à lui, ne peut s'empêcher de jeter un regard stupéfait au dossier qui git devant lui.
Est-ce que Dockson trafique les rapports d'autopsie pour couvrir notre tueur ?... Non, je deviens paranoïaque.
— Mais... comment ? pense Theodore tout haut.
Hobbs désigne une ligne sur le document.
— Dans le rapport de Dockson, il stipule que la cause de la mort est la coupure des artères vitales de Norma. Rien n'indique qu'elle s'est faite ces blessures elle-même. Cependant, la lame de rasoir que tu as trouvé sur la scène du crime porte un seul ensemble d'empreintes.
— Appartenant toutes à Norma Holley, complète Theodore.
Hobbs acquiesce.
— Mais est-ce suffisant pour affirmer avec certitude qu'il s'agit d'un suicide ? questionne Theodore.
— Rien ne prouve qu'une autre personne ait mis la main sur cette lame de rasoir.
Theodore se passe la main sur la figure.
— Qu'en est-il du mari ?
— Difficile à dire pour Carl Holley. Dockson a l'air d'avoir du mal à croire à l'hypothèse du suicide ; non seulement la méthode utilisée lui semble tirée par les cheveux, mais aussi, d'après lui, l'instinct primitif de survie que possède la victime l'aurait empêché de se donner la mort par noyade en le forçant à sortir la tête de l'eau et à inspirer de l'air.
— On penche plus pour le meurtre, alors.
Hobbs émet un grognement d'incertitude.
— Le suicide demeure un scénario tout à fait plausible, m'a dit Dockson. Mais admettons qu'il s'agisse d'un meurtre. Qui serait derrière tout ça ?
— Je ne vois que deux suspects potentiels, déclare Theodore. La femme, et l'amant.
— Tu peux rayer la femme. Elle est morte avant le mari.
Comme Megan.
— L'amant, Warren Jones, poursuit Hobbs, a subi un premier interrogatoire. Il fréquente Norma Holley depuis quatre mois environ, et d'après ses dires, il devaient se rejoindre pour le déjeuner.
— Oui, je me rappelle. Carl Holley soupçonnait peut-être quelque chose ?
Hobbs hausse les épaules.
— S'il avait une petite idée là-dessus, personne ne le sait.
— Pourquoi avoir tué la femme et le mari ?
— Ce n'est pas encore clair. En tout cas, Warren Jones est actuellement sous surveillance et son alibi est en cours de vérification.
Bien. Se peut-il qu'ils aient, enfin, mis la main sur une piste ? Warren Jones a un lien direct avec Norma Holley, l'une des dernières victimes ; quel rapport pourrait-il avoir avec les Shaw ? De plus, le mobile du crime reste inconnu. S'agit-il d'une histoire d'argent, d'un crime passionnel ? La police n'a rien découvert au sujet d'une possible affaire de drogue, ni de dettes que les victimes auraient eu vis-à-vis de Warren Jones. L'amour n'est pas un jeu. Ce message, trouvé sur les deux scènes de crime, fait penser à une rancune amoureuse. Peut-être que le suspect a également eu une relation avec Megan Shaw. Peut-être que, par jalousie, il a eu recours au meurtre. Mais dans ce cas, pourquoi s'attaquer aux femmes qu'il fréquentait en plus de leurs maris ? Ne sont-elles qu'un intermédiaire, un moyen de s'amuser ? Le coupable s'amuse-t-il à séduire des femmes, à se rapprocher d'elles de manière à les atteindre, elles et leur couple ? Et si Warren Jones est le tueur qu'ils recherchent, pourquoi a-t-il lui-même alerté la police ? Pourquoi la deuxième fois, mais pas la première ?
L'esprit de Theodore commence à vagabonder et ne s'arrête pas, même bien après qu'Hobbs reçoive un appel et qu'il soit forcé de s'en aller. Jusqu'ici, les femmes sont mortes en premier et avec une brutalité plus prononcée. Cela a-t-il une quelconque signification ? Le fait que les victimes soient deux couples mariés est-il un détail à relever ? Mis à part l'arme qui a servi à abattre Connor Shaw, et la lame de rasoir ayant vidé Norma Holley de son sang, il n'existe aucun instrument que le coupable aurait pu utiliser pour infliger de telles blessures à ses quatre victimes. Méticuleux, il a dû réussir à s'en débarrasser. Ou alors, il est juste là, sous leur nez... Qu'en est-il des traces de lutte ? Le plus logique serait d'imaginer que les victimes aient tenté de se défendre face à leur agresseur, mais encore une fois, aucune marque indiquant la présence d'une personne extérieure n'a été trouvée. Bien au contraire, on dirait que le conflit a plutôt eu lieu entre les victimes...
La radio se mit à grésiller.
Theodore tourne la tête vers la machine et la regarde un instant. Ne l'a-t-il pas éteinte il y a déjà long moment ? Préoccupé par plus important, il oublie vite et appuie nonchalamment sur le bouton arrêt.
La radio répondit avec une autre série de grésillements.
Theodore fronce les sourcils. Poussé par un vieux réflexe, il donne une tape à l'objet, puis deux, puis trois ; mais la radio n'en a cure et continue sa petite cacophonie. Avant que Theodore puisse penser à une solution plus efficace, les grésillements s'interrompent très vite, remplacés par une mélodie douce et envoutante. Theodore ne se rappelle pas avoir entendu telle mélodie auparavant. Cela ne l'interpelle pas, jusqu'au moment où le son – agréable et désespérant à la fois – se forme et se déforme. Bientôt, il n'en reste qu'un bruit tonitruant et insupportable provoquant une immédiate douleur dans la tête de Theodore. Ce dernier pousse un grognement et, d'un coup sec, tire le fil de la radio qui finit arraché de la prise électrique au mur.
Silence.
— Je ferais mieux de jeter ce vieil engin...
Theodore jette le fil et soupire. Décidément, les sources de migraine se multiplient et ne deviennent que plus inattendues et surprenantes. Et le cœur du problème revient en force lorsque la pelote qu'est le cerveau de Theodore produit un nœud supplémentaire.
Les théories partent dans tous les sens, et il existe plus d'un souci avec chacune d'entre elles.
Cette enquête commence à se transformer en un casse-tête. Casse-tête insoluble ? Theodore n'y croit pas. Chaque problème a sa solution, et un mystère sans dénouement n'a jamais existé. Oui, le monde compte un nombre incalculable d'affaires non élucidées ; mais ceci ne démontre que l'inefficacité des forces de l'ordre face à un mystère complexe, non l'absence de solution à celui-ci.
Il est malin. Très, très malin.
Quel genre de personne se cache derrière ces deux meurtres ? Compte-t-elle poursuivre cette tragique chaine d'événements ? Une chose est sûre : qui que soit ce malfrat, il ne peut pas être invincible. Il va, éventuellement, faire un faux pas.
Et que ce soit la semaine prochaine ou des dizaines de dimanches plus tard, Theodore est déterminé à en être témoin.
Oui.
Tout ce temps pour sortir un chapitre court et déplorable.
C'est mon cerveau.
Je crois que je l'ai cassé.
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