-4-
Découverte de deux cadavres, il y a environ une heure, dans une résidence de Allend Road.
Norma et Carl Holley, couple pourtant sans histoires, ont été découverts, morts, dans leur maison aux alentours de midi. La personne ayant contacté les forces de l'ordre ne semble avoir aucun lien apparent avec les victimes. Selon nos sources, l'état de ces dernières rappelle fortement celui de Megan et Connor Shaw, morts avec la même brutalité le dimanche précédent.
Ces deux incidents auraient pu passer pour deux événements indépendants l'un de l'autre, s'il n'y avait pas seulement une semaine d'écart entre eux et que des paroles d'une chanson similaires n'avaient pas été trouvées. Paroles encore inconnues à ce jour, mais qui feraient référence à « Gloomy Sunday », le très populaire phénomène médiatique des dernières années.
La nature de la mort reste à être déterminée pour les deux dernières victimes, mais quelques enquêteurs ont confié à la presse qu'ils ne seraient pas surpris d'apprendre qu'il s'agit là d'un autre double suicide.
A L O R S Q U E L E S J O U R S S O N T C O M P T É S, il est difficile de ne pas succomber à la pression. Les secondes s'égrènent en se transformant en minutes, puis en un battement de cils elles se métamorphosent en heures et bientôt votre compte à rebours est écoulé. Le temps vous nargue. Il devient votre pire ennemi. Et que pouvez-vous faire pour éviter la catastrophe à la chute du dernier grain dans le sablier ?
Si Theodore détenait la réponse, il ne se serait certainement pas retrouvé avec un problème supplémentaire. Comme si l'affaire Shaw n'était pas un mystère déjà assez consternant, il a fallu qu'une autre tragédie vienne se rajouter à la liste. C'est un autre dimanche maculé de sang qui s'annonce, non moins désemparant que le précédent. Hobbs est déjà sur place, et les cernes qui creusent le dessous de ses yeux ressemblent fortement à ceux que Theodore arbore tout aussi joliment – leurs nuits se sont faites encore plus courtes, tant ils carburent au café et à l'inquiétude.
Aujourd'hui, leurs craintes se matérialisent.
À peine arrivé devant la maison, déjà scellée de bandeaux noirs et jaunes, Theodore a un mauvais pressentiment. Et pour cause, il n'a même pas besoin de voir la cascade rouge qui baigne les escaliers du palier pour sentir l'odeur âcre du désastre. Il faut faire attention à ne pas glisser, en pénétrant dans la maison inondée d'eau rougeâtre. Le carrelage, noyé, n'est visible que lorsqu'une chaussure vient troubler l'immobilité de l'eau sombre. Theodore prend soin de ne pas dégringoler en remontant la cascade rouge le long des escaliers. Mais une fois arrivé à la source, il se rend compte que son périple jusque là n'est pas la plus grande épreuve qu'il devra affronter aujourd'hui.
Les molécules d'air qui s'insinuent dans les poumons de Theodore lui retournent les entrailles. Il se couvre le bas du visage ; il peine à respirer. L'odeur nauséabonde s'accroche à ses narines, aussi efficacement que le sang au carrelage blanc. Les propriétaires auraient tout aussi bien pu recouvrir les murs de l'innocente salle de bain de peinture écarlate mais, ha ! Ils sont morts ! Et, maintenant, c'est leur hémoglobine qui fait office d'ornement.
Les yeux de Theodore hésitent entre deux champs de vision. Choisir celui dans lequel ils peuvent voir cet homme à la tête noyée dans le lavabo, ou l'autre, grâce auquel ils peuvent admirer cette femme profitant de son bain rouge ? La panique aurait déjà provoqué l'évanouissement de maintes personnes, mais Theodore garde son calme. Son sang froid circule dans ses veines, alimente son organisme et remonte jusque sa tête, où il fait attention de garder tous les fils de son cerveau en place.
Theodore décide de travailler méthodiquement. Il s'avance d'abord vers le corps le plus proche. Le lavabo, autrefois d'une blancheur immaculée, est rempli d'eau à ras bord. Le liquide cristallin se déverse du robinet, tombe dans la vasque bouchée avant de couler jusqu'au sol, le tout de manière constante. La particularité, ici, est la tête plongée dans la dite vasque. Celle d'un homme mort, les bras ballants, le corps à genoux. Jugeant par la position de sa tête – cou pressé contre le bord, visage noyé dans l'eau – la personne infortunée a cessé, depuis longtemps, de respirer.
— Carl Holley.
Theodore n'a pas besoin de se retourner pour deviner la présence de Hobbs à ses côtés.
— Tu auras sûrement remarqué les contusions sur ses bras et ses jambes, mais à première vue, aucune blessure majeure. Le sang sur ses vêtements semble provenir de l'autre victime. On devra attendre les constatations de Dockson au sujet de potentielles blessures, internes ou externes, qui auraient pu être fatales.
Theodore acquiesce, puis montre la tête de la victime du menton.
— En attendant, je pense que l'on peut considérer la noyade comme cause de la mort. Autrement, je ne vois aucune raison à la position du corps...
Un élément de l'autre affaire en cours lui revient.
— Est-ce qu'on peut retourner le cadavre ?
Theodore et Hobbs attendent que les photographes passent à la seconde victime pour ordonner le déplacement du corps. Une fois sur le dos, le visage de Carl Holley est désormais bien visible – un visage troublé, éprouvant une crainte violente. Un visage rappelant étrangement l'expression de Connor Shaw.
— On dirait qu'il revient d'un voyage en enfer...
Ca ne doit pas en être loin, pense Theodore.
Depuis le début de cette fâcheuse série d'événements, Hobbs n'a plus que deux mots à la bouche. Gloomy Sunday. Theodore a une envie monstre d'hurler à chaque fois qu'il entend ce terme, mais il sait pertinemment qu'Hobbs n'y croit pas réellement : il tente seulement de faire le lien entre les faits et cette folie fictive. Theodore, quant à lui, y voit avec clarté l'œuvre d'un tueur en série. C'est là sa crainte, dès le dimanche dernier, lorsque les paroles ainsi que le mot ont été trouvés. Il y a vu immédiatement une potentielle signature – une trace, une marque, une manœuvre pour le coupable de se faire remarquer et clamer son existence. Avec un peu de chance, la dite signature ne tarderait pas à venir prouver la justesse de son intuition.
Theodore déniche une paire de gants synthétiques et se penche au dessus du cadavre.
— Tu cherche une trace des paroles, c'est cela ? devine Hobbs.
— Ou d'un second message... Mais si les agissements de notre tueur sont disposés en un motif précis, alors les paroles devraient être sur le corps du mari.
Theodore examine dans un premier temps les mains de la victime. Les doigts sont crispés, comme s'ils étaient faits de glace, et il doit faire attention à ne rien compromettre en manipulant le corps. Hobbs observe aussi de son côté, à l'affut d'un morceau de papier suspect. Rien dans les mains.
L'attention de Theodore revient sur le visage de Carl Holley. Ses yeux sont rouges, globuleux ; sa peau mouillée un tantinet bleuie. Répondant à un pressentiment qu'il ne peut ignorer, Theodore glisse deux doigts dans la bouche de la victime et écarte délicatement sa mâchoire.
— Jackpot.
Hobbs lui fournit immédiatement un sac plastique dans lequel leur trouvaille est bientôt scellée.
— Voyons ce que ça dit...
Le bout de papier, couvert d'eau, de sang et de salive, attise la curiosité de Theodore aussi bien que celle de Hobbs.
Petites fleurs blanches
Ne vont jamais te réveiller
Pas quand le carrosse noir du chagrin
T'a emporté
— Une suite aux paroles précédentes ? se demande Hobbs tout haut.
A cet instant, Dockson pénètre dans la salle de bain – autrement connue, scène de crime. La stupeur qui se lit sur son visage n'est en rien étrangère à celle que porte chacune des personnes présentes.
— Que diable s'est-il passé ici ?
Theodore lâche un rire sans joie.
— Je te présente ton nouvel ami, dit-il en pointant la dépouille du doigt. Ne t'en fais, nous y avons à peine touché. Je te laisse travailler. Amuse-toi bien.
Theodore est le premier surpris de trouver la force de se montrer sarcastique ; mais quand il s'agit là d'un talent naturel, a-t-on vraiment besoin de faire un effort ?
Les robinets sont tous fermés, à présent, ceci n'enlève néanmoins pas toute l'eau qui s'est déversée jusqu'au dehors de la maison. La baignoire, comme le lavabo, est pleine à ras bord. La seule différence se trouve être la couleur de l'eau, ainsi que l'état de la victime qui y est plongée. Theodore se rend vite compte que, à l'instar du meurtre du dimanche précédent, la femme est considérablement plus amochée.
Norma Holley – nom que Hobbs a fourni à Theodore – est allongée, nue, dans la baignoire. Des bulles de savon flottent encore sur la surface de l'eau, mais leur présence se fait à peine remarquer comparée à celle de la couleur rouge qui tapisse une trop grande surface. Une couleur belle mais à l'odeur métallique étourdissante, provenant des ignobles blessures de la dame. Malheureusement, ces dernières sautent aux yeux et Theodore se retrouve dans l'incapacité de les ignorer.
Zébrures rouges le long des bras et jusqu'au bout des doigts, le corps de Norma Holley est comme un livre souhaitant délivrer un message. Sa peau, trempée jusqu'aux os, est parcheminée. Theodore ne peut que voir les profondes entailles gravées dans la chair, et les lettres que forment les membres gravement mutilés.
L'amour n'est pas un jeu
Succession de mots familière, que Theodore ne tarde pas à compléter en levant les yeux vers le mur.
Il est tout aussi facile de briser un verre qu'une personne
Les lettres sont étrangement bien dessinées, comme si le coupable avait pris le temps de performer une calligraphie parfaite sur le carrelage blanc du mur. Theodore lève un sourcil.
— Pas d'usage de papier cette fois ?
La question de Hobbs vient faire écho à celles qui tournoient dans la tête de Theodore, et malheureusement pour lui, elles se font de plus en plus nombreuses. A cet instant, il remarque la présence d'un petit objet flottant dans l'eau poisseuse au pied de la baignoire. Une lame de rasoir. Elle est rapidement ramassée et étiquetée comme preuve.
Ayant trouvé ce qu'il cherchait plus rapidement que prévu, Theodore retourne en compagnie de Hobbs auprès du médecin travaillant toujours sur la première victime.
— Des découvertes, Dockson ?
— Eh bien, je vois beaucoup de blessures fraîches, notamment au niveau de la partie supérieure du corps. Mais aucune ne me parait être grave. Pas assez grave en tout cas pour provoquer la mort.
— Ca pourrait être quoi, dans ce cas ?
— La noyade, je dirais.
Theodore et Hobbs échangent un regard.
— Sauf si je trouve des blessures internes qui prouvent autre chose.
Si. Theodore regarde Dockson se diriger vers la seconde dépouille, en se demandant s'ils verraient bientôt le bout de cette affaire. Tout indiquait qu'elle serait longue et éprouvante – manque de preuves, absence de suspects – et si Theodore apprécie les challenges, ce n'est plus tellement le cas lorsque la vie d'un nombre indéterminé de personnes est impliquée. Ce nouveau meurtre, néanmoins, apporte quelque chose. Car outre le manque de pistes et la confusion absolue, Theodore sait au moins sur quoi se reposer.
L'amour n'est pas un jeu.
Cette enquête, si.
Ce qui devait arriver arriva. Retard dans l'écriture et chapitre qui prend du temps à arriver. Oups!
J'ai une moitié de chapitre en stock, je ne sais pas si je le terminerai à temps pour la semaine prochaine. Je suis actuellement en vacances chez mes grands-parents et difficile de se concentrer pour écrire avec tous ces gosses 😅 Pas d'Internet non plus, j'ignore la fréquence de mes visites sur Wattpad dans les jours à venir. À cet instant, je puise dans le peu de données mobiles qu’il me reste pour poster ça.
Merci d’avoir lu, et comme d'habitude, n'hésitez pas à laisser un p’tit vote si vous avez aimé et à me donner votre avis en commentaire!
Bises :D
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top