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Une chanson meurtrière : l'étrange affaire du « Gloomy Sunday »
A Budapest, un marchand se donne la mort en s'ouvrant les veines. A Vienne, une adolescente se tue par noyade. A Londres, une femme au foyer boit une bouteille de javel. A Paris, un professeur s'empoisonne avec des produits chimiques. A New York, un jeune comédien se jette par la fenêtre de son appartement.
Le lien entre toutes ces morts ?
Une chanson.
Le premier cas à avoir vu le jour a été enregistré à Budapest, en Hongrie. Si l'affaire n'a pas paru sortir de l'ordinaire dans un premier temps, c'est au bout d'une dizaine de cas similaires que la police Hongroise a commencé à s'inquiéter. Une première hypothèse incluait un tueur en série, mais les examens médicaux ont vite tranché quant aux circonstances de la mort : les dix victimes s'étaient suicidées.
Le phénomène est allé au-delà du secteur et s'est propagé dans tout le pays, faisant de la Hongrie le théâtre d'une masse de suicide fulgurante. Mais en l'espace de quelques mois, l'épidémie a peu à peu gagné plusieurs autres pays européens avant de s'attaquer à l'Asie et à l'Afrique. L'Amérique présente moins de cas, mais il n'est qu'une question de temps avant qu'elle atteigne un taux de suicide tout aussi alarmant.
A ce jour, plusieurs milliers de cas similaires ont été reportés aux quatre coins du monde.
Bien que les morts ne soient pas toutes identiques, un point commun prouve qu'il y a bel et bien un lien entre les différents incidents : dans tous les cas concernés, la victime tenait un bout de partition et des paroles.
La partition ainsi que les paroles en question sont inconnues du public. Seul le terme international « Gloomy Sunday » est utilisé pour décrire la situation. Même si l'on ignore leur signification et leur rôle, elles sont considérées comme dangereuses et n'ont pas été divulguées ; mais il semblerait qu'elles n'appartiennent à aucune musique existante. Ainsi, ce lien qui semble unir les nombreuses victimes reste à ce jour un mystère insoluble.
Tandis que la vague de panique et de terreur secoue le monde entier, la source de cette musique, surnommée « La chanson Hongroise du suicide » par la presse et les médias, reste encore aujourd'hui inconnue.
— Magazine Worldwide News, 11 juin 2017
L E S D I M A N C H E S ont quelque chose d'amer, trouve Theodore. Certains les maudissent, car ils marquent la fin du weekend et annoncent un lundi généralement désagréable. Mais ce n'est pas ce qui dérange Theodore. Etant assis près de la fenêtre, il est servi. L'animosité de la ville en contrebas l'épuise alors qu'il est à peine huit heures. Les pas bruyants des passants, leurs discussions grotesques. Les chiens qui aboient, les cris des enfants, et les insupportables klaxons. Une cacophonie quotidienne qui semble doublement amplifiée en ces journées de dimanche.
Theodore ferme les stores presque violemment dans une tentative de s'isoler de la lumière aveuglante du soleil, ainsi que du bruit matinal qui défierait la stabilité du plus sain des hommes. L'on pourrait croire que les gens profiteraient du week-end pour se reposer, dormir le matin – un rêve pour les personnes comme Theodore. Mais la ville est une lève tôt: elle fourmille même le week-end, en particulier le dimanche. Ceci au plus grand désarroi de Theodore, qui ne supporte plus leur bruit sept jours à la chaîne. Bon Dieu, ce n'est encore que le matin! s'écrie-t-il intérieurement face à sa migraine naissante. D'un geste que beaucoup qualifieraient de désespéré, il se raccroche à sa tasse de café, maintenant aussi froide que de la neige à force de la regarder et à cogiter.
Theodore ne connait pas de weekends. Faire tourner une agence de détective privé ne lui laisse souvent pas ce genre de délices. Ainsi, ce bureau est davantage sa maison que sa maison elle-même, et il ne compte plus les nuits qu'il a dû y passer à travailler tardivement sur un dossier. Les jours ne riment à rien ; le lundi est mardi, qui lui est mercredi, tout comme jeudi est vendredi, suivi de près par samedi. Le temps est une notion inexistante tant les jours, identiques, se confondent. Sauf les dimanches. Les dimanches, tout tracas prend des proportions gargantuesques. Theodore irait même jusqu'à dire que les dimanches ont la senteur de quelque chose de fourbe, de malveillant.
Et il ne croit pas si bien penser.
Les yeux cernés fixant son café et l'esprit bien, bien enfoncé loin dans ses pensées, il sursaute violemment lorsque le téléphone décide de sonner. La moitié de sa boisson se retrouve sur son bureau et sa chemise – l'œuvre du dimanche, ça – et il peste un bon moment avant de décrocher le combiné.
— Allô ? grogne-t-il.
— De mauvaise humeur, Harris ? dit la voix au bout du fil. Je rêve du jour où tes tendances grincheuses cesseront.
Theodore se laisse tomber sur le dossier de sa chaise et soupire.
— Va droit au but, Hobbs. Je n'ai pas l'énergie pour ça.
— Deux corps ont été découverts au 62 Plainstreet.
Ça alors.
— Meurtre ?
— Suicide, à première vue.
— Pas mes affaires, lance Theodore et s'apprêtant à raccrocher.
— Attends ! le retient le policier. Il y a quelque chose qu'il faut absolument que tu vois. Tu devrais lire l'article que je viens de t'envoyer. On se retrouve sur les lieux, ne sois pas en retard.
La tonalité agaçante vient retentir dans l'oreille de Theodore, et indiquer que la conversation téléphonique est terminée. Un double suicide, hein. Pourquoi devrait-il s'occuper de ça? Le suicide, pour lui, est une mort inutile. Et Theodore lui-même en devient inutile; que pourrait bien faire un détective dans une telle situation? Son travail est de partir à la chasse aux informations; que ce soit pour des raisons professionnelles ou à l'inverse très intimes, il se charge de reconstituer toutes les bribes de renseignements, le moindre petit secret sur lequel il peut mettre la main pour la personne qui fait appel à ses services - et, oh comme les gens aiment regarder à travers la vitre de leur voisin! Voilà qui explique l'agenda bien rempli de Theodore. N'oublions pas aussi que, à l'occasion, il doit honorer son travail de consultant, à savoir courir derrière les méchants pour les punir de leurs actes. Enfin, c'est en vérité le boulot de la police; lui s'occupe de découvrir l'identité des dits méchants.
Y a-t-il un méchant à chercher dans une affaire de suicide?
Theodore accède à sa boîte mail professionnelle pour consulter l'article que Hobbs tient à lui montrer. Un clic, et il se retrouve sur le site d'un magazine d'information quelconque.
Une chanson meurtrière : l'étrange affaire du « Gloomy Sunday », dit le titre. Theodore fait défiler la page, sa curiosité piquée malgré lui. Une liste d'affaires, qu'il se rappelle vaguement avoir entendu ses collègues raconter, est dressée. Deux lignes la suivent.
Le lien entre toutes ces morts ?
Une chanson.
Theodore plissa les yeux d'incompréhension.
Le premier cas à avoir vu le jour a été enregistré à Budapest...
...les examens médicaux ont vite tranché...
...les dix victimes s'étaient suicidées.
Ah. Theodore donne un coup à son ennui et se force à continuer sa lecture.
...masse de suicide fulgurante...
...plusieurs milliers de cas similaires ont été reportés aux quatre coins du monde.
Et? pense Theodore. Des suicides il y en a et il y en aura toujours, peu importe où l'on va. Sérieusement, quel est le but de cet article?
...la victime tenait un bout de partition et des paroles.
...« Gloomy Sunday »...
...dangereuses...
...n'appartiennent à aucune musique existante...
...mystère insoluble.
Hum.
Qui a écrit cette merde? fut la première pensée à traverser l'esprit de Theodore. C'est de toute évidence un empilement de bobards issus d'un folklore particulièrement dérisoire. Qu'une masse de suicide fasse surface dans une tragique imitation de la Grande Dépression, ça, Theodore veut bien le croire. Ces morts sont des faits prouvés, après tout. Mais une musique meurtrière? Il ignore quel hurluberlu a inventé « La chanson Hongroise du suicide », mais on devrait très certainement lui faire savoir que la drogue, c'est mal. Oh et puis, ces médias qui s'empressent de relater la moindre idiotie? Ce sont les plus ridicules de l'histoire.
Theodore soupire pour la énième fois de la matinée. Il donnerait tout pour juste s'allonger dans un coin, dormir, et pourquoi pas ne jamais se réveiller. Mais le devoir l'appelle; il ne refuse – presque – jamais une affaire. Et si Hobbs juge qu'il doit être sur le coup, alors Theodore ne tournerait pas le dos à cette enquête – si c'en est une à proprement parler, il ne savait pas ce qu'il attendait.
Gloomy Sunday.
Mouais, se dit Theodore en se levant de sa chaise. Ça pour être sombre, il est sombre ce dimanche! Il enfile sa veste au dessus de sa chemise tâchée, de manière à dissimuler la trace brunâtre. Quelqu'un n'aime pas les dimanches, on dirait! pense-t-il avec sarcasme. J'aurais pu écrire cet article, tiens.
Theodore sort de son bureau. Il salue vaguement collègues et employés en quittant le bâtiment, ignorant que la journée ne va faire qu'empirer.
Hey! :D
Alors j'ai beau avoir un nombre impressionnant de séries policières et de polars à mon palmarès, ça ne fait pas de moi une experte en la matière. Même mon obsession (légèrement malsaine) pour Danganronpa n'aide pas! Donc je n'ai aucune idée du résultat :')
Si ça se trouve c'est zéro crédibilité.
Mais bref, pardonnez-moi si c'est le cas et... dites-moi ce que vous en pensez? :3
Bises!
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