Chapitre 8

Dans sa belle robe blanche, Lalith n'avait jamais autant resplendi. Son sourire éclatant inspirait la sympathie à tous. Personne n'aurait pu lui jeter la moindre critique, autant sur son apparence que sur ses valeurs ou ses actes. Elle était juste parfaite, d'une douceur et d'une charité sans limite.

Son entrée dans l'armée avait étonné plus d'un mais c'était surtout en tant que guérisseuse qu'elle se donnait.

Vêtu d'un habit aussi clair, Ruinax ne cachait pas sa fierté pour son adorable épouse. Il formait un couple parfait, autant assorti extérieurement qu'aimant. Le test valique de compatibilité avait même certifié qu'ils pourraient concevoir des enfants...

Durant la réception, les gnomes couraient entre les buffets pour servir les invités. Tous les convives semblaient satisfaits de la soirée mais pas autant que les mariés. Assis à leur table, ils s'échangeaient quelques mots à l'oreille de temps en temps, lorsque des hauts dignitaires ne venaient pas les féliciter.

Comme pour accompagner cette bonne ambiance, une douce chaleur imprégnait l'air avec des arômes de feuilles mouillées. Les lanternons éclairaient les lieux, accrochés aux branches dénudées.

Enfin, Lalith se leva, prétextant avoir besoin d'aller chercher un verre d'eau. Ruinax lui baisa le dos de la main et la laissa rejoindre un buffet où elle ne tarda pas à être de nouveau alpaguer.

Décidemment, elle ne s'en sortirait jamais ! Elle ne pensait pas que ses noces seraient aussi fatigantes.

Soudain, elle se figea. Au-delà de la limite de la fête, elle reconnut la silhouette de Morgal. Son cœur s'arrêta un instant : était-ce possible ? Il avait pourtant disparu...

Elle regarda derrière son épaule, s'assurant que chacun était occupé à danser ou bavarder, et s'avança lentement vers la lisière de la forêt.

Ses petits escarpins se mouillèrent dans la mousse trempée par la rosée mais elle s'en moquait bien. Une certaine crainte s'insinua en elle : qu'est-ce qu'il lui prouvait que son ami ne se jetterait pas sur elle pour l'égorger et boire son sang ? Ou tout simplement se venger de sa rancœur ?

— Morgal ? C'est bien toi ?

Une voix grave lui répondit :

— Bonsoir Lalith.

Elle s'arrêta, hésitante. Et puis, elle se jeta dans ses bras :

— Morgal ! Tu m'as tellement manqué !

— Toi aussi, Lalith.

Elle recula pour le dévisager :

— Tu as changé...

— Et toi tu es ravissante, ce soir. Toutes mes félicitations...

La voix du prince trahissait pourtant un profond mal-être.

— Morgal... J'espère que tu ne m'en veux pas, hein ? Je sais que j'aurais dû te parler plus tôt de mes fiançailles avec Ruinax... Mais j'étais tombé amoureuse de toi.

— S'il-te-plait, Lalith, prononça-t-il difficilement, pas de ces mots le jour de ton mariage. Tu n'es pas obligée de t'excuser, tu sais ? Je me suis mal conduit envers toi lorsque tu as voulu m'aider. J'espère que tu l'oublieras.

— Bien sûr ! Tu n'étais pas toi. Mais comment vas-tu ?

— Bien... Mon retour n'est pas encore officiel et reste sous silence. Mais je ne voulais pas rater une telle fête.

Elle rougit légèrement, heureuse que finalement son ami et elle se réconcilient.

— Nous nous reverrons, bientôt, n'est-ce pas ?

— Dès que j'en aurais la permission, si Ruinax n'y voit pas d'inconvénients... Tu le salueras de ma part.

— Je le ferai...

— Tes invités t'attendent, Lalith.

— Au revoir, Morgal, à bientôt !

La jeune elfe pivota sur ses talons et rejoignit la clairière de sa démarche légère, laissant le prince dans l'ombre.





Morgal était fou. Non pas que Lalith et Ruinax se marient et vivent un amour heureux, non, ça il en était presque content pour eux. Ce qui le rendait dingue, c'était son manque total de rancœur et de jalousie. Il avait souhaité se sentir attristé, désespéré, empli d'un fort sentiment amoureux pour Lalith. Mais rien. Il ne l'aimait plus. Enfin, plus comme avant. Et pourtant, il s'était rattaché à elle, se persuadant qu'elle resterait l'élue interdite de son cœur.

Mais rien n'y faisait, son âme était froide, insensible, animée d'aucun désir.

— Quelque chose ne va pas, Morgal ? demanda Sylvia.

Ils étaient tous deux de retour dans leur carrosse et les cahots de la route n'amélioraient pas son marasme.

— Non, justement, tout va trop bien...

— Je ne suis pas sûre de comprendre...

— Ne t'en fais pas, je suis simplement pressé de rentrer.

— Mmh, j'espère que tu as du sang avec toi, je voudrais que tu évites d'égorger mes domestiques.

— Sylvia...

Elle sourit de ses lèvres écarlates. Sa coiffure complexe s'était en partie défaite, ce qui devait sûrement accentuer son charme auprès de ses admirateurs et admiratrices. La princesse n'avait jamais manqué de popularité et sa nature enjouée en public ne la laissait pas passer inaperçue.

C'était bien une des raisons qui exaspérait son beau-frère.

Dans l'agitation, une manche de son épaule s'était légèrement affaissée, exposant une étrange marque sombre.

— Tu t'es fait mal ? demanda Morgal en lui montrant sa blessure.

Elle sursauta et remonta immédiatement son vêtement. Morgal soupira :

— Tu devrais prendre tes distances avec Falarön, tu sais ? Avant qu'on ne te retrouve en miettes.

Sylvia frissonna devant l'air imperturbable du prince.

— Occupe-toi de ce qui te regarde, Morgal.

— J'ai toujours trouvé que vous formiez un couple malsain.

— Je te demande de te taire.

— Demande refusée. C'est quoi ton problème, Sylvia ? Cesse de te faire maltraiter comme une gnome.

Elle le foudroya du regard :

— Figure toi, mon cher beau-frère, que ma condition me va très bien. Alors, à l'avenir, tu changeras de ton en t'adressant à moi.

— Je ne reçois pas d'ordre de toi. Je ne pensais pas que Falarön t'avait à ce point retourné le cerveau... Peu m'importe après tout, si tu ne veux pas d'aide.

Elle souffla d'énervement et profita que l'attelage soit arrivé pour s'extirper de la présence du jeune prince.

— Maso... grogna Morgal.

Décidément, cette soirée lui était catastrophique. Il était insensible aux charmes de Lalith, le seul amour qu'il avait eu dans sa vie, et pardessus le marché, son frère battais sa femme.

Le vampire grommela ; si au moins il avait été éperdument amoureux de Lalith, cela lui éviterait de tomber dans le panneau avec une brune un peu trop séduisante. Mais déterminé comme il l'était, il espéra que toute cette mésaventure n'arrive jamais.





Quelques mois avaient passé. Bien que le jeune prince ne puisse toujours pas se présenter publiquement, son retour avait enfin était reconnu. Cela lui avait permis d'acquérir sa contrée et d'y dresser sa cité. Il espérait finir au plus vite les travaux afin de pouvoir recevoir le commandement de plusieurs armées.

Presqu'un an maintenant que le royaume de Fëalocy et d'Elendor se préparaient pour envahir Narraca dans une attaque foudroyante.

Elaglar accepta qu'une garnison soit installée aux Falaises Venteuses mais refusa finalement à son fils la responsabilité de ses hommes.

— Vous doutez de mes capacités, Père, s'énerva le prince alors que le souverain observait le nouveau chantier.

— Morgal, tu n'as que vingt-cinq ans et aucune expérience militaire. Tu ne t'es jamais rendu sur un champ de bataille. Tu profiteras de la guerre contre Nilcalar pour apprendre et te faire ta propre expérience.

Morgal se pinça les lèvres, agacé : son père avait raison, il n'était pas prudent qu'il commande des soldats.

— Et puis, nos guerriers n'auraient pas confiance en toi. Tu restes instable.

— Si vous le dites tous...

Elaglar effectua un geste pour balayer le sujet de la main :

— Je vois que tu es très investi dans la construction de ta cité, remarqua-t-il en se penchant au-dessus d'une table où s'accumulaient des plans.

— Je vérifie l'architecture de chaque monument, oui.

— Tu n'as pas vu les choses à moitié pour ton palais...

— J'y annexerai une caserne militaire, plus vers l'aile sud.

— Et où comptes-tu trouver les fonds ?

— Cela me regarde, non ?

Il défia le roi du regard, l'air de lui faire comprendre qu'il avait la situation en mains. Pas question que le roi elfe ne se mêle de tout. Pas question non plus que Morgal lui soit redevable.

Il tenait simplement à bâtir une cité digne de ses ambitions. Car de la commencerait tout. De là, il fomenterait ses projets de domination et de vengeance.

Ce lieu serait le symbole de sa réussite, l'image de son esprit indompté.

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