Chapitre 39

Le soleil perçait faiblement l'épaisse vitre du hublot. Une forte odeur de bois humide imprégnait la cabine alors que le navire tanguait sur les flots.

Sur sa couchette, Morgal se réveilla en grimaçant. Il avait l'impression de mourir de chaud tellement son Vala fonctionnait à plein régime pour réparer tous les tissus de son corps.

À son chevet, Currunas se redressa prestement pour s'enquérir de la santé de son patient :

— Majesté ! Comment vous sentez-vous ?

Le prince ouvrit la bouche pour répondre mais seul un sifflement en sortit.

— Non, non, ne tentez pas de parler. Vous êtes trop affaibli.

Le regard inquisiteur de Morgal força son mage à donner quelques explications.

— J'imagine que vous désirez savoir... Je suis dans le regret de vous informer que nous avons perdu cette bataille. Nous nous replions en ce moment.

Le blessé se détourna de son interlocuteur, le regard égaré dans le vide. Perdu...

— Arminassë sort vainqueur de ce combat. Mais heureusement, leurs armées sont trop réduites pour pouvoir occuper la presqu'île. Le sort n'est pas jeté.

Les réflexions noires de Morgal furent interrompues par l'arrivée du roi dans sa cabine.

Contrairement à son fils, il ne portait aucune séquelle du combat :

— Morgal... Regarde un peu dans quel état tu te trouves. Si nos mages n'étaient pas intervenus à temps, tu serais encore à boire la tasse dans ce sanctuaire.

À ce souvenir, le concerné foudroya Elaglar du regard. Il n'avait pas besoin qu'on lui rappelle son échec.

— J'espère que cette expérience t'apprendra. Un prince n'a pas à agir sans réfléchir comme tu l'as fait. La Reine Vierge s'est empressée de te rappeler ta place.

Morgal serra la mâchoire ; ses narines se dilataient face au mépris qui transparaiçait dans le regard clair du roi. Un pâle silence s'imposa, laissant place aux grincements du bois et des cordages.

— Je compte sur toi pour te rattraper, lança Elaglar froidement, nous n'en avons pas fini avec cette maudite reine.

Sur ces paroles, le souverain sortit dans un claquement de cape, aussitôt suivi du mage qui tenait à faire son rapport.

Morgal se retrouva seul dans ses draps, révolté contre les derniers événements. Comment avait-il pu perdre de la sorte ! Contre une femme, qui plus est ! Son égo en prenait un violent coup, c'en était pire que la douleur de ses blessures.

Il s'en voulait, détestait sa faiblesse et maudissait la Reine Vierge. Tout ce chemin de domination pour finalement chuter comme un misérable.

Même son dragon, allongé faiblement au pied du lit, ne semblait lui pardonner, préférant l'ignorer d'un sommeil profond.

— On dirait que cette bataille ne t'a pas réussi, mon chou.

— Djinévix... Murmura-t-il difficilement.

— Tu fais peine à voir, Chérubin. Mais j'ai appris que tu avais fait connaissance avec ma chère petite Luinil !

— Va au diable...

Il aurait souhaité la renvoyer et la faire taire mais dans son état, c'était tout bonnement impossible : il allait devoir endurer son discours.

— N'est-elle pas ravissante ? Bien plus que ta Lalith, tu ne crois pas ?

Il se mordit la langue, furieux. Sa colère amusa la sorcière :

— Elle est un peu diabolique, certes. Mais elle est surtout une splendide Réceptacle Brune.

Morgal ne réagit pas.

— Oh ! Tu as la mémoire courte ? Ça ne te rappelle donc rien ?

Elle prit une courte pause pour savourer son effet sur l'elfe. Humilié et révolté, il se forçait à ne pas utiliser une magie déjà plus qu'affaiblie.

— J'aurais simplement souhaité que vous vous rencontriez différemment. Luinil je sera pas facile à amadouer après ça...

— Je la déteste... Et je la tuerai.

— Mais entre la haine et l'amour, il n'y a qu'un pas, Morgal. J'ai hâte de te voir soupirer après elle.

— Sors de cette cabine...

— Cesse de t'énerver, c'est mauvais pour toi. Sache simplement que mes prédictions se réaliseront, que tu me veuilles ou non. Je te l'ai dit, je veille au grain.

Ces mots étant dits, elle disparut dans un nuage de cendres, laissant le prince à sa rage.

Il était fou, rabaissé et moqué, il ne désirait qu'une chose : retrouver Luinil et lui trancher la tête. Cette fois-ci, il n'écouterait ni son père ni sa raison. Son amour propre bafoué criait réparation. Son cœur s'envenimait déjà d'une passion de vengeance.

Il n'obtiendrait la Gloire qu'après avoir trempé ses mains dans les entrailles de la Reine Vierge. Il ne se contenterait pas d'une telle Déchéance plus longtemps !

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