Chapitre 22

La drogue fit rapidement effet. Malheureusement, les conséquences ne tardèrent pas à se manifester : lorsque Morgal fut réveillé dans la nuit, son envie de violence et de sang en était décuplée. À cela s'ajoutait la journée de la veille qui s'était révélée éprouvante pour son moral.

— Qui est le sale fils de putain qui m'a réveillé !? s'écria-t-il en se levant d'un bond de sa couchette.

Bien que totalement lucide, Morgal ne désirait plus se contenir : on avait osé le déranger dans son sommeil, et cher en coutera au coupable !

Il se précipita à la fenêtre, ouvrit les battants et chercha la cause du raffut. Apparemment, ça venait des appartements adjacents car la lumière filtrait de l'ouverture la plus proche.

Remonté comme jamais, le prince claqua sa porte et s'élança dans le couloir, prenant soin d'appuyer chacun de ses pas sur le parquet usé. Il frappa violemment à la porte de Jenny et beugla :

— Silence ! Y en a qui dorment !

Ceci dit, tout le Manoir devait à présent être réveillé.

Mais comme cela ne suffisait pas, Morgal força la porte qui n'était pas verrouillée et pénétra dans les appartements de son mentor. Ce n'était pas comparable à sa cellule ! Non, pour tout résumer, Jenny se mettait à l'aise ! L'espace était bien plus vaste et entretenu.

Mais l'elfe s'en moquait, il traversa le salon et ouvrit la porte de la chambre avec toute la fureur qu'il ne se connaissait pas.

Jenny se retourna vers lui, les yeux écarquillés par la surprise. À n'en pas douter, elle n'avait pas entendu les vociférations de son élève. L'homme avec qui elle partageait le lit devait sans doute y être pour quelque chose. Mais avant qu'elle ne puisse sortir le moindre mot ou même couvrir sa nudité, Morgal brailla :

— On m'a dit de rejoindre une confrérie, pas d'entrer dans un vulgaire tripot. Maintenant vous aurez l'amabilité de passer vos parties de jambes en l'air autre part ! J'en ai ma claque de ne pas avoir trois secondes de répit dans ce pays !

Jenny bafouilla quelques mots incompréhensibles tellement elle ne s'attendait pas à une telle apparition. Heureusement pour elle, son amant prit rapidement les choses en main.

À savoir, Duncan...

Il se leva de la couche avec l'allure d'un fauve et se dressa face à sa recrue, les bras croisés sur son torse musclé :

— Un problème, le gnome ? demanda-t-il posément.

— Un problème ?! reprit-il sans baisser la voix, ouai c'est avec tous les gros cons de cette dimension que j'ai un problème ! Et là, j'en ai un devant moi.

— Un vrai caractère de merde...

— Ouai, je le dois à mon entourage !

Sur ce, Morgal lui tourna le dos et regagna la sortie, maugréant dans sa barbe. Duncan ne put s'empêcher de sourire : de toute sa longue vie, il n'avait jamais été arrêté en pleine action par un elfe revêche complètement drogué. Et il se réjouissait à l'avance de la punition qu'il allait soumettre à sa recrue insolente.





Morgal se réveilla aux premières lueurs du jour. Et étonnamment, il était d'une humeur à toutes épreuves. Tant mieux car en se rappelant les évènements de la nuit, quelque chose lui disait que les épreuves, ce n'était pas ce qui allait lui manquer !

Il s'habilla en vitesse et descendit au réfectoire pour avaler un bol de sang. Au moins, la drogue de Locea avait fonctionné à merveille : il ne restait que des cicatrices de ses plaies.

Lorsqu'il entra dans la salle tous les regards se posèrent sur lui. Il était au moins fixé que son craquage de la nuit n'avait échappé à personne.

Tout en se raclant la gorge pour se redonner contenance, il s'assit au bar et attendit que le tavernier ne se manifeste.

Il apparut avec un torchon sur son bras poilu et une toque de feutre sur son crâne dégarni :

— Vous revoilà ! s'exclama-t-il toujours avec la même emphase.

— Vous auriez quelque boisson pour m'hydrater ?

— Bien sûr... Tenez... Eh dis donc vous avez un sacré caractère, vous !

— Un caractère de merde, disent certains.

— C'est déjà mieux qu'hier matin !

— Ah mais je suis de bonne humeur, aujourd'hui.

— Tant mieux ! ça vous aidera à supporter la punition de Duncan.

— Qu'il aille se faire voir : ce n'est pas parce qu'il est mon supérieur qu'il peut se permettre de pourrir mes nuits.

— Si vous le dites... Au fait, je m'appelle Giaco.

Morgal hocha la tête et porta sa coupe aux lèvres. Il se rendait bien compte que la plupart dans la salle parlait de lui et Duncan.

Mais ce fut Jenny qui entra la première, fulminante. Elle avança à grands pas vers son élève et le tourna de force pour qu'il la regarde. L'elfe pouvait voir les flammes danser dans ses prunelles noires mais il s'en moquait éperdument.

— Je t'assure que tu vas passer un très mauvais quart d'heure, cracha-t-elle, comment as-tu osé entrer dans mes appartements !

— Je me suis juste dévoué à la place de tous ceux qui voulaient dormir, très chère.

Loin de laisser l'affront impuni, elle l'agrippa par le manteau et le précipita à terre. Morgal accusa violemment le coup sur le parquet dur mais avant qu'il ne puisse se relever, Jenny le saisit par la chemise et le plaqua contre la surface du bar. Le prince empoigna une bouteille qui trainait et la brisa de toutes ses forces sur la tête de son agresseur.

Déjà, toute la pièce s'était regroupée autour des deux combattants et commentait vivement l'échauffourée. Si dans la lutte, Jenny prit rapidement le dessus, son adversaire ne s'avoua pas vaincu. Il recevait les coups mais les rendait avec d'autant plus de violence, ignorant les chocs sur son visage.

Exaspérée de trouver encore une résistance, sa supérieure dégaina deux dagues et les enfonça dans ses épaules jusqu'à les planter dans le sol. Morgal se retrouva cloué à même le parquet, Jenny à califourchon sur lui et s'apprêtant à lui remettre son poing dans la face. Mais contre toute attente, elle décida d'user ses sortilèges sur lui et commença à lui nécroser la peau dans une horrible odeur de putréfaction.

L'elfe se tordit de douleur en sentant la douleur se répandre dans tout son corps. Intérieurement, il maudissait les vampires qui regardaient le spectacle sans intervenir.

— Jenny ! tonna une voix, arrête de maltraiter ma recrue !

La concernée releva la tête et retira ses dagues d'un coup sec, arrachant une plainte au blessé. Duncan s'avança dans la pièce de son pas souple. Il empoigna Morgal par son épaule sanglante et le redressa de force :

— J'aimerais pouvoir parler à un homme encore vivant, murmura-t-il.

Jenny exprima un rictus qui laissa découvrir ses canines : son tempérament enflammé n'avait pas encore été apaisé et elle comptait bien satisfaire ses pulsions de haine.

Le prince respira en remarquant que la nécrose disparaissait en fumée ; mais ses épaules saignaient de plus belle. Le chef des Égorgeurs grogna en s'en apercevant et appliqua ses mains sur les blessures pour les refermer d'un sortilège.

— Bien, Chérubin, déclara-t-il en replongeant son regard dans le sien, il semblerait que tu m'ais manqué de respect cette nuit.

L'elfe ne répondit pas mais ne détourna pas les yeux, soutenant insolemment le regard de son supérieur.

— Et je n'apprécie pas vraiment que l'on me tienne tête...

Autour d'eux, les guerriers restaient silencieux, attentifs aux moindres paroles.

— Écoute, le gnome, tu as le choix : sois tu quittes la Confrérie sur le champ, sois tu acceptes ta punition...

Un sourire torve naquit sur les lèvres du chef, faisant clairement comprendre à son subordonné qu'il allait lui faire regretter ses actes.

Morgal fronça les sourcils sans lâcher ses épaules : certes, il avait une occasion de recouvrer sa liberté mais en avait-il vraiment envie ? Ne devait-il pas se reconstruire au sein de ces vampires et devenir quelqu'un ?

Il ne pourrait pas se défiler indéfiniment et son orgueil refusait de ne pas assumer ses agissements.

— Je reste.

Duncan découvrit davantage ses crocs, les prunelles scintillant d'un plaisir malsain.

— Alors on va s'amuser, tous les deux.

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