Chapitre 23 : Tension au petit déjeuner
Joe est avachie sur sa chaise tout en pianotant la table de la salle à manger. Elle a passé une agréable nuit avec son époux, renouant avec les souvenirs de Lakedole, mais elle s'inquiète énormément sur les évènements à venir à propos de sa fille. Bon nombre de choses se sont produite dès leurs arrivées, et pas dans les meilleures conditions.
Stephan est reparti avec un groupe de soldats, récupérer des livres et des archives à son ancien laboratoire. Loin que ça la stresse, la zone est à présent sans danger, mais les tumultes du matin n'ont pas arrangé son humeur fracassante. Elle a pris à partie une domestique qui traînait dans le coin pour connaître la raison de ce tapage. Et bien évidemment, ce qu'elle a appris ne lui a pas convenu.
Bénédicte arrive accompagné d'un Fergus somnolent. La maîtresse de la demeure s'installe en silence au bout de la table en bois massif, quant au nain, il se risque à s'asseoir en face de Joe. Celle-ci mastique son chewing-gum d'un air contrarié.
— Vous avez passé une bonne nuit ? interroge Bénédicte sentant la tension de Joe.
— Merveilleux, répond-elle sarcastiquement.
Bénédicte fronce les sourcils, mais n'en demande pas plus quand Anna arrive en ouvrant grand les yeux devant la splendeur de ce lieu.
— Ferme la bouche chéri, tu n'as pas fini d'en découvrir des pièces comme celle-ci, s'amuse Bénédicte.
Anna applique le conseil et s'approche de sa mère qui lui transmet son affection par une accolade. Ce doit bien être le seul sourire chaleureux qu'elle arrive à afficher. Elle s'assit à ses côtés et remarque que celle-ci est tendue.
Bénédicte claque des doigts pour annoncer le début du service. Les premières assiettes se déposent sur la table, en laissant deux également devant des chaises vide.
— Papa n'est pas là ? s'inquiète Anna.
— Il revient, ne t'en fait pas, répond Joe se voulant rassurante.
Ses phrases sont courtes, laissant planer la tension de son humeur de chien. Joe a depuis l'arrivée de la plupart du groupe, un bras caché sous la table. Son attention est tournée vers le nain qui ne se fait pas prier pour se verser quelques shots d'hydromel, rendant ainsi son air somnolent en un accent plus joyeux. Mis à part Bénédicte qui garde un œil sur Joe, le reste se concentre sur le repas.
Anthony arrive dix minutes plus tard dans la pièce, tout en s'essuyant les mains avec un torchon immaculé. Il jette un bref regard à son amie, qui mâche les yeux plissés en direction de Joe, qui celle-ci, n'ayant pas encore touché à son assiette, fixe Fergus. Anna rougit à son entrée et baisse le regard dans son verre, ce qui n'échappe pas à sa génitrice qui rétorque :
— Je vais vraiment manquer d'armes à un moment donné.
Fergus, qui n'en comprend pas le sens, redresse la tête, les joues rougies par l'alcool de si bon matin. Le cran d'un revolver résonne dans la pièce. Joe perd patience et fusille le nain du regard.
— À votre place, j'éviterais de faire une bêtise, intervient Bénédicte en jouant avec un couteau.
Elle fait racler sa chaise en la reculant, puis se redresse pour imposer sa dominance à Joe. Bénédicte passe ses mains sur les plissures de sa jupe victorienne.
— Et à ta place, jeune fille, je te conseillerais de me parler sur un autre ton. rétorque Joe à cran.
Les femmes se regardent en chien de faïence, augmentant bien évidemment la tension déjà plus que palpable dans la pièce. Anna retient son souffle. Elle a observé sa mère ces derniers temps, et elle devient de plus en plus agressive. Bien sûr, elle comprend que c'est pour la protéger, mais de là, à déclencher une énième guerre mondiale au milieu de la salle à manger, il fallait qu'elle trouve un moyen d'y mettre un terme.
Anna se lève avec précaution et évite tout geste brusque. Elle se déplace lentement, mais sûrement jusqu'à la personne qui a allumé la poudrière. Fergus la suit du regard, se rapprocher. Depuis hier, il se retrouve un peu trop souvent à son goût dans le viseur de Joe. Il lève son verre pour se cacher dans sa boisson, avant de sentir que sa chaise bascule en arrière avec force.
Anna s'interpose entre sa mère et lui pour éviter tout incident. Ce qui fait réagir tout de suite celle-ci qui se lève brusquement en haussant le ton :
— Anna que fais-tu ?
Sa fille lui fait signe de se taire et fixe sérieusement Fergus. Ne faisant pas le fier, celui-ci maintient sa position, la barbe dégoulinante d'hydromel. Les poings posés sur les hanches, Anna se penche soudainement sur le nain. Elle plisse les yeux, mais un bruit sourd l'interpelle, ce qui fait réagir également sa proie.
Elle repère dans la main droite de Fergus une sorte de bracelet en cuivre avec une forme de losange contenant une opale en son centre. Ne connaissant pas la plupart des matériaux, elle le saisit des doigts pour l'observer de plus près.
Mais l'objet lui échappe des mains quand celui-ci se fait percuter par une balle. Tous tournent la tête vers celui qui a tiré. N'ayant pas laissé la possibilité à Joe d'intervenir en aucune façon, Anthony s'était saisi de son fusil entreposé dans le couloir et avait fait feu.
— Je peux savoir ce qu'il te prend ? intervient Bénédicte en croisant les bras.
— Tu peux mieux faire, Fergus, en termes d'invention. Sois créatif, inspire-toi de ce qui t'entoure. encourage le tireur en ignorant son amie.
Fergus verse une larme sur l'objet qu'il a eu tant de mal à confectionner au vu de la rareté de certains matériaux, mais se sent soulagé que l'objet de tant de discorde soit détruit. Il roule sur le côté et rampe jusqu'à Anthony.
— Merci, mon ami, souffle-t-il.
Il lorgne sur Anna devenu blanche suite au coup tiré par Anthony et sourit en coin en ajoutant :
— Elle a une jolie petite cul...
Sans attendre la fin de sa phrase, Anthony lui assène un coup de pied aux fesses en l'invitant à déguerpir au plus vite avant qu'il ne lui fasse un deuxième trou au postérieur.
— Tant de promesse, hurle Fergus en tournant dans le couloir.
— Ne sois pas pressé, rétorque Anthony sur le même ton.
Il se tourne vers les femmes restées dans la salle à manger. Bénédicte le fusille du regard et s'éclipse derrière un rideau dissimulant une porte. Anthony sait qu'il l'a mise en colère, mais il ne pouvait faire autrement pour calmer les tensions régnantes.
— Mme Dogger, je vous ai préparé les chevaux si vous le souhaitez.
Joe soupire d'agacement. Elle a besoin d'évacuer et ce jeune homme a compris comment la détendre. Elle souhaiterait attendre son époux pour apporter les éléments qui manquent à sa fille, mais l'étau se resserre et le temps commence à lui manquer.
Anna se retourne quand sa mère l'invite à la suivre. Elles se dirigent toutes deux vers les écuries, loin des regards indiscrets et du tumulte de la demeure.
Anthony reste en retrait, veillant sur leurs sécurités. La cohabitation ne va pas être simple avec de tel caractère.
Les femmes et le jeune homme grimpent sur les chevaux. Joe retrouve la sensation de monter. Cela fait bien partie de l'une des nombreuses aspects de sa vie d'avant qui lui a manqué. Un soldat explique à Anna comment il faut s'y prendre pour grimper, ne rassurant pas la jeune femme devant l'imposante bête. Anthony sort de la grange en bois sur un étalon noir.
L'ambiance se détend après quelques essais, finissant dans les rires. La sensation de liberté se propage au sein du groupe. Et tout cela sans remarquer les gestes qu'Anna applique sur sa tempe. Tout ce qu'elle découvre, elle le partage inconsciemment avec un homme adossé contre un mur gris et morose qui regarde le ciel se couvrir d'épais nuages. Assombrissant ainsi la sinistre demeure qu'il avait connue lors de sa tendre jeunesse.
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