Chapitre 20 : Poursuite
Reniflant tel un rat et se déplaçant, recroqueviller, Fergus suit les traces de la jeune Anna depuis plusieurs heures maintenant. La jeune femme déambule tel une somnambule au travers des hommes courant et se précipitant dans le campement. La pluie s'abat sur elle sans qu'elle en soit consciente, tandis que ses pieds nus s'enfoncent dans la terre boueuse.
Elle emprunte différents chemins, revenant parfois même sur ses pas le regard vide de sens.
Fergus perd patience à la traquer comme un animal. Il s'inquiète surtout de la découverte faite dans la chambre de la demoiselle. Après avoir essuyé la douloureuse tirade de ses oreilles, et arpenter les couloirs de l'ancien laboratoire, le nain avait suivi Stephan qui emmenait sa fille dans une chambre accompagnée d'un soldat. Il était curieux de voir ses petites bébêtes travailler. Œuvrant pour replacer et consolider la mâchoire de la jeune femme.
Fergus bût une gorgée d'hydromel avant de s'approcher de la chambre. Durant sa conversation plus que musclé avec Stephan qui refusait que personne ne dérange le repos de sa fille, ils entendirent le fracas d'une vitre se brisant, mais notamment venant de la pièce d'Anna. Ensemble, en oubliant l'animosité qui régnait en maître entre les deux hommes, ils défoncèrent la porte. La pièce était à présent vide. Les draps en bataille jonchaient le sol, et le vent faisait rouler les bris de verre sur le parquet, avalant les rideaux vert bouteille dans le cadre de la fenêtre.
Stephan s'est rapproché du cadre, se blessant les mains quand il s'est appuyé dessus pour scruter l'extérieur à la recherche d'Anna. Fergus, quant à lui, est étonné par tant d'agitation. Toutes les missions jusqu'à présent s'étaient déroulées sans encombre, et celle-ci ne devait pas faire exception. Mais depuis l'arrivée du hibou qui s'est incrusté dans le voyage, tout part à vau-l'eau. Il s'avance pour examiner les blessures de Stephan, mais s'arrête en marchant sur une chose ne ressemblant pas à du verre.
Fergus se plie pour ramasser ce qui lui a attiré son attention. Après avoir mis ses lunettes grossissantes, il tourne entre ses doigts l'objet de ses désirs. Un nano robot. Minuscule, se débattant contre une force invisible tout en produisant sa petite lueur bleue si connaissable, avant de s'éteindre dans un grésillement déchirant. Fergus plisse les yeux et porte son regard sur le sol, remarquant que le reflet du verre s'amenuisant n'est autre que son travail réduit à néant et agonisant loin de leurs sources d'énergie.
Une sourde colère de voir son travail ainsi réduit l'obligea à prendre les rênes de la poursuite. Le hibou n'étant plus sa priorité, il confia les ordres au soldat, aussi muet de la scène, puis sauta par la fenêtre à la recherche d'Anna. Depuis, il essuie les gouttes sur son front après l'avoir repéré, titubant entre les tentes dans un état second.
Bien sûr, entre-temps, l'alerte avait été donnée. Fergus entendait les rumeurs du jeune soldat qui avait péri des mains de l'ennemi, et de celles indiquant la disparition de la gouvernante et de la famille qui accompagnaient leurs invités.
— Quel merdier putain, siffle le nain.
Il déploie toute une ribambelle de nano qui s'active autour de la jeune femme. Ce système mis en place alerte les soldats de ne pas approcher de la cible. Un stratagème ingénieux, dissimulant leurs présences aux yeux des ennemis, mais en envoyant un signal au camp allié. Il remarque qu'il est proche de la lisière de la forêt, plus en extérieur du campement. La situation va de plus en plus se compliquer, car autant les soldats courant dans tous les sens pouvaient intervenir en cas de pépin. Pour autant, là, personne n'est à l'horizon.
— Je ne suis pas fait pour être sur le terrain, bordel, rechigne-t-il dans sa barbe.
À travers ses lunettes cuivrées, et sous son imperméable kaki ruisselant, Fergus observe Anna qui a maintenant la tête tournée vers la partie sombre de la forêt de pin. Son corps ne bouge plus, c'est limite si on aperçoit sa respiration qui se trahit par la buée créée par sa bouche. Un silence oppressant s'immisce à la lisière.
Fergus a déjà assisté à des situations peu normales, mais là, ça dépasse tout entendement. Un frisson glacé lui parcourt l'échine. Sa main tremble de plus en plus alors qu'elle se rapproche du revolver accroché à sa ceinture en cuir. L'air de ses poumons commence à lui faire défaut. La tension règne en maître dans ce lieu, et Fergus ne sait pas s'il va pouvoir contenir plus longtemps ses nano robots en action.
Lentement, sa main se retire de sa veste, contenant avec une pression assurée l'arme à feu décorée d'engrenages sur sa crosse et comportant des gravures en spirale sur le canon. Le ressort cuivré et émettant un cliquetis annonce que le chien a été retiré. Fergus pointe l'arme vers la jeune femme, perdant ainsi de vue l'objectif de sa mission. Mais sans qu'il ne s'en aperçoive, le canon d'une autre arme se presse contre son crâne, arrêtant ainsi tous ses mouvements.
— Essaie une seule fois de blesser ma fille, et tu vas regretter d'être né, grogne Joe entre ses dents.
Le rose de ses joues, imbibées, pâlit en une seconde. De toutes les femmes qu'il ne faut pas énerver après Bénédicte, c'est bien Joe. Sa condition fait en sorte que personne ne peut la contredire ou encore l'attaquer. Cela avait étonné Fergus, qu'elle reste aussi calme depuis son arrivée, mais son caractère bien trempé a fait surface. La louve de Glockstorm montre les crocs.
* * * * * *
— Tu penses qu'elle t'a repéré ?
— C'est même sûr. Elle avait eu le même comportement dans le train, mais dans ce cas-là, la situation est bien trop compliquée.
John fixe les yeux d'Anna au travers de la sombre forêt. Ressentant sûrement sa présence, elle s'est éveillée et a poursuivi les effluves de la magie qu'il utilisait pour libérer sa gouvernante et la famille de l'ami de la jeune femme. En attendant sa venue, ils s'étaient tous réfugiés au centre de cette forêt, loin des regards et des recherches.
— Le nain m'a repéré, il comptait me renvoyer chez les rafistoleurs, explique Johanna. Si tu n'étais pas venu, cela aurait été difficile de t'aider.
John soupir. Maudit soit ce clan, pense-t-il. Les rafistoleurs sont un clan assez fermé. Ils ne s'ouvrent pas aux autres et refusent que l'on fourre le nez dans leurs affaires et leurs expériences. Ceci étant dit, ils sont les maîtres dans l'art de la guérison et du rafistolage, d'où le nom de leur groupe. Johanna était issue d'une famille assez pauvre avant d'être capturée dans les serres des Owlier.
Elle avait réussi à s'échapper pour rejoindre son clan. Mais sa condition financière et son jeune âge a entraîné une sanction des plus terribles. Croyant qu'elle avait sympathisé avec la famille Owlier, son clan l'a reniée, la privant de tous ses droits d'exercer. Jetée aux oubliettes et ruée de coups, John a pu lui venir en aide grâce à Arcane. Certes, elle ne l'appréciait pas, mais du haut de ses sept ans à l'époque, il la considérait comme une sœur. Par la suite, elle est devenue sa gouvernante.
Ses parents ont été tués dans l'épidémie qui a ravagé une bonne partie de Glockstorm avant d'être envoyé avec John sur Stormdale. Elle ne pouvait pas bénéficier des avantages permettant le transfert et a donc suivi le processus de vieillissement, devenant ainsi l'aînée de John.
Malgré ces difficultés à s'adapter, elle est reconnaissante envers son maître et peut continuer à pratiquer le rafistolage. Seul le tatouage des engrenages qui ornent son épaule gauche peut permettre d'être reconnu. Ce qu'elle garde bien de cacher.
— Ce nain a voulu profiter de mon inconscience pour se jeter sur moi.
— C'est comme ça qu'il a découvert ton appartenance ? questionne John suspicieux.
— Non ! rétorque Johanna avec son amabilité légendaire. Je l'ai giflé, mais mon gilet m'est descendu sur le bras. Quand le monorail a déraillé, ma chemise s'est déchiré à cet endroit.
John hausse les épaules. Il la croit bien sûr, mais il est surtout préoccupé par la situation.
— Nous allons intervenir ou rester là à papoter ? interroge Dennis le ton pressant.
Lui et sa famille ont été libérés par John et Johanna. Ils n'ont pas vraiment cherché à avoir des explications et ont suivi le mouvement. Pouvant enfin respirer l'air après les révélations tendues qui ont été faites dans la cellule.
— Non, souffle John.
Il se retourne et s'approche d'un arbre. Les acolytes du nain sont en route, mais surtout, la mère d'Anna est là, il ne peut plus rien faire. Intervenir maintenant serait du suicide.
— Je refuse de la laisser entre les mains de ces fous furieux, réplique Dennis en haussant le ton.
— On ne peut plus intervenir ! cingle John à cran. Nous devons partir et rejoindre la demeure de ma famille.
Dennis s'approche de John et l'attrape par le col :
— On va la libérer tout de suite ! grince-t-il entre ses dents.
John reste impassible devant le jeune homme. Il le fixe droit dans les yeux pendant que les autres retiennent leurs souffles. Reculant légèrement son bras, John envoie un coup de poing bien placé dans l'estomac de Dennis. Celui-ci a le souffle coupé avant de voir des points noirs apparaître dans son regard. Assommé, il tombe dans les bras d'Owlier qui le rattrape et le place sur son épaule.
— On y va, ordonne-t-il d'un ton sec. La route va être assez longue, ne traînons pas.
Chacun jette un œil à la jeune femme se trouvant à la lisière de la forêt, avant de détourner le regard et de suivre John s'enfonçant de plus en plus dans la forêt.
Les chemins se séparent pour les voyageurs venant de Stormdale. Des vérités se dévoilent au fur et à mesures. L'orage s'éloigne, grondant sa foudre au loin. Laissant place à une nuit parsemée d'étoiles. C'est ce qu'admire Anna en levant la tête vers le ciel avant de remarquer les armes pointés sur plusieurs personnes.
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