Chapitre 14 : Un trajet mouvementé

Stéphan pousse un soupir de soulagement lorsqu'il aperçoit enfin la sortie du tunnel. Les rayons du soleil couchant baignent la ligne de train, illuminant les rails qui s'étendent sur des kilomètres. Avec Alexandre, ils se serrent dans une accolade joyeuse en voyant sur l'écran arrière le tunnel s'effondrer derrière eux.

Joe, malgré ses émotions à fleur de peau, se remet rapidement. Les hurlements de sa fille retentissent dans le train, et son instinct maternel la pousse à réagir. Elle se précipite dans le couloir, fonce droit sur John, qui frappe frénétiquement à la porte des toilettes, visiblement paniqué par le comportement soudain d'Anna. Joe n'hésite pas une seconde et pousse John avec une force telle qu'il se cogne violemment contre le mur, provoquant une coupure à son oreille.

Elle défonce la porte d'un coup de pied, découvrant Anna, recroquevillée au sol, balançant son corps d'avant en arrière en serrant sa tête entre ses mains. Les convulsions d'Anna sont violentes. Joe tombe à genoux, attrapant sa fille pour la prendre dans ses bras. Mais le train entame un virage serré, et Joe, perdant l'équilibre, est sur le point de basculer dangereusement. John, plus rapide, attrape Anna, l'arrachant à sa mère et l'allongeant sans ménagement sur le lit dans une cabine proche.

Anna, secouée par des convulsions, se débat contre des sons incohérents qui résonnent dans son esprit. Ces bruits, étranges et inconnus, se superposent comme lors de sa vision au bureau d'Owlier. Aucun visage, aucune image claire, juste des sons, des échos qui lui perforent l'esprit.

— Apportez-moi un linge humide et un verre d'eau, ordonne John tout en défaisant sa ceinture.

— Laissez-moi faire, c'est ma fille ! hurle Joe en essayant de reprendre le contrôle, mais John ne se laisse pas faire.

Il enfonce la ceinture dans la bouche d'Anna pour l'empêcher de se mordre la langue, un geste calculé, mais qui alarme Joe.

— Qu'est-ce que vous faites ? s'exclame-t-elle, déconcertée.

— Elle pourrait se blesser, faites ce que je vous demande, rétorque John, catégorique.

À cet instant, Johanna entre dans la cabine, les bras chargés d'une bassine d'eau et d'un linge propre. Sans perdre de temps, elle écarte John d'un geste ferme pour s'occuper d'Anna, un professionnalisme froid dans son attitude. Mais en observant Johanna de plus près, Joe aperçoit un détail sous la manche retroussée de la gouvernante : un tatouage complexe, mélange de rouages et de motifs anciens. Un symbole qu'elle reconnaît immédiatement.

— Vous êtes... ? commence Joe, sa méfiance se muant en surprise.

— Sortez, laissez-moi faire, tranche Johanna, d'un ton glacial.

John, conscient du sérieux dans la voix de sa gouvernante, obéit à contrecœur. Il se retire de la cabine, jetant un dernier regard à Anna, désormais sous les soins de Johanna. Une étrange inquiétude l'envahit, un sentiment qu'il peine à comprendre, mais qu'il n'ose encore nommer.

Joe reste quelques secondes de plus, incertaine, mais le tatouage sur le bras de Johanna la rassure d'une manière qu'elle n'arrive pas à expliquer. Elle finit par sortir à son tour, fermant doucement la porte derrière elle.

Dans le couloir, John est adossé contre la paroi, les bras croisés, scrutant l'horizon avec un air fermé. Joe soupire longuement, submergée par les événements récents. Elle ne remarque même pas Dennis, qui s'approche doucement d'elle.

— Tout va bien ? demande-t-il, inquiet.

— Hum, c'est Anna et..., murmure Joe, encore sous le choc.

Elle jette un œil envers John qui fait mine de ne pas écouter en fixant la porte devant lui, mais qui, bien au contraire, ne perd pas une miette.

— Je vois, répond finalement l'ami d'Anna. Je vais aller ranger un peu, les petits dorment avec ma mère. Toute cette agitation les ont bien achevés.

Dennis hoche la tête, comprenant sans en dire davantage. Il sait que la situation dépasse tout ce qu'ils auraient pu imaginer. Joe se rend compte qu'elle n'a pas eu de nouvelles de son mari et prend la décision de partir à l'avant.

* * *

Pendant ce temps, à des kilomètres de là, Bénédicte se tient sur une plage, le regard fixé sur l'horizon. Le ciel est teinté de rose, annonçant l'arrivée de quelque chose de dangereux. À ses côtés, Anthony porte son fusil sur l'épaule, fixant l'horizon qui se nappe d'un duvet rose. Son regard se plisse quand il aperçoit les premiers débris de Stormdale.

— Tout est prêt ? demande-t-elle sans détourner le regard.

— On finit de charger les caisses et tu pourras effectuer ton petit tour de passe-passe.

Bénédicte sourit avec le rouge criard peint sur ses lèvres. L'équipe a eu le retour du début de la mission et est partie au lieu de rendez-vous.

Après avoir entreposé la dernière caisse, Fergus s'arme d'un pied de biche et s'enfonce dans la forêt de pins qui longent la côte.

— C'est bientôt l'heure, murmure-t-il en s'essuyant le front.

Faisant face à l'océan, Bénédicte retire délicatement son gantelet, dévoilant sa main fine et tatouée. Elle place deux doigts contre ses lèvres et émet un sifflement doux, presque hypnotique. Le son s'échappe, porté par le vent, traversant les vagues et se glissant à travers le ciel rosé.

* * *

Il traverse son bout de chemin, longeant les grains de sable. Rebondissant sur l'écume de la mer. Caressant la surface de l'océan, jusqu'à pénétrer dans l'épais nuage rosé par la rougeur du soleil. Parmi la brume épaisse, il trouve la sortie et rencontre le monorail dont il suit la ligne jusqu'au train où se trouvent nos rescapés de Stormdale.

Mais ce n'est pas sans s'arrêter qu'il s'introduit dans les tuyaux d'aération du véhicule. Le son peut observer les alentours. Deux hommes et une femme ont une discussion animée à l'avant. Une femme et deux enfants profitent d'un repas chaud avec deux autres hommes. Puis, un homme prend soin d'un animal dont certains se seront bien passés de leurs intrusions. Il continue sa traversée, trouvant l'objet que désire sa maîtresse.

Seule dans une cabine avec une autre femme, Anna perçoit, parmi les hurlements étranges qui envahit son esprit, une sorte de grésillement. Elle tente de savoir d'où cela peut provenir, avant de ressentir comme une sorte de petites décharges.

— Mademoiselle, vous devez vous reposer ! lance la gouvernante, tentant de la retenir.

Le haussement de ton de la gouvernante alerte les sens de John qui se lève et se dirige dans le couloir. Il aperçoit Anna en sortir, mais dans un état second. Il se rapproche d'elle, puis pose une main sur son épaule, mais elle se dégage et continue d'avancer vers le sas de passage qui mène à l'avant.

— Johanna, rejoins les autres avec Arcane, il se passe quelque chose d'étrange, ordonne John, de plus en plus inquiet.

— Bien, monsieur.

Mais avant qu'il ne puisse réagir, Anna disparaît dans le couloir.

John court, désespéré, et se retrouve face à face avec Stéphan, Joe, et Alexandre dans le compartiment de contrôle.

— Qu'est-ce qui se passe encore ? gronde Joe, contrarié de voir John surgir ainsi.

— C'est votre fille... Elle a disparu, annonce John, son ton grave.

À la surprise de John, cette révélation ne déclenche aucune panique immédiate. Stéphan prend simplement la main de Joe, murmurant :

— Tout ira bien. Rejoignons les autres.

Perplexe devant leur calme, John reste figé un instant avant de se rendre à l'évidence : quelque chose échappe à son contrôle. Lorsqu'il se retourne pour chercher Anna, il la trouve debout devant le tableau de contrôle du train, les yeux écarquillés. Sans qu'il ait le temps de réagir, elle pousse à fond le levier d'accélération, brisant le manche dans sa main.

Elle cligne des yeux, comme si elle sortait d'un rêve, et regarde John avec confusion :

— Monsieur Owlier ? Que faites-vous dans les toilettes ? demande-t-elle, perplexe.

Le train gronde alors qu'il accélère à toute allure. Les wagons penchent dangereusement à chaque virage. Or, devant eux, la brume rose approche, engloutissant peu à peu les rails de la ligne. 

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