Level 31 : La bouche interdite

Les lèvres de Gabriel lui plurent davantage que ce qu'elle n'aurait souhaité. Fiona ignorait pourquoi elle aimait autant ça, car il ne lui semblait pas avoir déjà pris à ce point plaisir à embrasser quelqu'un auparavant.

Sa langue se mêlant à la sienne lui procurait des décharges électriques dans chaque parcelle de son corps. Corps qu'il, Fiona le sentit à ses mouvements de doigts timides, avait envie d'explorer. Envie qu'à sa grande surprise elle partageait. Aussi se pressa-t-elle contre lui afin de le lui faire comprendre.

Gabriel la fit reculer jusqu'au mur, derrière eux. Là, il descendit sa main le long de sa colonne vertébrale, lui arrachant des frissons au passage, pour atteindre la chute de ses reins puis, doucement, s'aventurer sur ses fesses.

S'attendant à ce qu'elle le repousse à tout moment, il l'effleurait du bout des doigts ; pourtant, à son grand étonnement, Fiona ne fit rien de tel. A l'inverse, ce fut elle qui glissa les siens sous son polo, caressant ses abdominaux avant de remonter sur ses pectoraux.

Dire qu'il y a quelques minutes tu faisais des simagrées à l'idée de le regarder..., songea-t-il, amusé.

Encouragé par ce contact, sa main commença à s'aventurer sous sa robe, le long de sa cuisse, d'abord, avant que son index n'aille effleurer son intimité, arrachant un petit gémissement de plaisir à la jeune fille.

Hum, c'est bien chaud par ici, constata-t-il. Ça te plaît tant que ça de m'embrasser ?

Néanmoins, il jugea préférable de ne pas pousser la hardiesse trop loin et sortit la main de sa robe. Il lui frôla le ventre, lequel se creusa sous ses doigts, et remonta jusqu'à son sternum, où il dessina le contour de ses seins du bout de son index.

Putain, dommage que tu sortes avec mon pote car sinon je pense qu'on se serait bien amusés, tous les deux, ce soir...

De son côté, Fiona, elle, aurait souhaité qu'il ne s'arrête jamais de la toucher. A cet instant, son esprit semblait s'être entièrement déconnecté de la réalité, limitant son existence au seul goût de ses lèvres ainsi qu'au plaisir que ses caresses lui procuraient.

Et puis, telle une gifle, les souvenirs se mirent à affluer à sa mémoire.

"C'est juste une putain d'erreur de la nature, celle-là !"

La douleur qu'elle ressentit en se remémorant ces paroles fut aussi vive que s'il les avait prononcées à nouveau.

Fiona s'écarta de Gabriel comme si elle s'était brûlée, mais il ne perçut pas son trouble tout de suite. Son front toujours apposé contre le sien, il lui adressa un large sourire.

– Je pense que ça a marché, chuchota-t-il. Elles sont dégoûtées.

Sauf qu'à ce moment-là, elle se fichait complètement du trio d'exs démoniaques ou du reste des invités. Elle amena les mains à ses lèvres.

– Pourquoi t'as fait ça ? souffla-t-elle d'un ton de reproche.

Soudain, Gabriel vit enfin l'air triste qu'elle affichait.

– Là, j'ai vraiment besoin d'un verre ! déclara-t-elle sans attendre de réponse.

Il ne chercha pas à la retenir lorsqu'elle se dégagea de son étreinte. Et n'intervint pas non plus quand elle se dirigea vers la table basse où elle avala en grimaçant le cocktail qui lui avait été proposé juste avant leur danse.

Le jeune homme lui saisit doucement l'épaule.

– Fiona...

– Je vais prendre l'air, le coupa-t-elle.

Sans lui accorder un regard, elle tourna les talons et se dirigea vers la baie vitrée. Gabriel vit que le trio des exs démoniaques le scrutaient avec insistance, ce qui eut le don de l'agacer. Les ignorant, il suivit Fiona à l'extérieur.

Pauline attendit qu'il fut hors de vue pour s'étonner :

– Alors elle l'a fait ! Elle a vraiment bu le mojito avec tes laxatifs, Amélie !

Cette dernière eut un sourire narquois.

– Elle va en chier, la pauvre !

– Littéralement ! enchérit Inès.

Et les trois d'éclater d'un rire machiavélique.


🍸🍸🍸


Au vu de sa précédente mésaventure, Fiona avait jugé préférable de se tenir aussi éloignée que possible de la piscine. Ayant abandonné ses escarpins sur le bord de la terrasse, elle s'était installée beaucoup plus loin, sur l'herbe, à l'abri des regards. Gabriel estima qu'il valait mieux la laisser tranquille un moment, prenant le temps de fumer une cigarette.

Au bout d'un bon quart d'heure, il finit par se diriger vers elle. Fiona avait ramené ses genoux vers sa poitrine et enfoui sa tête entre ses bras. N'ayant pas pris le temps d'enfiler sa veste, elle grelottait de froid. Il soupira, déposa son bomber sur ses épaules et s'installa à ses côtés, veillant à conserver une distance respectable entre eux.

– Te mets pas dans tes états pareils, marmonna-t-il. C'était juste un baiser.

Il grimaça intérieurement devant sa propre hypocrisie, conscient que ledit baiser n'avait rien eu d'ordinaire ou d'innocent.

Fiona se redressa et le fusilla du regard.

– T'aurais jamais dû faire ça !

– Hé, t'as pas cherché à m'en empêcher, j'te signale ! lui fit-il remarquer, vexé. Au contraire, même, t'as eu l'air d'aimer ça...

Sachant que cela risquait de l'énerver encore davantage, il se garda d'ajouter qu'il en avait eu la confirmation directe par une certaine partie de son anatomie.

– Arrête de raconter des conneries ! asséna-t-elle entre ses dents. J'ai juste joué la comédie histoire de pas nous griller devant les autres !

Gabriel se retint de rire face à tant de mauvaise foi.

– Eh bien tu devrais candidater chez la Comédie Française, car si ce baiser était faux, tu mérites un César ! ironisa-t-il.

– Ta gueule !

Elle s'allongea sur l'herbe, amenant le bras sur son visage afin de masquer ses yeux. Cependant son interlocuteur n'était pas dupe : il avait remarqué les larmes qui y perlaient ainsi que sa voix tremblotante. Le jeune homme passa les doigts parmi ses mèches brunes avant de reprendre d'un ton adouci :

– C'est pas parce que t'as aimé m'embrasser que t'as des sentiments pour moi, si c'est ce qui t'inquiète. C'est probablement juste une attirance physique. Tu serais pas la première ni la dernière à qui ça arrive, rassure-toi ! Alors pas la peine de culpabiliser vis-à-vis de Maël ou Lia. De toute façon, je compte pas leur en parler, hein ! Je serais autant dans la merde que toi s'ils l'apprenaient...

Elle eut envie de l'insulter. Il ne comprenait même pas les vraies raisons de sa colère ! Ou feignait-il de les ignorer ?

– Pourquoi t'as fait ça ? répéta-t-elle, obtuse.

Il s'allongea à son tour sur la pelouse, fixant le ciel tandis qu'il répondait :

– J'en sais rien.

C'était la vérité. Il n'en avait absolument aucune idée. A ce moment-là, il n'avait pensé ni à Rosélia, ni à Maël, ni même à leurs anciens camarades rassemblés autour d'eux. Le monde s'était limité à Fiona, son corps contre le sien, et ses lèvres maquillées de rouge irrésistiblement attirantes. Il avait eu envie de les embrasser. Alors il y avait succombé. Sans réfléchir davantage.

Elle ôta enfin son bras de ses yeux et tourna la tête vers lui, le dévisageant d'un air dur.

– Menteur ! Je sais très bien pourquoi t'as fait ça, moi !

Il haussa les sourcils, surpris. Comment pouvait-elle prétendre savoir quelque chose que lui-même ignorait ? Néanmoins, il la fixa sans mot dire et la laissa continuer :

– C'est à cause de Lia. Tu lui en veux parce qu'elle t'a menti. Elle a prétendu avoir confiance en toi, sauf qu'en réalité elle m'a demandé de te surveiller. Je veux dire, ça peut se comprendre que ça te foute le seum ! Du coup, avec ton esprit tordu, t'as voulu te venger : et quoi de mieux que d'embrasser sa meilleure amie pour ça ?

Gabriel conserva le silence, réfléchissant à ces propos. Au fond, elle avait visé juste : il était vrai que Rosélia l'avait énervé, et le cheminement de pensées qu'elle venait de décrire lui ressemblait assez. Pourtant...

– Alors ? J'ai raison, pas vrai ?

Elle avait tort. Depuis qu'il avait pris la décision de la quitter, Rosélia lui était complètement sortie de la tête. Toutefois, il se fit la réflexion qu'avouer une telle vérité comportait davantage de risques que de confirmer sa théorie à Fiona.

– T'as raison, mentit-il. Je t'ai embrassée pour me venger de Lia.

Il s'attendait à ce qu'elle se mette en colère, à ce qu'elle le traite de tous les noms, voire à ce qu'elle le frappe. Elle n'en fit rien. A la place, elle le dévisagea simplement de ce même air triste qu'elle avait eu quelques minutes auparavant.

– Donc tu t'es servi de moi, murmura-t-elle d'une voix affectée. A peine je t'accorde ma confiance, toi, tu me trahis... Encore une fois.

A ce moment-là, Gabriel réalisa enfin l'ampleur de sa bêtise. Il aurait dû le comprendre plus tôt. Ce n'était pas par rapport à Maël ou Rosélia qu'elle était bouleversée. C'était à cause de lui, de lui seul et de ses actes passés.

Il aurait mieux fait de réfléchir à deux fois avant de l'embrasser. Car parmi toutes les bouches qui existaient sur cette Terre, il aurait dû se souvenir que celle de Fiona lui était, et lui serait à jamais, interdite.

Une larme roula sur la joue de la jeune fille. Sans réfléchir, il avança sa main afin de l'écraser.

– Fiona..., commença-t-il.

– Me touche pas.

Elle n'avait ni haussé le ton, ni froncé les sourcils ; à l'inverse, sa voix s'était faite presque suppliante.

– Arrête d'être gentil avec moi, souffla-t-elle. T'avais raison tout à l'heure : je préfère quand tu joues les connards. Car c'est beaucoup plus facile de te détester.

Ces paroles l'atteignirent plus qu'il ne l'aurait imaginé. Il avait essayé. Il avait réellement essayé d'être à la hauteur. De lui montrer qu'il avait changé. De se montrer digne d'elle. De se racheter. Mais à cet instant, il comprit qu'il avait sous-estimé l'ampleur de la tâche : quoiqu'il fasse, il ne parviendrait pas à réparer ses mauvaises actions.

Il avait été dupé par ses sourires, ses faux airs radieux et courageux. Gabriel comprit alors qu'il s'agissait d'une façade. Qu'elle avait été blessée plus profondément encore que ce qu'il avait pensé. Que ce qui les séparait n'était pas un simple fossé sur lequel il lui suffirait de construire un pont de fortune : c'était un véritable ravin infranchissable. Quoiqu'il fasse, Fiona restait hors de sa portée.

– Tu me rends folle, Gabriel... Chaque fois que je commence à t'apprécier, tu me refais une crasse et tu gâches tout à nouveau...

Ce reproche le piqua au vif.

– Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? rétorqua-t-il d'un ton dur. Tout gâcher, c'est ce que je fais de mieux ! Prendre les belles choses de ce monde et les réduire en pièces, c'est ma spécialité. Tu devrais savoir de quoi je parle : t'as été l'une d'entre elles !

C'était la vérité.

Fiona et lui ne s'étaient jamais entendus. Les hostilités avaient débuté dès la sixième. Ce jour-là, leur professeur d'Histoire, las de leur mauvais comportement, avait décidé de les punir avec une interro surprise. Gabriel avait prétexté une envie pressante dans le but de déclencher l'alarme à incendie et d'ainsi libérer ses camarades de ce mauvais pas. Seulement, il n'avait pas envisagé que l'enseignant, méfiant, enverrait Fiona l'accompagner. Et il avait encore moins prévu que celle-ci finirait par le balancer lorsque le CPE lui mettrait la pression.

Après ça, c'était devenu une habitude : chaque fois que lui et ses amis s'adonnaient à un mauvais coup, les professeurs se tournaient vers Fiona et la poussaient à le dénoncer.

C'est ainsi que débuta son animosité à son encontre. Bien entendu, se venger en se moquant de son physique n'était pas la chose la plus mature ni la plus fine à faire, pourtant ça avait fait son effet à l'époque. A force d'être martyrisée par tout le monde, Fiona avait fini par se calmer et arrêter de jouer les pookies de service.

Si bien que, arrivés en troisième, les moqueries à son égard avaient cessé depuis longtemps. A l'époque, Fiona commençait déjà à faire des efforts : elle avait perdu du poids, portait des lentilles, expérimentait le maquillage et tentait de se sociabiliser. Elle n'était pas devenue aussi belle qu'elle l'était aujourd'hui, néanmoins c'était un début.

Si les autres ne l'embêtaient plus, c'était en partie parce qu'elle avait amélioré son apparence, mais surtout car la plupart avait compris la puérilité de leur attitude.

Jusqu'à ce que Gabriel remette une pièce dans la machine.

Il n'avait pas fait ça volontairement, et n'avait pas non plus prédit que les choses iraient aussi loin. Mais c'était quand même lui qui avait tout déclenché. A l'époque, Fiona et lui ne se parlaient presque pas. Cela aurait été compliqué vu que Gabriel, dont l'année de troisième s'était avérée chaotique, ne se rendait que très rarement au collège et séchait la plupart des cours.

C'est pourquoi, le jour où les enseignants leur donnèrent un travail de groupe et que Fiona, comme d'habitude, se retrouva sans aucun camarade, on lui attribua l'absentéiste de service. La jeune fille avait bien tenté d'avertir le professeur que c'était probablement une mauvaise idée, lui expliquant qu'ils ne s'entendaient pas et que Gabriel risquait de ne pas très bien accepter de devoir travailler avec elle, sauf qu'il n'avait rien voulu entendre.

– Les absents ont toujours tort ! avait-il rétorqué d'un ton sec. Si M. Martin souhaitait avoir voix au chapitre, il n'avait qu'à être présent aujourd'hui !

Fiona étant à l'époque encore trop timide pour oser protester, elle avait pris sur elle, se résignant à l'idée que c'était presque comme si elle était seule. Sauf que cette note comptait énormément dans la moyenne et Gabriel, ayant déjà subi une commission éducative à cause de son absentéisme, finit par revenir.

Pendant un temps, il réussit à conserver son sérieux et tous deux purent travailler ensemble presque harmonieusement. Ce fut au cours de ces quelques séances qu'elle commit l'erreur de se confier à lui sur sa situation familiale, lui expliquant que son père avait trompé sa mère et que ses parents se séparaient. Une notification aperçue sur le téléphone de Fiona avait fini de lui révéler toute l'histoire.

Au début, il n'avait nullement l'intention de se servir de cette information pour lui nuire. Jusqu'à ce que, à cause de ses propres problèmes, son investissement dans leur devoir se fasse de plus en plus erratique, laissant une Fiona paniquée qui finit par aller se plaindre au CPE.

Ce fut à partir de là que les choses dégénérèrent. Lui qui avait déjà causé tant de soucis à sa mère, à lui en faire perdre ses cheveux, lui qui avait pourtant expliqué à Fiona que sa situation familiale était merdique et l'avait suppliée de ne pas se plaindre de lui aux professeurs afin de ne pas lui attirer davantage d'ennuis, se retrouvait à nouveau convoqué entre quatre murs, avec une Audrey en larmes à gémir qu'elle ne savait plus quoi faire de lui et à supplier le principal de lui éviter l'exclusion.

Alors, il avait vrillé. Et, lorsque ses amis étaient venus lui demander ce qui se passait, il avait tout balancé. Profitant que Fiona soit dans son champ de vision et à portée d'oreilles, il avait perdu son sang-froid et livré son secret le plus précieux, le plus honteux. Révélant au reste de la classe que son père était gay, qu'il avait trompé sa mère et que ses parents divorcaient.

– C'est juste une putain d'erreur de la nature, celle-là, en vérité ! C'est vrai : elle aurait jamais dû voir le jour, quand on y pense !

A ce moment-là, il n'avait pas réfléchi à l'impact de ses mots, ni à la portée que cette révélation allait avoir par la suite. Il avait dit ça sous le coup de la colère, histoire de la blesser elle. Il n'avait pas pensé à ce que les autres feraient de cette information. Il n'avait pas calculé qu'ils risquaient de s'en servir contre elle par la suite.

Mais c'était ignorer la nature sadique et profondément méchante des adolescents. Avec le recul, il mesurait l'ampleur de sa bêtise. Car en leur révélant son secret, il leur avait donné de nouvelles munitions à utiliser contre elle. Aux yeux de ses camarades, Fiona était redevenue une putain de pookie qui était allée balancé leur pote au CPE, et elle méritait une punition.

En une fraction de seconde, aveuglé par sa colère, il avait tout fait basculer à nouveau. Et, pendant les semaines qui suivirent, la vie de la jeune fille redevint un enfer. Jusqu'à ce qu'elle disparaisse et ne revienne jamais au collège.

Tandis que les autres l'oubliaient peu à peu, le regard de Gabriel, lui, ne cessait de revenir sur le bureau derrière lequel elle s'asseyait en temps normal. Ce fut la première fois de sa vie qu'il éprouva des remords. Il comprit être allé beaucoup trop loin. La mine d'une tristesse infinie qu'elle avait affichée ce jour-là, quand il l'avait traitée d'erreur de la nature, n'avait cessé de le hanter depuis lors.

Et c'était exactement la même qu'elle arborait en ce moment précis.

– Fiona..., commença-t-il. Je me suis jamais excusé pour...

– Faut que j'aille aux chiottes ! l'interrompit-elle en se rasseyant tout à coup.

Gabriel fronça les sourcils en la voyant passer ses bras dans les manches du bomber qu'il lui avait prêté.

– Tu déconnes, pas vrai ? On est en plein milieu d'une conversation... Ça peut pas attendre cinq minutes ?

– Non, crois-moi, ça peut pas attendre ! répliqua-t-elle en se mettant debout.

Vexé, le jeune homme l'imita afin de la retenir par le poignet.

– T'abuses, putain ! Tu comptes esquiver le sujet toute ta vie ou quoi ? T'as quel âge ? Faudra bien qu'on en parle un jour, de cette histoire !

Mais Fiona se dégagea vivement.

– Lâche-moi ! s'énerva-t-elle.

Sans lui accorder davantage d'attention, elle fit demi-tour et courut, pieds nus, en direction de la maison. Gabriel la regarda partir d'un air dépité.

Elle est sérieuse dans sa connerie ? Elle va s'enfuir comme ça à chaque fois que j'essaye de m'excuser ?

Il donna un coup de pied rageur dans le vent et s'alluma une deuxième cigarette afin de se calmer.

Je vais finir par me choper un cancer prématuré à cause de cette meuf, songea-t-il. Elle me rend dingue !

Alors que, assis sur l'herbe et tournant le dos à la demeure, il commençait à s'apaiser, une voix féminine, derrière lui, fit redresser ses poils sur son épiderme :

– Vous sortez pas vraiment ensemble, n'est-ce pas ?

Il n'eut pas besoin de se retourner pour reconnaître Mathilde, laquelle vint s'asseoir à ses côtés sans y être invitée.

– J'ai fouillé un peu et j'ai retrouvé l'Insta de Fiona. C'était pas évident mais j'y suis arrivée. En faisant ça, j'ai aussi trouvé Rosélia, sa meilleure amie. Et ta véritable copine...

En disant ça, elle pianota sur son smartphone et le tendit vers lui. Gabriel n'y accorda pas un regard.

Bsahtek, ironisa-t-il en amenant la clope à sa bouche.

Cela lui confirma une fois de plus que les réseaux sociaux étaient la lie de la civilisation moderne. Il l'avait compris suite à ce qu'il s'était passé avec Fiona en troisième, en voyant à quel point les gens pouvaient se montrer cruels derrière un smartphone.

Après sa disparition, il avait supprimé l'ensemble de ses comptes et refusé d'y retourner. Décision qu'il ne regrettait pas lorsqu'il voyait tous ces abrutis en train de s'agiter bêtement devant leur smartphone afin de publier des vidéos sur TikTok.

– Elle avait l'air contrariée, reprit Mathilde. Fiona, je veux dire. C'est parce que tu l'as embrassée ?

Agacé, Gabriel tourna enfin la tête vers elle et lança d'un ton sec :

– Pourquoi tu viens me parler, au juste ? Si ton but c'est de me casser les couilles, prends un ticket ! Parce qu'entre ma copine qui me fait pas confiance et Fiona qui me déteste, j'ai eu ma dose, ce soir !

Elle haussa les sourcils.

– Calme-toi, Gab ! J'y suis pour rien, moi. J'essayais d'être sympa, là. En vrai, je venais m'excuser. A propos de ce que j'ai fait quand on était ensemble.

– Tu veux dire, m'avoir trompé et largué comme une merde ?

Elle détourna le regard, mal à l'aise.

– Ouais, ça. J'étais un peu perdue à ce moment-là, je savais pas trop ce que je faisais. Mais tu méritais pas que je te traite de la sorte. Alors, je voulais que tu saches que je regrette...

Gabriel écrasa son mégot contre sa chaussure et le fourra dans son cendrier de poche. Il conserva le silence un moment puis finit par soupirer :

– Après tout ce qu'on a traversé, Math, je comprends toujours pas comment t'as pu me faire ça. C'est même pas le fait que tu te sois tapé quelqu'un d'autre, le pire. C'est la façon dont tu m'as ghosté ensuite. T'as même pas eu le courage de venir me quitter en face, putain !

Elle serra les poings sur ses cuisses.

– Je sais, j'ai été hyper nulle, sur ce coup-là. Sauf que je te connais, Gab. Je savais pas... Je voyais pas comment t'annoncer ça. Je savais que je t'avais déjà perdu, et que rien de ce que j'aurais pu dire ou faire n'aurait changé ça... Et j'avais pas la force de t'affronter. On sait tous les deux à quel point tu peux te montrer cruel dans ces moments-là.

– Genre ça va être de ma faute, maintenant...

– J'ai pas dit ça ! protesta-t-elle. Seulement... Reconnais que...

Elle s'interrompit, à court d'arguments.

– C'est bon, soupira-t-il. Je sais que je suis un bel enfoiré quand je veux. Et je sais aussi que je suis pas innocent... J'ai été assez horrible, avec toi, parfois.

Mathilde eut un petit rire.

– C'était affreux ! T'étais devenu hyper possessif, tu m'empêchais de respirer !

– C'est toi qui me rendais dingue à flirter à droite à gauche non stop, aussi !

– Je flirtais pas ! protesta-t-elle.

– Mais quelle mytho ! rigola-t-il. C'est bon, y'a prescription, maintenant, alors assume ta connerie !

Il se passa une main dans les cheveux, songeur.

– Ce qui me saoulait, expliqua-t-il, c'est que t'étais pas comme ça, avant. J'ai eu l'impression de t'avoir corrompue ou chais pas quoi... Ça me gonflait.

Elle haussa les épaules.

– Si pour toi, participer à l'éveil de ma libido s'apparente à une corruption, alors je le concède, tu m'as corrompue. Mais bon, c'était plutôt cool, au final !

– C'est ma malédiction, grimaça-t-il. Je suis un trop bon coup.

– Mon meilleur, confirma-t-elle. Je savais pas la chance que j'avais, sur le moment.

Il arqua un sourcil, intrigué.

– Ah, t'as eu de mauvaises expériences, depuis ?

– Ouais, le genre marteau-piqueur qui te pilonne non-stop puis qui s'effondre au bout de trois minutes, entre autres...

Gabriel pouffa.

– Sérieux, ça existe, ça ? Il était puceau ?

– Même pas ! se marra-t-elle. Quand je me suis dépêchée de me casser ensuite, il m'a dévisagée sans comprendre, en mode "Tu vas où ?". J'avais envie de répondre "Chez moi histoire d'avoir un orgasme, connard !"

Elle fit la moue :

– Surtout qu'il a même pas voulu me faire de cunni...

– T'as dû avoir le seum, toi qui adores ça.

– Grave ! Si j'avais su, je l'aurais jamais sucé, ce bâtard !

– Tu parles, comme si t'étais capable de résister...

Mathilde amena ses genoux à sa poitrine afin d'y enfouir son visage.

– J'avoue ! Les fellations, c'est ma faiblesse. J'adore en faire !

Il eut un rictus.

Ouais, ouais, je me souviens...

– Je m'interroge sur l'identité de cette bête de sexe, en tous cas, fit-il, songeur. Je le connais ?

Elle grimaça.

– Ouais, mais tu vas me juger si t'apprends qui c'était...

– Maintenant que tu m'as dit ça, t'as conscience que je vais plus te lâcher jusqu'à ce que tu craches le morceau ?

– J'avoue..., soupira-t-elle. C'était Dylan.

– Le mec de mon équipe de rugby ? Je croyais que tu le supportais pas ?

Elle évitait son regard, à présent.

– Hum... Disons qu'on s'est croisés à une soirée, et qu'après quelques verres les choses se sont un peu emballées, quoi.

– Je vois...

Donc ce cher Dylan est du genre marteau-piqueur, se dit-il, amusé. Lui qui passe son temps à se vanter de ses performances dans les vestiaires, voilà un autre son de cloche.

– Du coup... T'es toujours fâché contre moi ? s'enquit-elle d'une petite voix.

Gabriel haussa les épaules.

– Bah... Ce serait un peu hypocrite de ma part, vu que je suis pas le dernier à faire des conneries énormes et à blesser mon entourage. La preuve pas plus tard que ce soir...

L'image de Fiona et de son regard triste se rappela à sa mémoire.

– Je suis vraiment trop con, putain ! grimaça-t-il.

Il s'ébouriffa les cheveux, tâchant de la chasser de son esprit.

Franchement, je donnerais n'importe quoi pour pouvoir me bourrer la gueule ou me défoncer histoire d'oublier cette horrible soirée.

– J'avoue, embrasser la meilleure pote de ta copine, c'est pas terrible. Ça me surprend, venant de toi. T'es du genre fidèle, d'habitude...

– Copine en sursis, rectifia-t-il. Je vais la larguer.

– A cause de Fiona ?

Il fronça les sourcils.

– Non, rien à voir... Pourquoi tu me demandes ça ?

Mathilde détourna la tête.

– Hum, comme ça...

J'ai dû me tromper..., s'étonna-t-elle en pensées.

– C'était quelle catégorie, cette fois-ci ? s'enquit-elle. Reloue ou tarée ?

– Abuse pas, je sors pas qu'avec des reloues ou des tarées !

Elle eut une moue sceptique. Gabriel soutint son regard quelques instants, puis finit par admettre du bout des lèvres :

– Bon, okay. C'était une reloue.

Elle leva les yeux au ciel.

– J'en étais sûre ! T'es irrécupérable ! Le pire, c'est quand t'arrives à nous faire des combos "tarées + reloues". Tu te souviens de Banque de Sperme ?

Il frissonna à l'évocation de ce surnom honni.

– Comment je pourrais l'oublier ? Je fais encore des cauchemars de bébés morts qui reviennent en criant "Vengeaaaaance" !

Ils échangèrent un regard avant d'éclater de rire de concert. Une fois calmé, Gabriel secoua la tête en soupirant :

– Putain, rien que d'y repenser, ça me file la gerbe, là...

– Ouais, bah ça serait peut-être pas arrivé si t'avais meilleur goût en matière de meufs !

– J'avoue, grimaça-t-il. J'ai un souci, je crois. Un psy dirait sans doute que ça a un rapport avec Amandine...

Mathilde tressaillit en l'entendant prononcer le prénom de cette personne qu'il ne mentionnait presque jamais.

– Pourquoi, tu crois qu'elle a voulu piéger ton père, elle aussi ? Genre, tomber enceinte en espérant qu'il quitte sa femme ?

Il haussa les épaules.

– J'en sais rien, mais connaissant le phénomène, y'a moyen. Mon grand-père répétait sans arrêt qu'elle était folle. On parle quand même de la meuf qui m'a abandonné dehors en plein hiver. J'ai failli crever d'une pneumonie, j'te signale !

– Cette pauvre femme est incomprise ! plaisanta Mathilde. Elle a juste voulu pratiquer un IVG post-partum !

Gabriel pouffa.

– Elle aurait pu faire ça proprement en me mettant dans son congélo, comme tout le monde, alors, enchérit-il.

– Y'avait peut-être plus de place, qui sait ? Si ça se trouve, elle y avait déjà mis tous tes frères et soeurs...

Il éclata de rire et, une fois calmé, s'allongea sur l'herbe en soupirant d'un ton solennel :

– En vrai, je crois que j'aurais préféré qu'elle le fasse.

– Quoi, te foutre dans son congélo ? Tu voulais finir en Mr Freeze ?

– Mais non, bécasse ! se marra-t-il. Avorter.

Mathilde arqua un sourcil avant de venir le rejoindre sur la pelouse.

– Bah dis donc, c'est la grande forme, ce soir..., ironisa-t-elle.

– Je suis sérieux ! Parfois, je me dis que ma vie serait plus simple si j'étais jamais venu au monde.

– Ce que tu dis n'a absolument aucun sens. Et t'es même pas défoncé, en plus !

– Pourtant, je parie que t'as compris.

Il lui adressa un faible sourire qu'elle lui retourna.

– Oui, Gaby, j'ai compris.

Elle grimaça :

– Désolée, je t'ai encore appelé comme ça...

– Pff, c'est bon, en vrai. J'ai un peu exagéré, tout à l'heure.

– Un peu ?

– Un peu, beaucoup.

Elle décala légèrement sa main jusqu'à venir frôler la sienne ; Gabriel ne la repoussa pas. Ils fixèrent le ciel un moment sans rien dire, puis le jeune homme finit par briser le silence :

– Et la fille pour laquelle tu m'as quitté, au fait ? T'es toujours lesbienne avec ?

– Je suis pas lesbienne, objecta-elle. Au final, j'ai découvert que j'étais pansexuelle. Je suis attirée par des individus de n'importe quel sexe ou genre.

– Ouais, t'es bi, quoi.

– Non, c'est pas pareil, la pansexualité ne se limite pas aux genres binaires...

Gabriel eut un rictus moqueur.

– Quel beau ramassis de conneries.

Mathilde roula des yeux.

– Peu importe ce que tu penses ! rétorqua-t-elle. Je me doutais bien que ton esprit d'homme blanc hétérosexuel cisgenre serait trop étriqué pour comprendre les nuances du spectre LGBTQIA+ !

Le jeune homme la fixa un instant sans mot dire, puis ils explosèrent de rire ensemble.

– Bordel, Math ! Une vraie social justice warrior, hein, t'es à fond dans ton truc...

– Au moins, j'ai réussi à te mettre de bonne humeur, remarqua-t-elle, satisfaite.

– J'avoue..., admit-il. C'était pas gagné, en plus.

Elle lui adressa un sourire avant de poursuivre :

– J'ai aussi compris que les relations sérieuses, c'était pas mon truc. Grâce à ta corruption, j'ai une libido trop débordante pour me limiter à un seul partenaire...

– Tu veux dire que t'étais pas satisfaite avec moi ? haussa-t-il un sourcil, vexé.

– Au contraire ! rigola-t-elle. C'était bien un des seuls trucs qui marchait entre nous, même !

En prononçant ces paroles, Mathilde se redressa sur un coude et caressa les lèvres du jeune homme.

– D'ailleurs, je dois admettre que t'as réussi à me rendre un peu jalouse en dansant avec Fiona tout à l'heure, souffla-t-elle.

Gabriel ne dit rien. Il se contenta de l'observer, elle et son visage trop parfait pour être vrai. Ses yeux sombres qui l'attiraient comme un abysse. Ses lèvres pulpeuses dont il se remémorait trop bien le goût.

Le parfum de Mathilde envahit ses narines et annihila les dernières traces de ses neurones. Elle s'avança encore de quelques centimètres... et l'embrassa.

Alors, bien que ce ne fût pas cette bouche-là qu'il désirât ce soir, il la laissa faire. 


Machine Gun Kelly ft Youngblud & Travis Barker — I Think I'm Okay

https://youtu.be/wK-8TCDrbV8

"Watch me take a good think and fuck it all up in one night"


Hello ! Vous allez bien ? Non ce n'est pas une erreur, j'ai bel et bien posté le chapitre un peu plus tôt aujourd'hui ! Je voulais tester un nouvel horaire. Est-ce que ça vous convient ou est-ce que vous préférez minuit ? 😄

Bref, sinon... Vous avez pas trop envie de me tuer, ça va ? 😬

Vous pensiez quand même pas que ce serait aussi simple, hein ? 😆 Même si j'adore les rapprochements entre Gabriel et Fiona au long de cet arc narratif, il existe tout un passif entre eux qu'il aurait été irréaliste de gommer aussi facilement. Fiona ne peut pas lui pardonner aussi vite ce qu'il s'est passé au collège, et Gabriel va devoir ramer pas mal avant d'y arriver. Et autant vous dire que ce qui vient de se passer avec Mathilde va encore plus compliquer les choses... 

Bref, j'appréhendais un peu ce chapitre car c'est celui où l'on apprend enfin ce que Gabriel a fait en troisième. Bon, pour ceux qui ont lu la V1, c'est beaucoup plus soft, quand même, mais ça reste assez cruel, donc on peut comprendre que Fiona lui en veuille. 

Pour ceux qui n'ont pas lu la V1 ou qui auraient oublié, dans la première version, Gabriel avait carrément manipulé Fiona en la faisant tomber amoureuse de lui, pour finalement la repousser et l'humilier devant tout le monde (après l'avoir embrassée). 

Bref, c'était hyper tordu mdr, je pouvais pas laisser ça comme ça. Je ne voyais vraiment pas comment Fiona aurait pu lui pardonner un truc pareil. J'ai donc opté pour quelque chose de différent qui, bien que toujours cruel, reste, à mes yeux, pardonnable avec le temps et les années (et si la personne montre qu'elle regrette et qu'elle a réellement changé). 

Qu'avez-vous pensé de leur baiser, tout d'abord ? S'ils ont fait ça pour jouer la comédie à la base, ils se sont un peu beaucoup emballés, hein ? 😆😏🔥

De la réaction de Fiona qui se remémore ses mots cruels de l'époque ? 

Des laxatifs dans le mojito ? 😖 Vous vous en doutiez ? 

De leur échange sur la pelouse ? Du mensonge de Gabriel concernant les réelles raisons de ce baiser ? 

De la révélation sur les événements de l'année de troisième ? 😟

De la tentative d'excuse de Gabriel, ENCORE avortée car Fiona s'enfuit en courant ? (Bon, il pense qu'elle a voulu esquiver alors que la pauvre avait une REELLE raison de se barrer 😅)

De l'arrivée de Mathilde et de son échange avec elle ? 

Et enfin et surtout... De leur baiser à la fin ? 😬 Gaby déconne grave dans ce chapitre, et cette connerie va le poursuivre pendant un long moment par la suite, vous verrez 🙄

Des pronostics pour la suite ? 

En attendant de vous lire, je vous fais des bisous et vous dis à la semaine prochaine... (peut-être à 18h, du coup 🤭 ?) 


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