Level 30 : Je crois qu'il y a eu un glitch...
Après avoir expliqué à Fiona le fonctionnement de sa douche, Mathilde retourna auprès de la piscine où Gabriel, agenouillé au bord du bassin, cherchait à récupérer la chaussure que sa petite-amie y avait perdu.
– Tu t'en sors ? s'enquit-elle.
– Ouais, c'est bon, je l'ai.
Il extirpa l'escarpin de l'épuisette qu'elle lui avait prêté avant de réfléchir à voix haute :
– Putain, j'espère qu'il est pas foutu, elle va être dégoûtée sinon...
Elle secoua la tête.
– Aucune idée, honnêtement... Je vais te filer un sèche-cheveux, on verra si c'est suffisant... Je peux lui prêter des fringues, mais en ce qui concerne les chaussures, ça m'étonnerait qu'on fasse la même pointure. Je suis un hobbit, tu te souviens ?
Elle avait dit ça en espérant obtenir un sourire, ou qu'il réponde un truc du style "Au contraire, les hobbits ont des putains de grands pieds, espèce de noob !", cependant elle n'obtint rien de tel. Le jeune homme était furieux, ça se voyait à l'expression qu'il arborait, et c'était la raison pour laquelle le reste des invités l'esquivaient comme la peste depuis que Fiona était tombée à l'eau.
Tout le monde ici savait ce que pouvait donner un Gabriel énervé, or personne n'avait envie de se trouver face à lui dans ces moments-là. Encore plus quand ceux-ci avaient conscience d'être en partie la cause de sa colère.
– Vas-y, ça me les brise tellement ! pesta-t-il. J'aurais jamais dû la laisser venir, ce soir...
Cette connasse de Rosélia va m'entendre, sérieux, elle abuse grave de l'y avoir obligée ! compléta-t-il en pensées, agacé.
– Désolée Gaby, mais faut que je pose la question... Tu sors vraiment avec Fiona Faure ?
Mathilde regretta d'avoir ouvert la bouche quand elle vit le regard qu'il lui lança.
Bien sûr que non ! répondit-il en son for intérieur. Comme si elle allait vouloir de moi après ce que je lui ai fait... Sérieux, que les autres teubés avalent ce mensonge, je veux bien, cela dit venant de toi je m'attendais à mieux. Et après ça veut entrer à l'INSA, hein !
Il retint ce commentaire acerbe, optant à la place pour quelque chose qu'il estima moins blessant :
– Qu'est-ce que ça peut te foutre ? asséna-t-il d'un ton dur. Mêle-toi un peu de ton cul, ça changera !
Hélas, ce n'eut pas l'effet escompté car son interlocutrice contracta la mâchoire.
– Je t'emmerde, Gabriel ! fustigea-t-elle sur le même ton, poings sur les hanches. J'ai compris que t'étais en colère à cause de ce qu'il vient de se passer, sauf que c'est pas ma faute, alors pas besoin de te défouler sur ma tronche ! C'est pas moi qui ai poussé ta copine dans la piscine ! Et puis je te signale que si tu m'avais écoutée et que t'étais intervenu avant que ça dégénère, rien de tout ça ne serait arrivé ! Mais non, comme d'habitude, monsieur n'en a fait qu'à sa tête ! Monsieur a voulu jouer les connards de service et trouvait ça amusant de voir sa copine se friter avec les trois autres tarées ! Sérieux, si tu tiens à elle, apprends à mieux la traiter !
Connaissant Gabriel, Mathilde s'attendait à ce qu'il lui dise de la fermer, voire à ce qu'il l'insulte, cependant il ne fit rien de tel. Il se contenta de la dévisager longuement, la mine assombrie, et déclara d'un ton placide :
– T'as raison. Encore une fois, j'ai tout foiré. J'ai pas été fichu de la protéger.
Il s'assit sur les marches bordant la piscine puis passa ses doigts parmi ses mèches brunes en soupirant.
– Elle voulait pas... Elle voulait pas qu'on sache que c'était elle. Et ça non plus, j'ai pas réussi à le garder secret. Putain, ça me fane !
La colère de la jeune fille s'envola à cette vision.
– Je suis pas comme les autres connards réunis ce soir, Gaby, dit-elle à voix basse. Je m'en fous que tu sortes avec Fiona. Je vais pas te juger. C'est ta vie, ça te regarde... Je sais... Je sais que tu t'en es toujours voulu à cause de ce qu'il s'est passé, il y a trois ans. Alors... Si t'as réussi à te faire pardonner d'elle, c'est tant mieux, je suis contente pour toi.
Gabriel ne répondit rien, se contentant de se masser le visage, pensif.
Si seulement c'était vrai...
– Est-ce que... Tu veux m'accompagner en haut histoire de choisir les vêtements que je peux lui prêter ? s'enquit-elle d'une voix adoucie.
– Ouais, acquiesça-t-il. Je vais lui choisir une tenue tellement belle qu'ils s'étoufferont tous de jalousie.
Mathilde eut un rictus.
– Hum, ça devrait pas être difficile à trouver parmi mes fringues, ça. A vrai dire, j'ai déjà ma petite idée...
Une fois devant son dressing, Gabriel approuva la robe qu'elle lui tendit d'un hochement de tête appréciateur.
– C'est parfait.
Mathilde eut un sourire en coin en s'apercevant que le polo du jeune homme était mouillé.
– Toi aussi, t'as besoin d'un t-shirt, on dirait ! pouffa-t-elle en tâtant son torse. Je peux aller voir le placard de mon p-
Gabriel la repoussa brutalement.
– Vas-y, tu fous quoi, là ? s'écria-t-il. D'où tu me touches ?
Elle croisa les bras sur sa poitrine.
– Gaby, je...
– Et putain, sérieux, arrête de me donner du "Gaby" ! Ça fait longtemps que t'as perdu le droit d'utiliser ce surnom !
Il se pinça l'arête du nez avant de reprendre :
– Je sais pas ce que t'imagines dans ton petit cerveau, mais stop te faire des films ! Si je suis ici, c'est uniquement pour Fiona, t'entends ? Va pas croire que parce qu'on se connaît depuis la maternelle t'allais pouvoir revenir dans ma vie ou chais pas quoi, hein ! En ce qui me concerne t'es juste une ex de plus, tu vaux pas mieux qu'Inès et les autres poufs, alors calme-toi sur les familiarités ! C'est clair ?
Mathilde, qui avait détourné le regard, conserva le silence.
– C'est clair ? insista-t-il.
La jeune fille braqua ses pupilles dans les siennes.
– Limpide, Gabriel. Limpide, rétorqua-t-elle d'une voix glaciale.
Elle ajouta en plissant les yeux :
– Je voulais juste te proposer des vêtements secs, de base, hein...
– Merci pour ta considération, mais je vais me démerder. Contente-toi de me filer un sèche-cheveux. J'ai pas envie de porter quoique ce soit qui vienne de toi.
Son interlocutrice serra les poings.
– Très bien.
Elle tourna les talons et ajouta en s'éloignant :
– Tu diras à Fiona qu'elle peut garder la robe. Je lui en fais cadeau. Au moins, ça t'évitera de revenir me la rapporter et t'auras plus jamais à croiser ma route ! Car c'est bien ce que tu veux, non ?
La porte claqua avant qu'il n'ait eu le temps de formuler la moindre réponse. Mathilde contint son chagrin jusqu'à avoir atteint la salle de bain familiale, où elle l'autorisa enfin à se déverser sur ses joues.
Putain, fait chier..., songea-t-elle.
Depuis qu'elle le connaissait, Gabriel avait toujours été froid et cruel lorsqu'il était énervé. Ce n'était pas nouveau, ce comportement chez lui n'aurait pas dû la surprendre. Sauf que Mathilde n'était pas habituée à en être la cible.
Me foutre dans le même sac qu'Inès et les autres... T'es sérieux, là ?
Elle se doutait qu'il avait dit ça sur le coup de la colère, qu'il n'en pensait probablement pas un mot, cependant elle ne pouvait s'empêcher de se sentir blessée.
Je sais que j'ai grave foiré avec toi. Je sais que je t'ai blessé. Je sais tout ça. Mais tu peux pas balayer nos années d'amitié ou prétendre qu'elles valent que dalle...
Cette soirée était un désastre total. Rien ne s'était passé comme prévu. En réalité, Mathilde n'aurait jamais organisé une telle fête, avec des invités dont elle méprisait la moitié, si elle n'avait su que c'était là le moyen le plus simple de revoir Gabriel. Car depuis leur rupture, il lui manquait. Son ami lui manquait. D'aussi loin que remontait sa mémoire, le jeune homme avait toujours fait partie de son existence. Or, soudain, du jour au lendemain, elle avait dû apprendre à naviguer sans lui.
Peu importait que son père soit devenu riche ou qu'elle ait intégré un lycée prestigieux si Gabriel n'était pas auprès d'elle pour partager ces bonnes nouvelles. C'était l'unique raison qui l'avait poussée à organiser cette soirée. Car elle s'était doutée que celui-ci ne pourrait résister à l'envie de venir, quitte à être en sa présence.
Je voulais juste... Revenir dans sa vie. Mais je me heurte à un putain de mur, là. J'ai été naïve de croire qu'il pourrait me pardonner...
Le revoir n'avait en rien comblé la sensation de vide qui la dévorait. Au contraire, elle semblait encore plus profonde qu'auparavant.
J'ignorais qu'une personne pouvait vous manquer en se tenant juste devant vous...
Sur ces sombres pensées, Mathilde se passa le visage sous l'eau, espérant effacer les vestiges de ses larmes, avant de retourner dans sa chambre. Elle ne chercha pas à croiser le regard de Gabriel tandis qu'elle lui donnait le sèche-cheveux, et ne prononça pas le moindre mot de peur de s'effondrer à nouveau.
Elle savait d'expérience que se mettre à pleurer devant lui ne ferait qu'empirer la situation ; que loin de l'attendrir, cela réveillerait à coup sûr le démon sadique qui sommeillait en lui, qu'il l'accablerait encore davantage s'il savait que ses mots l'avaient atteinte.
Gabriel est pas le genre à sécher vos larmes, non. Lui, sa spécialité, c'est plutôt de vous maintenir la tête enfoncée jusqu'à ce que vous vous noyiez dedans.
Pourtant, alors qu'elle s'apprêtait à quitter la pièce aussi vite qu'elle était entrée, Gabriel la retint :
– Mathilde, attends...
Elle s'immobilisa dans l'embrasure de la porte, puis rassembla son courage afin de le dévisager, ne sachant à quoi s'attendre.
– Merci de faire ça pour Fiona, souffla-t-il d'une voix adoucie.
– Tu sais, Gab, c'est pas uniquement pour Fiona que je fais ça...
Il se pinça l'arête du nez.
– A propos de ce que j'ai dit tout à l'heure..., soupira-t-il. J'étais sur les nerfs, okay ? Je le pensais p-
– C'est bon, l'interrompit-elle avec un faible sourire. Je sais, t'inquiète. Je sais.
Gabriel la regarda sortir, la mine assombrie.
Si tu le sais, alors pourquoi t'as pleuré, hein ?
Lorsque Mathilde redescendit au salon, ce fut pour s'apercevoir que la présence de Fiona à sa soirée avait fait sensation. Désormais, où qu'elle aille, elle n'entendait parler que de ça.
De sa transformation, tout d'abord, qui l'avait rendue méconnaissable. C'était d'ailleurs assez amusant de voir certains mecs mortifiés à l'idée que cette jolie fille s'avérait être celle qu'ils avaient maltraitée à l'époque, précisément à cause de son physique. Les gens avaient presque déserté la piste de danse, trop obnubilés à discuter des récents événements ou à rechercher le profil de Fiona sur les réseaux sociaux.
– Putain, elle est devenue grave bonne, en vrai !
– Abusé ! C'est possible de changer à ce point ?
La jeune fille retint un soupir d'exaspération. Les mecs étaient donc si ignorants de tous les artifices qui existaient afin de s'embellir ? Et des efforts que la plupart des femmes devaient faire si elles souhaitaient répondre aux standards que la société exigeait d'elles ?
Lorsqu'elle avait compris qui était vraiment la petite-amie de Gabriel, elle avait été envahie d'un immense sentiment de culpabilité. Car bien que Mathilde ne l'ait pas harcelée à l'époque, elle n'avait pas non plus cherché à lui venir en aide, trop heureuse de ne pas se trouver à sa place. Aujourd'hui, elle maudissait sa lâcheté. Elle avait pris le temps de la dévisager tandis qu'elle l'accompagnait jusqu'à sa chambre, et n'avait pu s'empêcher de se sentir admirative devant sa métamorphose. Toutefois, en vérité, ce qui faisait le plus jaser ses invités, ce soir, c'était l'idée que Fiona l'ancien pâté et son bourreau soient à présent ensemble. Et pour cause...
– Sérieux, comment elle peut sortir avec Gabriel ? Vous vous souvenez de ce qu'il a fait en troisième ?
– J'avoue, même si ça date du collège, je lui aurais jamais pardonné un truc pareil...
– La meuf a aucune fierté ou bien ?
Mathilde avait envie de leur dire de la fermer, de se mêler de leur cul, néanmoins elle devait reconnaître avoir été aussi surprise qu'eux. Résister au charme de Gabriel n'était pas chose aisée, cependant, selon elle, s'il existait une personne qui devait y être insensible, c'était bel et bien Fiona.
Enfin bon... Ça me concerne pas, après tout, ils font ce qu'ils veulent. Du moment qu'ils sont heureux ensemble...
Ces pensées se dissipèrent lorsque les trois harpies lui fondirent dessus afin de la houspiller.
– Dis donc, Mathilde ! l'apostropha Pauline d'un air mécontent. Qu'est-ce que tu comptes faire pour mon téléphone, hein ? Il est complètement foutu maintenant que Gaby l'a jeté à l'eau ! Faudra me rembourser !
Elle lui adressa un large sourire.
– Mais très chère, tu es libre d'aller présenter tes réclamations à Gabriel, personne te retient, tu sais !
Toute la confiance qu'elle affichait quelques instants plutôt se désintégra aussitôt à l'idée de devoir affronter le jeune homme elle-même.
– Non, je, euh, c'est pas...
– C'est pas à elle d'aller le voir ! intervint Amélie. C'est toi l'hôtesse de la soirée, c'est donc toi qui es légalement responsable !
Mathilde arqua un sourcil sceptique, ayant du mal à accorder la moindre crédibilité à une telle ligne de défense, sauf qu'elle n'eut pas le temps de répliquer car Inès enchérit :
– Ouais ! Et boi, j'exige des dommages et intérêts bour bon nez cassé !
Sa diction se trouvait déformée à cause du glaçon qu'elle appliquait sur la zone endolorie. Mathilde croisa les bras sur sa poitrine.
– Arrête de faire ta fragile, il est pas cassé ! Si vous décidez de porter plainte, alors je raconterai comment vous avez poussé une fille complètement bourrée dans la piscine ! Elle aurait pu se noyer, vous êtes au courant ? Du coup ça donnerait quoi, comme motif d'inculpation, d'après vous ? Tentative de meurtre, non ?
Les trois autres échangèrent un coup d'oeil paniqué, semblant enfin réaliser la gravité de leurs actes.
– En plus, j'aurais plein de témoins pour appuyer mes dires ! ajouta-t-elle en désignant le reste des invités de la main. J'suis sûre que certains ont même filmé la scène...
– Oui, bon, c'est bon ! la coupa Pauline. Laisse tomber, oublie ! Disons que Fiona et nous, on est quittes, voilà !
Mathilde agita la tête en signe de négation.
– Je crois pas, non ! Vous serez quittes lorsque vous aurez été lui présenter des excuses ! Ce que vous aurez intérêt à le faire quand elle descendra ! C'est clair ?
– C'est bon, répondit Amélie. T'as gagné, on ira s'excuser !
– Bien.
Satisfaite, Mathilde tourna les talons. Pauline attendit qu'elle se soit suffisamment éloignée avant de s'enquérir :
– T'es sérieuse ? Tu veux vraiment qu'on aille dire pardon à l'autre pâté ?
– Oui, répondit-elle, tandis qu'un sourire diabolique se dessinait sur ses lèvres. Mais vous inquiétez pas : j'ai une idée...
Les conversations cessèrent lorsque Fiona et Gabriel descendirent main dans la main les escaliers afin de regagner le salon. Les invités ne purent s'empêcher de les fixer de leurs yeux scrutateurs. Mathilde observa la jeune fille affronter ces oeillades la tête haute, faisant montre d'un courage qui forçait l'admiration, tandis que son petit-ami, à côté d'elle, les dévisageait en retour de son regard dur. Elle se dirigea vers eux une fois qu'ils eurent fini de descendre les marches.
– Waow, Fiona ! s'exclama-t-elle. Ma robe te va nickel ! Je suis un peu jalouse, j'avoue !
La concernée entortilla une mèche de cheveux autour de son index, mal à l'aise.
– Merci de me l'avoir prêtée, balbutia-t-elle.
Gabriel fronça les sourcils face à cette attitude et lui donna un coup d'épaule.
– Hé, la tête haute, on a dit, la reprit-elle. Arrête de baisser les yeux.
Puis, dirigeant son attention sur Mathilde :
– Y'a plus grand monde qui danse. Ça a beaucoup jacté, je suppose ?
– De vraies langues de putes, répondit-elle. Vous êtes devenus le principal sujet de conversation. Ta transformation, d'abord, Fiona, et ensuite... Bah, votre couple a un peu surpris tout le monde...
Il se frotta la nuque.
– Ouais, tu m'étonnes...
– Que des bâtards de barbares ! hocha-t-elle gravement la tête.
Elle avait dit ça par automatisme, mais remarqua le bref rictus que cette référence arracha à Gabriel.
– Tu cries comme une pute, ta peau se décolle..., chantonna-t-il à voix basse.
Mathilde eut du mal à empêcher ses lèvres de s'étirer pendant qu'elle enchaînait sur la suite :
– Gentiment je t'immole...
Le sourire du jeune homme s'élargit et le coeur de Mathilde accéléra alors qu'elle eut l'impression, l'espace d'un instant, de retrouver son meilleur ami. Mais ce sentiment s'évanouit quand il se tourna vers sa petite-amie et lui demanda :
– Bon, toujours partante pour ce qu'on a dit, Nana ?
Fiona sursauta en l'entendant l'appeler ainsi. Ce surnom était en principe réservé à sa famille ou à ses amis les plus intimes. Gabriel ne l'avait jamais utilisé. C'était d'ailleurs assez rare qu'il l'appelle "Fio", préférant généralement des sobriquets tels que "fausse blonde" ou "petit pâté". Mais elle se souvint de ce qu'il lui avait dit un peu plus tôt :
– On va jouer la comédie. Imagine que t'es une actrice et que tu montes sur scène. T'es censée être ma copine, donc comporte-toi comme telle. Et si c'est trop difficile... Eh bien, imagine-toi que je suis Maël. Okay ?
La jeune fille se reprit assez vite en repensant à ça. Se redressant, elle acquiesça d'un air déterminé. Gabriel lui caressa la joue d'un air attendri.
– Je te laisse deux minutes, alors. Je vais changer la musique, je reviens.
Il saisit doucement son menton et l'embrassa près de la commissure des lèvres. L'espace d'un instant, Mathilde ne put s'empêcher de ressentir un pincement dans la poitrine en voyant ça. Elle ne se souvenait que trop bien de ce que c'était d'être à la place de Fiona en ce moment.
Car Gabriel avait le don de vous faire vous sentir spéciale et unique. Il pouvait être le pire des connards envers le reste du monde, mais avec vous, c'était différent : il vous contemplait d'une manière qui semblait dire "Tu es la seule qui compte."
C'était un sentiment que personne d'autre n'avait su lui procurer, jusqu'ici. Pas étonnant, au final, que même après toutes ces années, certaines exs demeurent attachées à ce souvenir, et jalousent celle qui, à l'heure actuelle, en bénéficiait. La jeune fille se reprit néanmoins assez vite et demanda à Fiona, une fois qu'il se fut éloigné :
– Suis-moi, les autres folles veulent s'excuser à propos de ce qu'il s'est passé.
Celle-ci eut envie de refuser, puis elle se souvint qu'elle devait agir la tête haute et s'exécuta. Les trois harpies adoptèrent des mines contrites en la voyant arriver.
– Alors ? les apostropha Mathilde. Vous avez pas quelque chose à dire ?
– On est désolées, Fiona, marmonnèrent-elles à contrecoeur. On a dépassé les bornes.
La concernée changea de pied d'appui, mal à l'aise, avant de répondre :
– Moi aussi, je suis désolée. J'ai vraiment exagéré. Comment va ton nez, Inès ?
Cette dernière la foudroya du regard.
– Je crois que le blaçon barle bour moi, non ?
Fiona grimaça, empathique malgré elle face à sa douleur.
– Ça te dit de trinquer avec nous ? s'enquit Amélie. En signe d'amitié et de pardon.
Tout en disant ça, elle lui tendit un mojito.
– Maintenant, cul sec ! tonna Pauline.
Elles trinquèrent puis s'exécutèrent. Tandis que Fiona s'apprêtait à les imiter, quelqu'un, derrière elle, l'enlaça. Elle n'eut pas besoin de se retourner pour reconnaître le parfum de Gabriel qu'elle avait humé un peu plus tôt. Il apposa ses lèvres sur son cou, contact qui la fit frissonner malgré elle.
Ignorant les regards assassins du trio d'exs démoniaques, le jeune homme caressa lentement le bras dénudé de Fiona jusqu'à atteindre sa main et se saisir délicatement de son verre en disant :
– Je crois que t'as assez bu, ce soir, ma chérie.
Il le tendit à Mathilde qui s'en saisit et le déposa sur la table basse.
– Tu viens ? lui souffla-t-il à l'oreille.
Ne voulant pas perdre la face devant le trio de dégénérées, Fiona le suivit au centre de la pièce, où, à son grand soulagement, quelques invités étaient revenus.
Au moins on sera pas les seuls...
– Pourquoi t'as choisi cette musique ? s'enquit-elle, étonnée. Je sais pas danser ça...
En effet : ils s'étaient mis d'accord pour mettre un slow. Or, Gabriel venait de lancer Loco Contigo de DJ Snake, un air sensuel sans aucune once de romantisme.
– Pas besoin de savoir danser, avec ce genre de chanson c'est plus du frotti-frotta qu'autre chose...
– C'est justement ce qui m'inquiète ! rétorqua-t-elle, contrariée. C'était pas ce qu'on avait décidé !
– Arrête de râler et laisse-toi faire.
Tout en disant ça, il encercla son dos d'un bras et la força à se rapprocher de lui, jusqu'à ce que leurs corps soient quasiment collés l'un à l'autre. Fiona sentit ses joues virer écarlates. Elle avait envie de le repousser et de fuir à des kilomètres d'ici. Gabriel, lui, semblait apprécier un peu trop la situation à son goût.
– Tu l'as fait exprès, espèce d'enfoiré, lui dit-elle entre ses dents, masquant son ressentiment sous un sourire de façade.
– C'est toi qui voulais les rendre jaloux ! protesta-t-il. Si tu veux faire des envieux, faut leur donner du sexe ! Allez, fais-moi un peu confiance...
Fiona ne pouvait pas vraiment reculer, de toute manière. Si elle décidait de partir maintenant, elle les ridiculiserait tous les deux et les invités comprendraient que leur couple était faux.
Foutu pour foutu..., pensa-t-elle.
Résignée, elle passa ses bras autour du cou de son cavalier et joua le jeu. En apparence, du moins, car Gabriel sentait sa tension sous ses doigts.
– Bordel, détends-toi un peu, lui souffla-t-il à l'oreille. On dirait que t'as un balai enfoncé dans le cul, là !
– J'ai pas de balai enfoncé dans le cul, par contre tes mains qui le pelotent, ça, ça me plaît moyennement, rétorqua-t-elle entre ses dents.
– En même temps, un cul comme le tiens appelle à être peloté, Fio.
Cependant, devant son air agacé, il les remonta au niveau de sa taille.
– Voilà, c'est mieux comme ça ?
Fiona acquiesça, pourtant elle s'avérait toujours aussi raide entre ses bras.
– Mon putain de cul à la Doja Cat..., marmonna-t-elle.
Gabriel pouffa.
– Abuse pas, le tiens est pas si gros ! Et il est plus ferme, m'est avis.
– Genre t'as peloté celui de Doja Cat aussi ? se moqua-t-elle.
– Pas besoin de le peloter pour voir que le sien, c'est surtout de la graisse. Alors que toi...
Il cala sa tête au creux de son cou afin d'avoir une meilleure vision sur la chute de ses reins tandis qu'il continuait :
– Quelque chose me dit que tu te contentes pas de soulever des haltères. Tu fais des squats aussi, pas vrai ? Un boule pareil, on l'obtient pas en restant vautrée sur son canap'.
– T'as remarqué ça en le tripotant cinq secondes ? s'étonna-t-elle.
– J'ai remarqué ça en le matant, surtout ! rigola-t-il.
Fiona vira écarlate à ces mots.
– Genre, depuis quand tu me mates, toi ?
Même s'il s'agissait d'une question rhétorique, Gabriel y apporta une réponse étonnamment précise :
– Depuis le cross caritatif, l'année dernière. T'étais devant moi sur la ligne de départ pendant la course mixte, tu te souviens ?
Rien que d'en parler, il revit la scène : lui, en train d'étirer ses jambes au sol, et elle, penchée afin de toucher ses orteils, offrant une vision royale sur ses fesses parfaitement moulées par son legging.
Hum, voilà un cul dans lequel je taperai bien, moi ! avait-il songé, un rictus salace aux lèvres en s'imaginant déjà la prendre en levrette sur son lit.
– Je me souviens surtout que t'avais été odieux, ouais, répliqua-t-elle d'un ton agacé, l'arrachant à ses fantasmes.
Gabriel grimaça car c'était, hélas, la vérité. Une fois redressée, elle avait jeté un regard par-dessus son épaule et froncé les sourcils en l'apercevant.
– Qu'est-ce qu'il y a, t'as buggé ? Tu veux ma photo ? lui avait-elle lancé en arborant ses airs de peste qu'il détestait tant.
– Non merci, j'ai eu ma dose de musée des horreurs en te supportant au collège, avait-il rétorqué sur le même ton. T'as encore pris du cul, non ? Tu cherches à faire concurrence à Doja Cat ?
– Connard ! avait-elle marmonné entre ses dents.
Gabriel secoua la tête à ce souvenir.
Putain, je suis vraiment un bel enfoiré, parfois. Le pire c'est qu'elle gobe toutes les saloperies que je lui balance à la gueule, cette gourdasse.
– Désolé, lui souffla-t-il à l'oreille. En vrai, j'étais surtout honteux que tu m'aies chopé en train de te mater le boule...
– Pff ! J'avais même pas capté, moi ! marmonna-t-elle.
J'arrive pas à décider si je trouve son innocence mignonne ou effarante, songea-t-il, amusé.
– Si ça peut te consoler, dis-toi que j'ai passé le reste de la course derrière toi à me rincer l'oeil.
Fiona eut un petit rire.
– Mytho ! J'en crois pas un mot !
– Je te jure ! rigola-t-il. Pourquoi j'ai été si mal classé, d'après toi ?
– Parce que t'es nul en cross ?
– Je suis jamais nul dans rien de ce que j'entreprends.
Elle roula des yeux.
– T'as raison de me le rappeler, j'avais presque oublié...
– Tu bosses pas que tes bras et le fessier, rassure-moi ? s'enquit-il, ignorant la pique. Tu fais des abdos, aussi ? Et le cardio, c'est important. Faut rien négliger, quand on fait de la muscu, si on veut un résultat harmonieux...
– Si ça t'intéresse à ce point, je t'enverrai mon programme histoire que tu le valides ! ironisa-t-elle, exaspérée.
Gabriel remonta une main le long de sa colonne vertébrale, puis sur sa nuque, avant de la positionner à l'arrière de son crâne, sur lequel il appuya afin de lui faire poser sa tête sur son épaule. A présent que son oreille se trouvait près de sa bouche, il chuchota :
– Hum, vu le résultat que je tiens entre mes bras, là, je peux te dire que j'ai pas besoin de vérifier ton programme : je le valide déjà. J'en regretterai presque de t'avoir casée avec mon pote...
– Abruti ! le réprimanda-t-elle.
Bien qu'agacée, elle ne put s'empêcher de pouffer bêtement.
– Abruti ou pas, j'ai réussi à te faire rire, souffla-t-il, amusé.
La sentant enfin décontractée, il resserra son étreinte et la colla contre lui. Un sourire appréciateur apparut sur son visage lorsque sa poitrine vint s'écraser sur son torse.
Ma foi, ce cher Maël a bien de la chance. Il vaudra quand même mieux que j'évite de lui dire à quel point... Ou comment je le sais. Pas sûr qu'il apprécie d'apprendre que j'ai eu un aperçu des attributs de sa meuf avant lui, m'est avis.
Peu à peu, Fiona laissa Gabriel la guider, faisant de son mieux pour ignorer l'odeur de son parfum ou la proximité de leurs corps qui s'entremêlaient au rythme de la musique. Ses dernières résistances cédèrent lorsqu'il apposa son front sur le sien. Elle finit par se noyer cette fois-ci, non pas au fond d'une piscine, mais au fin fond de ce regard pers qui la dévisageait avec un sourire rassurant.
Alors, l'espace de quelques minutes, le reste du monde disparut : il n'y eut plus qu'eux deux, la musique, et leurs corps qui, se mouvant en une synchronie parfaite, semblaient avoir fusionné.
C'est ensuite que le glitch dans la matrice se produisit.
Même lorsque la mélodie cessa, laissant place à la suivante, son cavalier ne la lâcha pas, et leurs fronts restèrent appuyés l'un contre l'autre.
– Et maintenant quoi ? souffla-t-elle doucement.
Gabriel se mit à sourire à cette question.
– Et maintenant, ça.
Il fit glisser sa main le long de son dos puis exerça une légère pression sur sa nuque afin de rapprocher sa bouche de la sienne. L'espace d'un instant, elle crut qu'il allait s'arrêter là. Un simple bisou de quelques secondes, juste histoire de jouer la comédie.
Elle se trompait.
Le baiser se prolongea, et elle sentit bientôt la langue du jeune homme qui cherchait à s'immiscer entre ses lèvres.
Fiona aurait pu adopter différentes attitudes : elle aurait pu rester inanimée, ou détourner la tête, voire le repousser, quitte à révéler leur mascarade au grand jour.
Pourtant, elle eut la pire réaction possible : elle lui rendit son baiser.
🎵 Taylor Swift — Glitch
https://youtu.be/Y2a73EvnZ4s
"I think there's been a glitch..."
Hellooooo ! Vous allez bien ? 😁👋 Je m'excuse pour le léger retard, j'ai eu une semaine assez chargée au travail et n'ai pas eu le temps de corriger mon chapitre à temps ! D'une manière générale, mon mois de mars va être un peu blindé donc ça risque de se reproduire, je préfère vous prévenir...
Bref, j'espère que ce chapitre vous a plu et que l'attente en valait la peine !
Cette fois, ça y est, le fameux "glitch dans la matrice" a enfin eu lieu ! J'avoue que j'attendais qu'on en arrive là avec impatience haha ! 😁
Qu'avez-vous pensé du passage du pdv de Mathilde, tout d'abord ?
De la façon dont Gabriel la repousse ?
Et de la peine qu'elle ressent en voyant son ami lui échapper ?
Des 'excuses' des exs démoniaques ? Que mijotent-elles, d'après vous ?
Et enfin... de la danse sensuelle de Gabriel et Fiona ? Vous vous y attendiez ?
De leur échange pendant qu'ils dansent ? Et des aveux qu'il lui fait au sujet de son attrait pour son 🍑 ? (Oui, Gaby aime les fesses rebondies 🤭)
Et pour finir... de ce baiser à la fin ? 😳 Votre réaction ?
Des pronostics pour la suite ?
En attendant de vous lire, je vous fais des bisous et vous dis à la semaine prochaine pour la suite ! 😘
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