Level 28 : Mécanisme de défense
⚠️AVERTISSEMENT ⚠️
Boire de l'alcool est dangereux pour la santé, mais surtout, pour votre dignité.
Si vous tenez à l'une comme à l'autre, ne faîtes pas comme Fiona et buvez avec modération.
Ceci est un mot du ministère de la Santé et de l'Amour-Propre.
A peine les exs démoniaques avaient-elles traîné Fiona au salon qu'elles entreprirent de lui présenter les divers invités, ignorant bien sûr que cette dernière n'avait oublié aucun d'entre eux. A chaque nouvelle personne, un mauvais souvenir refaisait surface. Ici reconnaissait-elle le groupe qui l'avait poussée dans les couloirs, là ceux qui avaient trouvé hilarant, un jour, de lui subtiliser ses lunettes de vue, ou encore d'autres dont la spécialité était de ricaner lorsqu'elle passait à l'oral afin de la déstabiliser...
La liste aurait pu s'allonger ainsi encore et encore, cela dit Fiona décida de cesser d'y songer afin de se concentrer sur l'instant présent. A l'heure actuelle, elle n'était plus le pâté qu'ils avaient connu. Elle était devenue la "princesse de Saint Jude", et avait fait une entrée jalousée par les trois harpies lui ayant pourri la vie par le passé. Ces dernières ne cessaient d'ailleurs de lui poser des questions indiscrètes sur sa relation avec Gabriel, auxquelles la jeune fille tâchait de répondre aussi dignement que possible.
– Si ça fait quatre mois que vous sortez ensemble, vous avez déjà dû faire la totale, pas vrai ? lui demanda Amélie.
– Connaissant Gaby, c'est sûr et certain ! enchérit Inès. Ce type est infatigable ! Je me souviens qu'à l'époque, on l'avait même fait dans les toilettes du collège, lui et moi !
– Quoi ? Sérieux ?
Il lui était de plus en plus difficile de conserver son sang-froid. Qui s'amusait à raconter de telles anecdotes devant quelqu'un qu'elles venaient de rencontrer ?
Quand je pense qu'il m'a cassé les couilles à propos de ses soi-disant "standards" tout à l'heure... De toute évidence, les standards de son lui collégien se situaient six pieds sous terre, oui !
Bien sûr, le but était probablement de la mettre en colère ou de la rendre jalouse. Elles ne pouvaient pas imaginer que leur interlocutrice se fichait pas mal des aventures de l'autre tête de con et était davantage mal à l'aise que furieuse. Néanmoins, à cet instant, elle comprit pourquoi le jeune homme avait interdit à Rosélia de venir... Il était clair que si celle-ci avait été à sa place, elle n'aurait pas réussi à faire aussi bonne figure.
– Dis-moi, Léa ! l'interpella Pauline. Est-ce que Gabriel aime toujours qu'on le...
– Hum ! l'interrompit Fiona. Je sais pas pourquoi mais j'ai besoin d'un verre, d'un coup ! Je reviens !
Le trio la regarda s'éloigner d'un pas rapide, des sourires moqueurs aux lèvres.
– Pff ! Matez comme elle se casse dès qu'on parle de sexe en prenant ses grands airs ! fit Inès en croisant les bras sur sa poitrine.
– Moi, je trouve ça louche, répondit Amélie. Vous pensez qu'ils ont toujours pas... ?
– Ce serait bizarre, quand même. Gabriel tenir si longtemps sans passer à l'acte ? Soit il est très amoureux, soit...
– ... soit ils sont pas du tout en couple, ces deux-là, conclut Inès.
– C'est possible, confirma Pauline. Elle a à peine cillé quand on lui racontait nos anecdotes... N'importe qui d'autre aurait pété un câble, non ?
– Et puis, vous avez vu sa couche de maquillage ? enchérit Amélie. Et ses cheveux, je suis sûre que c'est des extensions. Cette meuf est jolie, comme ça, seulement quand on regarde un peu mieux... En vérité, elle est plutôt... banale !
– On passe à l'offensive, du coup ? les interrogea Pauline, les yeux brillants d'une lueur mauvaise.
🎃🎃🎃
Fiona avala d'une traite le verre de punch qu'elle venait de se servir, se faisant la réflexion qu'elle n'avait jamais autant ressenti le besoin de boire de l'alcool de sa vie. Tandis qu'elle s'en servait un deuxième, un type vint s'accouder au buffet afin de l'accoster :
– Donc c'est toi la copine du moment de Gab, c'est ça ? Moi, c'est Théo...
Ce que cet abruti ignorait, c'est qu'elle l'avait reconnu bien avant qu'il ne se présente. Il s'agissait d'un des meilleurs potes de Gabriel à l'époque, sans arrêt fourré avec lui à rigoler à ses blagues et à la ridiculiser, elle.
– Léa, répondit-elle d'un ton glacial, en guise de salutations.
Elle avait fini par abandonner l'idée de chercher à utiliser le surnom de Rosélia en voyant que tout le monde s'entêtait à l'appeler ainsi.
– En vrai, t'es plutôt pas mal, même si, honnêtement, t'es pas son type habituel...
Fiona lui jeta un regard par-dessus son gobelet. Visiblement, ce cher Théo n'était pas aussi sûr de lui qu'il le prétendait s'il avait besoin de recourir au negging, une technique cherchant à dévaloriser une femme et atteindre son estime d'elle-même histoire de la séduire. Dire qu'à l'époque, ce mec faisait partie de ceux qui la terrifiaient... A présent, elle le trouvait juste ridicule. Comment avait-elle pu avoir peur d'un crétin pareil ?
Elle prit le temps d'avaler une gorgée puis répliqua en croisant les bras sur son torse :
– Je suis censée comprendre quoi, là, au juste ?
Et celui-ci d'ouvrir ses mains à plat devant lui en signe de reddition.
– C'est bon, t'énerve pas ! C'était juste une blague, je voulais pas te vexer !
– Je sais pas ce que tu voulais faire, mais crois-moi que t'as bien réussi à me vexer. Tu vois vraiment pas en quoi ton commentaire à deux balles peut paraître insultant ? Soit tu me prends pour une débile, soit c'est toi qui l'es...
Il se mit à secouer la tête.
– Mais non, roh ! Le prends pas comme ça...
Fiona leva les yeux au ciel et lança d'un ton désinvolte :
– Ouais, bon, tu m'excuseras, Timéo...
Il fronça les sourcils.
– Théo, la corrigea-t-il d'un air guindé.
– Ouais, peu importe ! balaya-t-elle d'un revers de main. Va savoir pourquoi mais cet échange lamentable m'a donné envie de prendre l'air ! Alors : ciao, pas du tout ravie de t'avoir rencontré, et je me casse... !
Il est temps de retrouver cet enfoiré de Gabriel...
Alors qu'elle s'apprêtait à s'éloigner, quelqu'un la bouscula, faisant se déverser le contenu de son verre sur sa robe ainsi que sur le sol. La foule s'écarta aussitôt d'elle telle la mer face à Moïse, avant de contempler la scène avec des mines choquées ou jubilatoires.
Putain... C'est ma robe préférée !
– Oups... Je suis trop désolée ! J'ai pas fait exprès !
Quand Fiona se retourna, elle ne fut pas surprise de trouver le visage de poupon de Pauline, laquelle amena la main devant sa bouche en affichant un faux air confus. A cet instant, elle se remémora le nombre incalculable de fois où cette pétasse à la couette haute lui avait sorti son fameux "Oups, j'ai pas fait exprès !".
Qu'il s'agisse de renverser son plateau à la cantine, de la bousculer dans les rangs, de lui envoyer la balle sur la tronche en EPS, ou encore de déverser ses cartouches d'encre sur ses cahiers. A chaque fois, la même fausse mine contrite et le sempiternel "Oups, quelle maladroite !". Exactement comme en ce moment.
Alors, Fiona put accomplir un vieux fantasme : sans réfléchir, elle se saisit de sa longue tresse et lui enfonça la tête dans le saladier du punch situé sur le buffet à côté d'elle. Lorsque celle-ci en ressortit, son maquillage avait coulé et elle avait ouvert si grand la bouche que la moitié du liquide lui glissait à l'intérieur du gosier.
– Oups ! s'exclama Fiona en imitant son faux air confus. Désolée, ma main a glissé !
Autour d'elles, leurs anciens camarades ouvraient de grands yeux écarquillés ou échangeaient des chuchotements, tandis que certains avaient poussé le vice jusqu'à sortir leurs smartphones histoire de filmer la scène.
Soudain, le choc fit place à la fureur sur le visage de Pauline qui s'écria :
– Cette fille est une psychopathe !
En effet : Fiona n'était plus le petit pâté d'autrefois. Elle refusait de se laisser dominer par des pétasses de leur catégorie. Elle s'était endurcie, depuis.
Il faudra faire mieux que ça si vous voulez me vaincre, les tarées, songea-t-elle en la regardant partir en courant d'un air mauvais.
Soudain, ses yeux se posèrent sur la baie vitrée et tombèrent sur un Gabriel hilare, vision qui la fit serrer les poings de colère.
Il a l'air d'apprécier le spectacle, ce con !
Cependant, lorsqu'elle voulut se diriger vers lui, Mathilde se mit en travers de sa route.
– Oh mon dieu ! Je suis trop désolée ! lui dit-elle en essuyant sa robe à l'aide de serviettes. Ça va ?
D'aussi loin qu'elle se souvenait, il s'agissait de l'une des rares personnes qui l'avait plutôt laissée tranquille, au collège. Bon, elle n'avait jamais pris sa défense, mais elle n'avait pas appartenu à ceux qui l'emmerdaient. D'accord, c'était la dernière ex en date de l'autre tête de con, mais c'était elle qui l'avait plaqué, après tout. Et pour une fille, qui plus est.
Peut-être n'ai-je pas que des ennemies à cette fête, au final.
– Ça va, bredouilla Fiona. C'est plutôt à moi de m'excuser d'avoir renversé mon verre par terre... Je vais nettoyer, si tu veux, Mathilde.
Celle-ci s'immobilisa en entendant ça.
– D'où tu sais qui je suis ?
Oh, merde ! Nana, t'es trop bête !
– Euh... Gabriel m'a parlé de toi, mentit-elle du tac au tac.
– Ah oui, vraiment ? arqua-t-elle un sourcil sceptique.
Fiona n'eut cela dit pas l'occasion d'étoffer ce mensonge qu'Inès apostropha son interlocutrice :
– Qu'est-ce que tu fabriques, Math ? Cette connasse a carrément foutu la tête de Popo dans le saladier du punch, et toi c'est auprès d'elle que tu t'excuses ?
Néanmoins, celle-ci ne se laissa pas impressionner. Croisant les bras sur sa poitrine, elle déclara :
– Pas la peine de prendre tes airs offusqués ! Je sais très bien qui a dû commencer, va, je suis pas débile ! Pauline a eu ce qu'elle méritait ! Maintenant, assumez votre connerie et allez chercher de quoi nettoyer le sol ! Si on laisse ça les gens vont patauger dedans et en foutre partout, or ma belle-mère me tuera si ça arrive ! Et croyez-moi, si je dois mourir, je vous traîne dans la tombe avec moi, toi et ta bande de pétasses !
Fiona profita de leur distraction pour s'éclipser sur la terrasse, où Gabriel était allongé tranquillement sur un transat, en compagnie de Ryan et Enzo. Une table basse se trouvait entre eux, garnie de cendriers, de bouteilles d'alcool en tout genre mais surtout d'une barrette de shit qui fit loucher la jeune fille en arrivant. Alors que, poings sur les hanches, elle s'apprêtait à pousser une diatribe, Ryan la coupa dans son élan :
– Yo, Léa la badass ! En vrai, bravo, t'as bien géré l'autre pouf de Pauline !
Celui-ci ponctua ses félicitations en formant le signe "okay" à l'aide de ses doigts, ce qui dissipa instantanément la colère de Fiona.
– Euh, bah, merci..., bredouilla-t-elle en se frottant le bras, confuse.
– Reste pas plantée là, assieds-toi ! l'encouragea-t-il.
Tandis qu'elle s'installait timidement à l'extrémité du transat où se trouvait Gabriel, celui-ci se redressa et lui proposa quelque chose à boire, remplissant son verre d'un mélange de vodka, de curaçao et de citron.
– Tu l'as pas trop chargé, hein ? s'enquit-elle.
Il fit un signe négatif de la tête puis elle enchaîna en fronçant les sourcils :
– Tu bois quoi, toi ? Oublie pas que tu conduis après !
– Relax, c'est juste du Coca. Je viens à peine d'avoir mon permis, j'y tiens ! J'suis pas fou, hein !
– Mouais, fais-moi sentir ça quand même, je veux être sûre que t'aies pas mis de whisky dedans.
Ses potes éclatèrent de rire tels des benêts en le voyant s'exécuter.
– Chouf-moi ce joli petit couple ! pouffa Enzo.
– J'avoue, ça se dispute déjà comme nos darons ! enchérit Ryan.
– La ferme, les khapteux ! rétorqua Gabriel en leur adressant un doigt d'honneur.
Ayant toutefois du mal à réprimer le sourire qui se dessina sur ses lèvres, il s'empressa de le dissimuler en buvant, puis se rallongea sur le transat, étalant sans vergogne ses jambes en travers des genoux de Fiona.
– Bon, du coup, t'as apprécié de rencontrer mes exs ? Tu t'es fait de nouvelles meilleures amies ?
– M'en parle pas ! souffla-t-elle après avoir avalé une gorgée. Hum, c'est bon, ton truc !
– C'est un Blue Lagoon. Tu connaissais pas ?
– Comment t'as pu avoir des standards aussi bas, franchement ? enchaîna-t-elle. Ces filles sont connes à chier ! Tu vaux mieux que ça !
Enzo et Ryan pouffèrent à ces mots.
– Pourquoi vous vous marrez, vous ? J'suis très sérieuse !
– Fais pas attention à eux, ils sont défoncés. Et pour te répondre, j'étais un gosse, à l'époque, je cherchais juste des meufs pas trop chiantes et pas trop compliquées, c'est tout.
– Ouais, bah maintenant c'est moi qui trinque. Merci bien !
Afin d'illustrer son propos, elle but d'une traite le reste de son cocktail.
– J'en veux encore ! réclama-t-elle en lui tendant son verre.
Gabriel haussa les sourcils.
– Déjà ? Tu ferais mieux de ralentir, tu vas vite être bourrée à cette allure !
– Oh, arrête, joue pas les rabats-joie ! intervint Enzo. C'est pas parce que tu peux pas boire que tu dois priver la demoiselle ici présente de s'amuser !
Tandis qu'il disait ça, il se saisit de son verre et entreprit de lui faire un nouveau cocktail.
Facile à dire, c'est pas toi qui vas devoir affronter sa mère lorsqu'elle rentrera torchée chez elle.
L'idée de se voir associé à l'image du "mec qui avait ramené sa fille complètement saoule un soir" ne l'enchantait guère.
Fiona ignora cependant ses protestations et laissa les deux autres continuer de lui servir à boire. Gabriel voulut râler au début, toutefois il se ravisa en la voyant plaisanter avec eux. C'était bien la première fois qu'elle se détendait depuis qu'ils étaient arrivés, aussi décida-t-il qu'elle avait mérité de décompresser. Il lui suffirait juste de veiller à ce qu'elle n'ingurgite pas plus d'alcool qu'elle ne pouvait en supporter.
Quand je pense que t'étais censée me servir de chaperon, songea-t-il en la voyant engloutir son quatrième cocktail.
Il n'aurait jamais pensé, trois ans auparavant, qu'il la retrouverait un jour en train de boire et de plaisanter en compagnie des types qui lui avaient mis la misère autrefois. Pendant un temps, il tenta de se mettre à sa place, d'imaginer ce que cela avait dû lui faire de revenir ici au milieu de ces personnes qui l'avaient rabaissée, et admira le courage dont elle devait faire preuve en ce moment-même.
Oui, décidément, je comprends pourquoi elle a besoin de boire.
Le regard de Gabriel s'assombrit en songeant que si elle se trouvait ici ce soir à endurer une telle épreuve c'était, encore une fois, par sa faute. Pas directement, certes ; néanmoins, c'était tout de même dans le but de le surveiller lui que sa soi-disant "meilleure amie" avait demandé à Fiona de s'infliger ça. Or cette simple idée lui donnait la nausée.
Est-ce que Lia réalise à quel point c'est une torture pour elle de se trouver là ? Sérieux, avec une pote pareille, t'as pas besoin d'ennemis, Fio !
Surtout, il avait du mal à comprendre pourquoi l'autre fausse blonde avait accepté. Puis il se fit la réflexion que n'ayant pas eu beaucoup d'amis au cours de son existence, elle était sans doute prête à tous les sacrifices juste histoire de garder Rosélia. Et qu'après l'épisode au Paradis du fruit, elle devait se sentir redevable, la connaissant.
J'avais raison, la dernière fois, t'es bien une espèce d'Hachiko, en vrai, se dit-t-il en secouant la tête.
Ne lui avait-on jamais appris que parfois, mieux valait être seule que mal accompagnée ?
Tiens, d'ailleurs, pendant que j'y pense...
Il sortit son smartphone avant d'ouvrir l'application Google Agenda où il programma une alarme au lendemain.
🔔 Rappel : larguer Rosélia
Voilà, ça c'est fait, songea-t-il en buvant une gorgée de Coca, satisfait. Ce serait con d'oublier, quand même ! Ras-le-cul de ses conneries, à cette meuf...
L'idée de créer un rappel afin de quitter quelqu'un pouvait sembler saugrenue au commun des mortels mais, aux yeux de Gabriel, il s'agissait de la chose la plus logique à faire.
C'était sa façon à lui de concrétiser sa décision sans risquer de revenir dessus par la suite et, surtout, d'éviter de manquer de classe en rompant par SMS. Rosélia avait beau l'avoir complètement saoulé, il estimait qu'elle méritait au moins de se faire jeter en bonne et due forme, autrement dit, de vive voix, lors d'un rendez-vous en face à face. Et si possible avec Fiona à proximité, histoire qu'elle puisse aller pleurer sur son épaule à elle.
En procédant ainsi, elle recevrait le soutien émotionnel nécessaire à ce genre de situation et, lui, de son côté, s'épargnerait la perte d'un énième t-shirt tâché de mascara.
Lorsqu'il rangea son portable, un sourire empreint de fierté aux lèvres dû à son raisonnement imparable, il vit que Fiona s'était lancée dans un bras de fer contre Enzo. Agenouillés par terre, chacun d'eux s'affrontaient sur la table basse après avoir poussé les diverses bouteilles d'alcool sur les côtés.
C'est typiquement elle, ça, s'agaça-t-il en se pinçant l'arête du nez.
– Vas-y mollo, hein ! dit-il à l'adresse de son pote. Va pas me l'abîmer...
– C'est plutôt à ta go que tu devrais dire ça ! rétorqua ce dernier. C'est elle qui y va fort !
Et celle-ci de se marrer comme une bécasse.
– Toutes ces séances d'haltères vont enfin servir à quelque chose ! s'exclama-t-elle avant de les assourdir de son rire de méchante de dessin animé.
– Genre tu soulèves des haltères, toi ? répliqua Gabriel. Combien de kilos ?
– Oui, monsieur ! Je suis passée à six, récemment !
Il haussa des sourcils étonnés. Hélas, cet échange dut suffire à la distraire car Enzo vint écraser sans ménagement son bras contre la table.
– Oh, fais gaffe ! le rabroua Gabriel en s'agenouillant au niveau de la jeune fille. Ça va, F... Léa ?
Cependant, loin de sembler blessée, celle-ci continua de pouffer.
– Ça m'fait pas rire ! s'agaça-t-il. Fais-moi voir...
– Mais je te dis que ça va ! souffla Fiona, exaspérée.
Tandis qu'il la forçait à se rasseoir sur le transat et à découvrir son bras afin de l'inspecter, Ryan se pencha vers Enzo et lui chuchota sans discrétion aucune :
– Regarde comme il est aux petits soins avec sa chérie !
– J'avoue, il est tout tchalé, là ! C'est presque mignon !
– Oh, vous, vos gueules !
Fiona réprima un sourire en le voyant tâter son biceps et son poignet de manière méticuleuse, à la recherche de la moindre trace d'hématome, tant cela lui rappela l'expression qu'il avait eu le jour où il s'était mis à corriger ses exercices, en mathématiques.
C'est vrai qu'il vise médecine, après la Terminale, se souvint-elle soudain.
A cet instant, elle le visualisa aisément d'ici plusieurs années, vêtu d'une blouse, un stéthoscope autour du cou, en train d'ausculter ses patients en arborant le même air appliqué.
Ça a un côté sexy, de le voir aussi concentré...
– Du coup, quel est le verdict, docteur ? ironisa-t-elle. Mon bras droit est foutu ? Vais-je devoir apprendre à utiliser ma main gauche pour me masturber, désormais ?
Cette remarque déclencha l'hilarité des deux autres.
– Ah, ta meuf est géniale, Gab ! ricana Ryan. Je l'adore !
C'est ça, ouais, y'a trois ans tu lui pourrissais la vie, pauvre con, s'hérissa-t-il en pensées.
Il administra une pichenette sur le front de Fiona après avoir remis sa veste en place.
– T'aimes te donner en spectacle, toi, hein ? lui reprocha-t-il à voix basse.
Elle haussa les épaules.
– Pas ma faute si j'attire toujours l'attention ! Je suis une star née, faudra t'y faire ! Et puis t'as entendu ma mère, tout à l'heure : je dois laisser personne m'empêcher de briller !
Soudain, son expression changea en entendant les premières notes de la musique Dance the night de Dua Lipa émaner du salon.
– Oh, c'est la chanson de Barbie ! s'écria-t-elle.
Et celle-ci d'ôter ses talons avant d'aller danser au bord de la piscine, exécutant la chorégraphie du film avec une perfection étonnante. Spectacle qui n'eut pas l'air de déplaire à Ryan et Enzo car ceux-ci ne la lâchèrent pas des yeux pendant sa petite démonstration.
Gabriel se demanda alors quelle serait leur réaction s'ils apprenaient que la jolie fille en train de se déhancher devant eux se révélait être le petit pâté qu'ils martyrisaient en troisième. Il en arriva à la conclusion qu'ils ne méritaient pas de la contempler ainsi et, agacé, leur envoya un des escarpins à la tronche en leur sommant d'arrêter de mater.
– Ah, tu veux la garder pour toi, p'tit veinard ! rigola Enzo en lui réexpédiant la chaussure.
La principale concernée ne sembla pas remarquer cet échange, ni même réaliser l'effet qu'elle produisait sur son public, continuant de chanter – faux – les paroles du refrain. Emportée par son élan, elle vacilla à plusieurs reprises, manquant de se casser la figure, ce qui poussa le jeune homme à se lever du transat afin d'éviter une catastrophe.
– Gabriel ! l'accueillit-elle lorsqu'il arriva à sa hauteur. Tu connais la choré ? Tu veux danser avec moi ?
– Non, merci, ça ira...
Mal à l'aise, il posa maladroitement ses mains sur sa taille afin de la stabiliser, espérant qu'elle ne le repousse pas. Mais, à sa grande surprise, elle n'en fit rien et, au contraire, se mit à tripoter sa chaîne en argent, déclenchant des frissons le long de sa nuque.
– On a été trop bêtes, en vrai ! déblatéra-t-elle à toute vitesse. On aurait dû venir en Ken et Barbie ! C'aurait été trop cool !
– On aurait pu, ouais, confirma-t-il, un sourire amusé aux lèvres. Mais on a été limités dans le temps, niveau costumes, aussi...
Elle eut une moue désappointée, et il lui tapota le nez.
– Peut-être l'année prochaine, d'accord ?
Gabriel avait dit ça sur le ton de la plaisanterie, histoire de jouer le jeu du faux couple devant ses potes, aussi fut-il interloqué lorsqu'elle planta des yeux de merlan frits dans les siens en demandant d'une voix suppliante et, étrangement, sincère :
– Tu promets, hein ?
Il recouvra aussitôt son sérieux et hocha la tête.
– Ouais, okay, si tu veux, je promets, souffla-t-il sans vraiment comprendre pourquoi il disait ça.
Le visage de Fiona fut aussitôt envahi par la joie tandis qu'elle le lâchait pour tourner sur elle-même en s'exclamant :
– Youpi ! J'ai trop hâte !
Se faisant, elle perdit une nouvelle fois l'équilibre et manqua de tomber à la renverse.
– Ola ! fit-il en la rattrapant de justesse. Stop tes conneries, j'ai pas envie d'avoir à te repêcher dans la piscine !
Fiona éclata de son habituel rire tonitruant qui n'avait rien de féminin, s'agrippant à son polo afin de conserver son équilibre.
– Je vois absolument pas de quoi tu parles ! protesta-t-elle. Je tiens parfaitement sur mes deux bras !
– Sur tes deux bras, hein ? répéta-t-il avec un rictus.
Elle mit plusieurs secondes à comprendre sa bêtise, puis explosa de rire.
– Je raconte n'importe quoi, ça y est ! s'esclaffa-t-elle. Tu sais ce que ça veut dire ? Ça veut dire que j'ai pas assez bu !
Le jeune homme haussa les sourcils, se demandant par quel chemin biaisé son cerveau imprégné d'alcool avait pu passer avant d'arriver à une telle conclusion. C'est pourquoi, lorsqu'elle réclama à Ryan de la resservir, Gabriel lui ôta délicatement son verre des mains en déclarant :
– Ouais, non, ça va aller. Je crois que t'as assez bu pour ce soir, Barbie. T'es encore plus imbibée qu'un baba au rhum.
– Prête à être dégustée, si tu veux mon avis ! intervint Enzo, la voix pleine de sous-entendus.
Gabriel décocha un regard noir à ses potes et leur lança d'un ton menaçant :
– Si vous la refaites boire, je vous bute.
– Compris ! fit Ryan en reposant derechef la bouteille de tequila dont il s'était saisie.
Malgré cela, Gabriel préféra jouer la prudence et passa un bras derrière sa taille afin de l'éloigner d'eux. Tandis qu'il la guidait à l'autre bout du bassin, celle-ci le taquina :
– Dis donc, tu prends la consigne de Lia à la lettre, ce soir ! Tu sais te montrer attentionné, quand tu veux. Tu pourrais pas te comporter comme ça tout le temps ?
Il eut bien envie de lui rétorquer qu'il ne faisait plus ça pour complaire à Rosélia, désormais, puisqu'il comptait la quitter. Mais, n'ayant pas envie de déclencher une scène, il se ravisa et choisit à la place une réponse dont il ne réalisa la bêtise qu'après-coup :
– T'es folle ! Si j'étais comme ça tout le temps, tu tomberais probablement amoureuse de moi...
A peine eut-il prononcé ces paroles qu'il le regretta sur-le-champ. La dernière chose qu'il souhaitait, c'était ruiner la bonne humeur de Fiona et risquer de l'énerver.
Quel con, putain !
Pourtant, à sa grande surprise, loin de sembler contrariée, elle éclata de rire.
– Pff ! Alors là, ça risque pas d'arriver, crois-moi ! Je préfère encore m'envoyer une fourmilière !
– Hum, tu me vois ravi de l'apprendre...
Enfin, je suis quand même un peu vexé, là, du coup.
Fiona s'immobilisa soudainement en s'exclamant :
– Oh ! Ouais, attends, j'ai l'inspiration qui monte, là ! Je préfère... m'envoyer un troupeau d'éléphants plutôt que de sortir avec toi !
Gabriel fronça les sourcils.
– Sympa...
– Attends, j'en ai une autre ! enchaîna-t-elle en lui matraquant le biceps. Je préfère nager au milieu des requins pendant mes menstruations plutôt que de sortir avec toi !
– Je crois que je commence à saisir l'idée...
– Je préfère m'envoyer un poteau électrique plutôt que de...
– Bon, ça va, j'ai pigé ! la coupa-t-il d'un ton sec.
Elle amena ses mains à ses lèvres en affichant une mine contrite.
– Mince, je t'ai vexé ?
Il leva les yeux au ciel.
– Oh, non, j'adore entendre une meuf me dire à quel point je la répugne ! Continue, je t'en prie !
– Okay, alors dans ce cas : je préf-
– C'était ironique, banane ! s'agaça-t-il.
Fiona le dévisagea d'un air embarrassé.
– Oh... Désolée, je décèle pas bien l'ironie quand j'ai bu.
Sans déconner...
– Je t'ai vraiment vexé, du coup ? continua-t-elle.
Gabriel haussa les épaules.
– Bah, je t'ai un peu tendu la perche, marmonna-t-il. Allez, viens.
En disant ça, il continua de l'entraîner en direction des marches qui bordaient la piscine. Tandis qu'il l'aidait à s'y asseoir, il reprit d'un ton solennel :
– N'empêche que j'étais sérieux... Je dégage trop de phéromones, vu mon charme naturel ! J'ai déjà assez de tarées qui me tournent autour, alors t'imagine si en plus j'étais gentil ? Je m'en sortirais pas ! Non, vraiment, jouer les sales race, c'est limite un mécanisme de défense, pour moi...
– T'es trop bête !
Pourtant, au lieu d'être fâchée, Fiona ne put s'empêcher de rire aux éclats. Cette simple vision suffit à dissiper la mauvaise humeur de Gabriel.
– Et toi t'es bourrée, constata-t-il avec un sourire attendri.
– Un poco, répondit-elle en amenant son index et son pouce près l'un de l'autre.
Il secoua la tête puis, un genou au sol, entreprit de lui remettre ses chaussures aux pieds en songeant que boire de l'alcool la faisait régresser de dix ans.
– C'est pas pour autant que je te laisserai me déguster ce soir, hein ! l'avertit-elle pendant qu'il s'exécutait. Je suis entièrement réservée à Maël !
– J'espère bien, rétorqua-t-il. J'ai tellement galéré à vous caser ensemble, tous les deux, c'est pas pour que tu laisses le premier venu te déguster, hein !
– Oh, t'en fais pas ! Je suis un baba de qualité, moi, monsieur, on me déguste pas aussi facilement !
Gabriel eut un rictus alors qu'il s'asseyait sur les marches à côté d'elle.
C'est ce que j'ai cru comprendre, ouais...
– Tu comptes pas laisser Maël affamé trop longtemps, quand même ?
Elle eut une moue dubitative.
– J'en sais rien, moi ! En plus, il a grave abusé tout à l'heure ! pesta-t-elle en fronçant le nez. A vouloir me faire changer de robe juste parce qu'il est jaloux, là !
Il la dévisagea d'un air moqueur.
– Tu disais pas ça sur le moment, hein, madame la soumise !
– Ouais, bah, justement ! C'est toi et Adri qui aviez raison ! Je vais lui dire ma façon de penser, il va voir !
Joignant le geste à la parole, elle fit mine de fouiller son petit sac à main et, quand elle en sortit son smartphone, Gabriel s'empressa de s'en emparer.
– Hop, hop, hop ! On va éviter les dingueries, okay ? Pas de SMS quand on a bu, tu vas lui balancer des trucs que tu regretteras ensuite ! Donc, ça, c'est confisqué jusqu'à la fin de la soirée !
Elle afficha une moue boudeuse mais ne protesta pas lorsqu'il enfouit son portable dans la poche intérieure de son bomber.
– N'empêche, pour en revenir à ta question..., reprit-elle, le regard vague. Avec Léo, j'ai mis six mois avant de sauter le pas... C'est beaucoup, tu trouves ?
Gabriel eut du mal à contenir le gloussement qui monta à sa gorge, et tenta de le dissimuler en faisant semblant de tousser.
Six mois ? Y'a pas moyen que Maël attende autant ! J'espère pour lui qu'elle acceptera de faire des trucs, quand même...
Aveugle à sa réaction, Fiona, qui semblait partie dans un monologue, ne réalisa pas qu'elle exprimait ses pensées à haute voix et continua sa délibération intérieure :
– Mais j'étais vierge, aussi, admit-elle en hochant la tête. C'est peut-être à cause de ça que j'avais de l'appréhension... Maintenant, je l'ai déjà fait, alors, ça devrait plus faire aussi mal que la première fois, pas vrai ?
Fronçant les sourcils à cette question, il posa doucement sa main sur son genou afin d'attirer son attention.
– T'as eu mal pendant ta première fois ? s'enquit-il d'une voix douce.
Fiona haussa les épaules et balaya ses inquiétudes d'un revers de main.
– Bah ouais, normal, quoi, comme toutes les filles !
Il passa nerveusement les doigts parmi ses mèches brunes.
– Euh, non, c'est un mythe, ça, Fiona. Première fois ou pas première fois, t'es pas censée avoir mal pendant un rapport... Crois-moi, je sais de quoi j'parle...
– Ah oui ! pouffa-t-elle. C'est vrai ! Monsieur le "serial défloreur" !
Gabriel eut du mal à retenir un sourire en coin en l'entendant utiliser ce surnom, néanmoins il tâcha de conserver son sérieux.
– Oui, bah, justement ! Les meufs que j'ai "déflorées", comme tu dis, elles ont jamais eu mal, hein !
– Ah ouais ? s'étonna Fiona en plissant les paupières. Malgré ton gros calibre qui arrive pas à passer Excliabur ?
Le jeune homme eut un mouvement de recul, mettant une ou deux secondes à comprendre ce qu'elle entendait par là. Puis il écarquilla des yeux mortifiés lorsqu'il percuta.
J'y crois pas, Rosélia est allée lui parler de ça ? Elle est sérieuse cette meuf ?
Secouant la tête, il tenta de la corriger :
– Non mais son vaginisme c'est juste dû à un blocage psychologique, hein ! Ça a rien à voir avec la taille de ma teub, t'es ouf ou quoi ?
Elle amena alors les mains à ses oreilles avant de s'écrier :
– Ah, mais stop ! J'ai pas envie de t'entendre me parler de ça !
– Tu t'fous de moi ? C'est toi qui as abordé le sujet, j'te signale !
Mais Fiona s'était mise à secouer la tête en faisant mine de chanter "la, la, la" histoire d'éviter d'avoir à l'écouter. Si bien que Gabriel fut contraint de se saisir de ses poignets pour la forcer à arrêter.
– T'as fini, oui ? T'es vraiment une gamine, ma parole !
Cependant, le regard empli de souffrance qu'elle lui adressa suffit à dissiper son agacement.
– Et si... Et si Maël me largue après que j'ai accepté de coucher avec lui ? hoqueta-t-elle. Comme... Comme Léo ?
Elle fut bientôt secouée de sanglots, arrachant un roulement d'yeux dépités à Gabriel.
Et merde, voilà qu'elle nous fait un alcool triste, maintenant ! Quelle plaie, c'te meuf, j'vous jure !
Toutefois, il ne protesta pas quand elle logea son visage contre son épaule et se mit à y épancher son chagrin. Alors, non sans grinçer des dents en songeant au polo Lacoste blanc qu'elle était en train de ruiner avec son mascara, il lui tapota maladroitement le dos en soufflant des paroles réconfortantes :
– Là, là, c'est tout, allez... Maël ferait jamais un truc pareil, promis !
– Tu sens drôlement bon, dis donc ! remarqua-t-elle entre deux reniflements.
Gabriel lui jeta un regard en coin.
– Euh... merci ?
Il tressaillit lorsqu'elle écrasa son nez contre son cou afin de venir humer son parfum tel un chien ayant flairé un rôti. Bien que mal à l'aise, il n'osa pas la repousser et resta immobile, à la regarder faire en silence, un peu bêtement.
Putain, elle est complètement déchirée ! songea-t-il. Va falloir qu'elle désaoule sinon sa mère va me défoncer !
Pour avoir déjà eu un aperçu du mode berserk de Stéphanie Faure trois ans auparavant, le jeune homme n'avait absolument aucune envie de voir cette rage dirigée contre lui. Ce n'était pas sans raison s'il avait redoublé d'efforts pour tenter d'amadouer la matriarche chaque fois qu'il l'avait croisée ces dernières semaines.
– Tu penches vraiment que Maël ferait chamais cha ? s'enquit Fiona, la diction déformée à cause de sa bouche collée contre son épaule.
A cet instant, Gabriel, perturbé par ce qu'elle était en train de faire et préoccupé par la salive ainsi que le rouge à lèvres risquant de tâcher son vêtement, ne prit pas le temps de réfléchir et répondit la première chose qui lui passa par l'esprit :
– Mais non, t'inquiète... Lui, c'est plutôt l'inverse, en vrai...
Fiona se recula aussi sec à cette déclaration et il s'empressa de vérifier l'état de son polo, grimaçant en constatant qu'il était définitivement souillé de bave et de maquillage.
– Comment ça, l'inverse ? s'indigna-t-elle. T'entends par là qu'il risque de me quitter si je mets trop de temps à passer à l'acte ?
Il cessa aussitôt son inspection, luttant contre son envie de s'auto-baffer devant sa propre stupidité.
Merde, quel con ! Pourquoi j'ai balancé ça ?
– Je... Non ! Je me suis mal exprimé !
Visiblement, il ne se montra pas très convaincant car elle croisa les bras sur sa poitrine et secoua la tête d'un air sceptique. Gabriel poussa un long soupir, prenant le temps de se masser le visage histoire de réfléchir à ses prochains mots.
– Bon, d'accord. Maël est du genre impatient de ce côté-là, mais avec toi, il fera sans doute une exception ! J'veux dire, ça fait tellement longtemps qu'il te court après...
Il marqua une pause afin de déglutir avant d'ajouter en tripotant sa chaîne en argent :
– Quoiqu'il en soit, le plus important, c'est que tu le fasses que si t'en as envie, okay ? Et si Maël te quitte parce que c'est trop long pour lui, bah c'est que je me suis gourré sur son compte et qu'il te méritait pas !
Fiona sembla réfléchir à ses propos plusieurs secondes puis elle finit par pencher la tête sur le côté en demandant d'un air taquin :
– Hmm, du coup, tu me donneras quoi, si ça arrive ? Après tout, ça voudra dire t'as perdu notre pari, en quelque sorte, non ? Du coup, je mériterais bien une compensation, t'en dis quoi ?
A cet instant, Gabriel fut pris de court par sa question. Elle avait beau être alcoolisée, sa vivacité d'esprit ne l'avait de toute évidence pas entièrement quittée. A ce moment-là, il eut du mal à réprimer le sourire admiratif qui lui traversa le visage.
– Hum, bien vu ! reconnut-il en riant. T'es maligne !
Fiona tapota plusieurs fois sa tempe à ce compliment, un rictus empreint de fierté aux lèvres.
– Alors ?
Gabriel se passa une main dans les cheveux, mal à l'aise.
– Bah, j'sais pas ! A toi de me dire ! Qu'est-ce que tu voudrais ?
La jeune fille plissa les paupières, triturant sa bouche de l'index en même temps qu'elle réfléchissait à la question.
– Hum ! Pourquoi pas une garde alternée de Loki ? Genre, tu me le filerais un week-end sur deux, par exemple ?
Gabriel eut du mal à retenir un rire nerveux.
– Euh, ça fait peut-être un peu beaucoup, non ?
Fiona croisa les bras sur sa poitrine et tourna sa tête de côté d'un air guindé.
– Hum ! Moi, j'dis, ce sera le minimum vital pour réparer mon coeur brisé, oui ! Brisé par ta faute, qui plus est ! Parce que tu m'auras menti sur la marchandise !
Il eut du mal à contenir un sourire attendri.
– Hum, bon. Et si on s'accordait sur une garde alternée le temps de te remettre de votre rupture, jusqu'à ce que ton petit coeur soit complètement recollé ?
Fiona considéra cette option quelques instants et finit par acquiescer.
– Vendu ! s'exclama-t-elle.
Ils scellèrent ce marché d'une poignée de mains puis Gabriel se releva en s'étirant.
– Bon, je vais aller te chercher de l'eau histoire de t'aider à désaouler un peu, alors tu m'attends ici sans bouger, okay ? lui dit-il. Et tu laisses pas les deux vilains messieurs te resservir à boire. Compris ?
Il avait prononcé cela en articulant soigneusement, comme s'il s'adressait à une fillette. Elle ferma les yeux et hocha lourdement la tête.
– Si t'as compris, redis-moi qu'est-ce que tu dois faire ?
– J'attends sans bouger et je laisse pas Ryan et Enzo me servir à boire.
– Brave petite ! approuva-t-il en lui tapotant le crâne.
🎃🎃🎃
Dès que le jeune homme fut hors de vue, Amélie donna le signal et le reste du groupe fonça sur Fiona tels des oiseaux de proie.
– Hé, la tchoin ! l'apostropha Pauline. T'as pas un truc à me dire ?
Fiona les dévisagea avec des yeux étonnés, cela dit il lui fallut quelques secondes de réflexion avant de se souvenir qui étaient ces trois furies et ce qu'elles lui voulaient. Levant le doigt afin de leur intimer de patienter, elle se hissa tant bien que mal sur ses escarpins puis, après avoir retrouvé son équilibre, prit la parole :
– Oui, c'est vrai. Vraiment désolée à propos de tout à l'heure...
Les exs démoniaques échangèrent des regards perplexes, presque déçues que leur victime capitule aussi vite.
C'est ce moment-là que choisit Gabriel, deux petites bouteilles d'eau minérale dans les mains, pour revenir sur la terrasse, surpris de voir qu'un attroupement s'était formé devant la porte-fenêtre, dont certains spectateurs avaient déjà sorti leurs smartphones afin de filmer la scène. Après avoir repéré Mathilde et sa mine renfrognée, il s'approcha d'elle et lui demanda ce qu'il se passait.
– Ton fan club fait encore des siennes, marmonna-t-elle d'un air contrarié.
Il entendit non sans étonnement les excuses de Fiona, jusqu'à ce que celle-ci reprenne la parole :
– Vraiment désolée, oui... Désolée d'avoir niqué ton make up, meuf. Car vu ta gueule au naturel, je comprends que ça a dû te prendre un temps fou pour tenter d'améliorer le bordel !
Elle posa la main sur sa poitrine et poursuivit d'un ton sentencieux :
– Or, en tant que membre du sexe féminin moi-même, je compatis sincèrement à ta douleur...
Les exs démoniaques en restèrent bouche bée.
– Pour qui tu te prends sale pute ? s'énerva Inès. Tu crois que t'es parfaite, toi, peut-être ?
Mathilde jeta un regard en coin à Gabriel.
– Tu comptes rester là sans rien faire ? Tu devrais peut-être intervenir avant que ça dégénère, non ?
– Et risquer de priver ta fête d'une bagarre de femmes ? Je veux pas décevoir le public. Attendons encore un peu, je suis sûr que ça va être drôle !
Tout en disant ça, il chipa un pop corn dans le saladier que tenait son voisin, un sourire ravi aux lèvres.
Fiona éclata de rire alors qu'elle répondait :
– Oh non, rassurez-vous, je suis pas parfaite ! Loin de là ! Mais au moins, je fais pas pitié à m'accrocher à un ex du collège. Sérieux, les filles, Gabriel vous a oubliées depuis longtemps, vous êtes juste des erreurs de jeunesse maintenant à ses yeux, donc il serait peut-être temps, j'sais pas... de le lâcher ? Car vous savez, il est plus le même qu'avant hein, il est mille fois mieux maintenant, et ses goûts ont bonifié avec lui ! Il se tape plus des tocardes...
Eh bien, si elle m'encense comme ça chaque fois qu'elle est bourrée, je vais la faire boire plus souvent.
Ses interlocutrices, elles, ne semblèrent pas vraiment apprécier sa diatribe puisqu'elles laissèrent échapper des exclamations outrées.
– Non mais vous l'entendez ? s'écria Amélie.
– Elle s'la racle un peu trop, celle-là ! enchérit Pauline.
– Ferme ta gueule, connasse, avec tes faux cheveux ! enragea Inès.
Afin de prouver son propos, cette dernière tira de toutes ses forces sur les extensions de Fiona, lesquelles finirent par céder, lui arrachant une petite quantité de mèches au passage – en même temps qu'un cri de douleur.
– Hum, ça a assez dégénéré à ton goût, là ? ironisa Mathilde à l'adresse de Gabriel.
– Je pense que oui, acquiesça-t-il en lui tendant ses bouteilles d'eau.
Il se dirigea d'un pas pressé vers le groupe de filles, cela dit il ne fut pas assez rapide pour empêcher la situation d'escalader. Car en voyant la poignée de sa chevelure arrachée, Fiona perdit tout contrôle : avec une grimace enragée, elle administra un coup de poing en plein dans le nez proéminent d'Inès, lequel se mit à saigner.
Ce fut la goutte de trop pour les exs démoniaques qui, outrées, réagirent comme un seul homme et la poussèrent dans la piscine. Gabriel se mit à courir afin de la rattraper, sauf qu'il arriva trop tard ; leurs doigts se frôlèrent et, tandis qu'il la voyait chuter, il eut un réflexe stupide : il cria son prénom. Son vrai prénom.
– Fiona !
Les trois autres échangèrent un regard interloqué et répétèrent d'une seule voix :
– Fiona ?
Et c'est ainsi que sa véritable identité fut révélée au grand jour.
Fiona : 1 | Les Exs Démoniaques : 1
🎵Little Big — I'm OK
https://youtu.be/SsFI40bXROs
"Wish me luck, I'm drunk as fuck"
Hellooooo ! Vous allez bien ? Moi je suis en vacances, donc forcément, ça va ! En route pour Lyon aujourd'hui, je répondrai donc sûrement à vos commentaires dans le train ! 😄
J'espère que ce (long) chapitre vous a plu, en ce qui me concerne c'est l'un de mes préférés, car j'adore les petits rapprochements entre Gabriel et Fiona ici 🤭 Et puis Fiona bourrée c'est... quelque chose ! 😆 Je me souviens avoir bien rigolé en l'écrivant, à l'époque. Et vous ?
Qu'avez-vous pensé de l'offensive des trois exs, et de la réponse de Fiona ?
Du passage entre Fiona et Gabriel sur le transat, avec ses amis ?
De la résolution de Gabriel de quitter Rosélia et du rappel créé sur son téléphone ? Ça avait beaucoup choqué, à l'époque, alors j'ai essayé d'expliciter un peu mieux ses raisons dans cette réécriture 😅 Dîtes-moi si ça a marché !
De la petite danse de Fiona au bord de la piscine et de Gabriel qui essaye de l'empêcher de trop se murger ?
De leur échange sur les marches à propos de Maël ?
De l'altercation avec les trois folles au bord de la piscine ? Vous vous y attendiez ?
Et enfin... De Gabriel qui vient de révéler la véritable identité de Fiona ? 😬
Des pronostics pour la suite ?
En attendant de vous lire (je compte sur vous pour me laisser pleiiiin de coms pour m'occuper pendant mon trajet en train 😆), je vous fais des bisous et vous dis à la semaine prochaine pour la suite ! 😘
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