Level 26 : [Escarpins] +30 CHA, -50 AGI

Quand Rosélia lui avait annoncé que Fiona avait elle aussi été invitée à la soirée de Mathilde, Gabriel n'avait pas masqué son étonnement. D'après ses souvenirs, ces deux-là n'avaient jamais été amies, et son ex n'avait, à aucun moment pendant leur relation, mentionné être restée en contact avec elle depuis le collège. Puis il s'était dit qu'elle l'avait peut-être retrouvée sur un de ses réseaux et invitée de cette manière...

Non, ce qui l'avait réellement surpris, c'était surtout le fait que Fiona ait accepté. Elle était maso ou quoi ? Pourquoi diable vouloir se rendre au milieu des gens qui l'avaient tourmentée par le passé ? Puis il se fit la réflexion qu'elle le tolérait bien, lui, or de tous leurs anciens camarades, c'était de toute évidence lui qui l'avait le plus blessée.

Ouais, si à l'époque on avait pu mesurer les dégâts qu'on lui infligeait à l'aide d'un Kikimeter comme sur le jeu, j'aurais fini top DPS, se dit-il avec amertume. Seule performance dont je serais jamais fier, en vérité...

Rosélia avait argué que Fiona comptait prendre sa revanche en leur montrant à quel point elle était devenue jolie, ce que Gabriel comprenait, en un sens – même s'il trouvait toujours cela profondément stupide, ou suicidaire, ou masochiste, voire les trois à la fois.

Ouais bah qu'elle compte pas sur moi pour jouer les gardes du corps. Elle a décidé de se fourrer dans ce guêpier, elle se démerde ! pensa-t-il en se pinçant l'arête du nez, agacé. Pff, je dis ça mais en vrai je me connais, je vais pas pouvoir m'empêcher d'intervenir s'ils la font chier. Espérons juste que le fait d'arriver ensemble suffira à leur couper l'envie d'essayer. Rha, quelle plaie, cette meuf, sérieux ! Elle et ses bonnes idées...

C'est en songeant à cela que le jeune homme appuya sur le bouton de la sonnette. Ce fut la mère de Fiona qui lui ouvrit, l'accueillant d'un air radieux :

– Gabriel ! Quel plaisir de te revoir !

– Ce plaisir est partagé, répondit-il de l'air le plus angélique dont il était capable.

– Quel charmeur !

Tandis qu'elle le laissait entrer, Adrian, adossé contre l'encadrement de la porte donnant sur le salon, le toisa d'un air dur.

– Bah alors, t'es pas déguisé ? lui demanda Stéphanie après l'avoir dévisagé de haut en bas. C'est une soirée d'Halloween, pourtant, non ?

– Si, si ! répliqua-t-il.

Il se mit alors à fouiller sa sacoche et en sortit un bandeau affublé d'une auréole qu'il apposa sur sa tête, un rictus empreint de fierté aux lèvres.

– Oh, je vois ! s'exclama la mère de Fiona. C'est pour ça que t'es tout en blanc !

– Et oui, je suis l'ange Gabriel ! plaisanta-t-il.

Cela arracha un petit "pff" dédaigneux à Adrian, cependant il décida de l'ignorer et de se concentrer uniquement sur sa mère :

– J'ai prévu un truc pour Fiona, aussi, dit-il en rangeant son accessoire. Elle est prête ?

Stéphanie haussa les épaules.

– Aucune idée, elle a pas quitté sa chambre de l'après-midi. Tu peux monter, si tu veux !

Elle accompagna son invitation d'un geste en direction des escaliers et, alors que Gabriel commençait à les gravir, il réalisa qu'Adrian était sur ses talons.

– Ça va ! lui lança-t-il d'un air agacé. Je me souviens où c'est, hein, je suis venu la semaine dernière !

– Je m'en fous, répondit l'adolescent sur le même ton. Je te lâcherai pas d'une semelle tant que tu seras chez moi !

Gabriel leva les yeux au ciel mais ne répondit rien et se dirigea vers la chambre de Fiona.

– Au fait, reprit Adrian. Ce costume est ironique, rassure-moi ?

– Ça me semble évident, non ? rétorqua-t-il avec un sourire narquois tout en frappant à la porte de la chambre de Fiona.

Gabriel eut une moue mécontente en voyant son allure lorsqu'elle lui ouvrit quelques instants plus tard.

Et pour cause : elle n'avait fait absolument aucun effort. Elle portait un jean pas du tout ajusté, un sweat-shirt trop large, et de vieilles baskets ayant oublié depuis longtemps leur couleur blanche originelle.

Cela ne s'améliorait guère au niveau de son visage, lequel, vu qu'elle n'avait même pas pris la peine de mettre ses lentilles, se retrouvait masqué derrière son horrible paire de lunettes. Niveau maquillage, elle avait à peine arrangé ses sourcils, sans appliquer ni mascara, ni eye-liner, ni fard à paupière, ni fond de teint, laissant apercevoir une acné des plus bourgeonnante.

Ouh la, si elle a autant de boutons, c'est que ça doit être sa mauvaise semaine, songea-t-il, amusé. Faudra que je veille à pas trop l'énerver, du coup.

– C'est quoi cette dégaine ? T'as changé d'avis, tu viens pas, finalement ? T'aurais pu me prévenir si c'est le cas...

– Bien sûr que je viens ! protesta-t-elle. Pourquoi ?

– Tu comptes y aller en mode balec ?

– Je vais pas faire des efforts pour des gens que j'aime pas.

Fâché, Gabriel lui mit une pichenette sur le front, prenant soin de choisir une zone épargnée par ses pustules.

– T'es ouf ou quoi ? Va te faire belle ! Je décolle pas d'ici tant que tu te seras pas transformée en princesse de Saint Jude !

– Qu'est-ce que ça peut te foutre, au juste ? s'énerva-t-elle.

Il se redressa sur toute sa hauteur et croisa les bras sur son torse.

– Tu t'en fiches peut-être, mais pas moi. J'ai une réputation à tenir, je vais pas me pointer à une soirée en ramenant un pâté. J'ai un minimum de standards.

Et puis si t'y vas comme ça, tu peux être sûre qu'ils vont encore se foutre de toi, banane ! Rien que moi, qui suis là depuis deux minutes, j'ai déjà pensé à plein de méchancetés à te balancer à la gueule...

Fiona fronça les sourcils et braqua ses pupilles sur Adrian :

– Et toi tu dis rien ? Tu pourrais m'aider un peu !

– Désolé, Nana, mais je suis d'accord avec Gabriel, sur ce coup.

Cette remarque eut le mérite d'interloquer les deux autres qui s'exclamèrent en parfaite synchronisation :

– Vraiment ?

L'adolescent déglutit puis décida de s'expliquer :

– Pas au sujet de ses standards, mais... On a dit l'autre jour que le but c'était de leur montrer à quel point t'étais devenue jolie ! Je pensais que tu voudrais leur en mettre plein la vue !

Fiona haussa les épaules.

– C'est trop tard, de toute façon, balaya-t-elle d'un ton nonchalant. On va être en retard si je me prépare maintenant, ça va me prendre trop de temps !

– C'est une soirée, Fiona, pas un entretien d'embauche ! la railla Gabriel. T'es pas obligée de te pointer à l'heure, tu sais...

– Mais j'ai même pas prévu de déguisement !

Le jeune homme poussa un soupir et sortit un bandeau agrémenté de cornes de démon de sa sacoche.

– Je t'ai amené un truc, regarde ! Suffit juste que tu t'habilles en rouge et ça devrait faire l'affaire. T'as encore la robe que t'avais mis pour la fête d'anniversaire de Clément, l'année dernière ?

Fiona arqua des sourcils surpris.

– Euh... Oui, je suppose, bredouilla-t-elle.

Comment ça se fait qu'il se souvient de ça, lui ? s'étonna-t-elle en pensées.

– Parfait ! s'exclama Gabriel avec un large sourire. Alors fais-toi belle et mets-la ! Je t'attendrai, t'inquiète !

Fiona croisa les bras sur sa poitrine, toujours hésitante.

– Je... J'en sais rien, marmonna-t-elle. Est-ce que je risque pas de mettre une putain de cible en plein milieu de mon dos si je me pointe habillée comme ça ? Cette robe était vraiment moulante, et il vaut peut-être mieux que j'évite d'attirer l'attention...

Agacé de la voir douter ainsi, Adrian intervint :

– T'as tout faux, Fiona ! C'est si tu te pointes dans tes fringues actuelles qu'ils vont se foutre de toi ! T'as enfin l'occasion de te venger de tous ces connards en leur montrant la bad bitch que t'es devenue, alors fais-le ! Pense à Lady Di !

– Lady Di ? répéta-t-elle sans comprendre.

Poussant un soupir devant l'inculture de sa soeur, il se mit à tapoter sur son smartphone en lui expliquant le moment iconique où la princesse Diana s'était rendue à un événement caritatif vêtue de sa "revenge dress", soit une robe de cocktail noire sublimant sa plastique parfaite afin de se venger de l'infidélité de son époux, ainsi que de s'extraire de son statut de femme trompée et éplorée aux yeux du public britannique.

– Donc voilà, à ton tour de sortir ta revenge dress, Nana ! lança-t-il en lui montrant une photo de ladite robe.

– Ouais, et oublie pas de camoufler tous tes boutons, surtout ! enchérit Gabriel en hochant gravement la tête.

Cette dernière pique lui valut un regard noir de la part de la jeune fille qui claqua la porte en criant :

– Mes boutons et moi, on t'emmerde, Gabriel !

Le cadet Faure le toisa d'un air dur tandis qu'ils descendaient les escaliers.

– C'était vraiment nécessaire, ça, tu crois ? asséna-t-il entre ses dents.

– C'était méchant mais c'est pour son bien, haussa-t-il les épaules. Ta soeur va débarquer dans une vraie fosse aux requins, là-bas, alors elle a intérêt à être époustouflante si elle veut pas finir la soirée à chialer dans les toilettes. Elle a déjà assez pleuré il y a trois ans, donc crois-le ou non, mais j'ai pas envie qu'elle verse une larme de plus à cause de connards qui le méritent pas...

Adrian arqua des sourcils étonnés face à une telle déclaration, dont il reconnut la valeur malgré lui.

Enfin, t'aurais pu mettre des gants quand même, hein, songea-t-il en son for intérieur. Elle complexe déjà assez à cause de son acné... Pas besoin d'en rajouter !

Une fois au salon, les garçons restèrent assis un moment sur le canapé dans un silence gênant, dont la seule distraction fut Stéphanie, à qui ils avaient expliqué brièvement la situation en regagnant le rez-de-chaussée, qui vint leur apporter des boissons. Puis Gabriel se força à se montrer aimable :

– A propos de l'autre fois..., se lança-t-il après s'être raclé la gorge. Je suis désolé, je savais pas que t'étais le frère de Fiona. J'ai vu un mec en train de tripoter ma meuf, alors j'ai pas cherché à comprendre et j'ai sorti les crocs direct. Enfin bon, c'était pas cool.

Adrian, qui jusqu'ici avait conservé les bras croisés et affiché une mine mécontente, sembla se décoincer quelque peu en entendant ça. Il se frotta l'arrière du crâne, gêné.

– C'est bon, je comprends. Je me suis énervé un peu vite, aussi.

Nouveau blanc.

Décidément, ce mec est pas très loquace.

Gabriel se gratta la tempe et choisit de l'orienter vers un sujet qui le mettrait à l'aise :

– Bon, de ce que j'ai compris tu joues souvent aux jeux vidéo, c'est ça ? On pourrait se faire une partie sur Smash Bros Ultimate en attendant que madame ait fini de se préparer, si tu veux ?

Adrian fronça les sourcils.

– Genre tu joues aux jeux vidéo, toi ?

– Bah, ça m'arrive, comme tout le monde ! rigola-t-il.

– Et comment tu sais qu'on a Smash Bros Ultimate ? enchérit le frère, suspicieux.

– Une intuition..., éluda son interlocuteur. C'est un jeu populaire sur Switch, non ?

Le cadet Faure haussa les épaules et ils lancèrent un match. Gabriel n'y avait jamais joué, néanmoins, comme chaque fois qu'il s'essayait à un nouveau jeu vidéo, il eut vite fait d'en comprendre les différents mécanismes. Pourtant, cela ne s'avéra pas suffisant pour battre un geek surentraîné ayant l'habitude de régler ses comptes dessus avec sa soeur depuis des années.

– Yes ! s'écria Adrian après avoir éjecté son personnage de la plateforme. Je t'ai eu !

Pendant une fraction de seconde, Gabriel se sentit submergé par la rage des perdants, néanmoins il se calma dès qu'il eut aperçu l'air ravi affiché par son adversaire.

Bon, c'est peut-être pas plus mal, finalement. Au moins, grâce à ça, il s'estimera vengé à propos de ce qui s'est passé lundi dernier et on sera quittes.

– Bien joué, bien joué, le complimenta-t-il. On fait une revanche ?

Ils enchainèrent ainsi plusieurs parties puis, voyant que Gabriel commençait à s'agacer à force de perdre les trois quart du temps, Adrian lui proposa d'essayer Overcooked, un jeu de cuisine basé sur la coopération qui eut vite fait de le conquérir.

– Non mais attends, en appuyant là je t'envoie la bouffe à la gueule ? demanda Gabriel.

– Ouais, ça permet de gagner du temps.

– C'est pas très hygiénique quand même de balancer la nourriture par terre ! Perso je nous donnerais pas cinq étoiles sur Yelp... Merde, le riz est en train de cramer, là, non ?

– Putain, si ! Vite, va choper l'extincteur !

– Sérieux, j'aimerais bien dire deux mots à l'architecte qui a conçu cette cuisine. Pourquoi y'a des clients qui passent en plein milieu, tu m'expliques ? Ils cassent les couilles à barrer la route, sa mère !

Adrian se mit alors à lui taper plusieurs fois d'affilée le biceps en s'exclamant :

– Mec, chouf le score ! On est on fire ! On a plein de pourboires, là !

Alors que, hilares, ils tâchaient de venir à bout des commandes qui s'accumulaient de plus en plus vite, ils entendirent la voix de Fiona les interpeller derrière eux :

– Et bien, voilà une vision surprenante à laquelle je m'attendais pas !

Les garçons se retournèrent et écarquillèrent des yeux ronds en la voyant. Impressionné malgré lui par sa transformation, Gabriel se mit à jouer avec sa chaîne en argent en même temps qu'il soufflait d'un ton haché :

– Et bien, je dois dire que moi non plus. Moi non plus...

La jeune fille qui se tenait devant eux ne ressemblait en rien à celle de toute à l'heure. En plus de son attirail habituel lentilles-extensions-maquillage, Fiona avait revêtu la robe dont il lui avait parlé quelques minutes avant, soit une robe moulante rouge s'arrêtant à la mi-cuisses qui épousait merveilleusement ses formes.

Elle lui va aussi bien que dans mon souvenir..., songea-t-il avec un rictus satisfait tandis qu'il la reluquait de haut en bas.

Fiona avait revêtu une veste pailletée noire par-dessus ainsi que des collants assortis. Cependant, ce qui sublimait son allure, c'était ses escarpins à la couleur identique à sa tenue, dont les talons hauts lui permettaient presque de rattraper la taille de Gabriel.

Ce dernier s'en rendit compte lorsqu'il se redressa et se dirigea vers elle, la dévisageant avec une intensité qui la mit mal à l'aise. Détournant le regard, elle frotta nerveusement son avant-bras en le voyant s'approcher.

– Quoi ? balbutia-t-elle. On voit encore mon acné, c'est ça ? Je dois retourner mettre une couche de fond de teint ?

Joignant le geste à la parole, Fiona entamait déjà un demi-tour, toutefois il l'intercepta par le poignet.

– Mais non, pas la peine. T'es très bien. Et pour cette histoire de boutons... Je suis désolé, okay ? C'était méchant de ma part. Je voulais surtout te secouer. Excuse-moi.

Elle haussa les épaules.

– Bah, j'ai l'habitude, avec toi, marmonna-t-elle.

C'est justement ça le problème..., se dit-il, dépité. Je sais pas comment je fais mon compte, mais je finis toujours par te dire un truc blessant. Putain, j'en ai marre de moi, là...

– Du coup, c'est bon, je réponds assez à tes standards, maintenant ? s'enquit-elle, mal à l'aise.

Gabriel tâcha de lui adresser son sourire le plus réconfortant.

– Carrément ! acquiesça-t-il en formant le signe "okay" à l'aide de ses doigts. Tu vas les impressionner, crois-moi !

Il se frotta le menton :

– Je me demande même s'ils vont te reconnaître...

– J'avoue, soeurette, t'es vraiment canon, là ! enchérit Adrian. Ces chaussures te confèrent un bonus de trente en charisme, là !

La concernée fit mine de se recoiffer afin de cacher ses joues qui s'étaient légèrement empourprées.

– Il te manque juste un petit accessoire ! intervint Gabriel.

Joignant le geste à la parole, il sortit le bandeau aux cornes de démon qu'il apposa sur sa tête, avant de faire de même avec son auréole.

– Voilà ! Maintenant, on est assortis ! déclara-t-il, un rictus satisfait aux lèvres.

– Pff, n'importe quoi !

La jeune fille eut néanmoins du mal à réprimer un rire qui le contamina à son tour.

– T'es trop bête ! pouffa-t-elle en lui donnant un coup sur l'épaule.

Celui-ci frotta la zone qu'elle venait de frapper sans la lâcher du regard.

– Hé, je t'offre un truc et c'est comme ça que tu me remercies ? plaisanta-t-il.

Après avoir brièvement inspecté ses cornes, Fiona les remit sur son crâne

et, tout en prenant une inspiration afin de se calmer, acquiesça :

– C'est vrai, c'est sympa d'avoir pensé à moi, reconnut-elle. Tu me diras combien je te dois...

Gabriel balaya sa remarque du revers de la main.

– Dis pas de connerie, ça coûtait que dalle ! C'est juste une babiole, hein !

– Je suis quand même curieux, intervint Adrian en plissant les yeux. Dis-moi pas que t'as acheté ces trucs dans ce magasin de meufs de l'enfer dont le nom commence par un "C" ?

Son interlocuteur haussa les épaules.

– Que ça te serve de leçon, la brindille : quand on est taillé comme moi, on peut se permettre d'entrer chez Claire's sans que personne ne remette notre virilité en question une seule seconde !

L'adolescent leva les yeux au ciel devant tant de vantardise, cela dit il ne parvint pas à contenir le rire qui lui monta à la gorge en imaginant la scène. Fiona secoua la tête en songeant qu'il avait suffi d'une partie de jeux vidéo en compagnie de Gabriel Martin pour qu'Adrian bascule du côté obscur.

D'abord ma meilleure amie, ensuite ma mère, et maintenant mon frère ! s'agaça-t-elle intérieurement. Ce type me saoule !

Le type en question l'extirpa de ses pensées en lui proposant de faire un selfie ensemble qu'ils envoyèrent à Rosélia et Maël dans leur groupe de discussion. Leurs réponses ne tardèrent pas à arriver :

✉️Lia : Wow !!!! Trop belle ma Nana !!!! 😍

✉️Gabriel : Et moi, je suis pas BG, wesh ?

✉️Lia : Toi t'es tout le temps BG mon chéri 😘

✉️Maël : HAN 😳 Euh, j'ai le droit d'être un peu jaloux de Gab, là ? 😅

✉️Fiona : Crois-moi, j'aurais préféré être avec toi 🙄

– Hé ! la réprimanda Gabriel. T'es pas cool !

Ce à quoi Fiona répondit par une grimace.

✉️Maël : En vrai Fio t'aurais pas une robe un peu moins sexy ? J'suis pas hyper serein là 😐

Elle fronça les sourcils à ce message.

– Il est sérieux ?

Tandis que, non sans soupirer, elle commençait à se diriger vers le couloir, Gabriel l'interpella :

– Attends, tu fais quoi ?

– Bah je vais me changer, je vais pas rester comme ça si Maël est mal à l'aise !

– T'es ouf ou quoi ? On s'en branle de son avis !

– Mais... C'est mon copain...

Adrian se passa une main sur le visage avant de lâcher d'un ton exaspéré :

– Gabriel, je te présente ma soeur, Fiona, soit la fille la plus forte, tête brûlée et indépendante que je connaisse, jusqu'à ce qu'elle se retrouve en couple ! Une fois casée, elle range son cerveau, sa langue, son autonomie, et écoute tout ce que son mec lui dit, même quand ce sont les pires conneries imaginables !

Fiona mit ses poings sur les hanches.

– Ça veut dire quoi, ça ?

– Ça veut dire que c'était pareil avec Léo ! s'agaça-t-il. Ça m'insupporte de te voir gommer complètement ta personnalité pour plaire aux mecs à chaque fois !

– Sérieux, Fio ? s'étonna Gabriel. Il dit la vérité ? T'as jamais ta langue dans ta poche quand il s'agit de m'envoyer bouler, mais là tu vas rien dire et obéir comme une vieille soumise ?

La jeune fille pinça les lèvres sous la contrariété en le voyant secouer la tête d'un air désapprobateur.

– Tu baisses grave dans mon estime. Si j'avais su, je t'aurais jamais casée avec lui, hein. Moi, perso, je préfère la Fiona grande gueule de d'habitude !

C'est le moment où Stéphanie, ayant entendu ses enfants se disputer, débarqua dans le salon.

– Est-ce que tout va bien, ici ? Wow, Nana ! T'es vraiment jolie, comme ça !

– Merci, maman, mais j'allais me changer, marmonna-t-elle en déviant le regard, mal à l'aise. On a envoyé un selfie à Maël et il veut pas que j'y aille comme ça...

Sa mère haussa des sourcils perplexes à cette déclaration. Elle entraîna sa fille à l'écart dans le couloir et, un sourire attendri aux lèvres, se mit à lui caresser les cheveux tout en lui disant d'une voix douce :

– Fiona, crois-moi, c'est pas en te pliant aux quatre volontés de ton petit-ami que tu seras plus heureuse. Tu es une personne lumineuse, ma chérie, et si ça fait peur à Maël, alors il te mérite pas. Ne laisse jamais aucun garçon t'empêcher de briller, d'accord ?

Fiona sentit ses joues virer écarlates face à ce discours inattendu, aussi ne protesta-t-elle pas lorsqu'elle l'enlaça.

– Pourquoi tu crois que je t'ai demandé de rompre avec Léo, l'année dernière, hein ? souffla-t-elle à son oreille. Tu m'en as voulu après ça, mais moi, la seule chose qui m'importe, c'est ton bonheur et ta sécurité... Tu es trop spéciale pour laisser des minables pareils te blesser.

Sauf que je l'ai jamais quitté, au final, songea la jeune fille en ravalant ses larmes. Et je l'ai bel et bien laissé me blesser...

Bien entendu, elle ne pouvait avouer la vérité à sa mère, car la lueur de fierté qui illuminait en cet instant son regard, alors qu'elle s'était écartée d'elle afin de la dévisager, disparaîtrait.

– Garde cette robe, Fiona. Et si ça pose un souci à Maël, et bah... on l'emmerde !

– J'aurais pas dit mieux.

Gabriel, adossé contre l'encadrement de la porte, lui adressa un sourire en coin. Le regard de la jeune fille navigua de lui à sa mère, pour se poser finalement sur son frère, qui avait à son tour pointé le bout de son nez. Ce dernier hocha la tête d'un air encourageant.

– Grave ! Fuck the patriarchy ! s'exclama-t-il en levant le poing en l'air.

– Ouais, enchérit Gabriel, nique les hommes, c'est tous des salauds t'façon. Je sais de quoi je parle, j'en suis un.

– De salaud ou d'homme ? s'enquit Adrian.

– Les deux ?

– Pff ! pouffa Fiona en amenant son poing à sa bouche. Vous êtes trop bêtes !

Les lèvres de Gabriel s'étirèrent en un rictus amusé en l'entendant rire à nouveau.

– Bon, alors, on y va, à cette soirée ? s'enquit-il.

Prenant une grande inspiration, elle remit ses cheveux en place avant de déclarer :

– Let's go, c'est parti ! Cette robe est magnifique et si Maël est pas content, c'est pareil !

– Bien dit ! approuvèrent Adrian et sa mère.

Joignant le geste à la parole, elle s'empressa de taper cette exacte pensée dans le groupe de discussion.

– Voilà ! lança-t-elle fièrement en appuyant sur "Envoyer".

Voyant qu'il commençait déjà à vouloir argumenter avec elle en message privé, elle décida de mettre leur conversation en sourdine.

– Je vais pas le laisser gâcher ma soirée ! marmonna-t-elle en rangeant son smartphone.

– T'as bien raison ! approuva sa mère.

Lorsqu'elle releva le regard, elle constata que Gabriel la fixait d'un air empreint de fierté qui la mit mal à l'aise, cela dit ce contact visuel fut interrompu lorsque Stéphanie décida de lui administrer un petit sermon préventif :

– Évidemment, pas d'alcool, jeune homme, si vous conduisez ! Je tiens à retrouver ma fille en vie !

– Vous inquiétez pas, la rassura-t-il, je suis trop content d'avoir eu mon permis, je compte pas le perdre aussi bêtement !

C'est sur ces dernières paroles qu'ils dirent au revoir à son frère et sa mère, et un petit silence les enveloppa lorsqu'ils se retrouvèrent seuls sur le perron. Après s'être frotté la nuque, Gabriel ouvrit à distance la voiture garée juste devant la maison.

– Le carrosse de madame est avancé ! rigola-t-il. Je m'excuse d'avance de l'état intérieur, ma mère est une vraie bordélique... J'suis passé à Eléphant Bleu avant de venir, histoire de la nettoyer et de l'aspirer un peu, mais bon, elle est loin d'être nickel. Je préfère te prévenir.

Gênée, Fiona se mit à gratouiller le vernis rouge de ses ongles.

– T'avais pas besoin de te donner tant de mal, hein. T'as vu à quoi ressemble ma chambre, donc tu sais que je suis pas super à cheval sur ces trucs-là...

– Quand même, c'est pas une raison ! Et puis, t'façon, j'ai pas fait ça que pour toi, t'inquiète, ça me démangeait depuis plusieurs jours... Le fait d'avoir une passagère ce soir était surtout une excuse pour foutre la pression à ma mère.

– Oh, d'accord...

Pendant qu'ils discutaient, Fiona commença à descendre les marches, mais manqua de perdre l'équilibre avant que Gabriel ne la rattrape de justesse.

– Hé, fais gaffe ! Ces escarpins te donnent peut-être +30 de charisme, mais tu dois bien te taper un -50 en agilité, si tu veux mon avis.

Elle arqua un sourcil.

– Hum, tu passes un peu de temps en compagnie de mon frère et tu maîtrises déjà le geek en deuxième langue ? s'étonna-t-elle.

Gabriel lui adressa un sourire en coin en tripotant sa chaîne en argent.

– Je t'ai déjà dit que j'étais un homme plein de surprises...

Fiona baissa les yeux vers ses pieds, mal à l'aise.

– Quoiqu'il en soit, t'as pas tort..., bredouilla-t-elle. J'aurais peut-être pas dû choisir ces talons... En plus, ma robe paraît encore plus courte avec, si ça se trouve c'est ça qui gênait Maël...

Cela lui valut une pichenette sur le front.

– Stop, Fiona. Oublie Maël. T'es super belle, comme ça. Si tu veux mon avis, il a juste le seum que ce soit moi qui en profite à sa place ! plaisanta-t-il.

La jeune fille remit une de ses mèches blondes en place histoire de cacher sa gêne face à ce compliment inattendu, gêne qui se mua en véritable malaise lorsqu'il lui proposa son bras afin de l'aider à descendre les escaliers, malaise qui se mua en perplexité quand il lui ouvrit galamment la portière de la voiture et l'aida à s'installer sur le siège passager.

C'est dans un silence embarrassé que se déroulèrent les premières minutes du trajet, durant lesquelles Fiona n'eut de cesse de jeter des regards furtifs en direction de Gabriel.

– T'es bien discrète, finit-il par remarquer au bout d'un moment. Qu'est-ce qui t'arrive ?

– Eh bah, je me disais que t'étais beaucoup trop galant à mon égard, d'un coup. C'est suspect, répondit-elle en plissant les yeux.

– Quoi ? N'importe quoi !

La protestation, trop vive, accompagnée d'un rire nerveux ne firent cela dit qu'accroître la défiance de Fiona.

– Oh, que si, que c'est chelou. T'as même ton sourire de coupable, là.

– Quel sourire de coupable ? Tu dis n'imp ! s'indigna-t-il tandis que ledit rictus s'élargissait de plus belle.

– Tu me prépares un sale coup, à cette fête, dis-moi ? Je vais pas me retrouver aspergée de sang de cochon, j'espère ?

– Faut arrêter de lire Stephen King.

Après une courte pause, voyant que Fiona ne cessait de le scruter, il finit par céder :

– Bon, okay. C'est Lia qui m'a demandé d'être sympa avec toi.

– Ah, parce que d'habitude elle te demande de te comporter comme un sale con ? ironisa-t-elle, croisant les bras sur sa poitrine.

– Non, mais cette fois-ci elle a été plutôt... insistante.

En vérité, Rosélia l'avait tout bonnement menacé de faire la grève du sexe s'il maltraitait sa meilleure amie. Il savait être patient, néanmoins l'idée que leur couple devienne complètement platonique ne l'enchantait guère. Rien que d'y penser, il sentit son index se mettre à tapoter le volant en un geste nerveux.

Vas-y, une relation sans sexe, ça m'est pas arrivé depuis, quoi... la quatrième ? Ça me ferait trop bizarre !

Non, à côté de ça, l'idée de faire preuve de courtoisie envers Fiona le temps d'une soirée était peu cher payé.

– Elle m'a demandé d'agir comme si t'étais elle, expliqua-t-il après un blanc.

– Oh, je vois...

C'était donc ainsi qu'il se comportait avec Rosélia. Depuis le début de leur relation, à ces deux-là, Fiona ne pouvait s'empêcher d'éprouver un peu de ressentiment à l'égard de sa meilleure amie, même si elle tâchait de son mieux de n'en rien laisser paraître. Cependant, à présent qu'elle voyait à quel point il pouvait se montrer attentionné, elle comprenait un peu mieux ce qui avait pu la faire craquer.

Je peux pas vraiment la blâmer. Je suppose qu'il doit être difficile de résister quand Gabriel Martin vous sort le grand jeu...

La voix de ce dernier l'extirpa de ses sombres pensées :

– Bon, si t'as décidé d'être si peu loquace, autant mettre de la musique...

Joignant le geste à la parole, il se saisit de son smartphone et tapota son code de déverrouillage, mais elle le lui arracha des mains avant qu'il n'ait eu le temps de lancer quoique ce soit.

– Hé ! Pas de téléphone au volant ! le réprimanda-t-elle.

– On est à un feu rouge.

– C'est pas une raison !

Il leva les yeux au ciel.

– Okay, maman. Lance la playlist de L'Etrange Noël de M. Jack, alors, s'il te plaît.

Fiona arqua un sourcil.

– Sérieusement ?

– C'est juste histoire de nous mettre dans le mood, haussa-t-il les épaules.

Fiona secoua la tête tandis qu'elle s'exécutait et, passées l'intro instrumentale, ne put s'empêcher de chantonner les paroles de la première chanson :

Voulez-vous voir un monde étrange, où l'on aime les démons et pas les anges ?

Alors qu'elle s'apprêtait à poursuivre, Gabriel la prit de court :

Suivez-nous, venez visiter, notre magnifique cité...

Fiona ouvrit des yeux écarquillés tandis qu'il continuait à fredonner la suite du couplet, transformant sa voix à foison, tantôt grave, tantôt aiguë, afin de coller aux différentes intonations. Elle ne put s'empêcher de pouffer lorsqu'il fit une grimace de circonstance en arrivant au passage suivant :

Moi, je me cache sous votre lit le soir ; mes dents, mes yeux brillent dans le noir !

– Ça te va bien de chanter ça, ouais ! railla-t-elle.

Gabriel eut un rictus satisfait mais ne répondit rien.

– N'empêche, reprit-elle, je sais pas ce qui me surprend le plus : que tu veuilles écouter cette musique ou que tu connaisses les paroles par coeur.

– C'était mon dessin animé préféré quand j'étais petit, marmonna-t-il en guise d'explication.

– Hum, de tous les dessins animés qui existent, ton préféré est celui dont les héros sont des monstres qui décident de saboter Noël. Ouais, c'est logique, en un sens...

– Nianiania ! rétorqua-t-il sans se départir de son sourire amusé. Te moque pas : écouter les musiques sur le trajet, c'est mon lot de consolation, vu que j'ai pas pu enfiler mon costume de Jack Skellington à cause de Math...

Fiona fronça les sourcils.

– Comment ça ?

Gabriel lui jeta un regard en coin puis se gratta nerveusement la nuque en répondant d'un air sombre :

– C'était notre tradition, avant. Depuis qu'on était gosses, chaque année, pour Halloween, je m'habillais en Jack Skellington et elle, en Sally.

Il secoua la tête comme s'il cherchait à chasser ces pensées datant d'un temps révolu.

– Je sais pas si elle l'aura mis ce soir, mais au cas où... J'ai préféré limiter les risques.

– Oh, je vois..., souffla Fiona. Je peux comprendre que t'aies pas très envie de te pointer à une fête d'Halloween dans un costume coordonné à celui de ton ex...

Tandis qu'elle disait ça, elle songea à l'histoire que lui avait raconté Milamber. Tout comme Gabriel, il avait pris le risque de sortir avec sa meilleure amie et, de la même manière, la relation s'était mal terminée, mettant également un terme à leur amitié.

Pour la première fois, elle réalisa à quel point la situation devait être douloureuse pour lui. Contrairement à elle et Léo, il n'avait pas juste perdu une copine, il avait aussi perdu son amie d'enfance. Une personne dont la présence hantait chacun de ses souvenirs, rendant de ce fait les plus heureux d'entre eux particulièrement douloureux.

– Ça va pas être trop dur, pour toi, de la revoir, ce soir ? s'enquit-elle d'une petite voix.

Surpris, Gabriel profita d'être arrêté à un feu pour la dévisager. C'était la première fois qu'il la voyait faire preuve d'autant de sollicitude à son égard. Il se mit à jouer avec sa chaîne afin de masquer son malaise.

– J'en sais rien, admit-il. De toute façon, j'ai promis à Lia de pas lui adresser la parole.

– Tu comptes vraiment t'y tenir, alors ? Tu vas même pas lui dire bonsoir ?

Gabriel redémarra la voiture et répondit en passant une main parmi ses mèches brunes :

– Les choses se sont vraiment mal finies entre nous, donc en vrai, je préférerais éviter, ouais. Je suis venu dans le but de voir mes anciens potes, pas pour m'écharper avec mon ex-copine/amie d'enfance/traîtresse de la pire espèce !

Il avait dit ça d'un ton plus acerbe qu'il ne l'aurait voulu, ce qui arracha un haussement de sourcils à Fiona.

– Ah ouais, à ce point ! siffla-t-elle.

– Ouais, à ce point, marmonna-t-il en tapotant nerveusement son index contre le volant.

Si je comprends bien, se dit-elle, on aura chacun nos propres démons à affronter ce soir...



Tandis que YouTube continuait de leur jouer l'ensemble de la playlist du film de Henry Selick, ils finirent par arriver à destination. Fiona écarquilla les yeux en apercevant la demeure, qui s'avérait plus grande que ce qu'elle s'était imaginé.

Dans une architecture moderne, les murs étaient blancs et droits, agrémentés de larges fenêtres vitrifiées et surmontés d'un toit-terrasse. La maison était formée en sortes de blocs rectangulaires juxtaposés les uns à côté des autres, dont celui du centre s'élevait sur deux étages.

Le terrain, encadré par de grandes barrières, était entouré d'une pelouse verdoyante parmi laquelle un espace était destiné aux voitures, et où Gabriel se gara.

– Je me souvenais pas que Mathilde était riche, s'étonna Fiona en acceptant la main que Gabriel lui tendait pour l'aider à descendre du véhicule.

– Elle l'était pas. Son père a épousé une chirurgienne. Donc voilà.

Le chemin menant jusqu'à la porte d'entrée étant composé de graviers, la jeune fille fut contrainte de se cramponner à lui afin d'éviter de se tordre une cheville, se maudissant à chaque pas d'avoir choisi des talons aussi hauts.

Le son de la musique amplifiait à mesure qu'ils approchaient de la demeure, faisant écho aux battements de son coeur. Entre ces murs se trouvaient tous ceux qui l'avaient martyrisée au collège.

D'accord, elle avait changé ; elle n'était plus la même qu'autrefois ; elle s'apprêtait à prendre une belle revanche sur ceux qui l'avaient moquée à l'époque ; son caractère s'était lui aussi affirmé et elle ne se laissait pas faire comme avant.

Pourtant, à cet instant, elle eut l'impression d'être retournée trois ans en arrière. D'être redevenue Fiona le pâté, Fiona la victime, Fiona la sans-amis, Fiona la fragile, Fiona l'erreur de la nature.

Inconsciemment, elle se mit à serrer le bras de Gabriel si fort qu'il finit par percevoir son trouble.

– Attends une minute, l'immobilisa-t-il.

Après l'avoir fait pivoter vers lui, le jeune homme la saisit par les épaules et rapprocha son visage à quelques centimètres du sien.

– Si tu veux faire demi-tour, c'est le moment ou jamais, déclara-t-il. Je te ramène sans problème. Je râlerai pas, promis.

Elle eut du mal à soutenir son regard. Elle avait envie d'accepter. Cependant, elle s'était engagée à jouer les chaperons et refusait de trahir son amie ainsi...

– Bon, okay, je râlerai un petit peu..., admit-il après un silence. Mais je comprendrais.

Fiona se mordit la lèvre inférieure, en proie à l'hésitation.

Rosélia m'a défendue face à Léo l'autre jour. Je peux pas reculer maintenant. J'ai promis...

Cela dit, alors qu'elle s'apprêtait à répondre, quelqu'un vint soudain s'appuyer sur les épaules de Gabriel en s'exclamant :

– Gab, mon pote ! T'es arrivé ! T'étais attendu, gros, t'sais !

Fiona retint son souffle en reconnaissant Ryan. Tandis que Gabriel le saluait, les diverses moqueries ou humiliations qu'il lui avait fait subir remontèrent à sa mémoire. Sa spécialité étant le "lancer de boulettes de papier imprégnées d'encre à stylo plume dans les cheveux."

Celui-ci, en revanche, ne sembla pas la reconnaître car il laissa échapper un sifflement après l'avoir dévisagée de haut en bas.

– Eh ben ! T'es en belle compagnie, à c'que je vois !

Puis, se rapprochant d'elle :

– T'es sa meuf ? C'est quoi ton p'tit nom ?

A ce moment-là, le cerveau de la jeune fille carbura, et elle eut ce qu'elle crut être l'idée parfaite, celle qui lui permettrait de combiner ses deux désirs contradictoires : pouvoir tenir sa promesse de surveiller Gabriel sans avoir à assister à la soirée...

Après tout, si cet imbécile de Ryan ne la remettait pas, il en serait probablement de même avec le reste de leurs anciens camarades. C'est donc en arborant un sourire ravi qu'elle mentit effrontément :

– Oui, je suis Lia, la copine de Gaby !

Tandis qu'elle disait ça, elle attrapa ce dernier par la taille et se serra contre lui, assez pour sentir qu'il s'était crispé. Il n'eut toutefois pas le temps de protester car Ryan reprit la parole :

– Oh ! Je vois, je vois, enchanté, Léa ! Comme d'hab, Gab a toujours bon goût en matière de meufs. Bien joué, gros !

Il ponctua ces mots de plusieurs coups de coude à l'attention du concerné, puis finit par les laisser et retourner à l'intérieur en lui disant qu'il allait "annoncer son arrivée".

A peine eut-il disparu que Gabriel la repoussa.

– Je peux savoir à quoi tu joues ? s'énerva-t-il. C'est Lia, c'est ça ? Je trouvais ça louche que t'aies accepté de venir ce soir, mais cette fois j'ai pigé...

Fiona eut envie de mentir, seulement son regard dut la trahir car Gabriel poussa un long soupir en se pinçant l'arête du nez.

– Putain, j'y crois pas. Je vois que je ne suis pas le seul à qui Sa Majesté a donné des ordres. Elle t'a demandé de me surveiller, pas vrai ? Elle a peur que je la trompe ?

Il était vexé. Profondément. Elle le lut dans ses yeux. Sa petite-amie ne lui faisait pas confiance et cela l'avait blessé plus qu'elle ne l'aurait imaginé. L'espace d'un instant, elle se sentit mal pour lui.

– Hum, bredouilla-t-elle, je crois que c'est un peu de ma faute, en fait...

– Comment ça ?

Elle se dandina d'un pied sur l'autre, mal à l'aise.

– Eh bien, il se pourrait qu'au détour d'une conversation, j'ai laissé entendre qu'il y aurait plusieurs de tes exs à cette fête et...

Gabriel écarquilla les yeux.

– Quoi ? Mais pourquoi t'as fait ça ? T'es folle !

– Hé ! Ça m'a échappé, sur le moment, je pensais pas qu'elle en ferait une maladie ! Vu ta gueule, elle devait bien se douter que t'avais tout un palmarès d'exs à ton actif !

– Pas la peine d'essayer de m'amadouer en me flattant. Tu connais Lia, bordel ! C'est déjà une stressée de la vie... Et méga-jalouse, en plus ! Tu pensais qu'elle allait réagir comment ?

Elle croisa les bras.

– Et en quel honneur j'aurais dû te couvrir, au juste ? On est même pas amis !

Sans qu'il n'en comprenne la raison, cette pique le froissa plus que tout le reste. La mâchoire contractée, il lança entre ses dents :

– Ça explique pas pourquoi t'as décidé de te faire passer pour ma meuf devant Ryan ! T'aurais très bien pu jouer les chaperons en restant toi-même !

La jeune fille haussa les épaules, confuse, puis baissa la tête. Elle ne pouvait pas lui dire les véritables raisons de ce mensonge, ou il se moquerait d'elle.

– T'assumes pas, en vrai, déclara-t-il soudain. Je me trompe ? T'as jamais voulu venir ici. T'as accepté à cause de Rosélia le tyran, mais t'as aucune envie d'être là. Alors tu préfères te faire passer pour ma meuf plutôt que d'assumer la vérité. J'ai tort ?

Fiona serra les poings. Ce type était trop perspicace. Elle ne répondit pas, se contentant de le fusiller du regard. Gabriel rit jaune avant de se mordre le poing de frustration.

– Putain, sérieux, t'es vraiment trop conne, petit pâté. Pourquoi tu crois que j'ai tout fait pour dissuader Lia de venir ? Comme tu le lui as si bien dit, il y aura mes exs à cette soirée. Ce qui fait de ma nouvelle meuf – donc, en l'occurence, toi – la cible à abattre.

Fiona fronça les sourcils. Il ne manquait pas d'air ! Il pensait être un petit-ami si marquant que ça ? Que ses exs allaient rester accrochées à une vieille amourette de collégiens au point de s'attaquer à sa copine actuelle ?

– Arrête de frimer ! rétorqua-t-elle. Tu te prends vraiment pas pour de la merde, hein ! Okay, t'es beau, on a compris, mais quand même ! La plupart de tes histoires avec ces filles datent d'il y a plusieurs années, tu crois réellement qu'elles seront jalouses à ce point ? Descends un peu de ton poney, pauvre con !

Pourtant, la réaction de Gabriel ne la rassura pas. Croisant les bras sur son torse, son visage se fendit en un sourire démoniaque qui dénota complètement avec l'auréole angélique dont il était affublé.

– Mais oui, t'as raison ! ironisa-t-il. C'est moi qui exagère et qui me la raconte, comme toujours. Moi et mon ego démesuré !

Alors, il passa un bras derrière ses épaules et la poussa sans ménagement en direction de la porte d'entrée.

– Tu sais quoi ? Je te propose d'aller vérifier ça par nous-même... d'accord, ma chérie



🎵Queen — Don't Stop Me Now

https://youtu.be/aJez0ljzSQw

"Tonight I'm gonna have myself a real good time..."


Hello et bienvenue dans cet arc final de ce premier tome !!!!! 😁 J'espère que vous êtes aussi impatient.es et excité.es que moi et, si ce n'est pas encore fait, je vous invite à aller jeter un oeil au teaser que j'ai réalisé à partir d'images générées sur Dall-E (lien dans mon babillard) si vous voulez avoir un aperçu de ce qui vous attend ! 🤭

Ce chapitre vous a plu ? Comme vous vous doutez, c'est le premier d'une longue série avec beaucoup d'interactions entre Gaby et Fiona, et qui sait... peut-être même quelques petits rapprochements ? Nous verrons bien ! 😇

Qu'avez-vous pensé de l'arrivée de Gabriel chez les Faure ? Avec la mère qui le kiffe et Adrian qui le surveille ? 

De Fiona qui avait décidé d'aller à la fête en mode balec ? Et des paroles encourageantes d'Adri pour la motiver à se faire belle ? 

De la réconciliation entre Adri et Gabriel, sous fond de jeu vidéo ? 

De l'arrivée de Fiona après sa transformation et de la réaction de Gabriel en la voyant ? 😏 

De la jalousie de Maël ?

De leur échange dans la voiture ? 

Et enfin, une fois arrivés sur place... De l'idée de Fiona de se faire passer pour sa copine ? Bonne ou mauvaise idée, d'après vous ? Gabriel a-t-il exagéré le danger auquel elle s'exposait en faisant ça ou non ? 

Des pronostics pour la suite ? 

En attendant de vous lire, je vous fais des bisous et vous dis à vendredi prochain ! 😘


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top