Level 21 : L'attaque du clone (2)
Fiona grimaça en voyant la longueur de la file devant les toilettes quand elle eut descendu les escaliers qui y conduisaient. Dépitée, elle s'appuya contre le mur en réfléchissant à la conversation que Rosélia et elle venaient d'avoir. Elle ne comprenait pas pourquoi elle lui mettait autant la pression pour qu'elle sorte avec Maël, et se demanda si Gabriel ne l'avait pas poussée dans ce sens.
Ils commencent sérieusement à me faire chier, ces deux-là, à se mêler de ma vie amoureuse !
Fiona n'était pas le moins du monde décidée à se remettre en couple de sitôt. Peut-être cela signifiait-il, comme l'affirmait sa meilleure amie, conférer la victoire de leur rupture à Léo, mais à cet instant, elle s'en fichait pas mal. Son célibat lui convenait à merveille. Et puis, elle avait toujours Milamber...
A peine songea-t-elle au mage que, jetant les conseils de Rosélia à la poubelle, elle sortit son smartphone afin de pouvoir lui parler tandis qu'elle patientait.
🎮Azriel : Bon ça va mieux, monsieur l'a invitée chez lui vendredi soir donc ça y est, tout est rose à nouveau dans le monde de ma pote ! 🤡
🎮Milamber : Ah bah c'est plutôt cool non ?
🎮Azriel : Ouais, j'imagine... jusqu'à la prochaine crise...
Alors qu'elle relevait temporairement les yeux histoire de voir où en était la queue, la couverture du livre que la fille située devant elle était en train de lire attira son attention. Et pour cause : il s'agissait de son roman favori.
🎮Azriel : Omg ! J'attends pour aller aux toilettes et la meuf devant moi lit mon roman préféré de mon autrice préférée !!!!
🎮Milamber : Ah ouais ? "Les aventuriers de la mer" de Robin Hobb, c'est ça ?
🎮Azriel : Ouiiiii ! T'as une bonne mémoire dis donc ! 😳
🎮Milamber : C'est surtout que je l'ai emprunté au CDI de mon lycée pour le lire 😅
🎮Azriel : HAN ! Ravie de voir que tu suis mes recommandations ! 😎
🎮Milamber : Je t'avoue que je l'ai pas encore commencé, mais bon, je le lirai pendant les vacances, quand j'aurais plus de temps.
🎮Azriel : T'as intérêt !!!! Roooh, j'ai trop envie d'aller parler à cette fille, maintenant ! Une personne qui a si bon goût ne peut être que cool, non ???
🎮Milamber : Pourquoi pas 🤷🏻♂️
Cela dit, elle n'eut pas le temps de mettre ce projet à exécution car un toilette se libéra et l'inconnue s'empressa de s'engouffrer à l'intérieur. Elle la croisa à nouveau en se dirigeant vers les lavabos, et s'aperçut qu'elle y avait oublié son roman.
Tandis qu'elle s'empressait de la suivre afin de le lui retourner, cette dernière dut se rendre compte de son oubli car elle fit soudain volte-face, si bien que les deux jeunes filles se percutèrent.
– Mince ! Désolée ! s'excusa-t-elle.
Fiona tressaillit en apercevant son visage. Les cheveux blonds et ondulés, une paire de lunettes aux verres épais, des tâches de rousseur, des yeux verts, un petit nez retroussé, une mâchoire plutôt grossière et une peau assez pâle... Elle était persuadée de l'avoir déjà aperçue quelque part, sauf que sur le moment, elle s'avéra incapable de se souvenir où.
– C'est rien ! J'essayais de te rattraper pour te rendre ton livre !
– Ah ! sourit l'inconnue. Justement, je faisais demi-tour pour le récupérer !
Elles rirent de concert de la situation pendant que Fiona lui tendait son bien.
– Robin Hobb... Très bon choix, soit dit en passant ! ne put-elle s'empêcher de commenter. C'est mon autrice préférée.
– Ah oui ? s'étonna son interlocutrice. Je peux pas trop dire, j'en suis qu'au début... En fait, je lis plutôt de la romance d'habitude, je suis pas vraiment branchée fantasy. Mais mon copain adore ce bouquin, alors j'ai voulu essayer histoire de lui faire plaisir.
Cette phrase arracha un nouveau frisson à Fiona. Sans qu'elle ne s'explique pourquoi, elle fut soudain envahie par une sensation désagréable, toutefois elle ne parvint pas à mettre le doigt sur sa provenance.
– Ah, et bien, tu lui diras qu'il a bon goût ! répondit-elle avec un rire nerveux.
L'inconnue lui rendit son sourire.
– Je le ferai, promis, acquiesça-t-elle en secouant le livre. Bon, bah, encore merci et bonne journée !
Elles se saluèrent et la jeune fille remonta les escaliers menant au restaurant. Fiona attendit qu'elle soit hors de vue pour s'écrouler dans le canapé mis à disposition des clients devant les toilettes. Car, pendant qu'elles discutaient, la mémoire lui était revenue. Elle était pratiquement sûre de savoir où est-ce qu'elle l'avait déjà aperçue.
Elle sortit son smartphone histoire d'en avoir le coeur net. Après une petite inspiration afin de se conférer du courage, elle cliqua sur l'icône d'Instagram puis, les dents serrées, chercha le compte de Léo.
Fiona amena la main à ses lèvres quand ses craintes se confirmèrent. L'inconnue qu'elle venait de croiser n'était autre que la nouvelle petite-amie de son ex. Lucie, de son prénom. Information que Fiona ne tenait pas particulièrement à connaître, mais à laquelle elle se trouva exposée malgré elle.
"Il t'a remplacée par ton clone."
A ce moment précis, les paroles de Gabriel ne lui avaient jamais semblé aussi justes. Car il était vrai que cette Lucie et elle se ressemblaient comme deux gouttes d'eau. Sans plus réfléchir à ce qu'elle faisait, elle cliqua sur une photo où le couple apparaissait ensemble histoire d'accéder au compte de celle-ci.
Alors, un noeud se forma au creux de son estomac en voyant le dernier post datant de quelques minutes à peine. Le cliché en question, pris du point de vue de Lucie, montrait leur table au restaurant, sur laquelle se trouvait une énorme coupe de fruits à partager. Et derrière, assis en face d'elle, Léo, tout sourire, en train d'amener une cuillère emplie de chantilly à ses lèvres.
J'hallucine ! C'est exactement ce qu'on a mangé ensemble pendant notre premier date...
Fiona s'en souvenait très bien car, de peur de passer pour une goinfre face à lui, elle avait choisi la coupe de fruits à partager au détriment de la gaufre, et avait fini par s'enfiler une boîte entière de Choco BN une fois rentrée chez elle tant elle pétait la dalle — Adrian lui en tenait encore rigueur, d'ailleurs.
Ce n'était pas dans ce restaurant-ci qu'ils s'étaient rendus, mais à celui du centre commercial Confluence, car Léo l'avait emmenée à la salle d'arcade située en face juste avant.
"Le rendez-vous parfait pour deux geeks comme nous", lui avait-il dit en arborant son sourire charmeur.
Après ça, le combo salle d'arcade et coupe à partager au Paradis du fruit était devenu un de leur petit rituel. Or, en remontant parmi les différentes publications de Lucie, lesquelles lui permettaient aisément de retracer la journée qu'ils venaient de passer ensemble, elle s'aperçut que ce rituel n'avait, en réalité, rien d'unique.
De toute évidence, Léo avait reproduit un schéma quasiment identique avec sa nouvelle petite-amie : salle d'arcade à Confluence, vaporetto jusqu'à Bellecour, puis coupe à partager au Paradis du Fruit rue de la République.
Quelle espèce d'enfoiré, ce mec ! A ses yeux, on est juste des clones interchangeables, en fait !
Fiona fut prise d'un haut-le-coeur. Elle ne s'était jamais sentie aussi idiote et utilisée de sa vie. Cette relation qu'elle avait pensé sincère, profonde et spéciale n'était au final qu'une mascarade, un simulacre, une illusion. Une pâle copie d'un scénario bien ficelé, mille fois répété et performé par un sale manipulateur qui ne l'avait, à aucun moment, considérée comme une personne à part entière.
Gabriel a raison. J'étais juste un jouet pour lui.
Or, quand ce jouet avait perdu de son éclat, il l'avait mis de côté et remplacé par un autre, plus neuf et plus brillant.
Mais toujours bien trop jeune par rapport à lui.
A ce moment-là, Fiona lutta de son mieux contre son envie d'éclater en sanglots. Lorsqu'elle remonta à l'étage, ce fut pour se diriger droit sur Rosélia et lui intimer son envie de rentrer sur-le-champ.
– Tu vas me dire ce qui se passe, Nana ? s'enquit celle-ci en la poursuivant dans la rue, obligée de presser le pas tant Fiona avançait vite. T'es toute pâle ! On dirait que t'as vu un fantôme !
Fiona laissa échapper un rire jaune, néanmoins cela eut le mérite d'interrompre sa marche effrénée.
– Parce que c'est le cas ! répondit-elle en faisant volte-face.
Alors, les images de Léo et Lucie lui revinrent en mémoire et, cette fois, elle ne put contrôler l'afflux de larmes qui monta à ses yeux.
– C'est le cas..., répéta-t-elle en enfouissant son visage dans ses mains.
Inquiète, Rosélia s'empressa de l'enlacer.
– Qu'est-ce qui t'arrive, Nana ? s'enquit-elle d'une voix douce en l'entraînant vers un banc à proximité.
– C'est Léo..., hoqueta-t-elle en s'asseyant. Il était là... au Paradis du fruit... avec sa nouvelle copine !
Elle lui lança un regard empreint de souffrance :
– Il lui a fait le même date qu'à moi, Lia ! Exactement le même !
Bien que ne comprenant pas tout-à-fait ce qu'elle entendait par là, Rosélia enroula un bras autour de ses épaules, laissant Fiona lui raconter en détail ce qui venait de se passer.
– Mais quel connard, ce type ! rugit-elle en se levant d'un bond lorsqu'elle eut terminé.
Furibonde, elle se mit à faire les cents pas devant le banc histoire de contenir la rage qui montait en elle.
– D'abord il te largue comme une merde après avoir pris ta virginité, ensuite il a même pas la décence d'attendre un minimum avant de te remplacer, et maintenant ça... !
Elle s'immobilisa soudainement et Fiona sentit un frisson parcourir sa colonne vertébrale en voyant l'expression lugubre qui avait envahi son visage. Qu'on se le dise : Rosélia arborait rarement un air jovial, et était davantage connue pour son emblématique moue boudeuse. Néanmoins, s'il y avait bien une émotion que Fiona redoutait chez son amie, c'était la colère.
Car lorsque ça lui arrivait, il ne s'agissait pas, comme elle, d'une colère bouillonnante qui l'amenait à gesticuler et s'époumoner telle une étincelle vivante. Non, la colère de Rosélia s'avérait froide, glaciale, implacable, et avait l'habitude de frapper sa cible de manière précise et infaillible. Vous comprenez donc pourquoi, à ce moment-là, sachant ladite cible à quelques mètres d'elles à peine, Fiona se mit à paniquer.
– Lia..., commença-t-elle.
Toutefois, son amie ne la laissa même pas finir. Plantant ses yeux dans les siens, elle lâcha d'une voix froide et intransigeante :
– Je vais le défoncer.
Les pupilles de Fiona s'arrondirent mais, avant qu'elle n'ait pu dire ou faire quoique ce soit pour la retenir, Rosélia tourna les talons et se dirigea d'un pas décidé vers le restaurant.
– Lia... Attends ! S'il te plaît ! Arrête !
A cause de sa popularité, le Paradis du Fruit se trouvait souvent complet, obligeant les gens à former une file d'attente à l'extérieur. Pourtant, déterminée, Rosélia décida de passer au travers, allant jusqu'à bousculer sans vergogne les personnes bloquant son chemin. Fiona, derrière elle, leur adressait des sourires gênés et bafouillait des excuses, prétendant qu'elles devaient retourner dans le restaurant car elles y avaient oublié quelque chose.
Une fois à l'intérieur, Rosélia marqua un arrêt soudain, si bien que Fiona la percuta.
– Lia, ça suffit, laisse tomber... ! la supplia-t-elle en tirant sur sa doudoune.
Cependant, son amie l'ignora complètement, trop occupée à scanner la grande salle à la recherche de Léo.
– Tu t'es crue dans Terminator ou quoi ? s'impatienta Fiona en fronçant les sourcils. Tu comptes faire quoi, au juste ? Demander à Léo de se foutre à oilp, comme Schwarzy ?
Rosélia, dont les yeux se posèrent enfin sur un crâne aux cheveux gras reconnaissable entre mille, ne daigna même pas répondre à ses provocations.
– Trouvé, lâcha-t-elle en souriant d'un air mauvais.
Les pupilles brillant d'une lueur funeste, elle reprit sa démarche résolue et se dirigea droit vers la table du couple. Fiona, ayant du mal à réaliser ce qui était en train de se passer, resta plantée à l'entrée du restaurant, bouche bée.
Son incrédulité se mua en une perplexité horrifiée lorsqu'elle vit son amie, au loin, se saisir du smoothie disposé devant Lucie avant d'en asperger la figure de Léo. Son geste s'avéra si vif, précis et assuré qu'aucun des deux autres n'eut le temps de réagir, et qu'ils restèrent quelques instants à la dévisager, abasourdis.
– Léo ! s'exclama Lucie en amenant les mains à ses lèvres.
Elle s'empressa de courir à son chevet pour l'essuyer à l'aide de ses serviettes, fusillant Rosélia du regard :
– Non mais ça va pas la tête ?
Pourtant, aucun des deux autres ne lui prêta attention, Léo se contentant de fixer son agresseuse d'un air effaré.
– Ro... Ro... Ro...
Cette dernière mit ses poings sur les hanches et le toisa d'un regard méprisant.
– Ro, ro, ro ! l'imita-t-elle. T'es devenu un pigeon ou quoi ?
– Rosélia ? finit-il par réussir à lâcher d'une voix blanche.
– Tu la connais ? s'enquit Lucie.
Mais, avant qu'il n'ait pu répliquer, un serveur s'empressa d'arriver à leur chevet afin d'attraper Rosélia par le bras.
– Mademoiselle, je vais vous demander de sortir d'ici...
– Oui, c'est bon ! se dégagea-t-elle. J'ai aucune envie de m'attarder dans un endroit fréquenté par des pédo, d'toute façon !
Alors qu'elle faisait mine de s'éloigner, elle vit les yeux de Léo glisser derrière elle et atterrir sur Fiona, laquelle avait fini par s'approcher d'eux.
– Merde, lâcha-t-il. Fiona...
Tandis qu'il cherchait à se diriger vers elle, Rosélia se mit en travers de son chemin, ne pouvant s'empêcher de jubiler intérieurement en réalisant qu'elle le dépassait de quelques centimètres.
– Tu peux crever, je te laisserai pas lui parler ! Tu l'as assez fait souffrir comme ça !
Reprenant contenance, Léo fronça les sourcils :
– Tu ferais mieux de te calmer, si tu veux pas que je porte plainte pour violence physique !
Loin d'être impressionnée, Rosélia adopta une mine exagérément chagrinée en se moquant :
– Bouh-ouh, genre tu vas aller chougner auprès des flics parce qu'une adolescente t'as aspergé de smoothie ?
– Mademoiselle..., s'impatienta le serveur en l'attrapant par le bras. Si vous continuez votre esclandre, on sera obligés d'appeler la police !
De son côté, Lucie, qui tâchait toujours d'essuyer les dégâts sur le sweat de son petit-ami, tira sur son vêtement en lançant d'une voix suppliante :
– Léo, laisse tomber, viens te rasseoir...
Cependant, il ne lui accorda aucune attention.
– Tu vois ! jubila-t-il. Tu veux vraiment que ton papa chéri reçoive un appel du commissariat, Rosélia ?
A cet instant, la gravité de la situation sembla enfin atteindre le cerveau de la jeune fille qui lança un regard alentour, réalisant que tous les clients du restaurant avaient désormais les yeux braqués sur eux.
– J'ai plein de témoins qui pourraient appuyer ma plainte, en plus, continua Léo d'un air mauvais.
Merde, songea-t-elle. Si mon père apprend ça, je suis morte !
C'est alors que Fiona, qui s'était suffisamment approchée pour entendre leur échange, intervint :
– T'as pas intérêt à faire ça, Léo ! grinça-t-elle entre ses dents. Sinon, c'est moi qui porterais plainte pour détournement de mineurs. Et moi aussi, j'ai des témoins. Et des preuves !
Joignant le geste à la parole, elle dégaina son smartphone sur lequel elle fit défiler des échanges qu'ils avaient eus par SMS. A cet instant précis, l'expression offusquée et accusatrice des spectateurs bascula de Rosélia à Léo, lequel eut la décence de perdre contenance. Gêné, le serveur brisa le malaise en se raclant la gorge :
– Mesdemoiselles, vous feriez mieux de vous en aller, maintenant...
– Oui, c'est bon, répondit Fiona d'une voix douce. On s'en va. Excusez-nous pour le dérangement.
Et, tandis qu'elles commençaient à s'éloigner, elle se retourna et s'adressa à Lucie :
– A ta place, je ferai très attention, avec ce mec... Il te donne peut-être l'impression d'être spéciale et unique, mais c'est juste un menteur et un manipulateur. Ce date, on a fait exactement le même quand on sortait ensemble. Et Robin Hobb, c'est moi qui lui ai fait découvrir ! Alors, vraiment, si j'étais toi... Je me méfierai. Salut !
Les jeunes filles tâchèrent de rester aussi dignes que la situation le leur permettait en regagnant la sortie. Ce ne fut qu'une fois suffisamment éloignées du restaurant qu'elles se mirent à pouffer nerveusement après avoir échangé un regard.
– Oh mon Dieu... Lia ! s'esclaffa Fiona, obligée de s'adosser contre le mur d'un magasin pour tenir debout tant ses jambes tremblotaient. T'es complètement timbrée, ma parole ! Qu'est-ce qui t'a pris ?
– Désolée ! se marra-t-elle. J'ai pas réfléchi, mon corps a agi tout seul !
– J'ai vu ça, ouais... Je vais te surnommer Lianator, à partir de maintenant !
Rosélia essaya de contenir son envie de rire, en vain.
– Pff, n'importe quoi ! s'esclaffa-t-elle. Enfin, je préfère ça à Gobzilla, à choisir... Mais bon, en vrai j'ai aucun regret ! Reconnais qu'il l'avait mérité, ce connard !
– Ouais... J'avoue ! ria Fiona. Il l'avait mérité !
Son humeur s'assombrit d'un coup lorsqu'elle répéta d'une voix grave :
– Il l'avait... mérité.
Alors, sa vision, envahie soudain par les larmes, se troubla.
– C'était... Vraiment... Un pauvre con ! hoqueta-t-elle.
Se mordant la lèvre inférieure, Rosélia poussa un petit soupir et vint la prendre dans ses bras.
– Il m'a bien niquée sur toute la ligne, ce bâtard ! enragea Fiona, la diction déformée à cause de sa bouche écrasée contre l'épaule de son amie.
– Ouais, confirma Rosélia. Et dans tous les sens du terme...
Son amie se recula à cette déclaration et lui jeta un regard horrifié.
– Lia ! C'est pas drôle !
– Désolée, s'excusa-t-elle avec un sourire gêné.
Malgré son envie d'être atterrée, Fiona ne put résister bien longtemps à son envie de rire.
– Sérieusement ! T'abuses !
– Pourtant, tu te marres ! lui fit-elle remarquer.
– Oui, mais quand même !
Elles échangèrent un nouveau regard complice avant de se mettre à rire aux éclats.
– Bordel de merde ! soupira Fiona une fois calmée, tête levée vers le ciel. Quelle histoire ! J'espère que t'as bien savouré ton smoothie en tous cas, car pas sûre qu'on nous laisse revenir au Paradis du fruit, après ça !
Rosélia haussa les épaules.
– On ira à celui de Confluence ou de Part Dieu, tant pis.
Elles poussèrent un soupir puis Fiona se tourna vers elle :
– Bon... On rentre ?
Une fois assises dans la rame de métro, Rosélia la laissa se morfondre sur son épaule, ses yeux lançant des éclairs pendant qu'elle épiait les réseaux sociaux de Léo et Lucie.
– J'ai toujours détesté ce type, siffla-t-elle entre ses dents en caressant les cheveux de Fiona. T'étais trop bien pour lui, de toute façon.
Elle ponctua sa phrase d'un petit bisou sur son front et Fiona lui adressa un faible sourire.
– T'avais raison, tout à l'heure, dit-elle. Il était pas si beau que ça, au final...
– Ah ! Quand même ! s'exclama Rosélia d'un ton triomphal. Je t'ai dit qu'il avait rien de spécial ! Franchement, entre ses cheveux gras, sa barbe mal taillée, son torse hyper poilu...
– Son bide, compléta Fiona d'un ton laconique.
– Il avait du bide ?
Les yeux exorbités, sa meilleure amie avait prononcé cette phrase en y insufflant autant de dégoût que si Fiona venait de lui apprendre qu'il avait la lèpre.
– Un peu, haussa-t-elle les épaules. Comme un geek qui bouge pas de sa chaise, quoi... Mais moi aussi, j'en ai, j'te signale !
Elle illustra son propos en pinçant sa petite brioche et Rosélia intercepta sa main.
– Dis pas n'importe quoi, toi, t'es parfaite !
Puis, en secouant la tête :
– Ah la la, ma pauvre ! T'étais vraiment aveuglée par tes sentiments, hein ! En plus, c'est bien lui qui t'interdisait de porter des talons quand vous étiez ensemble parce que tu le dépassais et que ça le complexait ?
– Ouais..., confirma-t-elle.
Fronçant les sourcils, elle se redressa en s'insurgeant :
– Quand j'y repense, c'était assez ouf, ça, en vrai !
Rosélia hocha la tête d'un air grave.
– Carrément, oui ! Bah, au moins, avec sa Lucie, il a trouvé son bonheur, vu qu'elle est petite, elle ! Et, puis, franchement, à part les cheveux, elle te ressemble pas tant que ça, je trouve ! Elle est loin d'être aussi belle que toi, crois-moi ! T'as vu son nez de cochon ?
– Hé ! la rabroua Fiona. C'est pas un peu misogyne de s'en prendre à sa nouvelle copine ? Elle y est pour rien, dans l'histoire ! Et elle avait l'air sympa, en plus...
Rosélia leva les yeux au ciel.
– Ouais, bon, okay, marmonna-t-elle à contrecoeur. Espérons qu'elle le largue, en tous cas !
– Ça vaudrait mieux pour elle, en vrai. De ce que j'ai vu sur Insta, elle aussi elle est encore au lycée, en plus...
Elle secoua la tête, dépitée.
– Naïvement, je pensais que notre rencontre, c'était dû au hasard. Que, okay, on avait un écart d'âge, mais que c'était, genre, exceptionnel, parce qu'il était sincèrement amoureux de moi ! Sauf qu'en fait... pas du tout ! Il choisit des meufs plus jeunes exprès ! Juste parce qu'on est inexpérimentées et manipulables !
Elle s'assombrit avant d'ajouter d'un air grave :
– Ce mec est vraiment un pédo, en fait ! Un pédo et un prédateur ! Gabriel avait raison depuis le début !
Rosélia arqua les sourcils, ayant du mal à croire qu'elle venait d'admettre une telle chose à voix haute, néanmoins elle eut la délicatesse de ne pas relever.
– Bah, en tous cas, toi, de ton côté, tu l'as prévenue ! Maintenant, à elle d'agir en conséquences...
Fiona appuya son crâne contre la vitre du métro.
– Pff ! soupira-t-elle. Quand je pense qu'il a l'audace de lui faire lire Robin Hobb, en plus ! Il connaissait même pas avant de me rencontrer ! C'est moi qui lui ai fait découvrir !
Rosélia passa son bras autour du cou de Fiona afin de l'attirer à elle.
– Ah, ma pauvre Nana ! Il te méritait pas, c'est tout ! Toi, tu mérites plutôt un...
– ... un Milamber.
Rosélia s'interrompit pour la dévisager et Fiona lui adressa un sourire narquois.
– Fais pas cette tête, je déconne !
Son interlocutrice leva les yeux au ciel mais s'abstint de commentaire. Elles restèrent ainsi en silence un moment et, alors que Fiona se sentait assaillie par un nouvel afflux de larmes, Rosélia lui proposa un de ses écouteurs bluetooth.
A peine l'eut-elle enfoncé dans son oreille qu'un large sourire se dessina sur ses lèvres en reconnaissant les premières notes de "deja vu" d'Olivia Rodrigo, la chanteuse préférée de sa meilleure amie.
– Ça me semblait plutôt approprié, vu les circonstances, lui glissa-t-elle avec un rictus.
Les paupières closes, Fiona se laissa porter par la musique le temps du trajet retour. Une fois arrivées à destination, pendant que les deux jeunes filles prenaient les escalators pour regagner la surface, elle se tourna abruptement vers Rosélia et déclara d'un air déterminé :
– Bon, c'est décidé, Lia ! Ras-le-cul de me morfondre à cause de cet enfoiré ! Cette fois, c'est sûr : je vais demander à Maël de sortir avec moi !
Hors de question que je laisse Léo gagner la rupture !
🎵 Olivia Rodrigo — deja vu
https://youtu.be/fWgboQNNfB8
"So when you gonna tell her
That we did that, too?
She thinks it's special
But it's all reused"
Hello ! Vous allez bien ? Moi, je suis éclatée, comme d'hab, faut que je reprenne un rythme... Faut dire que c'est difficile de se lever à l'heure à laquelle on se couchait pendant les vacances 😬
Deux chapitres pour le prix d'un cette semaine ! 😁 Non, en vrai, il s'agit du même chapitre mais vu sa longueur (7340 mots), j'ai préféré le couper en deux pour éviter les bugs, et pour faciliter la lecture aussi. Je sais que certain(e)s lisent dans les transports en commun, donc des chapitres trop longs, c'est pas forcément très pratique.
Tiens d'ailleurs, c'est vrai ça, où et quand lisez-vous d'habitude ?
En fait, à l'origine, il n'était pas aussi long, il ne faisait que 5500 mots. Mais j'ai eu des idées de choses à rajouter la semaine dernière et voilà... Notamment, j'ai rajouté quelques paragraphes sur le monologue intérieur de Rosélia afin d'expliciter l'origine de ses insécurités par rapport à Mathilde. Je réalise bien que c'est loin d'être un personnage apprécié, et c'est normal, en soit, mais je voulais faire en sorte qu'à défaut de l'aimer, vous puissiez au moins la comprendre. Donc j'espère que c'est réussi. En fait, la jalousie mise à part, Rosélia est le personnage auquel je m'identifie le plus. J'aimerais être comme Fiona dans la vraie vie, mais en fait, je ressemble plus à Rosélia lol 😅. Fiona est un personnage plus intéressant pour une fiction, mais Rosélia est plus réaliste à mes yeux. Enfin voilà, qu'en pensez-vous ?
J'ai aussi rajouté toute la scène où Rosélia se la joue Terminator. A l'origine, ça n'y était pas. Les deux jeunes filles quittaient le restaurant, Fiona racontait sa mésaventure à Rosélia dans le métro en se morfondant sur son sort, et puis c'est tout. Pas de smoothie dans la tronche ni de confrontation, ni même d'avertissement à destination de Lucie. Mais finalement, je suis contente de cet ajout. Même si ce n'est pas hyper réaliste comme scène et peut-être un peu cliché, j'ai trouvé ça drôle et, au final, nécessaire : ça fait plaisir de voir Rosélia faire quelque chose pour Fiona pour une fois, ça fait aussi plaisir de voir Léo se faire asperger de smoothie (il méritait, quand même), et ça fait plaisir que Fiona puisse prévenir Lucie. Bref, je n'arrive même pas à croire que cette scène n'était pas déjà là de base tellement elle fait sens par rapport au reste du tome ! Comme quoi, ça a du bon de patienter avant de publier, ça me laisse le temps de faire mûrir mes chapitres et de les améliorer. Et vous, avez-vous apprécié cette scène ?
Sinon, qu'avez-vous pensé du dialogue entre Fiona et Rosélia au sujet de ses doutes à propos de la fidélité de Gabriel ? C'est vrai, ça, à qui pouvait-il bien envoyer ces messages, hein ? On se le demande... 🤔
Et de leur échange concernant Milamber ?
Des insécurités de Rosélia vis-à-vis de Mathilde ?
De Léo qui s'est spécialisé en copines mineures et qui les prend pour des clones ?
Rosélia est-elle un peu remontée dans votre estime après ce chapitre ?
Lucie va-t-elle quitter Léo suite à cette esclandre, selon vous ?
Le prochain chapitre verra enfin une interaction entre Gabriel et Fiona IRL (ça faisait un moment, mine de rien) puisqu'il s'agit du moment où Fiona va garder Loki ! Hihihi 😁 Des pronostics ?
En attendant de vous lire, je vous fais des bisous et vous dis à vendredi prochain ! 😘
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