Level 13 : Une petite esclave rien qu'à soi
– T'es en avance, petit pâté.
Ce fut ainsi que Gabriel accueillit Fiona lorsque celle-ci arriva sur le pas de la porte de Maël.
– Pourquoi c'est toi qui m'ouvres ? lança-t-elle d'un ton acide.
– Maël est sous la douche. Et moi, au cas où le tablier n'était pas un indice suffisant pour ton cerveau atrophié, je préparais à manger.
Cet échange des plus cordial fut interrompu par l'arrivée d'un chiot qui restait planqué derrière les mollets du jeune homme. L'air renfrogné de Fiona se dissipa aussitôt en l'apercevant :
– Oh, tu l'as amené ! s'exclama-t-elle, aux anges.
Elle s'accroupit et tendit la main afin de caresser l'animal, cependant, intimidé, il baissa les oreilles et cacha sa tête entre les jambes de son maître.
– C'est un timide ?
– Ouais, puis il comprend pas trop ce qu'il fout là, aussi, le pauvre. Mais t'inquiète, ça va pas durer, d'ici quelques minutes il t'aura adoptée. Il est pas exigeant, lui, il aime tout le monde !
Contrairement à toi, eut-elle envie de rétorquer, avant de se souvenir de la promesse faîte à Rosélia qui la poussa à ravaler son commentaire acerbe.
Gabriel la laissa entrer. Ils se trouvaient actuellement au sein d'une immense pièce dont le sol en marbre gris était assorti aux meubles ainsi qu'à la décoration moderne et épurée, le tout étant rehaussé par la teinte plus claire de la tapisserie et des grandes baies vitrées laissant entr'apercevoir le jardin.
Le coin "salon", situé sur leur droite, comportait un canapé en cuir donnant sur un écran de télévision estampillé "OLED", bordé de deux fauteuils une place et agrémenté, en son centre, d'une table basse blanche qui reposait sur un épais tapis noir.
Au milieu de la pièce, en face d'eux, se trouvait un escalier menant au premier étage. Quant à la cuisine ouverte, sur leur gauche, elle était séparée du reste de la salle par un îlot central rehaussé d'un bar, à côté duquel se trouvait une table carrée de quatre personnes.
C'est là-bas que, sans lui accorder un regard, Gabriel se dirigea. Fiona, qui n'était jamais venue ici, se sentit obligée de le suivre, intimidée par cette grande demeure.
– C'est classe, chez Maël, commenta-t-elle. Je savais pas qu'il était riche.
Il lui adressa une oeillade par-dessus son épaule :
– Et alors, ça t'intéresse ces trucs-là ? Je te pensais pas du genre vénale !
Fiona profita qu'il ait le dos tourné pour lui tirer la langue, même si elle s'abstint de répliquer. L'ilôt était recouvert d'aliments et de divers instruments de cuisine, désordre qui faisait tâche comparé à l'impeccabilité du reste des lieux. Gabriel s'y attela et entreprit de découper des tomates tandis que la jeune fille, ne sachant quoi faire de ses dix doigts, vint s'installer sur les tabourets de bar face à lui. Là, elle sortit aussitôt son smartphone histoire de pouvoir s'occuper sans avoir à lui parler.
Quelle malpolie, celle-là, franchement !
Malgré tout, Gabriel profita de sa distraction pour jeter de discrets coups d'oeil dans sa direction comme si, en la scrutant ainsi, il espérait être pris d'une soudaine révélation lui confirmant s'il s'agissait ou non d'Azriel. Oh, il avait bien tenté de cuisiner la druidesse ces derniers soirs, sauf qu'elle était restée évasive dès qu'une question portait sur sa vie privée :
– Je me ferai pas avoir, je te dis ! lui avait-elle dit. Ou alors c'est donnant-donnant : si tu veux une info de ma part, il faudra que tu m'en donnes une à ton tour.
En temps normal, il aurait peut-être joué le jeu, car il trouvait le principe plutôt amusant. Mais ici, la situation était différente : il ne pouvait risquer de révéler son identité à une personne qu'il soupçonnait d'être Fiona.
Il avait d'ailleurs longuement réfléchi à la situation, se demandant ce qu'il devrait faire si ses doutes se confirmaient, sans parvenir à trouver de solution. Azriel était bien intégrée au sein de la guilde désormais et, Fiona ou pas Fiona, il s'était mis à l'apprécier. Seulement, il ne faisait aucun doute que la réciproque ne serait jamais vraie et que si elle apprenait qui il était, Fiona quitterait probablement les Glitch plutôt que de continuer à le côtoyer, même virtuellement.
Je suis sûr qu'elle préférerait encore retourner jouer avec son ex plutôt que de continuer à jouer avec moi, grimaça-t-il intérieurement. Et en vrai, je peux pas trop la blâmer...
Il jeta un nouveau coup d'oeil à la jeune fille, toutefois son champ de vision ne lui permettait pas de voir ce qu'elle trafiquait sur son téléphone.
Si ça se trouve, elle est sur Discord en ce moment-même !
Curieux malgré lui, il s'essuya les mains sur son tablier avant de sortir son propre smartphone mais, sans trop comprendre pourquoi, sentit une petite pointe de déception en voyant qu'il n'avait reçu aucune notification d'Azriel.
C'est débile. Pourquoi je suis déçu, au juste ?
Il rangea son portable avec un petit soupir de découragement et, histoire de combler le silence pesant qui les encerclait, ordonna à l'enceinte connectée se trouvant sur le meuble télé :
– Okay Google, mets Nightcall de Kavinsky.
– C'est lancé sur Spotify ! lui répondit la voix féminine.
Les premières notes s'élevèrent aussitôt, les hurlements du loup poussant Loki, allongé aux pieds de son maître, à agiter ses oreilles malgré lui. Cela sembla enfin extraire Fiona de son scrollage intensif puisqu'elle haussa un sourcil pour le regarder.
– Hum, t'aurais pas pu choisir un son encore plus déprimant ? lança-t-elle d'un ton sarcastique. Qu'est-ce qu'il y a, t'as des accès de mélancolie ? Tu te sens triste ? La vie n'a plus de saveur ?
Elle ajouta d'un air faussement concerné, amenant sa main à sa poitrine :
– C'est ton syndrome prémenstruel, c'est ça ?
Gabriel lui lança un regard si sérieux qu'elle se mordit la lèvre. Elle avait dit ça dans le but de l'embêter, mais il afficha un air si affecté qu'elle en vint à se demander, pendant un instant, si elle n'avait pas visé un peu trop juste.
Il a peut-être appris une mauvaise nouvelle, récemment. Oh non, ce que je peux être mesquine quand je m'y mets !
Le jeune homme ne se départit pas de son expression tandis qu'il répondait d'une voix lasse :
– T'as raison, je suis déprimé en ce moment.
Un accès de culpabilité l'envahit à ces paroles et, alors qu'elle s'apprêtait à le réconforter, il reprit :
– J'ai gagné un pari contre une meuf qui respecte pas sa part du marché. Et ça, ça me rend très, très triste...
Il illustra son propos en portant la main sur son coeur, avant de lui adresser un sourire narquois. Le poids à l'intérieur de la poitrine de Fiona s'allégea aussitôt à cette vision.
– T'as marché, hein ? la nargua-t-il. Pff, t'es trop crédule, des fois !
Elle frappa le bar du plat de sa main en pestant :
– Espèce d'abruti ! J'ai vraiment cru qu'il t'était arrivé un truc et que j'avais été méchante !
– Oh, et tu t'inquiétais pour moi ? ironisa-t-il. Je m'en sentirais presque ému.
En même temps qu'il disait ça, il fit mine d'essuyer une larme imaginaire au coin de son oeil.
Ce qu'il peut être insupportable ! songea-t-elle en levant les yeux au ciel.
Ignorant son expression furieuse, il reprit en secouant la tête :
– Tu es bien des choses, Fiona, mais méchante n'est certainement pas l'une d'entre elles.
Venant de n'importe qui d'autre, ces paroles auraient sonné tel un compliment. Cependant, sorties de la bouche de Gabriel, il s'agissait indubitablement d'un reproche.
– Cela étant dit, je suis sérieux, poursuivit-il après un blanc. Tu ferais mieux de prendre exemple sur Google Home, elle au moins elle respecte son rôle d'esclave à la botte des humains.
– Les trois jours sont passés, là, décréta-t-elle en faisant mine de retourner sur son téléphone. Je te dois plus rien.
Il haussa les sourcils.
– Qui a décrété qu'ils avaient ne serait-ce que débuté ? C'est moi qui dicte les règles, ici ! J'ai jamais dit que ça devait se passer à la suite, déjà. Tu me dois juste trois jours de mon choix, n'importe lesquels, où tu obéiras à mes ordres et m'appelleras "maître". Or, j'ai décidé d'utiliser le premier ce soir...
Après avoir marqué une courte pause, il s'exclama :
– Mais alors... C'est pour ça que t'as pas arrêté de m'esquiver ces jours-ci et que tu m'as bloqué sur Snap ! T'essayais de contourner les règles du jeu, c'est ça ?
Fiona s'empourpra malgré elle et reposa son téléphone. Gabriel avait vu juste. Elle avait passé ces dernières soixante-douze heures à éviter de le croiser, quitte à se démener à base de demi-tours intempestifs dans les couloirs et autres détours inimaginables en voulant se déplacer de salle en salle.
La mine coupable qu'elle affichait suffit à confirmer les soupçons du jeune homme qui braqua son couteau de cuisine sur elle :
– Bien essayé, petit pâté, mais ça marche pas comme ça !
Loki émit un couinement à l'entente du mot "pâté" puis le fixa avec des yeux de merlan frit.
– Merde, faut que j'arrête d'utiliser ce mot ! Je vais lui donner des idées, à force..., se reprit-il en se grattant le cou. Bon, voilà ton premier ordre...
Il attrapa un oignon dans la corbeille située à côté de lui puis le lui envoya ; Fiona le rattrapa de justesse.
– Joli réflexe.
Elle fixa le bulbe comme si c'était la première fois qu'elle en voyait un d'aussi près.
– Qu'est-ce que tu veux que j'en fasse, de ton truc ?
– Que tu te le mettes dans le cul ! se moqua Gabriel. A ton avis, qu'est-ce que tu veux faire avec, crétine ?
Tout en disant ça, il sortit une deuxième planche à découper des tiroirs qu'il plaça à côté de la sienne.
– Viens là, fit-il en tapotant l'espace vide à sa droite. Tu vas l'éplucher et le couper en dés. Tu portes des lentilles, non ? Tu seras moins sensible que moi. Ça évitera que je nique mes magnifiques yeux. Allez, dépêche-toi !
– Mais... Je vais me tâcher ! protesta-t-elle. J'ai mis un pull blanc !
Son interlocuteur soupira avant d'ôter son tablier et de le lui lancer à la figure.
– Mets ça. Et maintenant au boulot, esclave !
Levant les yeux au ciel, elle fit le tour de l'îlot pour venir à côté de lui après avoir enfilé le vêtement, non sans plisser le nez en humant l'odeur du parfum de Gabriel dont il était imprégné.
Il est tombé dedans quand il était petit ou quoi ?
– Très bien, marmonna-t-elle à contrecoeur en attachant ses cheveux afin de ne pas être gênée.
– Très bien qui ?
Elle lui décocha un regard glacé.
– Qu'on mette les choses au clair : j'accepte d'obéir à tes ordres, à condition qu'ils soient raisonnables évidemment, mais compte pas sur moi pour t'appeler "maître". C'est là ma limite.
L'intéressé comprit au ton employé qu'il valait mieux ne pas insister.
Hmm, dommage, songea-t-il, déçu. C'était la partie la plus intéressante du pari.
Fiona éplucha l'oignon puis entreprit de l'émincer, non sans mal, car la cuisine et elle, ça faisait deux. A côté, Gabriel, lui, découpait les légumes avec une dextérité qui la rendit verte de jalousie.
Ce type est vraiment doué dans tout ce qu'il entreprend. Même faire à bouffer !
En comparaison, elle progressait avec une lenteur digne d'un escargot. Chaque action lui prenait un temps considérable en ce qu'elle s'appliquait afin de ne pas se trouver amputée d'une phalange.
Le jeune homme ouvrit des yeux ronds en voyant la grimace concentrée qu'elle affichait : ses sourcils si froncés que sa peau s'en trouvait bardée de rides, son nez plissé, sa lèvre supérieure retroussée... Mais ce qui eut raison de lui fut le bout de langue qui dépassait du coin de sa bouche.
Cette tête ! pensa-t-il en mordant son poing pour ne pas qu'elle l'entende pouffer. On dirait une tortue !
Il prit une grande inspiration, tâchant de retrouver son calme avant de lancer d'un ton empreint de reproches :
– Dis donc, tu galères on dirait. Tu cuisines jamais chez toi ?
– Non, rétorqua-t-elle sèchement. Je devrais ? Parce que je suis une fille, c'est ça ?
Il la fixa comme si elle était demeurée.
– Je sais préparer à manger et aux dernières nouvelles ça n'a pas fait tomber mon pénis. C'est débile ce que tu racontes ! Juste, vu que t'as l'air d'aimer la nourriture, je pensais que tu saurais, c'est tout !
– Chez moi, c'est ma mère qui s'y colle, ou alors mon grand frère, haussa-t-elle les épaules. Et du côté de mon père, c'est son fiancé. Je t'avoue que ça m'intéresse pas vraiment. On fait quoi, d'ailleurs, là ?
– Juste une pizza, rien de bien sorcier. Mais une valeur sûre.
– Pourquoi ne pas en acheter une surgelée ?
Son interlocuteur lui décocha un tel regard que, l'espace d'un instant, elle eut l'impression d'avoir blasphémé.
– Je te prierais de ne pas insulter mes origines italiennes avec tes propos offensants ! décréta-t-il d'un ton sec. Les pizzas surgelées, c'est dégueulasse ! Les miennes sont bien meilleures, tu verras !
Pff, toujours aussi modeste.
– Genre, t'as des origines italiennes, toi ? Tu m'excuseras, mais Martin, ça sonne pas hyper italien !
– Parce que c'était Martinelli, à la base, expliqua-t-il. Mon grand-père a préféré le franciser quand il a immigré. Pour s'intégrer.
– Oh, d'accord, je vois...
Dommage, Martinelli, c'était plus classe, quand même.
Le silence retomba sur eux pendant quelques minutes, jusqu'à ce qu'elle finisse par s'éclaircir la gorge :
– Du coup, c'est toi qui cuisines, chez toi ? s'enquit-elle.
– J'y suis obligé si je veux pas manger de la merde à longueur de journée. A cause de son taf, ma mère a pas le temps. Quand j'étais petit, c'était repas surgelés, boîtes de conserve et junk food à gogo.
Alors, Fiona réalisa qu'en dépit du nombre d'années qu'ils se connaissaient, elle ne savait pas grand-chose de la vie de Gabriel en dehors du lycée, si ce n'est qu'il jouait au rugby. Elle ignorait même quel était le travail de ses parents. La seule chose qu'elle savait, c'est qu'il avait traversé une période difficile en troisième à cause des problèmes de santé de son grand-père.
– Elle fait quoi, ta mère ?
– Elle est infirmière.
– Et ton père ? Il vous prépare pas à manger ? Il lambine sur le canapé comme tous les mecs, c'est ça ?
Il lui jeta un regard en coin avant de répondre :
– Il vit pas avec nous.
Son ton évasif lui suffit à comprendre qu'il valait mieux éviter de s'aventurer davantage sur ce sujet. Un blanc de plusieurs secondes s'écoula entre eux, durant lequel seul le bruit de leurs couteaux respectifs résonna, jusqu'à ce qu'elle y mette fin en osant poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis tout à l'heure :
– Et... ton grand-père, d'ailleurs ? Il va mieux ?
– Je préfèrerais éviter le sujet, si tu veux bien.
La réponse, sèche et concise, ne s'était pas faite attendre. L'espace d'un instant, Fiona se sentit vexée d'être ainsi rabrouée. Et puis, après réflexion, elle réalisa que l'attitude de Gabriel s'avérait peut-être significative d'une mauvaise nouvelle.
Après tout, son grand-père était déjà âgé, à l'époque du collège... Oh non ! songea-t-elle en amenant la main à sa bouche. Si ça se trouve il est mort et moi j'ai mis les pieds dans le plat ! Normal qu'il réagisse de cette manière, du coup !
Elle délibéra intérieurement, se demandant si elle ferait mieux de laisser courir ou de s'excuser. La sagesse lui glissait de s'en tenir aux propos du jeune homme et de ne pas revenir sur le sujet. Mais son sentiment de culpabilité prit le dessus et elle finit par lâcher :
– Il va bien, quand même ? Il est pas... ?
Gabriel cessa ce qu'il était en train de faire pour la dévisager. Réalisant ce qu'elle impliquait, il secoua la tête avec un sourire qui se voulait rassurant :
– Non, non, t'inquiète, il est toujours en vie ! balaya-t-il d'un revers de main. Seulement... Il est pas au top de sa forme, quoi.
Il marqua une pause, hésitant à en dire davantage puis, estimant qu'il lui devait bien ça, il reprit :
– Ses crises de démence et ses pertes de mémoire ont sérieusement augmenté, ces dernières années. On a dû le mettre en EHPAD. Et, en vrai, il est de moins en moins lucide...
Fiona se rembrunit à cette révélation.
– Oh. Je vois. Je suis désolée.
Il haussa les épaules et reprit son découpage de légumes. Il se racla la gorge avant de s'enquérir d'une voix plus douce qu'à son habitude :
– Et toi... Ça s'est arrangé, tes problèmes familiaux ? Ton père est fiancé, du coup, maintenant, de ce que j'ai compris ?
Cette question déclencha un frisson le long de sa colonne vertébrale.
Il est sérieux, là ? Il ose vraiment me demander ça après ce qu'il a fait ?
Furieuse, elle tourna vivement la tête vers lui et rétorqua d'un ton acerbe :
– Ça t'intéresse vraiment ou tu cherches juste à satisfaire ta curiosité malsaine de tordu ?
A ces mots, il cessa ce qu'il était en train de faire et la fixa à son tour. Fiona s'attendait à lire toutes sortes d'émotions sur son visage : de la moquerie, de la colère, de l'indifférence, même... Oui, elle s'attendait à tout sauf à la mine embarrassée qu'il afficha. Un embarras sincère qui fut bientôt contagieux. Mal à l'aise, elle se racla la gorge puis voulut se rattraper en bredouillant :
– Hum, c'est sorti tout seul, dés-
Il l'interrompit en apposant son index et son majeur sur ses lèvres.
– T'excuse pas, souffla-t-il. Surtout, t'excuse pas. T'as raison de m'envoyer chier. Je l'ai mérité.
Il lui adressa un faible sourire et retourna à ses tomates comme si de rien n'était. Elle amena sa main à sa bouche, là où les doigts de Gabriel se trouvaient quelques instants plus tôt, ayant la désagréable impression qu'ils y avaient laissé une empreinte indélébile.
Il me fait quoi, là ?
Elle le scruta sans comprendre, perplexe face à sa réaction ainsi que son air satisfait.
Limite, on dirait qu'il est content que je l'ai rembarré, s'étonna-t-elle en pensées.
– Pourquoi tu m'as demandé ça ? insista-t-elle.
Le jeune homme poussa un long soupir.
– Crois-le ou non, mais mon inquiétude était sincère. T'as toujours l'air joviale et insouciante, alors au début je me disais que ta situation familiale avait dû s'améliorer. Seulement, je sais pas trop si cette joie de vivre est réelle ou si c'est juste un masque que tu portes quand t'es au bahut.
Il tourna la tête vers elle et ajouta en plissant les yeux :
– Comme celui de "princesse de Saint Jude", par exemple... Tu joues les reines de lycée sûre de toi, mais au fond t'es autant vulnérable qu'avant. Tu prends tes airs de peste quand tu déambules dans les couloirs, pourtant t'es aussi inoffensive qu'un caniche.
Fiona sentit ses joues rosir malgré elle face à son regard acéré. Fidèle à ses habitudes, il lisait en elle comme dans un livre ouvert. Elle aurait dû se douter que s'il existait au moins une personne capable de la percer à jour parmi ses camarades, c'était Gabriel. Sous ses allures de connard insensible, il était doté d'une perspicacité et d'une empathie qui lui permettait de comprendre les autres parfois mieux qu'eux-mêmes. Hélas, de ce qu'elle se souvenait, il usait en principe de ce talent afin de nuire plutôt que de faire le bien.
Il soupira face à son silence obstiné.
– T'es pas obligée de répondre si tu veux pas, haussa-t-il les épaules. Je comprendrais, vu ce que j'ai fait à l'époque...
Elle avait envie de garder ses lèvres scellées. Pourtant, ces traîtresses se mirent à remuer de leur propre fait :
– Ça s'est arrangé, marmonna-t-elle à contrecoeur. Mes parents ont divorcé, ma mère a pardonné à mon père, ils ont une garde alternée qui fait que mon frère et moi devons changer de maison chaque semaine... Et oui, il est fiancé au mec avec lequel il a trompé ma mère.
Elle avait lancé ça d'une traite, en oubliant presque de respirer. Comme à son habitude, il l'avait laissée parler sans l'interrompre. En général, la plupart des gens posaient des questions sur votre vie par politesse, sans se soucier réellement de la réponse.
Ce n'était pas le cas de Gabriel, lequel vous écoutait d'un intérêt sincère. Lorsque vous discutiez avec lui, il vous accordait une attention pleine et entière. Une qualité qui poussait en général les gens à se confier à lui et, qu'encore une fois, il usait par le passé à des fins malintentionnées.
C'était ce qui avait causé la perte de Fiona trois ans auparavant. Et voilà qu'elle tombait à nouveau dans le piège ! Elle eut envie de se baffer, sur le moment. Et de le baffer lui aussi, par la même occasion.
C'est ce qui me rend folle, chez lui. Il peut être sympa quand il veut, sauf qu'à la fin il préfère jouer les connards. Et de mon côté, je sais jamais si j'ai à faire au Dr Jekyll ou à Mr Hyde.
Elle tenta de se rassurer en se disant qu'elle n'avait rien révélé de très compromettant que Rosélia n'aurait pu lui apprendre.
– Je vois, dit-il quand elle eut terminé. Je suis content que ça aille mieux pour toi.
Fiona eut une moue dubitative mais s'abstint de commentaire. N'ayant pas vu sa réaction, il poursuivit :
– Je trouve ça cool que ta mère lui ait pardonné. Je suppose que c'était une situation difficile à vivre pour tout le monde... Surtout pour toi. Ça t'avait pas mal affectée, à l'époque...
Et moi, j'ai juste empiré les choses.
A peine eut-il formulé cette pensée qu'une image lui revint en mémoire, celle de Fiona et de sa mine attristée qui l'avait hantée des mois durant. Il la chassa aussitôt. Prenant une grande inspiration histoire de se conférer du courage, il posa son couteau et se tourna vers elle.
– D'ailleurs..., commença-t-il d'un ton sérieux. Je voulais m'e-
Soudain, la jeune fille poussa un cri de frayeur, le coupant dans son élan. Elle avait en effet senti une chose velue se frotter à ses mollets, cependant sa peur s'évapora en apercevant Loki qui, dressé sur ses pattes arrière, tentait de lui escalader les jambes.
– Oh ! s'exclama-t-elle, aux anges. Ça y est, t'es plus intimidé ?
Tournant le dos à Gabriel, elle s'accroupit pour caresser le chiot, qui le lui rendit bien en couvrant son visage de léchouilles. Sur le moment, il se sentit un peu vexé qu'elle se détourne de lui aussi facilement alors qu'il s'apprêtait à aborder un sujet important. Mais ce sentiment se dissipa en voyant la queue de Loki battre dans tous les sens, trop heureux de s'être fait une nouvelle amie.
Bah, mes excuses attendront, je suppose, songea-t-il en tripotant sa chaîne en argent. J'ai juste trois ans de retard, de toute façon, je suis plus à ça près...
– La curiosité a fini par l'emporter sur le reste, dit-il finalement. Et puis, je crois qu'il a faim, c'est l'heure de son repas, d'habitude.
Il adopta un ton impérieux avant de poursuivre :
– Esclave, voici ton deuxième ordre : donne à manger à mon chien !
– T'as pas besoin de me donner d'ordre, je l'aurais fait de mon plein gré, tu sais ! J'adore les animaux !
Ça me surprend pas vraiment, hein, pensa-t-il avec un sourire en coin. T'es tellement prévisible, petit pâté.
– Elles sont où, ses croquettes ? s'enquit-elle en se redressant.
– Dans mon sac, au pied des escaliers.
Fiona s'adressa au chiot avec un timbre de voix plus aiguë qu'à l'accoutumée :
– T'as faim, mon Loulou ? On va te donner à manger ?
Gabriel leva les yeux au ciel en entendant ça.
"Loulou"... Quel surnom ridicule pour un staff. Et puis pourquoi elle lui parle comme s'il était débile ?
Cela n'eut cependant pas l'air de perturber l'animal : à peine eut-elle prononcé ces mots magiques qu'il se mit à faire des bonds dignes d'un kangourou.
– Je crois que ça veut dire oui ! rigola-t-elle.
Suivant les instructions de Gabriel, elle se dirigea vers les escaliers. Sauf que, ne pouvant détacher les yeux de Loki qui la suivait avec enthousiasme, elle ne regarda pas où elle allait et percuta de plein fouet quelque chose de trop chaud et qui sentait bien trop le déodorant pour n'être qu'un simple mur.
Elle osa à peine rouvrir les paupières tant elle craignait que ses peurs ne se concrétisent. Son coeur se mit à cogner fort lorsqu'elle tomba nez à nez avec un torse d'homme à la peau noire. Finalement, son ouïe vint s'ajouter au reste de ses sens et lui confirmer ce qu'elle redoutait quand elle reconnut la voix de Maël :
– Wow, Fiona ! T'es déjà là ?
🎵 Kavinsky — Nightcall
https://youtu.be/MV_3Dpw-BRY
Hello ! Vous allez bien ? Deux semaines d'affilée à être ponctuelle, vous y croyez, vous ? 😎
De mon côté ça va, la fin du mois de Novembre approche et j'ai déjà réalisé 63% de mon NaNo. Bon, j'ai encore 5k mots de déficit, mais j'ai écrit plus de 30k mots au total, donc j'ai déjà de quoi être fière, je pense. Le tome 2 avance bien et ressemble de moins en moins à gruyère. J'ai eu une petite période de mou quand j'ai découvert Dall-e et que je me suis amusée à créer des images pour mes romans, ceux.lles qui me suivent sur Insta ont pu en être témoins, mais depuis j'ai bien repris, quand même. Et puis, cela nous aura apporté une nouvelle cover, donc ce n'était pas complètement du temps perdu ! 😁
Bref, est-ce que ce chapitre vous a plu ? C'est le début de la soirée chez Maël, qui s'étend sur 4 chapitres au total, jusqu'à la fin de ce deuxième arc narratif ! Des pronostics sur ce qui va s'y passer ?
Comme vous le voyez, les doutes de Gabriel concernant l'identité d'Azriel se font de plus en plus aigus. Va-t-il finir par obtenir une confirmation, d'après vous ? 😏
Qu'avez-vous pensé de ce petit tête à tête entre Fiona et Gabriel, sur fond de Kavinsky ? Comme d'habitude, j'aime toujours autant leurs échanges. J'aime bien quand ils se chamaillent, mais j'aime aussi quand ils se confient l'un à l'autre, sur leur vie, comme ça.
Des petites allusions ont été faîtes à l'événement s'étant déroulé en 3e, quand Gabriel a fait quelque chose qui a énormément blessé Fiona. Il a d'ailleurs failli s'excuser, avant d'être interrompu par Loki. Des théories à ce sujet ?
Fiona pensait échapper aux conséquences de son pari perdu, mais Gabriel en a décidé autrement. A votre avis, quel genre d'ordre va-t-il en profiter pour lui donner ? 🤭
Le chapitre se termine sur l'arrivée d'un torse d'homme nu... 😳 Euh, je veux dire, de Maël. Selon vous, Fiona et lui vont-ils se rapprocher pendant cette soirée ?
En attendant de vous lire, je vous fais des bisous et vous dis à vendredi prochain pour la suite ! 😘
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