Level 02 : Pâté un jour, pâté toujours

Adossé contre la grille du lycée Saint Jude, Maël vérifia l'heure pour la quinzième fois consécutive.

Dix minutes. Plus que dix minutes.

Quand, approximativement vingt secondes après, le jeune homme jeta un énième coup d'œil à sa montre, Gabriel ne put s'empêcher de pousser un long soupir d'exaspération.

– T'es au courant que c'est pas parce que tu check toutes les cinq secondes que ça va passer plus vite, hein ? lança-t-il d'un ton sarcastique.

Puis, reprenant avec davantage de diplomatie :

– C'est bon, mec, relax. T'es encore plus tendu que le string de mon ex.

– Facile à dire pour toi. Tu t'es pas pris quinze mille râteaux de la part de Fiona Faure !

– Non, c'est sûr. Et ça risque pas d'arriver...

... vu le pâté que c'était au collège.

Voilà ce que Gabriel aurait voulu ajouter, mais il garda cette pensée pour lui. Il avait promis à Rosélia de faire des efforts afin d'améliorer sa relation avec sa meilleure amie, or cela commençait par arrêter de jouer les langues de pute dans son dos.

N'empêche qu'il aurait bien aimé raconter à Maël une anecdote ou deux sur la soi-disant "princesse de Saint Jude". Quand il y repensait, il trouvait ce surnom assez ironique, même si ses camarades ne pouvaient se douter à quel point il lui seyait. Car tout comme son homonyme dans Shrek, Fiona n'était princesse qu'en surface ; sa personnalité, elle, dissimulait une véritable ogresse.

C'était certain : si son pote avait eu connaissance de l'ancienne version binoclarde, bourrée d'acnée, avec sa coupe au bol, ses kilos superflus et, surtout, ses manières de beauf sans la moindre once de décence ou de savoir-vivre, celui-ci se serait désintéressé vite fait de cette conne qui le faisait tourner en bourrique depuis des mois.

Tout en pensant à cela, il jeta un coup d'oeil au concerné : des boucles brunes, la peau noire faisant ressortir ses yeux gris clairs, un nez légèrement empâté et des lèvres charnues, Maël avait une gueule suffisamment correcte pour obtenir n'importe quelle pète-cul de Saint Jude. Mais, allez savoir pourquoi, il s'entêtait à courir après l'autre pâté.

– Regarde comme elle est trop belle ! Et regarde tous les likes qu'elle a eus !

Gabriel, dont les yeux étaient rivés sur son propre smartphone, fit mine de ne rien avoir entendu. Cela dit, Maël, loin de se dégonfler, insista jusqu'à lui fourrer son téléphone sous le nez histoire de l'obliger à regarder le dernier TikTok en date de Fiona.

Un jour, faudra qu'on parle de la notion de consentement, toi et moi, songea-t-il en soupirant face à ce qu'il considérait comme une agression visuelle.

Et pour cause : voir l'autre fausse blonde se trémousser en faisant du lipsync sur une musique à la mode, selon l'une de ces nombreuses trends débiles dont il avait perdu le fil depuis longtemps, était loin d'être le genre de spectacle auquel il désirait être confronté de bon matin.

– Techniquement, il est presque midi, Gab, lui fit remarquer Maël lorsqu'il énonça sa pensée à voix haute.

Ouais, bah quand on a dormi que quatre heures, midi c'est encore tôt, rétorqua-t-il intérieurement. De toute manière, son pote n'attendit pas de réponse et recentra le sujet sur sa Fiona adorée :

– N'empêche que tu peux pas nier qu'elle est jolie, non ?

Il avait changé sa stratégie : décidant sans doute que TikTok était peut-être trop violent, il choisit à la place de lui montrer son compte Instagram. Gabriel, contraint de regarder les photos, préféra s'abstenir de commentaire.

Les cheveux blonds – qu'il savait décolorés – ondulant jusqu'au milieu du dos, des yeux marrons mis en valeur par un habile trait d'eye-liner, une bouche pulpeuse qui réussissait presque à faire oublier son nez légèrement tordu ainsi que la petite bosse qui y résidait, une poitrine relativement généreuse distrayant le chaland de son ventre pas tout-à-fait plat et de ses bras encore bien arrondis, sans oublier ce qu'il considérait comme son véritable atout, lequel en faisait presque oublier ses cuisses quelque peu remplumées : à savoir des fesses bien fermes et rebondies comme il faut.

Même s'il devait reconnaître qu'elle avait connu un certain glow up depuis le collège, il n'était pas dupe.

Chassez le naturel, il revient au galop.

Gabriel savait pertinemment ce qu'elle cachait sous ses dix mille couches de maquillage et ses airs de jeune fille propre sur elle... Or, le résultat n'était pas très beau à voir. Oui, décidément, son pote méritait mieux qu'une Fiona Faure.

– Plus que six minutes, annonça ce dernier.

Gabriel leva les yeux au ciel puis, après avoir expiré la fumée de sa cigarette, tenta de le raisonner :

– Sérieux, mec. Arrête de stresser autant pour une meuf. Tu veux une clope ? Ça te détendra !

– Non, merci. Et tu devrais éviter, toi aussi. Si le coach l'apprend, t'es mort.

Gabriel haussa les épaules.

Le coach veut pas qu'on fume mais il nous laisse nous bourrer la gueule après chaque match, alors, niveau valeurs éducatives, on repassera.

Il écrasa quand même sa cigarette dans son cendrier de poche. Non pas par peur de ce que pourrait lui dire son entraîneur, mais parce qu'il savait que Rosélia détestait l'embrasser après qu'il ait fumé. C'est pourquoi il s'enfila quatre ou cinq tic-tac d'affilée, espérant qu'ils suffiraient à chasser le goût du tabac.

– Hé les mioches, qu'est-ce que vous foutez là ?

Celui qui venait de les interpeller, c'était Nicolas, un surveillant venu lui aussi se griller une clope avant la fin de sa pause. Il aimait bien les appeler les mioches, les gosses ou les gamins, alors que lui-même avait à peine deux ou trois ans de plus qu'eux.

– Ça se voit pas ? On attend que ça sonne.

– Alors toi, t'es fort, Gabriel ! T'es au courant que d'habitude c'est l'inverse qui se passe ? On attend à l'intérieur pour pouvoir sortir du lycée. Mais toi, non. T'es au-dessus de ça ! Tu préfères sécher toute la matinée puis te pointer comme une fleur à midi devant la grille !

Tandis qu'il disait ça, il tenta d'allumer sa cigarette, cependant son briquet semblait avoir rendu l'âme.

– Que veux-tu ? Je suis un grand romantique, soupira Gabriel en lui tendant machinalement le sien.

En vérité, il aurait donné n'importe quoi pour pouvoir rester dans son lit histoire de finir sa nuit, néanmoins, au vu des nombreux messages mécontents que Rosélia lui avait envoyés suite à son absence de ce matin, il avait jugé préférable d'arrondir les angles en lui proposant de se faire un restaurant rien que tous les deux.

Il était conscient que sa petite-amie se sentait quelque peu délaissée ces derniers temps, aussi avait-il décidé de se montrer attentionné histoire de se faire pardonner.

– Justement, enchérit le surveillant après avoir tiré sur sa clope, c'était pas toi qui disais que tu sortirais jamais avec les filles de Saint Jude car elles étaient trop prudes et prétentieuses ? Elle a quoi de plus, la Rosélia, tu m'expliques ?

– Elle est jolie et pas trop chiante.

Et elle suce bien.

Point qu'il se garda de partager avec ses interlocuteurs.

– Et toi, Maël ? Tu te mets à sécher aussi ? Tu sombres du côté obscur ?

– Quoi ? N'importe quoi ! J'ai fini à onze heures.

– T'as fini depuis une heure et t'es encore là ? Tu kiffes tant que ça le lycée ?

Ce dernier enfonça les mains dans la poche de son sweat, mal à l'aise.

– Bah, non... Je suis un grand romantique aussi, c'est tout, marmonna-t-il d'une petite voix.

– Ah, ouais. Tu cours toujours après Fiona, c'est ça ? C'est pas la meuf qui sort qu'avec des gars plus âgés ?

– Si, si, c'est bien elle ! confirma Gabriel. Son copain actuel est même plus vieux que toi, j'crois !

C'était sa spécialité. Le jeune homme, quant à lui, jugeait ça particulièrement ridicule et risqué, ne voyant pas vraiment ce que des mecs de plus de vingt-cinq ans pouvaient trouver d'intéressant chez une lycéenne, si ce n'était de pouvoir abuser de sa naïveté et de son inexpérience. Mais chaque fois qu'il avait essayé d'en parler à Fiona, celle-ci s'était complètement braquée et l'avait envoyé se faire voir, lui disant avec toute la classe dont elle était capable de (ouvrez les guillemets) se foutre son avis au cul (fermez les guillemets).

Je parie qu'il lui a sorti des conneries du style "t'es super mûre pour ton âge" et elle, elle y a cru. Alors qu'en vrai, il veut juste son boule. Cette meuf est vraiment débile, franchement...

– C'est ce qui me semblait ! pouffa Nicolas. Il étudie pas à l'INSA ou un truc du genre ? Et ses parents, ils disent rien ? Ils sont okay avec ça ?

Gabriel haussa les épaules en guise de réponse.

– Qu'est-ce que j'en sais, moi ? J'suis pas si bien renseigné sur sa vie, hein ! Demande plutôt à Maël, c'est lui son stalker principal !

Il accompagna sa phrase d'un coup de coude envers son pote, lequel s'était rembruni depuis le début de la conversation. Les bras croisés sur son torse, il plissa les paupières en faisant remarquer d'un ton placide :

– Je savais pas que les surveillants s'intéressaient autant aux ragots du bahut.

– Si tu savais ! rigola Nicolas. Et puis, pour ta gouverne, on dit assistant d'éducation, pas surveillant ! On est pas des gardiens de prison, sinon, ton pote absentéiste se serait déjà mangé une correction !

Il ponctua sa phrase en montrant Gabriel du pouce avant de reprendre :

– On peut savoir pourquoi t'as séché, d'ailleurs ? Remarque, dis rien, au vu de ta tête, je devine que t'as pas beaucoup dormi. Courte nuit, c'est ça ?

Gabriel acquiesça mais resta évasif, préférant laisser leur imagination prendre le relai. S'il leur précisait qu'il avait joué jusqu'à six heures du matin et qu'il n'avait pas été capable de se lever en entendant son réveil, sa réputation en prendrait un coup.

Le jeune homme avait toujours été un gamer et, récemment, il avait recommencé à jouer à l'un de ses jeux en ligne préférés, War of Wizards. Le problème étant que celui-ci pouvait s'avérer quelque peu addictif, le poussant à faire des nuits blanches et à sécher des cours.

Heureusement, étant un élève brillant, il savait que de manquer une matinée ou deux ne risquait pas de nuire tant que ça à ses études. Néanmoins il devait se montrer prudent, car cette vilaine habitude commençait à attirer l'attention et, bien qu'il n'ait pas particulièrement honte de son hobby, il jugeait préférable d'éviter de l'ébruiter, conscient que la plupart de ses potes ne le comprendraient pas.

Étant sportif et populaire, il avait une réputation à maintenir, or révéler à tout le monde qu'il jouait à un univers medieval fantasy multijoueur, dans lequel il incarnait un magicien de niveau maximum dénommé Milamber, risquait quelque peu d'entacher cette dernière.

– Bon, allez, sur ce, les jeunes ! reprit Nicolas, l'extirpant de ses pensées. Ma pause est finie ! A plus !

Le surveillant écrasa le restant de sa clope puis retourna vers le bâtiment. En attendant la sonnerie, Gabriel ouvrit l'application Discord pour voir ce que les autres officiers disaient de la dernière recrue qu'il avait invitée.

Ayant abandonné le jeu depuis longtemps, il avait eu peur, lorsqu'il s'était reconnecté deux mois plus tôt, de découvrir qu'il avait été renvoyé par son ancienne guilde. Pourtant, à sa grande surprise, les Glitch l'avaient accueilli à bras ouverts. Heureux de le retrouver, le gérant, Taec, lui avait même confié le rôle de recruteur afin qu'il puisse leur dégoter de nouveaux membres.

Tâche à laquelle Gabriel s'était attelé avec entrain, allant même, la veille, jusqu'à débaucher une druidesse du nom d'Azriel à leurs rivaux. Enfin, débaucher était vite dit puisque, techniquement, elle venait justement de se faire renvoyer au moment où il l'avait contactée.

Toutefois, les ordures des uns font le bonheur des autres et Gabriel, qui zieutait le profil de la joueuse depuis plusieurs semaines, s'était jeté sur l'occasion dès qu'il l'avait croisée dans la capitale, sans tag de guilde, en train de spammer des emotes d'insultes et de crachats à l'attention de son ancien GM.

S'en était suivie une longue conversation à l'écrit où la jeune fille s'était plainte de ses malheurs et où lui, en gentleman qu'il était, l'avait écoutée d'une oreille attentive. De ce qu'il avait compris, le drama ayant engendré son exclusion était plutôt simple et basique. Une histoire aussi vieille que le monde : Azriel avait commis l'erreur de sortir avec son maître de guilde et avait donc été jetée quand celui-ci l'avait plaquée.

Voilà pourquoi il faut jamais sortir avec des gens du jeu, songea-t-il en secouant la tête.

Quoiqu'il en soit, les Glitch possédaient désormais une nouvelle soigneuse talentueuse qui détestait les Bad Company autant qu'eux, si ce n'était plus encore. Et au fond, c'était tout ce qui lui importait. D'ailleurs, au vu des retours des autres officiers sur le channel qui leur était dédié, il n'était pas le seul à être enchanté par la situation. Un sourire satisfait apparut sur ses lèvres en lisant leurs messages de félicitations :

🎮Taec : J'y crois pas, t'as vraiment réussi à recruter Azriel, la Azriel dont tu nous parles depuis des jours ? 😲

🎮Buridg : La druidesse qui fait partie des 50 meilleurs heals du serveur ?

🎮Milamber : Et oui, j'ai géré, hein ? 😏

🎮Lalie : Attends, vous voulez dire que vous avez peut-être trouvé quelqu'un pour me remplacer ? 😯MERCI MON DIEU !!!!!😭

🎮Sneaky : Wow, GG, mec ! Grâce à toi on va peut-être enfin réussir à finir des donjons sans mourir 15 mille fois à cause de Lalie !

🎮Lalie : Héééé je t'emmerde Ilyès !!!!!! Je faisais de mon mieux, mais soigner c'est pas mon truc à la base !!

🎮Buridg : Non, toi ton truc c'est de collectionner les mascottes pour faire des combats. C'est WoW, pas Pokémon, hein !

🎮Lalie : Ça y est vous m'avez trouvée une remplaçante alors vous vous permettez de me trashtalk !

🎮Taec : Ouais, c'est pas cool les gars, arrêtez !

🎮Lalie : Merci Mattéo 💖 Heureusement que t'es là !!!!!

🎮 Taec : Personne touche à ma petite Nat 💖

🎮Milamber : Ouais, enfin bon, y'a un moment faut arrêter de défendre l'indéfendable et reconnaître qu'elle était particulièrement nulle.

🎮Lalie : 😭😭😭😭

🎮Sneaky : Mdr même le jeunot s'y met 😂

🎮Buridg : Cherche pas Milamber, c'est comme ça depuis le lycée 🙄

Cependant, il fut bientôt arraché à sa lecture quand Maël, trépignant sur place, se mit à marteler son biceps – déjà endolori à cause des courbatures – de coups de poings.

– Ça y est, elles sont là ! Elles sont là !

– Oui, bah ça va, pas la peine de me niquer le bras ! ronchonna Gabriel en frottant la zone concernée. Maîtrise-toi bordel, t'as aucun amour-propre ou quoi ? C'est pas comme si on les voyait tous les jours...

– Putain, elle est vraiment trop belle ! Elle mérite bien son surnom de princesse de Saint Jude !

Il est irrécupérable.

Gabriel n'adressa pas même un regard en direction de Fiona et sa clique de mini-poufs qui la suivaient comme des petits chiens ; non, toute son attention était concentrée sur celle, plus en retrait, dont il aurait reconnu la moue boudeuse entre mille. Moue boudeuse qui s'effaça d'un coup lorsqu'elle l'aperçut.

– Gaby ! s'écria-t-elle aussitôt.

Et, tandis qu'elle se dirigeait vers eux, Maël lui glissa d'un air narquois :

– Je croyais que tu détestais qu'on t'appelle Gaby ?

– Ta gueule, rétorqua-t-il entre ses dents.

En quelques enjambées, Rosélia les avait rejoints et était déjà suspendue à son cou.

– T'es venu me chercher ! T'es trop chou ! s'exclama-t-elle après avoir décollé sa bouche de la sienne.

– Ouais, j'ai fait un effort.

– Comment ça, un effort ? Genre c'est un effort de me voir, c'est ça ?

– Fais pas style t'as pas compris. J'aurais pu rester dans mon pieu à dormir mais j'ai fait l'effort de me lever pour notre resto ! Voilà, ça te va ?

Un large sourire se dessina sur les lèvres de la jeune fille et rebelote : sautage au cou, bisous baveux avec la langue, etc.

Ils me fatiguent, songea Maël d'un air dépité, avant que son visage ne s'illumine quand Fiona commença à s'approcher d'eux.

Rosélia, paniquée face à l'air dangereusement radieux que sa meilleure amie affichait, s'écarta soudainement de Gabriel.

– Oh, et aussi, il faut que je te prévienne..., bredouilla-t-elle avec précipitation.

Mais Fiona, qui venait d'arriver à leur hauteur, ne lui laissa pas l'occasion de terminer puisqu'elle l'attrapa par le cou.

– Allez, c'est parti ! s'exclama-t-elle en levant le poing en l'air. Let's go au resto à volonté !

Gabriel arqua des sourcils interloqués, puis son regard oscilla de l'une à l'autre.

– Pardon ? J'ai bien entendu ?

Et, se tournant vers sa petite-amie :

– Je croyais qu'on devait manger juste tous les deux. C'est toi qui m'as saoulé pour qu'on se voit, à la base, tu te rappelles ?

Rosélia ouvrit la bouche afin de répliquer mais Fiona la devança :

– Ouais bah pas de bol, entre-temps ses plans ont changé ! Cheh ! T'es deg, hein ? Hein que t'es deg ? Dis que t'es deg !

Il la toisa d'un air sévère :

– T'es vraiment une gamine, putain.

Comme si elle cherchait à corroborer ses dires, Fiona se mit à entamer une petite danse de la joie, à laquelle Maël voulut se joindre avant de se faire rembarrer sèchement.

– S'il te plaît, Gaby, le pressa Rosélia. Pour me faire plaisir !

– Y'a pas moyen que je m'affiche avec cette folle en dehors du bahut. Regarde-la ! Elle est insortable !

Il la désigna du pouce et Rosélia grimaça en voyant que Fiona, après avoir laissé derrière elle un Maël bras ballants et tout penaud, était retournée auprès de ses amies afin d'entraîner l'une d'elles dans sa petite célébration, s'amusant à la faire tourner sur elle-même en rigolant.

– Elle a vraiment passé une sale soirée, hier, se justifia-t-elle après avoir changé de pied d'appui. Il fallait que je lui remonte le moral ! Sois pas fâché !

Gabriel se pinça l'arête du nez en soupirant.

– C'est pas possible ! Qu'est-ce qui lui est arrivé, encore, à ta pote ?

Rosélia eut du mal à soutenir son regard, aussi baissa-t-elle la tête en bredouillant :

– Elle m'a fait promettre de pas t'en parler...

Le visage du jeune homme se ferma à cette réponse.

– Ouais, bon bah ciao et bon appétit ! Merci de m'avoir fait venir pour rien !

Le coeur de la jeune fille s'emballa alors qu'il faisait mine de s'en aller. Elle le retint par le bras en le suppliant de l'écouter :

– Attends, Gaby ! Le prends pas comme ça !

Mais, vu qu'il continuait de l'ignorer, elle finit par craquer :

– Son mec l'a larguée, voilà ! T'es content ?

Gabriel marqua un arrêt avant de se tourner à demi vers elle :

– Le pédophile ?

Mécontente d'avoir craché le morceau et par la même trahi son amie, Rosélia croisa les bras sur sa poitrine avec une moue boudeuse, réprimant l'envie de le rectifier qui lui brûlait les lèvres.

Dès la première fois qu'il avait entendu parler de Léo, Gabriel s'était amusé à le traiter de pédophile. Fiona et elle avaient essayé de le corriger en lui disant que techniquement, les pédophiles s'en prenaient à des enfants et non à des adolescents, et que la terminologie correcte aurait été de l'appeler "éphébophile" – Fiona s'était même donnée la peine d'aller chercher sur Google histoire de lui clouer le bec.

Toutefois, Gabriel, têtu, n'en avait rien eu à faire et avait persisté à l'appeler ainsi, chaque protestation ou tentative pour l'en dissuader semblant aiguiser encore davantage son ardeur à les provoquer. Jusqu'à ce que les jeunes filles finissent par se lasser et abandonnent l'idée de le reprendre.

Si bien que, à force de l'entendre désigner ainsi le copain de Fiona, Rosélia s'était elle-même surprise plusieurs fois à utiliser cet affreux surnom dans le dos de son amie. Ce qu'elle fit à nouveau ce jour-là en confirmant à contrecoeur :

– Oui, le pédophile ! Elle était dévastée ce matin. Je pouvais pas la laisser comme ça... S'il te plaît, je sais que vous vous entendez pas, mais...

– C'est un euphémisme. Ta pote se comporte toujours comme une vraie connasse avec moi.

– Oui, bah la faute à qui ? s'emporta-t-elle. C'est toi qui as été horrible avec elle au collège, aussi !

Gabriel leva les yeux au ciel mais garda le silence, sachant d'avance qu'il était inutile de poursuivre cette conversation puisqu'ils en avaient atteint ce qu'il appelait le "point Godwin". Chaque fois qu'une histoire avait lieu entre lui et Fiona, c'était toujours ce qu'on finissait par lui reprocher. Il avait été horrible avec elle au collège. Donc maintenant, cela semblait donner le droit à Fiona de se comporter comme la pire des garces avec lui sans qu'il n'ait ne serait-ce que le droit de broncher ou de protester.

Si vous lui posiez la question, Gabriel vous aurait répondu que cette histoire de restaurant à volonté n'était probablement qu'une machinerie de sa part afin de lui pourrir encore une fois l'existence. Irait-elle jusqu'à inventer une possible rupture ? Peut-être pas, mais il était persuadé qu'elle devait utiliser celle-ci à ses fins histoire que Rosélia la prenne en pitié. Fiona savait pertinemment qu'ils avaient planifié cette sortie en tête à tête, et avait profité de l'occasion pour la saboter. Comme elle le faisait toujours.

– Bon, très bien, finit-il par céder entre ses dents. Elle peut venir.

– Vraiment ? s'exclama Rosélia. Oh, merci, Gaby !

Alors qu'elle voulait l'enlacer, il interposa sa main entre eux afin d'ajouter :

– Mais à une condition. Je veux que Maël nous accompagne.

L'air enchanté de Rosélia se dissipa aussitôt.

– Maël ? Mais Fiona le supporte pas !

Un sourire démoniaque se dessina sur les lèvres du jeune homme.

– Précisément. 


🎵Big Sean — I Don't Fuck With You

https://youtu.be/NgmGitmSXBE

"I don't give a fuck about you or anything that you do."



Hello ! Vous allez bien ? Bientôt le week-end, courage ! 💪

J'espère que ce deuxième chapitre vous a plu et que vous avez appréciez de découvrir/retrouver Gaby (c'est vrai qu'après tout on ne l'avait pas encore vu, étant donné que le nouveau prologue est du pdv de Fiona) ! Bon il s'agit d'un Gabriel de début de tome 1, donc d'un Gabriel un peu connard sur les bords, forcément. Promis il va s'améliorer avec le temps.

C'était aussi l'occasion d'en apprendre (un peu) plus sur Léo, l'ex de Fiona... Notamment... son âge, que je vous avais caché jusque là. 😬 Que pensez-vous de ce genre de relation ? Perso, j'ai un peu prêté ma voix à Gabriel dans ce chapitre lol. Le problème, à mes yeux, ce n'est pas la différence d'âge en tant que telle, c'est le fait que Fiona soit encore une adolescente. Un écart d'âge de 7-10 ans quand les personnes ont 30 et 40 ans, ce n'est pas pareil que quand on a 17 et 27 ans. A 30 ans, on est adulte, et on ne change plus tant que ça par la suite. A 17 ans, on est encore très jeune, et on change énormément au cours des années qui suivent. Enfin voilà, c'est une petite nouveauté de cette réécriture, un sujet que je tenais à aborder. Et vous, qu'en pensez-vous ?

Aussi, dans ce chapitre les personnages de Banale ! font une petite apparition... mais en tant que jeunes adultes, du coup. Et oui, ils sont plus âgés, et la guilde Glitch est à eux, dans cette version. Mattéo en est le GM !

Gabriel et Fiona n'ont pas encore beaucoup interagi ici, mais ils le feront davantage dans les deux prochains chapitres qui se dérouleront au resto à volonté... J'ai beaucoup aimé les (ré)écrire alors j'espère que vous aimerez les (re)lire ! 

D'ailleurs, ce chapitre et le suivant étant assez courts (3k et 2k mots), je pensais poster le chapitre 3 dès demain, histoire que vous ne soyez pas trop frustrés. On verra si j'ai le temps de le corriger dans la journée, je ne garantis rien ! Mais sinon je le posterai lundi je pense, si ça vous va !

Bref, voilà, et aussi la playlist du 1er tome est disponible sur YouTube et Spotify, si ça vous intéresse : 

YouTube : https://youtube.com/playlist?list=PLFRtTx2tSSqlr8Wa8DyJ6CzaaJAwDlU8R&si=cCY25nD9FFfbb7Nb

Spotify : https://open.spotify.com/playlist/2hMTfZegNPovd7xq6gxrqV?si=63cafcf86d324340

Des bisouuus et à demain (ou à la semaine prochaine) ! 😘

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