Chapitre 2 : Un soir pour tout oublier...
Vue de Shinobu
-Doma ? Tu te fous de ma gueule ?!
Je ne sais même pas si j'ai crié ou si j'ai chuchoté tellement le choc m'était si soudain. Mon coeur avait fait un bond dans ma poitrine quand j'avais ouvert la porte de notre petit appartement d'étudiants, à moi et mon petit ami. Enfin, plutôt ex-petit ami...
Encore une journée épuisante à l'université, je croulais sous le stress des notes et de mes futurs examens qui approchaient, et aussi pour l'attente d'une réponse positive pour mon stage de trois mois en entreprise alors que je faisais des recherches depuis le début de l'année sans jamais avoir d'approbation. J'étais déjà désespérée avec le poids qu'avaient mes études sur mes épaules, mais quand je suis rentrée chez moi, après une journée fatigante certes mais banale, ça a vraiment été la goutte de trop.
Doma, vingt-trois ans, l'homme avec qui je filais le parfait amour depuis trois ans, était dans notre lit, nu sous les draps avec une parfaite inconnue qui était en train de jouir sous mes yeux. J'ai aussitôt lâché tous les dossiers que je contenais dans mes bras pour les laisser s'éparpiller dans un bazar sans nom au sol, les yeux écarquillés, ma voix coupée par le choc et l'assimilation des informations par mon cerveau encore plus long qu'un escargot handicapé qui se tape un marathon de vingt-cinq kilomètres.
-Shinobu... Je... Je peux tout t'expliquer... a balbutié le pauvre connard d'une voix qui semblait peinée mais qui ne m'atteignant même pas.
-CASSE-TOI DE CHEZ MOI !!! ai-je alors hurlé, mes yeux s'envenimant d'une flamme reflétant toute ma colère et ma haine. ALLEZ VOUS-EN, PUTAIN !!!
-Shinobu, ma belle... a continué Doma en se relevant légèrement contre le bord du lit, est-ce qu'on ne pourrait pas se poser pour discuter de la situation et...
-TU PEUX ME DIRE CE QU'IL Y A À EXPLIQUER, EXACTEMENT ?! ai-je protesté, dévastée mais serrant les poings pour garder mon sang froid et ne pas pleurer devant eux. TU ES DANS NOTRE LIT AVEC UNE AUTRE FEMME QUE MOI, IL N'Y A ABSOLUMENT RIEN À EXPLIQUER ! TU M'AS TROMPEE, ALORS MAINTENANT TU DEGAGES DE CHEZ MOI AVEC TA PAUVRE PUTE !!!
-Je te signale que chez moi aussi ! s'est exclamé Doma comme si ça arrangeait la situation.
-CROIS-MOI QU'À PARTIR DE MAINTENANT TU NE VAS PLUS REMETTRE LES PIEDS ICI, PAUVRE CON SANS CERVELLE !!! lui ai-je crié, le foudroyant du regard. SI TU NE VOIS PAS TES AFFAIRES JETEES PAR LA FENÊTRE DANS QUELQUES HEURES, C'EST QUE JE LES AURAI SÛREMENT BRÛLER, ALORS TU FERAIS MIEUX DE FAIRE TES VALISES AVANT QUE JE M'EN OCCUPE MOI-MÊME !!!
-Shinobu, ma chérie... a marmonné Doma d'une voix douce tandis que l'autre femme se cachait avec la couverture à côté de lui, tu es juste fatiguée et...
-Et quoi ?! ai-je hurlé, et je suis en train d'halluciner et d'imaginer mon copain en train de faire l'amour à une parfaite inconnue ?! Et en plus tu te fais passer pour la victime dans l'histoire ! Dégagez de chez moi et illico !
J'ai alors claqué la porte derrière moi, ignorant mes papiers qui traînaient encore dans la chambre, avant de me laisser glisser contre elle, dévastée, et hésitant à fondre en larmes maintenant ou de me retenir encore jusqu'à ce qu'ils veuillent bien se casser un jour.
J'ai fini par prendre une grande inspiration et je me suis dirigée dans la cuisine, me préparant un lait chaud tandis que je les entendais se rhabiller et l'inconnue a fermé la porte derrière elle alors que j'entendais les pas de l'autre connard venir vers moi.
-J'ai même pas envie de te voir... ai-je annoncé quand je l'ai senti pénétrer dans la cuisine.
-Shinobu, je... a-t-il commencé.
-Je m'en fous de ce que tu vas dire, l'ai interrompu en regardant mon lait bouillir dans la casserole, juste tu prends tes affaires et tu te casses de chez moi.
-Pourquoi ça devrait être à moi de partir ?! s'est-il offusqué.
-Peut-être parce que c'est toi la source du problème ?! ai-je craché en me tournant enfin vers lui, le foudroyant encore plus du regard, une haine dans mon corps que je peinais à maîtriser pour ne pas lui foutre une grosse patate dans la gueule. Pourquoi ça devrait être à moi de bouger quand c'est moi qui payes la plus grosse partie du loyer et que je suis la victime dans l'histoire ?! Va falloir assumer ce que tu fais, Doma, tu m'as trompée, maintenant tu dégages et tu n'as rien à y redire !
Il est resté bouche bée, cloué sur place, sûrement avait-il prévu de me faire des excuses déplorables pendant une heure, mais je n'en voulais pas ainsi, je voulais juste être tranquille et ne plus jamais voir sa gueule jusqu'à ma mort.
Je lui ai alors pointé le canapé en tournant de nouveau ma tête vers la casserole bouillante.
-J'ai déjà réuni la moitié de tes vêtements et j'ai sorti ceux de la machine qui était en route, alors prends ta valise et dépêche-toi de dégager de chez moi, lui ai-je indiqué.
Alors, sans un mot, il s'est dirigé d'un air penaud vers le canapé pour réunir ses affaires dans sa valise, est parti chercher l'autre moitié de ses affaires dans le reste de l'appartement, toujours aussi silencieux, avant de enfin partir de chez moi, définitivement, me laissant seule.
J'ai retiré le double des clés sous la cachette habituelle pour les mettre autre part, puis je me suis assise sur la petite table à manger, la tasse de lait fumante entre mes doigts, pourtant je n'y ai pas touché un seul instant. Et je n'ai pas pu m'en empêcher, j'ai laissé libre court à mes émotions, comme ça, d'un coup, sans prévenir.
Une rupture. C'était donc comme ça, ça faisait donc aussi mal que ça. Mais ce n'était pas une simple rupture. Il avait brisé toute la confiance que je lui vouais. C'était mon premier amour, la première fois que je m'autorisais à rêver, la première fois que je m'autorisais à donner tout mon être pour une seule et même personne : lui. J'ai été amoureuse, j'ai cru à tout, je lui ai fait confiance même quand il agissait bizarrement, je lui ai accordé tout ce que je n'ai jamais accordé à personne, j'ai tout donné pour lui, j'ai tout donné pour que notre relation marche et qu'elle soit celle dont nous avions tous les deux toujours rêvée. Mais non, j'ai été trop bête, la vie serait trop belle si tout était rose.
Non, il m'a brisée en seulement quelques minutes. Il m'a trahie, il a brisé ma confiance, il a brisé tout mon être, il a brisé tout l'amour que j'avais pour lui, je m'étais tant laissée aller dans ses bras qu'il en avait joué, qu'il en avait profité, ce sombre connard. Etait-ce seulement la première fois qu'il me trompait, ou était-ce un simple coup d'une longue lignée ? Peu importe, le nombre ne compte pas, une fois est déjà la fois de trop.
Mais pourquoi ? Pourquoi m'emprisonner dans ce rêve si merveilleux pour me faire autant de mal d'un coup ? C'est comme si mon monde venait de s'effondrer, comme si tout le désespoir me plongeait dessus, comme si, en plus de ma fatigue due à ma journée, tout me retombait dessus. Pourquoi ? Pourquoi m'avait-il fait ça ? N'avais-je pas été assez parfaite pour lui ? Est-ce que j'avais fait une erreur quelque part ?
Non, il était fautif sur toute la ligne, je n'allais pas me mettre en coupable pour des choses que je n'avais jamais fait. Il avait juste joué avec moi, il avait eu ce qu'il voulait, il a donné son grand coup, il a vraiment cru que tout allait passer. Je suis loin d'être naïve, mais l'amour a le don de nous rendre complètement insouciant même si ce n'est pas notre vraie nature.
L'amour rend fou, l'amour rend dangereux.
Là, comme une folle dans un petit appartement soudain vide sans sa moitié, je pleurais, je pleurais sans m'arrêter. Mes boîtes de mouchoirs étaient déjà toutes vides, mes larmes ne cessaient de couler le long de mes joues sans même me donner une seconde de répit. Mais n'était-ce pas pour le mieux ? Mais déverses ses émotions, c'est si dur... Ça me fait si mal...
Je suis triste, en colère, j'ai la haine, je veux le tuer, j'ai encore envie de l'aimer, je veux le détruire. Un mélange d'émotions contradictoires tourbillonnait en moi comme si j'étais devenue un ouragan ambulant, qui allait tout détruire sur son passage. Pourquoi je devais me sentir comme ça ? Pourquoi je devais jouer la fragile ? Pourquoi ? Pourquoi, putain ?
Il devait peut-être dix-neuf heures et demie quand mes larmes ont enfin cessé, mais ça ne voulait pas dire que je n'étais plus triste, non, bien au contraire. C'est juste que j'avais pleuré tout ce que j'avais à pleurer, que mes yeux étaient trop secs pour créer encore et toujours des larmes dévastatrices. Maintenant que j'avais tout sorti, je me sentais complètement vide.
Je ne savais plus quoi ressentir.
Je devrais sûrement appeler quelqu'un, mais je n'ai plus personne. Il était le seul, ce con m'a séparé de tout ce que j'avais, m'a éloigné de tout ce que j'aimais, pour que je me retrouve seule le moment où je le découvrirai, et ce jour est putain d'arriver.
Putain, personne n'a ton temps, Shinobu... ai-je pensé, perdue dans mes pensées qui essayaient un peu plus à chaque seconde de m'enfoncer encore plus. Tu crois vraiment que c'est intelligent d'aller faire chier les gens juste parce que ton ex t'a trompée ? Tu crois vraiment que ça va intéresser quelqu'un ? Et qu'est-ce qu'ils vont te dire, hein ? Rien, absolument rien. Arrête de croire que t'es le centre du monde, ma belle, plus personne ne s'intéresse à toi, maintenant...
J'ai manqué de frapper la table en serrant mon poing. Je devais me ressaisir, je devais aller de l'avant. Oui, c'était peut-être beaucoup trop tôt pour me mettre à l'épreuve, mais je n'allais pas gâcher mon vendredi soir à me morfondre pour les erreurs d'un pauvre abruti qui avait abusé de mon temps, de ma patience, juste de ma personne.
Presque par pulsion, je me suis levée, j'ai jeté toutes les boules mouillées que sont devenus les mouchoirs dans la poubelle, j'ai jeté le lait devenu froid dans l'évier, j'ai attrapé mon manteau et mes chaussures, et je suis sortie, fermant la porte à double-tour derrière moi. Me prendre le froid de fin d'hiver dans la gueule allait déjà me faire le plus grand bien. C'était peut-être violent, mais c'était tout ce dont j'avais besoin.
Quand les quelques degrés ont atteint mon visage chagriné par la tristesse mêlée à la haine, un frisson presque rassurant a traversé tout mon petit corps emmitouflé dans ma doudoune noire, et je n'ai pas pu m'empêcher de lâcher un soupir de soulagement.
Presque par réflexe, j'ai laissé mes pas me guider vers l'endroit où je venais autrefois me réfugier quand ça n'allait pas, un petit endroit isolé du centre-ville de Tokyo : le bar Hirokomi. Un bar où chaque personne pouvait enfin être celle qu'elle voulait, sans filtre, et putain ce que ça faisait du bien d'être avec des humains, des vrais.
Là-bas, il y a un peu de tout : des gens paumés de la vie, des hystériques, ceux qui viennent se noyer dans l'alcool, les habitués qui viennent discuter entre eux, ceux qui voulaient trouver leur moitié. Le bar Hirokomi, c'était un tout petit bar, pas très connu, éloigné du centre-ville de Tokyo, où il y avait grand maximum vingt personne chaque soir, dont je faisais souvent partie, à une certaine époque, avant que mes visites ne s'espacent de plus en plus depuis près d'un an.
Depuis que les études me prennent vraiment, et que mes soirées soient consacrés à mes putains de devoirs au lieu d'aller me détendre et boire un coup à ce petit bar que j'affectionnais tant. Alors, pour une fois que j'avais une bonne raison de m'y rendre, je ne comptais pas lâcher l'occasion et j'y ai marché comme si c'était la solution à tous mes problèmes.
Quand j'ai poussé la porte du petit bar aux airs de chalet, sentant bon la bière, une douce musique de radio imposant une ambiance très cosy dès qu'on y fait le pas, le patron, mon gars sûr, j'ai nommé Kuro, m'a lancé un signe de main, un habituel grand sourire aux lèvres.
-Shinobu ! Comme ça faisait longtemps, ma petite ! s'est-il exclamé alors que je m'asseyais devant lui, accoudée au comptoir, presque deux mois qu'on ne s'était pas vus, tu ne peux pas voir à quel point je suis heureux de ta présence ce soir !
-Moi aussi... ai-je marmonné en enlevant ma veste et mon écharpe pour les déposer en-dessous de mes fesses sur mon siège.
-Ouh la... a balbutié mon gars sûr devant ma mine affligée, ça n'a pas l'air d'aller, toi... Qu'est-ce qu'il se passe, ma p'tite ?
-Doma m'a trompée, je l'ai viré de chez moi... ai-je lâché comme une bombe.
Kuro est resté bouche bée quelques secondes, avant de pousser un soupir tout en commençant à me préparer un de ses cocktails miracles que j'adore.
-Je t'avais dit que je le sentais pas, lui ! a continué Kuro pour encore plus retourner le couteau dans la plaie, la fois où tu l'as emmené ici, il était si désagréable !
-C'est toi qui t'es pris la tête avec lui, aussi ! ai-je protesté avant de le remercier d'un hochement de la tête face au verre qu'il me tendait.
-Bref, c'est un connard de toute façon, d'avoir abusé d'une personne aussi exceptionnelle que toi, Shinobu... a soupiré Kuro en me jetant un regard compatissant, s'accoudant lui aussi au comptoir pour plonger ses yeux dans les miens. J'arrive pas à le croire qu'il a osé TE faire ça, a TOI, la reine de ce monde !
-N'abuse pas non plus... ai-je fait avec un sourire, faussement flattée, avant de boire une gorgée de son cocktail qui avait le bon de me mettre de bonne humeur.
-Et... comment ça s'est passé, au juste ? a-t-il demandé, de son air de celui qui voulait connaître absolument tous les potins.
-Eh bien... Je rentre des cours, et je le vois en train de faire un cunni à une autre meuf dans notre lit parce que je rentrais un peu plus tôt que d'habitude... ai-je raconté.
-Mais nan... Un cunni, carrément ?! s'est récrié Kuro, comme si c'était le plot twist du siècle.
-Elle kiffait en plus...
-Bah bien sûr qu'elle kiffait ! a protesté Kuro, tu m'as dit au moins cent fois que Doma était carrément un roi du sexe ! Elle mesure combien, déjà ?
-18 cm.
-Oh... Tu devais avoir mal au cul, avec ça... a-t-il lâché d'un ton si monotone que je me suis mise à pouffer de rire, l'emportant avec moi dans un fou rire.
Puis Kuro a regardé l'horloge d'un oeil distrait, avant de lâcher un soupir d'admiration pour une raison qui semblait m'échapper.
-Bah dis donc, qu'est-ce qu'il fout... a-t-il lâché, visiblement troublé.
-Qui ça, "il" ? ai-je demandé, soudainement curieuse.
-En gros... Y'avait un jeune homme ma foi passionnant mais désespéré de la vie avec qui j'ai fait connaissance il y a vingt minutes, puis il m'a dit qu'il devait aller aux toilettes et il n'est toujours pas revenu depuis... m'a raconté le gérant en me montrant d'un signe de tête le siège à côté de moi qui était vide mais où il y avait des vêtements et un verre à moitié entamé qui l'attendait à quelques centimètres du mien.
-Il a peut-être une diarrhée explosive ? ai-je suggéré, ce qui nous a fait rire deux minutes parce que l'humour pipi-caca tu connais avant de nous racler la gorge en rythme pour retrouver notre sérieux.
-Plutôt une constipation, pour rester aussi longtemps... a marmonné Kuro.
-Ah mais les hommes, tu sais... Doma il restait presque une heure par jour, je ne me demandais même plus s'il était mort ou pas, à force... ai-je soupiré. Ah, sans ce connard chez moi, ma salle de bain ne sera plus occupé H24, maintenant !
-Alors ce stéréotype complètement bidon sur les hommes, je refuse catégoriquement ! s'est alors récrié Kuro, visiblement vexé parce mes propos, soit je suis une femme manquée, parce que je t'assure qu'en cinq minutes mon perfect il est posé ! a-t-il ensuite protesté.
-Mais je t'assure que la femme que tu épouseras aura le rêve de toutes les autres femmes sur Terre ! me suis-je exclamée avec un grand sourire, c'est si rare de nos jours...
Puis, au loin, la porte des toilettes s'est enfin ouverte.
-Ah, c'est lui ! s'est récrié Kuro alors que je me retournais, curieuse d'où pouvait provenir la source de ce bruit soudain.
Environ 1m75, voir peut-être plus, un air préoccupé et carrément déprimé, de longs cheveux noirs attachés en une queue de cheval, de beaux yeux bleus ténébreux et presque envoûtants, portant une incroyable chemise noire qui moulait à la perfection ses muscles surdéveloppés en-dessous de ça, ainsi qu'un pantalon noir et des chaussures noires parce que ce n'était jamais assez, évidemment.
Lui aussi semblait en dépression, et j'avais presque envie de lui faire un câlin en le voyant dans un tel état. J'étais putain de trop gentille avec les gens, pourquoi une envie si soudaine d'offrir de l'amour à un parfait inconnu ?
Le jeune homme, peut-être un peu plus âgé que moi, s'est avancé vers le siège vide à côté de moi en ne me jetant qu'un léger coup d'oeil, avant de prendre place et de se mettre à siroter sa fin de cocktail pendant que Kuro s'occupait de briser le silence gênant que son arrivée venait de créer, malheureusement.
-Bah alors Giyu, t'étais coincé aux toilettes ! a-t-il plaisanté avec sa bonne humeur constante et son humour bien qu'éclaté mais très communicatif.
-Ta putain de serrure de porte s'est coincée ! a protesté le dénommé Giyu en fronçant les sourcils après avoir siroté ce qui ressemblait à la quantité d'une gorgée.
-Elle est encore bloquée ?! me suis-je alors écriée comme si j'étais incluse dans la conversation, putain Kuro, tu devrais la faire changer, c'était déjà pareil il y a deux mois !
-Oui bah c'est pas ma faute si tous les serruriers de Tokyo n'ont pas de créneau possible avant l'année prochaine ! s'est récrié le gérant du petit bar, visiblement touché au vif.
-Et tu pourrais essayer de faire ça toi-même ? ai-je alors suggéré.
-Ce n'est pas aussi facile que ça en a l'air quand ma seule expérience dans le monde professionnel c'est faire semblant de mélanger des produits divers et variés pour au final servir un cocktail déjà préparé... a alors soupiré Kuro.
-Alors tu nous mens depuis tout ce temps ?! me suis-je récriée, presque outrée. Je pensais que tu les faisais maison, moi !
-Bah, à vrai dire, moi aussi... a-t-il marmonné, l'air peiné.
Pendant ce temps, l'autre jeune homme se contentait de suivre la conversation, ne se sentant visiblement pas de trop, ce qui était le cas, en réalité.
Lorsque Kuro et moi avons arrêté de nous disputer comme des gamins en nous rendant compte que ce pauvre Giyu existait à côté de nous et attendait visiblement désespérément de pouvoir intervenir, le gérant du patron s'est alors tourné vers lui.
-Oh ! Mais je n'ai même pas fait les présentations, quel impoli je suis ! s'est-il écrié avec horreur comme si c'était l'horreur de sa vie, de sa façon de drama queen que je lui connaissais bien.
Il s'est alors raclé la gorge tandis que je me tournais vers Giyu en même tant que lui pour échanger un regard sceptique.
-Shinobu, voici Giyu Tomioka, il a 25 ans et il est en dépression parce que ses parents sont morts dans un accident de voiture il y a quelques jours, a lâché Kuro avec enthousiasme comme si c'était normal d'être joyeux pour ça. Giyu, je te présente Shinobu Kocho, une habituée du bar Hirokomi, elle a 22 ans et elle est en dépression parce que son connard d'ex l'a trompée.
Deux êtres trahis par la vie, voilà ce que nous étions. De la distraction, voilà ce que nous voulions, de quoi nous avions besoin tous les deux.
D'un seul coup d'oeil, nous nous sommes tous de suite compris, tous les deux, deux parfaits inconnus au passé douloureux, trahis par des êtres partis trop tôt.
Deux parfaits inconnus qui ne voulaient qu'une seule et même chose : oublier l'espace d'un instant la cruauté de la vie.
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