9.

-Joy-

Jinsoul me manquait.

J'avais envie de la tabasser la plupart du temps et elle me détestait, mais là, coincée avec Mark et Johnny, elle me manquait.

C'était encore supportable quand il y avait Sunwoo et Doyong, mais ils étaient partis à la poursuite de la gamine il y a bien trente minutes. Je ne comprenais pas comment une fillette avait pu semer aussi longtemps deux vampires surentraînés, mais force était de constater qu'elle courrait très vite.

Du coup on s'était mis à marcher, sans grand but précis, juste parce que Mark avait commencé à m'adresser la parole, et que donc j'avais proposé qu'on bouge pour qu'il me foute la paix. Il était devant moi à parler de je ne sais quoi avec Johnny, donc mon plan avait marché.

Mais Jinsoul me manquait. Même si elle me détestait.

C'était très clair. Elle levait les yeux au ciel à chaque fois que j'ouvrais la bouche, et elle parlait en permanence dans mon dos, la plupart du temps alors que j'étais juste là. Je savais qu'elle rêvait de me détrôner. Sans doute qu'elle était jalouse. Ce qui m'énervait dans cette histoire, c'était qu'elle était persuadée être discrète. Elle pensait que je n'étais pas au courant, que je n'avais pas remarqué. Je ne comprenais pas comment elle pouvait penser ça.

Elle devait être complétement débile.

Mais bon, à part ça, je l'appréciais. Elle était attachante, c'était la débile de service pour qui on était obligé de se prendre d'affection. Et je ne faisais pas parti de ceux qui avait su résister à son charme.

Mark rigola si fort qu'il trébucha.

Jinsoul me manquait.

Et puis, malheureusement, Mark se tourna vers moi, avec son chapeau débile de Krokmou qui lui donnait un air d'imbécile.

- Bon ils sont où ?

Je clignai deux fois des yeux.

C'était ses potes, comment j'étais censée savoir ?

- On s'ennuie nous, geignit Johnny.

J'allais attraper sa tête et l'enfoncer dans un mur.

Il se passa trente secondes dans un silence apaisant. Un silence parfait qui ne dura pas assez longtemps.

- Sinon tu peux pas les localiser avec tes pouvoirs de vampires ? Suggéra le très intelligent et vif Johnny.

- Mais je peux pas faire ça moi.

- Ah bon ?

J'allais commettre un meurtre. Un attentat peut être si l'un des deux ouvrait encore sa bouche.

Mark, devant, se tourna vers moi, planta ses yeux dans les miens, sourit légèrement et secoua la tête, comme l'aurait fait une maîtresse d'école à un enfant perturbateur mais qu'elle appréciait quand même.

J'haussai un sourcil.

Pour qui il se prenait exactement ?

Puis il se détourna et continua sa conversation passionnante avec Johnny.

Je levais les yeux au ciel. Je ne savais pas de quel karma pourri j'avais hérité pour me retrouver avec ces deux cassos, mais je devais vraiment avoir fait un truc horrible.

Mark tourna précipitamment la tête vers la gauche.

Je fronçai les sourcils. Il avait l'air inquiet.

Je dégainai mon épée.

Je connaissais les vampires. Je savais comment ils fonctionnaient, je savais qu'ils avaient une ouïe surdéveloppée. Et je connaissais Mark. Je le connaissais assez pour savoir quand il avait entendu quelque chose qu'il n'était pas censé entendre, pour savoir qu'il avait senti du danger. Je le connaissais assez pour lui faire confiance.

C'était logique. J'avais passé mes années lycée à le surveiller, à tenter de le buter. Il avait passé les siennes à me fuir. On se connaissait. On avait appris à se connaitre malgré nous, et indirectement, on avait appris à travailler ensemble. C'était quelque chose que j'avais toujours compris mais que j'avais jugé inutile. Maintenant ça ne l'était plus.

Mark m'envoya un regard rapide. J'hochai de la tête. Il avança dans une ruelle et je le suivis, aux aguets. Au bout de seulement quelques secondes, la voix de Johnny retentit depuis là où on l'avait laissé :

- Eh mais vous faites quoi les gars ?

Je me retournai précipitamment. Quel imbécile. Il allait réveiller les enfers avec le boucan qu'il faisait.

- Tais toi. Suis nous.

Heureusement pour lui, il ne protesta pas plus que ça, et il nous suivit.

On avança encore quelques minutes, sous les directives de Mark, dans un silence relatif sachant que Johnny n'arrêtait pas de se prendre des poubelles.

Et puis on finit par arriver. Je le sus parce que Mark s'arrêta brusquement et nous fit signe de nous cacher. On se plaqua contre un mur, et lentement, nos trois tête émergèrent pour regarder la petite place mal éclairée devant laquelle on avait atterrit.

Johnny avala bruyamment sa salive.

Devant nous, un vieux vampire habillé en Mario suçait les dernières gouttes du sang d'une jeune fille. Elle avait poussé son dernier cri il y a bien longtemps, et son corps s'était complétement aplati.

Le vampire finit par lâcher le poignet de la fille, et il se lécha les contours de la bouche, encore plein de sang frais.

Johnny derrière moi plaqua brusquement les mains sur sa bouche.

Je me retint de faire de même. Il y avait bien longtemps qu'on avait pas assisté à des scènes pareilles. Les vampires ne buvaient plus de sang depuis des millénaires. Visiblement, ils avaient oublié.

Le suceur de sang consulta sa montre, et se leva précipitamment. Il partit en laissant le cadavre tel quel, comme s'il ne se souciait même pas d'être découvert.

On se redressa de notre position. Johnny vomit.

Mark m'envoya un regard. Je fronçai les sourcils. Ce n'était pas normal. Rien de ce qui se passait n'était normal. Il pencha la tête. Il fallait qu'on agisse vite. J'hochai de la tête.

Mark empoigna le col de Johnny et on sortit de notre cachette pour se mettre à la poursuite du vampire.

- Eh mais qu'est ce qu'on fait-

Je plaquai mes mains sur la bouche de Johnny. Mark envoya un regard inquiet là où le vampire avait disparu. Il n'avait pas avoir l'air d'avoir entendu. Sans doute était-il trop vieux.

Je plantai mes yeux dans ceux de Johnny.

- Ecoute, à partir de maintenant on va faire un truc. Quand on fait un truc, tu fais pareil que nous, tu ne poses pas de questions et tu fermes ta gueule, ça te va ?

Il hocha doucement de la tête. Tant mieux.

Lentement, je retirai mes mains de sa bouche. J'envoyai un regard rapide à Mark. Il lâcha son col.

Et puis on se remit en route, cette fois-ci dans un silence presque complet. Sans doute que Johnny avait enfin compris la gravité de la situation.

C'était un mec intelligent, mais il semblait incapable de savoir comment agir en cas d'urgence. C'était le contraire de Mark.

Sans doute que c'était pour ça qu'ils étaient si bons amis.

On fila le vampire pendant quelques minutes, avec suffisamment de distance pour qu'il ne nous voit pas. Il tournait souvent et marchait avec empressement, comme s'il était attendu quelque part.

Ça ne me disait rien qui vaille.

Mais on continua à le suivre tout de même.

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