Chapitre trois - Nohayla
Sebastian ne cesse de m'appeler depuis ce matin mais très sincèrement, je suis incapable d'écouter le son de sa voix, ça me briserai le cœur. Quand on pense que les dernières paroles que j'ai entendues sortir de sa bouche étaient une proposition à Kylie de passer la nuit à ses côtés, il me donne tout simplement envie de gerber. Jamais je n'aurai pensé que l'idée de me faire autant de mal pourrait lui faire plaisir, mais si c'est le cas, alors qu'il continue d'essayer car j'ai désormais décidé que plus rien ne m'atteindrait, venant de lui. Je pense qu'il ne s'imagine pas à quel point je souffre, à quel point son absence m'est difficile à supporter, mais c'est terminé maintenant, j'ai besoin d'aller de l'avant. Depuis mon retour au bar, j'aurai très bien pu essayer de tourner la page. Boire des verres avec un homme, passer la nuit à ses côtés et recommencer le lendemain, avec un autre illustre inconnu. Mais je ne suis pas comme ça, je ne suis pas comme lui. Je n'aurai jamais cru qu'il ferait monter en moi un tel sentiment de haine et même si j'ai conscience qu'il voulait juste me rendre jalouse, c'est de loin la pire et la plus pathétique des manières d'essayer de me récupérer.
Suite à notre rupture, j'ai passé presque une semaine entière, au fond de mon lit à regarder des vieux films à l'eau de rose en mangeant du chocolat. Je sais que cette idée à l'air irréelle pour bon nombre de personnes mais je vous assure que c'est la vérité, et qu'une fois décidée à sortir de mon lit, j'ai cessé de passer mon temps à pleurer. Bien-sûr, la vie loin de lui n'est pas toujours facile, je lutte bien souvent contre l'idée de venir toquer à sa porte lorsque je passe devant sa maison en rentrant du boulot mais maintenant, je ne veux plus rien savoir de lui. Encore une fois, jamais je n'aurai cru que la personne qui pourrait me convaincre de tourner la page une bonne fois pour toutes et d'oublier Sebastian serait Sebastian, lui-même.
Je dépose un plateau rempli de bières sur une table où sont installés cinq hommes qui me remercient et retourne derrière le comptoir, essuyant quelques verres avant de lever les yeux vers l'entrée du bar, me figeant sur place.
Selena, perchée sur ses hauts talons vient de faire son entrée et se dirige droit vers moi, d'un air sérieux. Je ne sais distinguer si elle me regarde d'un air mauvais, je ne pense pas que c'est le cas, mais il n'y a aucun doute, cette conversation va me faire passer un sale quart-d 'heure.
- Bonjour. Me dit-elle en s'installant sur un tabouret, juste face à moi.
- Euh... Salut.
Je ne suis pas capable de dire quoi que ce soit d'autre.
- Il faut qu'on discute.
- Vraiment ?
De toutes les personnes que je m'attendais à voir ici, Selena doit se trouver en dernière place sur ma liste. L'idée de discuter avec une personne proche de Sebastian devrait certainement me faire plaisir, et ce serait le cas, si c'était n'importe qui sauf elle. Je ne suis pas d'humeur à faire semblant d'être polie et me retenir de lui coller mon poing dans la figure car très sincèrement, c'est tout ce qu'elle mérite.
Elle pose son imposant sac à main sur le comptoir alors que les clients la regardent. Elle n'a rien du type de personne qui s'aventure ici en temps normal. Selena respire la richesse, la célébrité et à côté d'elle, je ne dois ressembler à un pauvre petit chiot abandonné dans la forêt depuis des semaines. Pouilleux et triste.
- Nohayla, qu'est-ce que tu nous fais, là ?
- Je te demande pardon ?
- Non mais sérieusement. Tu quittes Sebastian, tu viens retravailler ici et puis quoi, ensuite ?
- Ensuite je me fais assez d'argent pour pouvoir garder mon logement et mes études, Selena. Je suis désolée de devoir t'annoncer que tout le monde n'a pas autant d'argent que toi, et que certains doivent bosser réellement dur pour pouvoir s'en sortir.
Je pose assez brutalement un verre qui se fissure contre la table de travail, fermant les yeux pour garder mon calme. Cette fille me donne envie de la cogner, et de cogner toutes les personnes qui se trouvent ici.
- Qu'est-ce que tu crois ? Que je suis née avec une cuillère en argent dans la bouche ? J'ai travaillé très dur pour en arriver où j'en suis, Nohayla.
- Je sais, maintenant, laisse-moi tranquille.
- Ça te plaît de briser le cœur de mon mari ?
- Non, et toi, ça t'a plu ?
Je sens à sa manière de détourner le regard que je l'ai mise mal à l'aise. Touchée.
- Il a vraiment besoin de toi...
- Ah bon ? C'est peut-être le genre de choses auxquelles il aurait dû penser avant de venir chez toi et t'embrasser, et il aurait également dû y penser avant de proposer à Kylie de passer la nuit dans son lit, juste pour me faire du mal.
- Tu peux comprendre qu'il était perdu, et que c'est moi qui ai mal agi ?
- Oh je l'ai parfaitement compris Selena. Je sais que tu n'es qu'une garce qui profite de la tristesse de son mari pour le manipuler, et que tu me déteste depuis le premier jour. Je sais que tu n'as absolument aucun respect pour moi, et que je fais partie du petit peuple que tu ne considères pas une seule seconde. Je suis la serveuse minable et toi l'actrice de renommée. Je le sais.
- Ai-je dis ça à un seul moment ? Bordel, Nohayla.
Elle soupire fortement en passant la main sur son visage et ferme les yeux, comme si je la poussais à bout. Mais saches, ma très chère Selena, que tu seras toujours bien plus insupportable que moi. (Pouffiasse).
- Tu n'as rien compris. Bien-sûr que j'ai du respect pour toi, tu as aidé l'homme que j'aime à reprendre sa vie en main et se sentir heureux à nouveau. Mais c'est aussi pour ça que je t'en veux. Tu as réussi là où j'ai échoué. J'ai vu l'homme que j'aime être lui-même amoureux d'une autre personne, et ça m'était insupportable.
Au plus profond de moi, je peux comprendre son point de vue. Sebastian m'a brisé le cœur lorsqu'il a proposé à Kylie de rentrer chez lui, je n'ai pas pu m'empêcher de les imaginer au lit ensemble, et j'ai bien peur qu'il finisse par être heureux avec elle. Selena a dû ressentir exactement la même chose. Revenir à la maison et me trouver dans la chambre de son mari, et le voir la quitter pour moi, ça a dû être quelque chose d'absolument insupportable. J'ai presque envie de m'excuser, mais je ne lui éprouve pas assez de sympathie pour ça.
- De tout façon Selena, tu n'as plus rien à craindre. Je ne reviendrais jamais vers lui, donc tu as toutes tes chances.
- C'est vraiment ce que tu penses ? Tu crois que vous serez vraiment heureux l'un sans l'autre ?
- Il a l'air de très bien s'en sortir pour l'instant.
- Alors ça, c'est du grand n'importe quoi. Tu as vu sa tête ? Il se rase à peine, il ne dort que deux ou trois heures par nuits et quand il n'est pas allongé dans le canapé, il boit dans des bars. Je ne serais pas ici si la situation était devenue ingérable. Il est à peine capable de s'occuper de son fils, Nohayla.
Ses mots me touchent en plein cœur et me foudroient comme si je me trouvais en pleine forêt pendant l'orage le plus violent du siècle. Pauvre petit chiot que je suis, ça ne s'arrange pas pour moi. Dit-elle la vérité ? J'ai bien remarqué son manque d'entretien quand je l'ai croisé, mais je n'ai pas pu l'observer assez longtemps pour réellement avoir conscience de l'état dans lequel il se trouve. C'est difficile à croire, mais peut-être qu'au fond, je m'en sors mieux que lui.
Les larmes me montent aux yeux et mon niveau de culpabilité est à son maximum, je ne peux plus me regarder en face, je n'ai plus les mots.
- Tu sais, si tu n'essayes pas de te remettre avec lui, alors je vais retenter ma chance. J'essaye de mettre mes sentiments de côté depuis des mois, je suis même venue ici pour essayer de te remettre les idées en place mais on dirait que tu t'en fiche, que quoi qu'il arrive, tu ne veux plus de lui.
- Ça n'a rien à voir, Selena. Je l'aime encore, énormément, mais je ne peux plus être avec lui, je ne me sens pas capable de gérer votre passé, le fait que tu seras toujours... Dans nos pattes.
Je prononce à demi voix mes derniers mots, baissant la tête en soupirant. J'ai besoin qu'elle s'en aille, loin de moi.
- Nohayla, qu'est-ce que tu fous ?!
Monsieur Martino s'approche rapidement de moi, visiblement furieux.
- Rien, je... Je lave quelques verres.
Je jette un œil à Selena, qui elle-même regarde mon patron, un dégout profond se lisant dans ses yeux.
- Eh, grassouillet, tu pourrais parler un peu plus correctement à ton personnel, non ?
J'attrape fortement ma lèvre inférieure entre mes dents pour me retenir de rire, mais Monsieur Martino n'a pas l'air d'avoir le même humour que nous. Il m'attrape violemment par le bras et m'emmène dans son bureau sans prendre la peine de fermer la porte.
- C'est qui, cette pute ?
- Cette pute ?! Votre respect envers les femmes m'impressionnera toujours.
- Je t'emmerde, c'est clair ?
- C'est réciproque, ne vous inquiétez pas.
Sa main se retrouve collée à ma joue d'une violence inouïe et je lutte pour ne pas perdre l'équilibre, prenant appui sur son bureau. Il me hurle des mots que j'entends à peine et bien que je l'aime pas beaucoup, je donnerai tout pour que Selena entre, vêtue d'une cape de super-héros. J'ai besoin d'aide, là tout de suite et si personne n'arrive, je ne sais pas quand cet enfoiré cessera de me frapper, encore et encore.
- Arrête ça, espèce de trou du cul !
Je me retrouve assise au sol, une douleur impressionnante s'emparant de mon ventre et ma gorge se noue. Je suis incapable de parler, sans même savoir si je pleure ou si je suis juste sonnée. Dans ma demi-inconscience, je pense apercevoir Selena lui donner une énorme gifle et sortir son téléphone de son sac à main, mais il est bien trop brillant et me pousse à fermer les yeux.
- Nohayla ?!
Je ne sais pas vraiment depuis quand je suis allongée sur le bureau, mais mon ventre et mon visage me font atrocement souffrir. Je lève les yeux vers Selena qui me secoue un peu trop fort et pose ma main sur mon visage en me redressant lentement.
- Doucement, s'il te plaît...
- La police va arriver, cet enfoiré ne va pas s'en sortir comme ça !
Attends, quoi ? Elle a réellement appelé la police ? Je n'y crois pas, tout ça ne doit être qu'une vaste blague.
- Pardon ?
- Et Sebastian va arriver, lui aussi. Reste allongée, je suis allée prendre de la glace.
Elle me tend une serviette remplie de glaçons que je pose sur mon visage en fermant les yeux, entendant la sirène de la voiture de police arriver de loin. Malheureusement, je sens que les problèmes ne font qu'arriver, eux aussi.
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Fin du chapitre trois! Laissez vos avis. ♥
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