Chapitre 8 : The Rescue

Chapitre 8 : The Rescue

Le sauvetage


- Alors ils n'ont rien trouvé ?

Même la petite tablette dans les mains de Steve lui semblait trop lourde. Son épuisement semblait tripler à chaque photographie qu'il survolait, pesant sur lui alors qu'il s'asseyait, affalé contre le mur du couloir. Ce qui avait été autrefois le Raft – la prison de son ami – était aujourd'hui totalement détruit.

- Pas encore, dit Rhodey, ses yeux ne quittant jamais la vitre opaque qui séparait l'équipe de Tony. Cette maudite chose était trop grosse pour la faire remonter, alors ils envoient des plongeurs à la place.

Le génie était toujours sur sa chaise, les yeux fixés sur le miroitement des écrans autour du labo. Il n'avait pas bougé depuis des heures. N'avait pas parlé. N'avait rien fait d'autre que respirer et regarder ces écrans. Rhodey ne l'avait pas lâché des yeux depuis qu'il était revenu de l'épave du Raft – comme s'il avait peur que l'homme disparaisse d'une seconde à l'autre.

Steve chassa la pensée terrible qui lui dit que c'était peut-être déjà le cas – et qu'il n'y avait rien qu'aucun d'eux ne puisse faire pour arranger ça.

- Et ? l'encouragea Steve.

- Rien de concret pour l'instant, continua Rhodey. Ils remontent les corps, maintenant, et ça va prendre du temps pour –

Sa voix mourut dans sa gorge – juste pendant une minute – mais ses yeux ne quittèrent jamais l'homme de l'autre côté de la vite.

- ... les identifier.

À côté d'eux deux – avachi contre le mur, près des escaliers – se trouvait Clint. Il frappa son pied contre le mur en béton. Fort.

- En quoi c'est difficile de repérer le cadavre d'un adolescent – on pourrait penser qu'il se distingue des autres –

Bruce était debout près de Rhodey – appuyé contre la vitre. Les mots de Clint semblaient l'avoir physiquement heurté. Sa poitrine se bomba et ses yeux se fermèrent alors qu'une vague de vert teinta sa peau pendant quelques secondes.

- Clint, le coupa Steve.

Sa voix n'était pas dure – tout comme Clint n'avait pas eu l'intention de l'être non plus. Steve s'en rendait bien compte. Il pouvait voir entre le sarcasme et la rage, le père qui s'effondrait en voyant un autre parent perdre son fils.

Non. Clint ne saurait pas comment faire face à cette situation.

Tony survivait à peine.

Et les autres aussi.

- Comment va May ? demanda Steve, en se tournant vers Sam qui était appuyé contre le mur des escaliers, près de Clint.

Sam haussa les épaules, tendu, les bras croisés sur son torse.

- Elle n'est pas aveugle – elle sait qu'il se passe quelque chose – mais elle tient le coup, dit-il. Je pense que la présence de l'autre gamin aide.

Bruce détourna les yeux de la silhouette de Tony et jeta un regard à Sam.

- L'autre gamin ?

Il essaya de former un rictus sur ses lèvres, mais le mouvement eut l'air douloureux et il laissa tomber.

- Le gamin est un petit Stark en devenir – il n'arrête pas de hacker les satellites et les fichiers de reconnaissances faciales quand il pense que je ne regarde pas.

Le pied de Clint percuta de nouveau le mur en béton, plus fort, cette fois. Steve commençait à avoir peur qu'il ne se casse le pied – et ensuite il s'inquiéta encore plus du fait que ça puisse être exactement ce que voulait Clint.

- Tu devrais lui dire de ne pas s'en faire – on s'occupe de ça.

Tous les regards se reposèrent sur Tony et sur la nuée d'écrans qui l'entourait et dont chacun donnait une information différente – une différente piste à suivre. Différentes lueurs d'espoir qui s'évanouissaient au fil des heures.

Les regarder pendant si longtemps les faisait se sentir nauséeux – même Steve, avec son métabolisme renforcé.

- Et Ross ?

- A Genève, murmura Natasha, assise sur les marches juste au-dessus de Clint.

Ses yeux aussi étaient posés sur Tony.

- La version officielle c'est qu'il a quelque chose à faire par rapport aux Accords, mais officieusement il est soigné dans un hôpital privé.

- Probablement en train d'essayer de réparer ce que Tony a laissé de son nez avant que la presse ne le remarque, grogna Sam – la haine visible derrière les mots sans doute suffisante pour tuer Ross même s'il n'était pas dans la pièce.

- Ils proposent également certains des meilleurs services de sécurité que l'on puisse s'offrir, continua Natasha, ses yeux survolant les écrans dans le labo aussi vite que ceux de Tony.

Peut-être même plus. Steve commençait à s'inquiéter pour elle aussi. Pour autant qu'il sache, lui, Tony et Natasha n'avaient pas dormi depuis que l'école avait été attaquée. Tony avait l'air démoli. Steve doutait vraiment du fait qu'il soit capable de se lever de sa chaise s'il essayait. Même Steve ressentait l'épuisement. La tablette qu'il tenait dans ses mains semblait peser une foutue tonne, et il arrivait au point où, lui aussi, il trouvait difficile de se tenir debout. Il ne s'était pas senti aussi faible depuis très longtemps. Pas depuis cette fois où il était encore un enfant maigrichon, cloué au lit avec la pneumonie et pratiquement retenu par Bucky qui s'assurait qu'il reste là jusqu'à ce qu'il soit capable de respirer correctement de nouveau.

Natasha, cependant, avait l'air... d'aller bien. Il y avait des cercles noirs sous ses yeux, qui avaient l'air douloureux – mais à part ça, Steve avait du mal à déceler le moindre signe d'épuisement et c'était plus qu'inquiétant.

Même après que Clint soit revenu du Raft – pratiquement trainé par Rhodey qui le sentait prêt à s'effondrer – Natasha était restée là-bas. Elle était revenue au Complexe seulement une heure plus tôt, semblant se matérialiser subitement sur les marches des escaliers pendant que les autres surveillaient Tony.

Quand il l'avait vue, Steve lui avait demandé d'aller à l'étage pour se reposer un peu – il avait même été tenté de l'y amener lui-même, et de rester avec elle pour s'assurer qu'elle dorme, malgré son besoin presque maladif de rester près de Tony – parce que, en dépit de son attitude détachée, ses yeux ne mentaient pas.

Le miroir qui se cachait derrière ses pupilles, qui était tellement parfait que presque personne ne pouvait voir à l'intérieur, était en train de se briser, et Steve pouvait voir. Et bon sang, il aurait souhaité que ce ne soit pas le cas. Bordel, il aurait voulu pouvoir effacer les ténèbres qu'il voyait dans ces yeux – le vide, qui creusait un trou en leur centre et qui semblait profond, avait l'air de mettre au défi quiconque oserait regarder.

Il ne fallut à Steve qu'un regard dans ses yeux alors qu'elle descendait les escaliers, pour la placer juste derrière Tony dans sa liste qui grandissait rapidement des personnes qu'il était terrifié de quitter des yeux.

Steve n'était pas inquiet de ce qu'elle pourrait s'infliger à elle-même – contrairement à Tony, qui était proche de l'autodestruction – non, il était inquiet de ce qu'elle pourrait faire aux autres.

Le fait que l'équipe ait déjà tué n'était pas un secret – quelques fois, ils n'avaient simplement pas le choix, même si c'était infiniment douloureux – mais Natasha était une tueuse. De sang-froid. Et c'était terrifiant.

Steve avait le sentiment que tout risquait de basculer et de devenir hors de contrôle à tout instant, si bien qu'ils ne seraient jamais capables de l'arranger. D'arranger l'équipe elle-même.

- Pourquoi il aurait besoin d'un service de sécurité privé ? demanda Sam.

Ses bras étaient croisés si fermement sur sa poitrine que ça devait même être difficile de respirer.

- Il a une armée entière à ses pieds.

- Peut-être qu'il a finalement compris qui il vient juste de détruire, murmura Bruce depuis la fenêtre devant laquelle il se tenait.

Lui aussi semblait épuisé. Comme si chaque minute était plus difficile que la précédente.

- Et quel genre de répercussions ça pourrait avoir.

Tous les regards se posèrent de nouveau sur Tony.

Un autre bruit sourd résonna dans le hall quand le pied de Clint percuta le mur. Le béton se craquela – juste un peu – et Steve comprit que son pied se cassait également, à en juger par la grimace qui déformait les traits de l'homme.

- Il ne devrait pas s'en soucier – si Pete est mort, Ross le rejoindra.

La peur qui s'était installée dans sa poitrine – la peur de perdre chacun d'entre eux si les choses se terminaient mal – bouillonna.

- Clint –

- Tu peux cracher toutes les phrases toutes faites que tu veux, Cap. C'est non négociable, s'exclama Clint – sa voix était tellement dure que Steve était surpris que ça n'ait pas brisé le mur en béton, comme son pied juste avant. S'il a assassiné un enfant – celui de Tony – il n'y aura rien sur cette foutue planète qui puisse le sauver.

Steve ferma les yeux.

- On ne peut pas tuer le Secrétaire de la Défense.

Les mots n'étaient qu'un murmure. Ils étaient vrais. Tuer Ross leur serait fatal. Ce serait la fin de tout ce qu'ils essayaient de construire – mais ça n'avait pas d'importance, et Steve le savait.

Il savait que ses mains seraient les premières autour du cou de l'homme s'ils retrouvaient un corps.

- On ne fera rien, argua Clint. Personne ne fera rien, ajouta-t-il doucement, en s'asseyant sur une marche, ses yeux s'assombrissant.

Le fait que Natasha n'était pas la seule à pouvoir tuer de sang-froid frappa Steve.

- Pas vraiment.

- Quoi – commença Steve – mais il fut rapidement coupé, avant même d'avoir le temps de prétendre qu'il était contre cette idée.

La voix de Natasha était presque comme une berceuse – un murmure qui résonna contre les murs et dans la poitrine de chacun d'eux.

- Si un arbre tombe dans la forêt et que personne n'est là pour l'entendre, est-ce que ça fait du bruit ?

Le poids des mots – et de ce qu'ils impliquaient – était presque insoutenable.

- Ou, plus précisément, ajouta Clint, si un corps est dissous si parfaitement – avec un assortiment d'acides fluorhydrique et sulfurique – dans une baignoire en titane, est-ce qu'il y a vraiment un assassin ?

Steve savait qu'il devrait protester. Qu'il devrait être la voix de la raison – mais la raison l'avait abandonné quand on avait laissé un enfant se noyer. Alors Steve laissa tomber.

Ses yeux se reposèrent sur la tablette.

- C'est tout ce qu'il reste ? demanda-t-il en regardant de nouveau la photo.

Rhodey, dont le front reposait sur la vitre qui le séparait de Tony, répondit sans regarder.

- Ouais – le truc est complètement éclaté en plusieurs morceaux.

- Bon sang, souffla Steve, en passant d'une photo à l'autre. Qu'est-ce qui a provoqué ça ?

Vision – qui avait été silencieux et était resté dans le coin le plus éloigné de la pièce depuis si longtemps que Steve avait presque oublié qu'il était là – répondit.

- Wanda.

Ce fut suffisant pour que même Rhodey détourne ses yeux du labo. Six paires d'yeux se posèrent sur Vision.

- Quoi ? souffla Clint.

- Le Raft était composé d'un alliage en titane. Les portes en elles-mêmes pesaient une centaine de tonnes chacune. Elles ne se briseraient sous aucune des conditions qu'elles auraient pu rencontrer dans cette zone de l'Atlantique, répondit Vision d'un ton neutre.

Ses yeux, comme ceux des autres avant ça, étaient focalisés sur le labo – mais contrairement à eux, il avait l'air de regarder les écrans, comme Tony.

- L'usure visible des rotors sur les portes de la coque – et leur absence sur les portes elles-mêmes – montre qu'elles ont été ouvertes de force mais qu'aucun dommage physique n'a été infligé, continua-t-il. Les jauges de pression ont également enregistré que cette pression a subi des variations lorsque le Raft a coulé – comme s'il était remonté avant de retomber – inexplicablement.

- Elle a soulevé ce truc ?!

La stupéfaction pure dans la voix de Sam faisait écho aux expressions sidérées qui l'entouraient.

- Peut-être, acquiesça Vision, ses yeux se détournant finalement des écrans du labo.

Ils se posèrent sur le sol, et ses épaules s'abaissèrent en même temps.

- C'est la seule explication plausible qui puisse justifier ce genre de dégâts.

- Ce truc pèse des milliers de tonnes – elle pouvait à peine soulever une voiture, en Sokovie, dit Bruce, sa voix teintée d'incrédulité.

- Elle pouvait en soulever quelques-unes en Allemagne, répliqua Sam.

- En effet, dit Vision. Et ses pouvoirs n'ont pas cessé d'augmenter depuis lors.

Il sembla soudainement aussi fatigué que les autres.

- Exponentiellement.

Il y eut un bref silence pendant qu'ils essayaient – et échouaient – de comprendre tout ça.

- Comment tu sais ça ? demanda finalement Steve – son esprit tellement rempli de questions que ça le faisait se sentir légèrement nauséeux, à nouveau.

L'hésitation de Vision fut courte, mais manifeste.

- Je le sens, souffla-t-il.

Une de ses mains se leva, un doigt tremblant glissant le long de la pierre qui trônait sur son front.

- Je la sens.

- Et qu'est-ce que tu ressens en ce moment ? demanda Steve, son souffle se bloquant dans sa gorge, parce qu'il connaissait la réponse qui allait venir.

Il pouvait la voir dans la silhouette épuisée de Vision.

- Rien, murmura Vision. Je n'ai rien senti depuis que le Raft a été porté disparu.

Les mots furent suivis du silence.

Rhodey le rompit.

- Tu savais qu'elle était là.

Ce n'était pas une question, mais Vision répondit quand même.

- Oui, dit-il. Je ne pensais pas que cela aiderait de s'inquiéter pour deux plutôt que pour un. Il n'y avait rien d'autre qu'on puisse faire –

Ces yeux, qui étaient si résolument fixés sur le sol que Steve était étonné du fait qu'ils n'y aient pas creusé un trou, se fermèrent doucement.

- Et j'hésitais à parler d'elle par crainte qu'il n'y ait des répercussions.

La main qui s'était posée sur la pierre en dessina de nouveau les contours – et y resta.

- Le fait que les Accords ont été écrits à cause de la peur qu'elle inspirait n'est pas un secret.

Sa main se posa sur sa poitrine – se fermant en un poing là où son cœur aurait dû se trouver. Et Steve, à ce moment-là, était sûr que même sans cet organe, Vision ressentait la souffrance. Tout comme le reste d'entre eux.

- Je ne voulais juste pas la perdre à nouveau.

Le silence qui suivit fut plus long. Plus dur.

- Est-ce qu'elle est morte ?

Steve ne savait pas qui avait demandé – ça aurait pu être lui – mais ça n'avait pas vraiment d'importance. Seule la réponse importait. Et c'était terrifiant.

- Je ne sais pas.

Les bras de Sam se resserrèrent contre sa poitrine – si fort que ça devait réellement entraver sa respiration.

- Si elle a soulevé ce truc, peut-être qu'ils ont réussi à sortir ? argumenta-t-il.

Les yeux de Rhodey se reposèrent sur Tony – son front douloureusement pressé contre la vite.

- Ça n'est jamais remonté à la surface.

Les mots semblèrent sortir de sa bouche sans même qu'il le sache.

- Les relevés de pression montrent qu'il a cessé de couler pendant un court instant, mais n'a jamais refait surface.

- Porter tout ce poids a dû l'épuiser rapidement, murmura Vision, sa tête se baissant alors qu'il pressait davantage son poing contre sa poitrine. Si elle l'a soulevé, elle a sûrement perdu connaissance très vite.

Sam hochait rapidement la tête, mais Steve supposa que c'était sans doute pour éviter de trembler.

- S'ils étaient ensemble, Peter a peut-être été capable de les faire sortir ? argumenta encore Sam.

Le silence qui suivit fut lourd.

- Peut-être, murmura Vision.

La tablette tomba des mains de Steve et percuta le sol en béton. Les mains de Steve – trop faibles et fatiguées pour ne pas trembler – vinrent recouvrir sa tête alors qu'il se recroquevillait sur lui-même contre le mur. Un sanglot silencieux le secoua et c'était la seule chose qui l'empêchait de s'effondrer.

Les avaient-ils perdus tous les deux ?

Perdu le petit qui avait encore tant de choses à faire – tant de choses à vivre et à expérimenter – et la fille qui avait déjà tant perdu. Qui avait été mise à terre et battue et qui s'était relevée à chaque fois.

Ils étaient si jeunes. Ils étaient si jeunes.

Steve crut qu'il allait vomir.

Un soudain mouvement près de Steve lui fit relever la tête.

Clint s'était levé et avait traversé la pièce avant qu'aucun d'eux n'ait pu bouger – mais même la rapidité de ses mouvements ne pouvait cacher combien tous ses membres tremblaient.

- Putain.

Steve n'eut pas la force de le conjurer d'arrêter quand Clint s'en prit de nouveau au mur. Son pied le percuta dans un bruit sourd et le béton se fendit, des débris tombèrent sur le sol. Clint s'y laissa tomber aussi – parce qu'il avait finalement réussi à se casser la jambe ou parce que l'idée qu'ils aient perdu deux enfants était trop insupportable, Steve ne savait pas. Il se recroquevilla sur le sol.

Tout en Steve lui disait d'aller voir l'homme – mais il ne pouvait pas bouger. La nausée, et le poids qui écrasait chacun de ses membres, le paralysaient. Il n'était pas sûr de pouvoir faire un pas sans de perdre connaissance.

Les autres semblaient vivre quelque chose de similaire parce que, pendant un long moment, personne ne bougea. Personne ne tressaillit, même – comme si le temps pouvait s'arrêter, avant qu'ils n'en sachent plus.

Avant que la vérité ne les détruise.

- Est-ce que tu l'as dit à Tony ?

Les propos de Rhodey avaient l'air douloureux, et discordant – comme s'il s'était forcé à parler et que sa gorge avait refusé de coopérer.

- Non.

La voix de Vision ne se brisa pas – Steve se demanda si elle pouvait – et il ne bougea pas.

Rhodey hocha la tête, lentement, son front ne se détachant pas de la vitre qui les séparait du labo – et de l'homme qui s'y trouvait.

- Ne le fais pas – pas avant qu'on en sache plus, murmura Rhodey. Il n'a pas besoin d'avoir le poids d'une autre vie sur la conscience.

Peter sentit à peine les mains qui attrapèrent ses bras, le tirant. Il sentait à peine ses bras tout court – juste la vague sensation de quelque chose de chaud qui s'enroulait autour de sa taille alors qu'il était soulevé dans les airs. Il alternait entre conscience et inconscience – quelques mouvements le réveillaient à moitié parfois avant qu'il replonge.

On le soulevait dans les airs. D'autres mains l'attrapaient alors qu'on le posait sur quelque chose de solide. D'autres mains encore – des mains qui se pressaient contre sa poitrine, sa gorge et son poignet.

Des voix. Des voix tout autour de lui. Criant – sur lui, sur les autres, Peter n'était pas sûr. Ça n'avait pas d'importance. Il pouvait à peine les entendre. A peine sentir qu'il était de nouveau soulevé par plusieurs paires de mains et qu'on le déplaçait. Il perdit connaissance à nouveau. Même les mains autour de lui – qui tiraient sur ses vêtements, s'attardant sur sa poitrine et pressant quelque chose de froid, en plastique, au-dessus de ses lèvres et de son nez – ne le réveillèrent pas.

Il était trop froid.

Il voulait rentrer à la maison – il voulait s'enrouler dans une couverture à l'appartement et regarder L'Empire contre-attaque pour la millionième fois. Il voulait voir May. Et Ned. Et Tony.

Quelque chose de chaud et de mouillé glissa le long de la joue de Peter.

Il était trop froid. Trop fatigué.

Je suis désolé.

Il n'était pas sûr d'avoir dit les mots à voix haute – ou si quelqu'un les avait entendus. Ni même s'il y avait quelqu'un.

Il était désolé pour beaucoup de choses.

Désolé de ne pas être plus fort – de ne pas avoir été capable de se sortir lui-même des griffes de Ross. Désolé d'avoir laissé les choses déraper à ce point. Désolé d'avoir causé plus d'ennuis à Tony qu'il ne le méritait. Désolé d'avoir jeté le ballon de Todd Newton par-dessus la clôture de l'école, en CE1 – mais pas vraiment, en fait. Ce gamin était un con, même à cet âge-là.

Désolé de les quitter – il ne le voulait pas. Mon Dieu. Il ne le voulait pas.

Il voulait goûter à d'autres expériences culinaires de May. Il voulait rester assis à l'entrée d'un cinéma pendant des heures avec Ned en attendant l'avant-première de n'importe quel film à venir. Il voulait être dans le labo avec Tony – il voulait voir encore le visage de l'homme se détendre et s'illuminer quand il travaillait. Il voulait ressentir la joie qui transparaissait de ce sourire. Peter se rappelait toujours de la première fois qu'il l'avait vu. C'était quand ils travaillaient tous les deux avec les systèmes holographiques et que Peter avait regardé une vidéo que Ned lui avait envoyée. Si Peter avait su que le fait de voir des remix de rap montés à partir des vidéos que Steve avait faites pour l'école ferait autant rire Tony, Peter l'aurait fait bien avant. L'homme avait semblé tellement libre – tellement léger – et Peter s'était senti libéré lui aussi.

Aimé, même.

Il se sentait aimé quand Tony le regardait à travers le labo avec le fantôme d'un sourire sur les lèvres. Et il ressentait lui aussi de l'amour en retour.

Il aimait Tony. Tout comme il aimait May. Ned.

Il voulait qu'ils soient là. Il voulait qu'ils soient tous là.

Il voulait que Peter Parker soit là.

Et puis, d'une seconde à l'autre, toutes ces pensées s'évanouirent, et Peter partit avec elles...

Ce fut Rhodey qui capta le mouvement en premier. Avec son front toujours pressé contre la vitre qui les séparait du labo, ça lui aurait été impossible de le manquer.

Steve capta seulement le mouvement soudain de Rhodey.

Tout le groupe avait été silencieux et immobile pendant si longtemps que le moindre mouvement pouvait attirer l'attention de Steve – et celui de Rhodey, qui était tout près, fut suffisant pour qu'il le remarque.

Le « Tony – » presque guttural qui sortit de sa gorge fit se lever Steve d'un bond.

La première chose qu'il remarqua fut la chaise vide de Tony – et le monde de Steve s'arrêta de tourner un instant. Non.

Il était parti. Il était parti – Steve l'avait lâché des yeux pendant une seule seconde et il l'avait perdu. Il en avait perdu un autre –

Il se précipita dans le labo juste derrière Rhodey, à peine conscient de ce qu'il faisait. Tony était parti – bon sang, Tony était parti – il fallait qu'ils le retrouvent – il fallait que – il fallait –

Et puis il le trouva.

Tony était sur les genoux devant sa chaise, ayant l'air de pouvoir s'effondrer sur le sol d'une seconde à l'autre, et agrippait le clavier le plus proche.

Non.

Ils avaient trouvé un corps. Ça devait être ça. Ils avaient trouvé un corps et Tony l'avait découvert à travers un des réseaux qu'il avait hackés.

Oh mon Dieu. Non. Ils n'allaient pas traverser ça. Ils n'allaient pas faire traverser ça à Tony

Mais Tony n'était pas catatonique – il ne criait ni ne pleurait ni ne détruisait son labo dans une rage mortifère, comme l'avait imaginé Steve pendant des heures.

Non.

Il tapait sur son clavier.

Il tapait plus vite que Steve ne l'avait jamais vu taper de toute sa vie, ses doigts devenant presque flous tandis qu'ils s'abattaient sur les touches avec assez de force pour les casser.

- Tony ?

Rhodey était tombé à genoux à côté du corps tremblant de son ami.

- Tony ?! croassa-t-il, d'une voix teintée de désespoir.

Il se redressa un peu et agrippa les épaules de Tony alors que Steve tombait lui aussi à genoux à côté de l'homme. Les autres étaient tout autour d'eux – osant à peine respirer.

- Tony, qu'est-ce qui se passe – demanda de nouveau Rhodey, en faisant de son mieux pour écarter Tony de l'ordinateur pour une seconde afin de savoir ce qui était en train de se passer. STOP ! Tony, qu'est-ce qui se passe

Tony n'avait pas dit un mot depuis que lui et Steve s'étaient parlé. Il n'avait répondu à personne. Pas une seule question n'avait ramené la vie en lui, alors quand sa voix rugit si fort qu'on aurait pu se demander si les fondations du Complexe n'avaient pas tremblé, tout le monde fut sous le choc.

- FERMEZ-LA !

Ils s'exécutèrent.

Il continua à taper furieusement, et doucement – de façon à peine audible – Tony commença à murmurer. A lui-même ou à eux, Steve ne savait pas – mais c'était là.

- Un bateau polonais de pêche en mer profonde rapporte qu'il a récupéré des gens dans l'eau, à l'extérieur de notre zone de recherche, à environ 160 kilomètres –

Les mots sortirent à toute vitesse des lèvres de Tony alors qu'il tapait sur son clavier, et Steve en comprit seulement la moitié.

- Ils ont dit quelque chose à propos d'un garçon – quelque chose à propos de –

Ça il le comprit. Tout comme Rhodey.

Rhodey – avec plus de force que Steve ne l'avait jamais vu employer sur son ami – repoussa Tony loin du clavier en l'attrapant par les épaules, de façon à ce qu'il lui fasse face.

- Tony, stop. Respire, ordonna Rhodey.

Et Tony le fit. Simplement. Quand il eut enfin pris une profonde inspiration, Rhodey l'éloigna légèrement de lui.

- Qu'est-ce. Qui. Se passe.

Tony tremblait – tout son corps semblait être pris de spasmes qui rendaient difficile le fait de rester à genoux – mais sa voix, pour la première fois depuis que tout ça avait commencé, était ferme.

- Un bateau polonais qui pêche en mer profonde a récupéré des gens dans l'eau, mais je ne peux pas en savoir plus – les informations sont transmises par les garde-côtes – le bateau est trop vieux pour avoir une communication numérique, ils rapportent tout par le biais d'une radio analogue, alors je ne peux pas –

Quelque chose brilla dans les yeux de Tony – et Steve aurait pu en pleurer. Il pensait qu'il ne reverrait jamais ce regard.

Avant que Steve ait pu prendre une inspiration – essayant d'assimiler toutes les informations – Tony se leva et bougea rapidement. Rhodey le laissa faire, bougeant également avant de sortir son téléphone de sa poche. Il tapota furieusement dessus.

Tony traversa le labo en quelques secondes et se pencha au-dessus d'une Ford Roadster de 1930 que Steve avait admiré plus d'une fois quand il était dans le labo. Il y eut un bang, un boom et ensuite Tony arracha tout le tableau de bord.

Steve – toujours sur les genoux – poussa une exclamation de surprise quand Tony arracha les haut-parleurs et le volant avec.

Qu'est-ce qu'il –

Et puis le cerveau de Steve se mit finalement en route, et il comprit – au moment où Rhodey commençait à parler au téléphone – ce qui se passait.

La radio. Tony construisait une radio pour joindre le bateau. Le bateau qui avait ramassé les gens échoués en mer.

Oh mon Dieu. Oh mon Dieu.

S'il-vous-plait.

- Ici le Colonel Rhodes –

La voix de Rhodey était forte, pour couvrir les bruits que faisait Tony en continuant à démonter le tableau de bord.

- J'ai besoin d'un canal radio pour un bateau de pêche polonais situé à environ 41 degrés, 24 minutes par – 61 degrés –

Bruce sembla comprendre lui aussi parce qu'il rejoignit Tony, attrapant les câbles et les fils électriques que l'homme avait extrait de la voiture, et commença à les réorganiser. Tony – une fois qu'il eut fini de démonter le système de haut-parleurs de la voiture – le rejoignit sur le sol. Ils étaient silencieux, tellement en phase l'un avec l'autre qu'ils n'avaient pas besoin de parler alors qu'ils se tournaient autour, attachant et détachant certains câbles.

Steve était figé, comme le reste du groupe – Sam, Clint et lui-même clairement incompétents quand il s'agissait de technologie, et Natasha et Vision ne pouvaient rien faire de plus. Le besoin désespéré de faire quelque chose, d'aider, était accablant, mais Steve ne pouvait rien faire. Il ne pouvait pas aider dans ce domaine. C'était le monde de Tony – et il savait y faire. Ses doigts bougeaient rapidement autour de la machine jusqu'à ce qu'elle se mette à fonctionner.

Clint tremblait toujours à côté de lui – son corps entier secoué par les tremblements. Steve se rapprocha de lui, empoigna l'ourlet du t-shirt de l'homme et tira, légèrement. Tendant le tissu sur sa poitrine.

Bucky avait l'habitude de faire ça. Quand Steve paniquait, Bucky tirait sur son t-shirt. La soudaine pression exercée contre sa poitrine le ramenait sur terre – ça lui faisait se rendre compte de ses poumons douloureux et de sa respiration difficile.

Ça lui faisait prendre conscience de quelque chose de réel. Même quand Bucky avait disparu – Steve avait continué à le faire quand il paniquait. Quand les fantômes ne voulaient pas le laisser tranquille.

Les yeux de Clint se posèrent sur lui, mais il ne dit rien. Il ne s'éloigna pas. Lentement, les tremblements se calmèrent, et les inspirations qu'ils prenaient semblaient moins douloureuses.

Non. Steve ne pouvait pas construire une radio – ni même un foutu grille-pain – mais il pouvait les garder unis. Il les garderait unis. Et quand ils retrouveraient Peter et Wanda – parce que, mon Dieu, s'il-vous-plait, faites en sorte que ce soit eux, épargnez-les – ils les garderaient unis avec eux aussi. Il les aiderait à surmonter ce par quoi ils étaient passés sur le Raft – et même avant, dans le cas de Wanda.

Plus de fuites. Plus de combats. Ils ne se contenteraient plus de se débrouiller seuls. Ils étaient une équipe, et bordel-de-merde il allait le leur faire entrer dans le crâne si c'était nécessaire.

Il l'avait détruite – il le savait – et bon sang il allait la remettre sur pieds.

Rhodey – quand il eut reçu une réponse de la personne à qui il était en train de parler – abandonna son téléphone et rejoignit Bruce et Tony, les aidant à programmer à la petite radio de fortune avec la précision de quelqu'un qui a fait ça toute sa vie. En quelques minutes seulement, un petit craquement se fit entendre. Rhodey s'empara du petit microphone qu'ils venaient de fabriquer pour la machine.

- Ici le Colonel Rhodes, Air Force des Etats-Unis – est-ce que quelqu'un me reçoit ?

Personne ne bougea. Personne ne respira.

Après les minutes les plus tendues de la vie de Steve, la radio grésilla et une voix répondit.

Les mots étaient incompréhensibles – c'était une autre langue, sans doute européenne, mais aucune que Steve arrivait à comprendre –

- F.R.I.D.A.Y., traduis ! claqua Tony en se rapprochant de Rhodey qui recommençait à parler.

- Ici le Colonel Rhodes, Air Force des Etats-Unis, avec qui suis-je en train de parler ?

Une réponse grésilla depuis la radio et la voix de F.R.I.D.A.Y. prit le dessus.

- Ici le Capitaine Nowak, du Podróż, en quoi puis-je vous aider ?

Tony s'appuya contre Rhodey, ses yeux si grands ouverts et plein d'espoirs que Steve retomba à genoux à côté de lui, embarquant Clint dans sa chute, comme il le tenait toujours pas son t-shirt.

- Vous avez rapporté que vous avez récupéré deux personnes dans l'eau – pouvez-vous le confirmer ? répondit Rhodey, ses yeux ancrés dans ceux de Tony.

S'il-vous-plait.

Steve ne savait pas quel dieu il suppliait – tous. Tous ceux qui l'écoutaient.

Un grésillement retentit, et la voix de F.R.I.D.A.Y. traduisit.

- Oui – on a trouvé deux personnes couchées sur un débris en métal en fin de soirée. Un garçon et une fille.

Les yeux de Tony se posèrent sur Steve.

- Wanda et Peter..., souffla Steve – et il respira vraiment cette fois.

Ce n'était pas les inspirations étranglées qu'il essayait de prendre depuis qu'il avait vu la chaise vide de Tony.

Il fallait que ce soit eux. Il le fallait –

La terreur s'inscrit de nouveau sur le visage de Tony.

- Wanda – exhala-t-il, la confusion emplissant son regard.

Steve le rejoignit et posa ses mains sur les épaules de Tony.

- Un garçon et une fille – répondait déjà Rhodey, le micro serré entre ses deux mains. Est-ce qu'ils sont jeunes ?

La question sembla flotter dans l'air pendant trop longtemps.

Mais la réponse en valait la peine. Mille fois.

- Oui.

Tony mit ses mains autour de celles de Rhodey et attira le micro vers lui.

- Leurs noms – croassa-t-il, ses yeux grands ouverts. Quels sont leurs noms ?!

Un nouveau grésillement se fit entendre à travers les haut-parleurs.

- Nous n'avons pas été capables de déterminer leurs noms – tous deux sont dans une condition critique due à une exposition prolongée, et n'ont pas repris connaissance depuis que nous les avons remontés à bord.

L'espoir – et la pure joie – qui avaient éclaté dans la poitrine de Steve redescendirent d'un seul coup. Ils étaient blessés. Ils étaient blessés gravement.

Les jointures de Tony blanchirent quand il resserra douloureusement ses mains autour de celles de Rhodey.

- Le garçon – de type caucasien, brun, yeux marrons, 1m76, environ 68 kilos ? souffla Tony, ses mains – et par extension, celles de Rhodey – tremblaient. Et la file – de type caucasien, brune, yeux verts et environ –

Les yeux de Tony se posèrent sur Vision qui s'était agenouillé au sol avec eux, juste à côté.

- 1 mètre 65, 57 kilos.

- 1 mètre 65, 57 kilos, répéta Tony.

Grésillement.

- Oui. Ça semble exact.

C'était eux. C'était eux. Ils étaient vivants. A peine – mais vivants.

Tony semblait être sur la même longueur d'ondes. Il s'écarta du micro.

- F.R.I.D.A.Y., trouve ce bateau.

Rhodey porta de nouveau le micro à ses lèvres.

- Dans quelles conditions sont-ils ?

Grésillement.

- Le garçon est en état de choc hypothermique – et ne se réchauffe pas malgré nos efforts, répondit la voix de F.R.I.D.A.Y. par-dessus celle de l'homme.

- C'est définitivement Peter –

Tony hochait si vite la tête que ça devait lui donner le vertige.

- Il ne peut pas réguler la température de son corps – quand sa température monte ou descend, il ne peut pas la réguler.

Les doigts de Tony se recourbèrent contre sa poitrine, tapotant rapidement à l'endroit où son réacteur ARK s'était trouvé.

- F.R.I.D.A.Y., assure-toi que le thermo-équipement est prêt et bien dans le jet –

Tony se remit face à Rhodey et reprit ses mains ainsi que le micro.

- Et la fille ?

Grésillement.

- Nous n'en sommes – répondit la voix de F.R.I.D.A.Y. – pas sûrs.

Les mains de Tony retombèrent. Celles de Clint les remplacèrent.

- Qu'est-ce que ça veut dire putain ? souffla-t-il dans le micro.

Grésillement.

- Elle souffre également d'une sérieuse hypothermie – bien qu'elle réagisse à nos tentatives de la réchauffer – mais elle ne réagit pas aux stimulus. Encore moins que le garçon, traduisit F.R.I.D.A.Y. Ses pupilles sont inégalement dilatées. Peut-être un traumatisme crânien. Nous n'avons pas les ressources médicales suffisantes à bord pour le savoir – ou pour aider.

- Le déploiement d'une telle énergie psychique peut provoquer les symptômes d'un anévrisme ou d'un accident vasculaire cérébral, dit Vision quand la radio devint silencieuse. Et soulever le Raft – même pour un court moment – a dû lui demander énormément d'énergie.

Tony s'était levé si vite que même Steve ne l'avait pas vu bouger.

- F.R.I.D.A.Y. –

- Les coordonnées ont été trouvées et entrées dans le navigateur de bord, Patron, répondit immédiatement F.R.I.D.A.Y. sans même qu'il pose de question. Le jet est prêt – les moteurs sont en route et poussés au meilleur de leurs capacités – il vous attend sur l'héliport.

Les yeux injectés de sang de Tony se posèrent sur les autres – tous toujours à genoux sur le sol.

- Tous ceux qui ne sont pas dans le jet dans les trente secondes qui suivent resteront ici.

Chacun d'entre eux était sorti du labo en moins de cinq.

S'il-vous-plait. S'il-vous-plait.

S'il-vous-plait.

S'il-vous-plaits'il-vous-plaits'il-vous-plaits'il-vous-plaits'il-vous-plaits'il-vous-plaits'il-vous-plaits'il-vous-plaits'il-vous-plait.

Mon Dieu. S'il-vous-plait laissez-les vivre. Juste laissez-le vivre – Tony pourrait arranger n'importe quoi d'autre. N'importe quoi d'autre. Juste laissez-le vivre.

Laissez-les vivre tous les deux.

Tony donnerait n'importe quoi. N'importe quoi.

Mon Dieu. Il avait l'impression d'être de retour près du lac – sauf que cette fois il ne pouvait pas partir. Il se sentait piégé là-bas à essayer, à forcer le petit à vivre, pendant des jours. Cherchant. Priant. Suppliant.

Le vol – rétrospectivement – n'était rien. Deux heures à peine comparées à ces jours d'attente. Ce n'était rien. Mais c'était tout. Chaque minute passée était une autre minute pendant laquelle le petit pouvait mourir. Pendant laquelle Wanda pouvait mourir. Non.

Non.

S'il-vous-plait.

- ... ony.

Mon Dieu, s'il-vous-plait. Ne le prenez pas – ne le prenez pas

- Tony !

Les yeux de Tony s'ouvrirent d'un seul coup. Steve lui faisait face – ses yeux bleus plongés dans les siens.

- Quoi ? croassa Tony, et mon Dieu c'était douloureux.

Sa voix semblait avoir décidé de ne plus jamais fonctionner à nouveau.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

- Rien.

Steve secoua doucement la tête.

- Rien – tout va bien. Nous sommes sur la bonne voie, le bateau n'a pas rappelé, tout va bien se passer. Tout va bien.

Steve n'était pas assez proche de lui pour le toucher. Peut-être qu'il savait que Tony ne pouvait le supporter en cet instant – il ne pouvait pas supporter un seul stimulus de plus s'il ne voulait pas devenir fou – mais il était assez proche pour être là si Tony tombait. Il l'avait été depuis le début du vol. Depuis que Rhodey s'était assis au pilotage et Clint au co-pilotage, avant que Tony n'ait pu dire un mot. Il n'avait rien dit. Il n'aurait même pas pu faire un geste en cet instant. Peut-être que c'était pour ça que Steve était aussi proche.

- Ils ne vont pas bien, souffla Tony.

La tête de Steve se pencha davantage vers lui.

- Ils ne vont pas bien – ils sont blessés. Gravement. Ils –

- Ils vont s'en sortir.

Le ton de Steve ne souffrait aucune protestation.

Ça n'avait cependant jamais arrêté Tony.

- Mais, ils –

- Ils sont en vie, souffla Steve. On peut arranger n'importe quoi d'autre. Ils vont s'en sortir. On va s'en sortir.

Tony se tut de nouveau, sa main caressant distraitement la cicatrice sur sa poitrine. Cachant ses faiblesses – comme il l'avait toujours fait. Comme son père le lui avait appris. Mais le geste lui offrait aussi un peu de réconfort – et il n'avait pas besoin de trop y réfléchir pour savoir pourquoi.

Il savait que sa réelle faiblesse n'était pas le trou que le réacteur ARK avait laissé.

C'était celui que le petit avait laissé – et qu'il ne pouvait combler.

La voix de Clint résonna dans le cockpit – et Tony s'était levé avant même qu'il ait fini.

- Je le vois.

L'armure se forma autour de lui en quelques secondes, et les portes arrière du jet s'ouvrirent au-dessus de l'eau bleue.

- Tony –

La voix de Steve porta au-dessus des hurlements du vent. Tony se retourna, s'attendant presque à le voir essayer de le retenir.

Ce n'était pas le cas.

Il était juste derrière Tony.

- Vas-y, dit-il en hochant la tête. Juste – juste respire. Quoi que tu trouves, quelle que soit leur condition, juste, respire. On surmontera ça. Vas-y – on sera juste derrière toi.

Tony sauta de l'avion.

Il enclencha à peine ses propulseurs alors qu'il tombait du ciel jusqu'au large bateau de pêche en-dessous de lui – il était si proche maintenant que l'idée de ne pas y être tout de suite était douloureuse. Il se posa sur le pont avec un peu trop de force – le bois se craquelant sous son pied – et ses genoux protestant, mais il sortit de l'armure sans perdre une seconde. Tous les marins sur le pont le regardèrent d'un air choqué.

- Je suis là – croassa-t-il, avant de s'interrompre.

Mon Dieu, est-ce qu'ils pouvaient au moins le comprendre – comment était-il supposé –

Avant que son cerveau n'ait pu comprendre assez pour demander de l'aide à F.R.I.D.A.Y. à travers l'armure, un des marins s'approcha de lui. Il avait l'air vieux – presque la soixantaine – mais dont la barbe pouvait rivaliser avec celle de Tony.

- Les enfants ? demanda-t-il, son accent gras et son anglais approximatif – mais c'était suffisant.

Plus que suffisant. Tony fit un pas vers lui.

- Oui, oui, les enfants, souffla-t-il. Ils vont – ils vont bien ?

Le marin lui fit signe de le suivre, et Tony s'exécuta sans hésitation. Il les fit traverser le pont jusqu'à une petite barrière, et ils descendirent ensuite dans la cale du bateau.

Chaque pas faisait battre le cœur de Tony un peu plus fort. Un peu plus vite.

La description semblait correspondre à eux. Le Capitaine avait confirmé que, qui que ce soit, ils leur ressemblaient – mais ils n'avaient toujours pas eu de réelle confirmation.

Ils pouvaient toujours se tromper –

Non. Non.

Ils ne pouvaient pas se tromper.

Il fallait que ce soit eux.

Quelques pas de plus, un autre long couloir – le bateau tanguait mais Tony le remarqua à peine alors qu'il suivait difficilement l'homme plus âgé – et enfin une porte tout au bout.

L'homme l'ouvrit avec difficulté, l'eau salée ayant fait rouiller les charnières depuis longtemps, et fit un signe de tête à Tony pour lui indiquer qu'il pouvait rentrer.

Il le fit.

Ça devait être d'habitude la salle à manger – ou quel que soit le nom qu'on donnait à une salle à manger dans un bateau – parce que c'était la seule pièce parmi toutes celles par lesquelles ils étaient passés qui soit assez grande pour contenir deux grandes tables qui prenaient presque toute la place. Sauf qu'il n'y avait pas de nourriture dessus – seulement deux petits corps.

L'un d'eux, recouvert des pieds à la tête, à tel point que seule une petite touffe de cheveux bruns dépassait de la couverture, attira l'attention de Tony immédiatement. Et une fois que ses yeux se posèrent dessus, ils ne le quittèrent pas – Tony doutait qu'ils le fassent un jour.

- Peter.

Tony traversa la pièce en un rien de temps, retirant les couvertures et haletant à la vue du petit – pâle, froid et inconscient.

C'était son fils.

- Peter.

Tony se pencha, jetant son corps au travers de la table – ses bras enroulés autour du petit pour l'écraser contre sa poitrine, où personne ne pourrait plus le lui enlever. Plus jamais. Plus jamais. Mon Dieu. Oh mon Dieu.

Des sanglots étouffés – et brisés – emplirent la petite pièce, et cela prit plus longtemps que ça n'aurait dû à Tony pour se rendre compte que c'étaient les siens. Qu'il sanglotait, et se balançait d'avant en arrière, avec le petit écrasé contre sa poitrine – sa tête pressée contre les cheveux incrustés de sel de Peter, alors que ses genoux protestaient de sa position contre la dure table de bois.

Peter était froid. Il était définitivement trop froid – Tony le rapprocha un peu plus près de lui, Dieu-seul-savait-comment puisque le petit était déjà contre sa poitrine, aussi fort que Tony osait le serrait, sa tête reposant dans le creux du cou de Tony – mais il respirait. Son pouls était lent, mais indéniablement là quand Tony posa ses doigts tremblants contre la gorge de Peter.

Pendant un moment, Tony le tint juste. Il le tint et le berça doucement d'avant en arrière alors qu'il remerciait la moindre personne – n'importe quoi – qui soit en train de l'écouter. Qui l'avait entendu. Qui l'avait entendu supplier et plaider dans l'obscurité de son labo quand les autres étaient partis. Parce que le petit était là – il était dans les bras de Tony et il respirait. Tout ce pour quoi Tony avait supplié, et pour la première fois depuis que tout ça avait commencé, Tony eut l'impression qu'il respirait, lui aussi. Enfin. Enfin l'oxygène entrait dans sa gorge et descendait jusque dans sa poitrine.

Il se sentit réveillé – vraiment réveillé pour la première fois depuis qu'il avait regardé son téléphone dans la salle d'audience, presque une semaine plus tôt.

- Mer-ci, exhala Tony contre les cheveux du petit, s'étranglant avec un autre sanglot alors qu'il bougeait sa tête pour poser sa joue sur le haut du crâne de l'enfant. Bon sang – mon Dieu – je ne – j-juste, mer-ci

Tony ferma les yeux – laissant de nombreuses larmes couler le long de ses joues – et il les ouvrit de nouveau, luttant pour regagner un semblant de contrôle sur lui-même. Et échouant.

A côté d'eux, Wanda reposait sur la seconde table – qui avait été repoussée contre celle sur laquelle s'était tenu Peter – et d'une certaine manière, semblait dans un état pire que celui de Peter. Elle était mortellement pâle, elle aussi, mais presque tout son visage, à partir de son nez jusqu'à son cou, était recouvert de sang.

Gardant Peter fermement pressé contre sa poitrine – sa tête appuyée dans le creux du cou de Tony – Tony se pencha sur Wanda et agrippa un de ses poignets avec une main tremblante.

Non. Mon Dieu. Non.

Faites qu'elle ne soit pas morte. Faites qu'elle ne soit pas morte. Ne me laissez pas être responsable de la mort de chaque Maximoff

Là. Il y avait un pouls. C'était définitivement un pouls. Faible – et ratant trop de battements pour que ce soit rassurant – mais c'était là. La main tremblante de Tony se posa sur sa joue. Le sang y était incrusté, et était rugueux contre sa peau, alors qu'il la secouait doucement.

- Wanda ? l'appela-t-il.

Elle ne bougea pas.

- Wanda ?

Rien.

La main de Tony se reposa sur son poignet – le serrant désespérément. Comptant les battements. Tout comme il comptait ceux de Peter – il le faisait depuis qu'il l'avait serré contre sa poitrine, où il pouvait sentir chaque battement contre sa propre peau.

Sa tête se pencha en avant, sa joue reposant de nouveau contre les boucles de Peter, et il le rapprocha plus près de lui, s'accrochant au poignet de Wanda comme si sa vie en dépendait.

C'était ce qu'il ressentait – comme si ça faisait des heures qu'il était seul dans cette pièce, à compter les battements des deux enfants – mais ça aurait pu n'être que quelques minutes. Peut-être moins.

Tony ne s'était même pas rendu compte que quelqu'un d'autre était entré dans la pièce. Il n'avait rien remarqué jusqu'à ce que le poignet de Wanda lui soit presque arraché.

La tête de Tony se releva d'un seul coup. Ses doigts se resserrèrent autour du poignet auquel il s'agrippait.

Vision se tenait à côté de lui – ses yeux tellement focalisés sur Wanda que Tony doutait même du fait qu'il l'ait remarqué lui.

Les mains de Vision caressait le visage strié de sang de Wanda avec une telle tendresse que Tony ressentit presque le besoin de regarder ailleurs. Il lâcha son poignet quand Vision pressa la pierre qui se trouvait sur son front contre celui de Wanda.

Sa réaction fut instantanée. Consciemment ou non, Tony ne put le dire, ses doigts se refermèrent, et elle réussit à prendre des inspirations plus longues et moins difficiles.

Vision se retira – juste d'un centimètre – et les yeux de Wanda s'ouvrirent.

Tony regarda alors ailleurs, mais pas parce qu'il sentait qu'il devait, non, parce que le fait de regarder lui brûlait la rétine. Les couleurs qui tourbillonnaient dans ses yeux le laissèrent tremblant, essoufflé et nauséeux.

Un instant plus tard, elles disparurent. Ses yeux se refermèrent. Ses doigts se rouvrirent – mais sa respiration était moins laborieuse. Son visage sanglant avait repris un peu de couleurs.

Vision se redressa en portant Wanda dans ses bras, au moment où Steve entrait dans la pièce.

Ses yeux se posèrent d'abord sur Tony – ses yeux bleus se fixant dans les yeux de Tony pendant une seconde avant de descendre vers Peter, serré contre sa poitrine, puis sur Wanda dans les bras de Vision.

- Ils sont en vie, croassa Tony.

Il pouvait sentir le cœur de Peter battre contre sa propre poitrine.

- Ils sont en vie.

- Amène-la dans le jet, souffla Steve en regardant Vision.

L'homme n'eut pas besoin qu'on lui dise deux fois. Il avait passé la porte avant même que Steve ait terminé sa phrase. Puis Steve se posta à côté de Tony, pressant une main contre la tête de Peter et l'autre contre le cou du petit – la tension dans ses épaules se relâcha, juste un peu, quand il sentit le pouls qui battait contre son doigt.

- Il est froid, dit Tony, luttant toujours pour calmer ses sanglots qui brisaient sa poitrine.

Il resserra ses bras autour du petit corps de Peter.

- Il est trop froid –

- On peut arranger ça.

Steve hochait la tête, pour lui ou pour Tony, Tony ne savait pas vraiment.

- On va le ramener dans le jet et le réchauffer rapidement – tu as dit que le jet était équipé pour ça, on était préparés à ça –

Tony acquiesçait à chaque mot prononcé par Steve, essayant de se forcer à faire ce qu'il savait qu'il devait faire. Ce à quoi il pensait aurait pu le tuer – mais il fallait qu'il le fasse.

Steve était plus chaud. Steve était plus chaud que lui – et définitivement plus chaud que l'armure.

Steve devait le prendre. Steve devait l'amener dans le jet. Tony devait le laisser.

- Prends-le.

Et bon sang, les mots le tuèrent presque, mais il se força à les dire.

- Prends-le, amène-le dans le jet.

- Tony – commença Steve, mais il ne recula pas quand Tony lui tendit Peter, et il l'agrippa aussi fort que Tony.

Le serrant fort contre sa poitrine.

- Vas-y, exhala Tony. Vas-y, je serai juste derrière toi.

Steve s'attarda seulement pendant une seconde, ses yeux cherchant dans ceux de Tony. Quoi qu'il cherchât, il avait dû le trouver parce que la seconde suivant, il passait la porte, Peter toujours serré contre sa poitrine.

Tony se remit sur ses jambes, qui tremblaient, et le suivit. A l'extérieur de la pièce, le vieil homme attendait, ayant sûrement indiqué le chemin à Steve.

Tony s'arrêta près de lui.

- Merci, souffla-t-il.

Le fait de pouvoir le dire à une autre personne – qui avait vraiment joué un rôle dans le sauvetage de son gamin – était presque étourdissant.

- Tout ce que vous voulez, se força-t-il à bafouiller. Tout ce dont vous avez besoin – ce que vous voulez – c'est à vous. Juste – juste dites-moi.

L'homme l'observa pendant un moment, si longtemps que Tony se demanda s'il l'avait compris, avant de répondre.

- Ramenez juste ces gamins à la maison, dit-il avec un accent approximatif, mais sa voix était douce.

Tout comme ses yeux.

- Mais il semble que ce soit la maison qui les ait retrouvés.

Quand Tony fut de retour dans le jet, le petit – enroulé des pieds à la tête dans une couverture thermique – de nouveau pressé contre sa poitrine, il comprit finalement les mots. Une main reposant contre le front de Peter, ses doigts enroulés autour des boucles sombres, et l'autre main pressée contre sa poitrine qui se soulevait à intervalles réguliers, Tony respirait vraiment.

La maison. Son fils était à la maison.

Et Tony eut le sentiment qu'il l'était, lui aussi. 

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