Chapitre 7 : The Search
Chapitre 7 : The Search
Les recherches
Les jointures de Tony étaient toujours teintées d'une palette de bleu – marqué également par quelques coupures – même maintenant, plusieurs jours après. Steve avait eu une pensée pour le visage de Ross, et ce qui restait de son nez, mais se rendit compte qu'il ne s'en souciait par vraiment. Il se fichait de pas mal de choses, en ce moment. Des Accords. Du procès que Ross leur avait intenté. Même du nombre de gardes accru aux abords du Complexe, qui étaient apparus quelques heures à peine après que Ross soit parti, et qui ne s'étaient pas encore dispersés.
Non. Steve se rendit compte qu'il accordait à peine une pensée à tout cela.
Parce que la silhouette de Tony – silencieuse, et tellement recroquevillée sur elle-même dans la chaise qu'il était difficile de distinguer chaque membre de son corps – le hanterait jusqu'à la fin de ses jours.
Rhodey avait apporté un pack de glace pour sa main, mais il avait fini abandonné sur la table derrière Tony, là où l'autre homme l'avait laissé avant de partir pour se rendre sur l'épave du Raft.
Parti pour chercher le corps.
Steve s'approcha de Tony, recroquevillé sur sa chaise, au milieu du laboratoire – la chaise était assez loin du bureau, mais suffisamment près pour qu'il voie le moindre petit détail qui passait sur les nombreux écrans qui jonchaient le bureau. D'une certaine manière, il semblait y en avoir encore plus qu'il y a quelques heures, quand Steve était parti marcher un peu, avant de revenir à cette même place – à un ou deux pas de ce qui restait de son ami.
- Tony ?
Tony ne réagit même pas. Steve se rapprocha un petit peu, et se mit à sa gauche. Les yeux de Tony étaient tout ce qui bougeait. Glissant de gauche à droite le long de la multitude d'écrans à une vitesse telle que Steve se sentit un peu nauséeux.
- Tony ?
Les yeux de Tony se posèrent sur lui.
- Steve ?
Steve prit une chaise qui état proche et s'assit dessus, près de Tony.
- Qu'est-ce que tu fais ? murmura Steve, en observant les cartes qu'il y avait sur les écrans, qui bougeaient et qui s'actualisaient régulièrement.
Des nombres changeaient sur les abords de l'écran.
Des cartes maritimes.
- Ce que je fais... ? répéta Tony – en reposant ses yeux sur les écrans.
La douce lumière bleue teintait ses yeux autrefois marrons et brillants en un gris maladif.
- Quelle heure est-il ? murmura-t-il, en détournant le regard pour observer la pièce autour de lui.
- Quatre heures.
Les yeux de Tony se reposèrent sur Steve.
- ... de l'après-midi ?
Quelque chose se serra douloureusement dans l'estomac de Steve.
- Du matin, répondit-il doucement. On est mardi, Tony.
Les yeux de Tony revinrent vers les écrans.
- Je cherche, dit lentement Tony, comme s'il venait juste de se rappeler de la question initiale de Steve.
Le nœud dans la gorge de Steve se desserra – juste un peu.
- Ils – Rhodey n'a pas – trouvé –
Un corps.
- ... n'a rien trouvé ?
- Non.
Steve laissa échapper un souffle tremblant et le silence revint.
Ce fut Steve qui le rompit.
- Tu devrais dormir un peu.
Tony ne dit rien.
- Tu as faim ? Je peux te ramener quelque chose.
De nouveau, Tony ne dit rien. Si sa poitrine ne se soulevait pas, Steve aurait la terrible sensation de parler à un cadavre. La lumière bleue des écrans ne rendait sa peau que plus pâle, et les énormes cernes qu'il avait sous les yeux comme des poches étaient tellement incrustées que Steve se demandait si elles partiraient un jour.
- Il faut que tu manges, Tony.
De nouveau, rien. Steve aurait insisté. Si c'était à n'importe quel autre moment, il aurait insisté – réprimandé l'homme en lui disant de penser à lui pendant au moins une foutue minute, mais pas aujourd'hui. Il ne pouvait pas.
Le silence les enveloppa de nouveau. Il s'étendit pendant de longues minutes.
- S'il-te-plait.
La tête de Steve se releva subitement. Tony n'avait pas bougé. Ses yeux étaient toujours fixés sur les écrans bleus – mais Steve l'avait entendu. Il avait entendu le chuchotement.
- Quoi ? se précipita Steve, en se rapprochant un peu de Tony. De quoi as-tu besoin ?
N'importe quoi. Il était certain qu'il ferait n'importe quoi pourtant si ça pouvait arranger la situation, ne serait-ce qu'un petit peu. N'importe quoi pour apaiser la douleur qui s'était logée profondément dans les yeux de Tony quelques jours plus tôt, et qui avait refusé de partir depuis.
La pensée que Rhodey pourrait téléphoner à la moindre minute – pour leur donner des nouvelles qu'aucun d'eux n'était prêt à entendre – donnait à Steve l'impression d'être pris par le temps. Il ferait n'importe quoi en cet instant pour donner à l'homme un peu d'espoir, de joie, avant que tout s'effondre. Parce que ce serait ce qui se passerait.
Si Peter était vraiment mort, Tony – et tout ce qui constituait Tony – mourrait avec lui.
Les yeux de Tony se reposèrent sur les cartes maritimes.
- Juste –
Ses lèvres tremblèrent quand il parla, comme s'il avait oublié comment faire au cours des derniers jours.
- Juste, parle, murmura-t-il. Ne reste pas – ne –
- Je suis allé voir quelques appartements à Brooklyn, la semaine dernière, dit Steve, en s'appuya contre le dossier de sa chaise mais sans s'éloigner de Tony. Tu aurais ri en voyant mon visage quand j'ai vu ce qu'ils demandaient.
Steve rit d'un rire un peu forcé.
- Presque du vol.
Il attendit une réponse, parce que Tony avait toujours une réponse. Surtout quand ça touchait aux transactions immobilières de Steve, qui n'y connaissait pas grand-chose.
Mais pour la première depuis la première fois où Steve avait abordé le sujet, presque cinq ans plus tôt, Tony n'avait pas de réponse.
- Tony –
- Non.
La voix de Tony était rauque, comme s'il avait avalé du verre et que les petites entailles étaient incrustées si profondément dans sa gorge que les mots y restaient accrochés.
- Non, murmura-t-il à nouveau, et tous deux se turent pendant un moment.
Cette fois encore, ce fut Tony qui le rompit.
- Je lui ai acheté un cadeau d'anniversaire.
Sa voix était si basse que même Steve dut se pencher vers lui pour entendre les mots.
- En fait, je lui ai même acheté dix cadeaux – il aura seize ans en Août alors j'ai, tu sais, probablement un peu exagéré.
Quelque chose de profond dans la poitrine de Steve se serra douloureusement à ces mots, et à ce vide qu'il voyait sur le visage de Tony quand il les murmura. Il avait déjà pourtant vu l'homme parler de tondeuses à gazon avec plus de vigueur.
- 5000 pièces de Legos Star Wars. Ce nouveau filtre dont il n'arrête pas de parler – pour son appareil photo. Une Audi.
Les sourcils de Steve se haussèrent, juste un peu. Tony dut le voir.
- J'ai pensé que je pouvais, tu sais, peut-être lui apprendre à conduire, dit-il en haussant faiblement les épaules, comme si cette grande étape qu'il s'apprêtait à franchir avec l'enfant ne signifiait rien – et Steve fut renté de le reprendre.
De lui faire comprendre à quel point c'était important. Mais il ne dit rien. Peut-être que Tony voulait que ça ne signifie rien. Peut-être que ça rendrait ce qui était en train de se produire plus simple.
- May n'a pas de voiture – qui en a encore une, dans cette ville – et le petit a vraiment besoin d'aide. Tu aurais dû voir le carnage qu'il a laissé derrière lui l'année dernière après toute cette histoire avec le Vautour. Des centaines de milliers de dégâts, et le gamin n'a même pas dépassé sept pâtés de maisons.
Le rire de Tony fut de courte durée. Il mourut dans sa gorge après seulement quelques secondes, et le silence suivit.
- Tony –
Il eut à peine le temps de parler que Tony le coupa.
- Tu sais, mon père n'a jamais arrêté de te chercher, dit Tony, et Steve eut un sursaut.
Ce n'était pas ce à quoi il s'était attendu. Pas du tout. C'était presque une règle implicite entre eux, maintenant. Tony ne parlait pas de ses parents, et Steve ne soufflait pas un mot à propos de Bucky.
- Plus de trente ans – des millions de dollars – et d'heures passés à étudier des cartes, des cartes maritimes et des images satellites, continua Tony, en regardant toujours les cartes maritimes, les yeux fixes, et seule sa bouche bougeait. Il était un des premiers à envoyer un satellite dans l'espace.
Il fit un signe du menton en direction du plafond, et du ciel, au-dessus.
- Et tu sais ce qu'il a fait pendant que la Russie et les Etats-Unis étaient trop occupés à savoir qui avait la plus grosse, dans l'espace ? demanda-t-il, ses yeux vitreux et vide alors qu'il observait les mouvements sur les cartes. Il l'a laissé pointé en direction de l'océan.
Les mots étaient à peine plus forts qu'un chuchotement.
- Tout ce que je voulais, tout ce que je voulais, c'était qu'il s'inquiète pour moi au moins autant que –
La poitrine de Steve se serra de nouveau.
- Tu étais son fils – commença Steve, alors qu'un poids lui tombait sur les épaules.
Bon sang. Combien de temps ça avait blessé Tony ? Même le souvenir qu'il avait de lui avait été suffisant pour arracher à Tony quelqu'un qu'il aimait. Dont il avait besoin.
Steve se demandait parfois comment même l'homme arrivait encore à le regarder.
- Mais tu étais sa création, le coupa Tony. Chaque parcelle de toi était le témoignage de son génie. Un monument vivant érigé pour son égo.
Chaque mot blessait profondément Steve – mais il ne pouvait pas les nier. Il s'était toujours senti plus comme un objet qu'un ami, pour Howard, un objet de valeur – certainement – mais il n'avait jamais eu plus de valeur que ce qu'il représentait, pour le militaire.
- Tu sais, si Barnes n'était pas arrivé le premier, je pense qu'il aurait perdu son temps à t'attendre, murmura Tony. Je lui ai dit plusieurs fois. Il ne l'a pas bien pris. J'imagine que l'ironie a un sacré sens de l'humour – parce que me voilà, en train de pourrir sur cette chaise avec des satellites et des cartes maritimes, continua Tony, comme s'il n'était pas en train de révéler ses plus profonds secrets. Et je comprends enfin. Pourquoi tout ce temps perdu et cet argent ne signifient rien. Rien du tout. Pas si – pas si je peux – s'il peut –
Encore une fois, la voix de Tony se brisa, mais si violemment que Steve eut peur que Tony se brise avec elle.
Steve bougea instinctivement. Il leva une main tremblante vers l'épaule de Tony. Une vaine tentative de garder Tony sur Terre, avec lui, avec eux, et de ne pas s'éloigner comme Steve en avait peur depuis le moment où ils avaient appris ce qui s'était passé. Tony sembla ne pas remarquer le contact.
- Il n'a pas disparu, s'étrangla-t-il, ses yeux continuant à suivre ce qui se passait sur les écrans.
Ils étaient vides.
- Il ne peut pas, murmura-t-il, la détermination suintant dans sa voix.
Steve n'était pas sûr de savoir s'il préférait ses supplications, ou cette détermination qui rendrait les choses pires ensuite, si... si le pire devait arriver.
- Il ne peut pas – parce qu'alors, quel serait l'intérêt de tout ça.
La voix de Tony était basse, mais les mots étaient forts. Déterminés.
- De toute cette peine, et du sang, et de la douleur.
Et la voix de Tony se brisa sur le mot. Steve se sentit comme s'il allait tomber lui aussi dans ce tourbillon de désespoir que Tony montrait enfin. Laissant enfin les autres voir.
- De tout ce qu'on a sacrifié. Quel serait l'intérêt si on peut pas sauver un gamin comme lui ?
Ses yeux bruns s'éloignèrent enfin des écrans qui lui faisaient face et se plongèrent dans ceux de Steve. Le pur désespoir et le manque qu'il pouvait y voir étaient dévorants.
- Il n'a pas disparu, continua Tony, et Steve – même s'il savait qu'il fallait qu'il dise quelque chose, qu'il prépare l'homme, au moins un peu – ne réussit pas à prononcer le moindre mot. Il n'a pas disparu, murmura Tony, en hochant la tête pour lui-même et en se retournant vers les cartes maritimes. Il faut juste que je le retrouve.
Steve savait qu'il fallait qu'il dise quelque chose. Qu'il fasse quelque chose. N'importe quoi. Tony était son ami et il était en train de dépérir. Tout cet espoir le détruirait s'ils trouvaient un corps. Steve savait qu'il devait faire quelque chose pour éviter ça.
Mais il n'y arrivait simplement pas.
Au lieu de ça, il fuit.
- Je vais te chercher à manger.
Steve était debout et loin du labo avant même que Tony puisse répondre. Non pas qu'il le fit. Steve lança un regard vers lui alors que la porte se fermait, et la forme de cet homme, toujours recroquevillé sur sa chaise – dans la même position dans laquelle il l'avait trouvé – creusa la blessure, profondément dans sa poitrine, que les derniers jours avaient créée.
Steve fit un pas dans la direction des escaliers qui les mèneraient à l'ascenseur mais s'arrêta net quand il vit la silhouette qui était en train de les descendre.
- Bruce ? dit Steve, et la tête de l'homme se releva subitement.
Les yeux bruns rencontrèrent ceux de Steve avec une immense sympathie. Le profond désespoir qu'il ressentait face à la situation devait être aussi clair que celle qu'il y avait sur le propre visage de Tony. Il avait essayé de le cacher, mais il doutait d'avoir réussi. Il y avait une petite assiette de nourriture dans les mains de Bruce, et Steve le vit comme une chance de changer de sujet.
- Je montais justement pour prendre quelque chose.
Bruce baissa les yeux vers l'assiette dans laquelle il y avait un toast et des fruits.
- Ouais – ça doit faire vingt-quatre heures qu'il n'a pas mangé, mais je ne pense pas qu'il mange ça non plus.
Steve acquiesça et le silence se fit.
Peut-être que c'était Tony qui déteignait sur lui – ses propos sur le fait que l'univers leur était redevable n'arrêtaient pas de résonner dans sa tête – mais Steve ne put s'empêcher de rompre le silence. Il devait savoir si – mais il n'osait pas demander à Tony.
- Tu penses qu'il est vraiment mort ?
Les yeux de Bruce rencontrèrent les siens. Steve avait toujours été le plus sage de l'équipe. Tony était le génie – ses yeux bouillonnaient de savoir autant que ceux de Bruce – mais son absence de tout sens éthique l'excluait de la catégorie sage. Les yeux de Clint étaient plus souvent teintés d'amusement et de malice, mais si on regardait plus profondément on pouvait y voir les cicatrices qui l'avaient construit. La lassitude. Sam était pareil – mais dans le sens opposé. Il portait ses cicatrices ouvertement. Sa lassitude. Il le faisait sentir dans son travail avec les autres, et ils lui faisaient confiance pour ça. Ils lui faisaient confiance parce que s'il pouvait vaincre ses démons, eux aussi. Rhodey était également le même. Affrontant ses démons pour être plus fort.
Ce n'était pas le cas de Natasha. Ses yeux étaient comme des miroirs. On avait tendance à se voir davantage soi-même plutôt qu'elle, quand on les regardait. Nos propres peurs et désires. C'était son cadeau – elle lisait en eux et leur montrait ce dont ils avaient besoin en retour. Une fois ou deux, cependant, le miroir se brisait et Steve pouvait y voir à travers. Et ce qu'il y avait trouvé était terrifiant. Natasha n'avait pas de démons, il l'avait rapidement réalisé. Il n'y avait pas de place pour les démons. Le mal lui-même se cachait derrière – dans son passé.
Steve s'était souvent demandé ce que les autres voyaient dans ses yeux. Ce que Natasha voyait – c'était elle qui voyait le plus.
Est-ce que les fantômes écrits dans son cœur se lisaient clairement dans ses yeux ?
Les yeux de Bruce étaient certainement les plus sages, donc. L'homme avait vu le Diable en personne et plein d'autres choses sans doute que personne ne voudrait voir, et ça lui avait donné un aperçu très clair des gens. Il ressentait de l'empathie à la fois pour les hommes, et pour les monstres.
- Ils continuent à sortir les corps de l'épave, mais ils n'ont pas encore été capable de faire ressortir le Raft en lui-même, dit Bruce.
Steve imagine que s'il n'avait pas l'assiette dans ses mains, il aurait sans doute enlevé ses lunettes et commencé à les nettoyer. Il le faisait souvent quand il avait besoin d'une excuse pour baisser les yeux. Exactement comme Tony avec les outils qu'il faisait tourner dans ses mains assez rapidement pour que même Steve lui envie sa dextérité. Un mécanisme de survie.
- C'est trop compact. Donc ils ne vont pas être capables de faire une réelle estimation des dommages avant plusieurs jours –
Steve le coupa.
- Ce n'était pas ce que je demandais.
Bruce soupira, baissant la tête juste un instant avant de regarder de nouveau dans les yeux de Steve.
- Mon Dieu, j'espère que non, murmura-t-il. Parce que ce ne sera pas seulement Peter.
Bruce fit un signe de tête en direction de la porte en verre – et du génie qui se trouvait derrière.
- Ça le tuera lui aussi.
Steve ne dit rien. Les mots étaient vrais – ils le savaient tous les deux.
- Natasha et Clint sont partis sur le Raft avec Rhodes, dit Bruce, en s'appuyant contre le mur.
L'épuisement avait gagné tout le Complexe.
- Sam est parti voir May – elle est toujours dans le flou. Il pense que c'est mieux de ne rien lui dire avant qu'on sache... quoi que ce soit. Pour être sûr.
- Est-ce qu'on en sait plus sur ce qui s'est passé ?
- Non, répondit Bruce. Et peut-être qu'on ne saura jamais, ajouta-t-il dans un souffle. Les dégâts causés par l'eau sont importants.
Steve s'avança et prit l'assiette des mains de Bruce alors que l'homme s'appuyait davantage contre le mur.
- Je vais le lui apporter, dit Steve. Tu as l'air épuisé. Tu devrais aller te reposer.
- Tout comme toi.
Les yeux de Steve se posèrent de nouveau sur la porte du laboratoire.
- Je dormirai quand il dormira.
Bruce hocha la tête.
- Alors je pense que tu es bon pour rester debout pendant quelques jours encore.
Il lança un regard en direction de la porte du labo, lui aussi.
- Tout comme nous.
Il s'écarta du mur avec un effort qui paraissait surhumain.
- Réveille-moi si tu apprends quelque chose – j'ai dit à Clint de nous appeler si –
Il ne sembla pas capable de dire les mots, et Steve ne put s'empêcher d'en être silencieusement soulagé. Il ne voulait pas les entendre.
- Il ne devrait pas avoir à l'apprendre tout seul.
Les yeux de Bruce se posèrent sur la porte.
- Il ne peut pas. Je ne veux pas penser à ce qu'il pourrait faire.
Steve acquiesça, et le poussa doucement pour l'aider à monter les escaliers. Bruce bougea sans faire de résistance.
- Merci, Bruce, murmura Steve.
Steve resta dans le hall plus longtemps qu'il n'aurait voulu l'admettre. Essayant de trouver le courage de retourner dans le labo. Pour délivrer les nouvelles qu'ils pourraient recevoir si les autres appelaient.
Mais ils n'avaient pas encore appelé. N'avaient rien trouvé pour le moment.
Ce fut ça – l'infinitésimal amas d'espoir qui lui restait – qui le poussa à y retourner.
Tony était comme il l'avait laissé. Recroquevillé sur lui-même dans sa grande chaise, ses yeux grands ouverts qui dansaient d'un écran à l'autre. Steve reprit sa place juste derrière lui.
- Hey.
Steve posa une main sur l'épaule de Tony.
- Tony.
Quand il ne répondit pas, Steve serra doucement son épaule.
- Tony.
Les yeux de Tony se levèrent vers lui, clairement surpris de le voir ici, mais réagissant à peine. Steve doutait qu'il ait l'énergie pour répondre à une invasion d'alien, à cet instant.
Les yeux de Tony se posèrent ensuite sur l'assiette de nourriture que Steve plaça sur le bureau devant lui.
- Je n'ai pas faim.
- Si, tu as faim.
Steve se rassit sur son propre siège, et posa son coude sur ses genoux de manière à pouvoir reposer son menton sur sa main. Il regarda les écrans qui faisaient face à Tony.
Les yeux bruns et écarquillés de l'homme étaient injectés de sang et légèrement hébétés quand il parla.
- Qu'est-ce que tu fais ?
Le regard de Steve se posa sur le génie.
- Je cherche.
Steve regarda de nouveau les écrans et, quelques instants plus tard, Tony fit la même chose. L'autre homme se repositionna, légèrement, dans son siège et Steve se déplaça pour être juste un peu plus près de Tony, pour qu'il puisse s'appuyer sur son épaule. Et il le fit.
Steve n'avait jamais pensé à Tony comme quelqu'un de petit – notamment quand il pouvait captiver toute une pièce, peu importe qui se trouvait à l'intérieur – mais ici, dans ce laboratoire, dépourvu de tout, il avait l'air petit et fragile.
Steve se rapprocha juste un peu, laissant Tony s'appuyer complètement contre lui.
Ça, il pouvait le faire. Il pouvait soutenir l'autre homme. L'empêcher de s'effondrer. Il pouvait.
Il ne perdrait personne d'autre.
- Je sais qu'ils auraient pu tous les deux tenir.
Les yeux de Wanda s'ouvrirent juste assez pour regarder Peter, qui la regardait également.
- Quoi ? dit-elle d'une voix rauque.
Ses lèvres étaient gercées et du sang recouvrait toujours sa bouche et sa gorge.
- Rose et Jack – dans Titanic – je sais qu'ils auraient pu tous les deux tenir sur leur porte.
Ils n'étaient pas sur une porte – à proprement parler – c'était un morceau de débris en métal un peu recourbé, qui était remonté à la surface après que le truc – ce sous-marin géant ou ce bateau ou peu importe ce que c'était – ait coulé. Peter les avait fait monter, lui et une Wanda inconsciente sur le long morceau de métal, et ils étaient restés là pendant presque quatre jours, si les couchers et levers de soleil à l'horizon étaient un bon indicateur.
Ils avaient été engloutis par l'eau en quelques minutes dans le petit placard du machin sous-marin, mais comme il avait coulé, la pression leur avait laissé juste assez de temps pour rejoindre la surface. Wanda avait dévissé les charnières de la porte et tout fait exploser, et de là, Peter avait été capable de les faire sortir. Avant qu'ils aient le temps de regagner la surface, tout le bâtiment avait coulé rapidement, les attirant vers le fond, et créant des mouvements forts dans l'eau qui les poussaient à contre-courant.
Peter avait accepté le fait qu'ils étaient morts. Il n'y avait aucune chance qu'ils remontent à la surface. Il y avait trop de pression qui les repoussait – même pour lui.
Et alors, ce sous-marin monstrueux avait commencé à remonter.
Peter n'avait pas honte d'admettre que, pendant une seconde, il avait vraiment pensé que Dieu lui-même le faisait remonter pour eux. Pour les sauver. Ou peut-être était-ce Tony. L'Iron Man avait réussi à retenir tout un ferry qui s'effondrait, alors il n'était pas improbable qu'il soit capable de soulever ce sous-marin géant. Si ?
La vérité venait des lueurs rouges.
Wanda – sous l'eau – avait soulevé leur tombeau de métal juste assez pour qu'ils échappent au sous-marin et remontent à la surface. Le temps que leurs têtes brisent la surface de l'eau, les poumons de Peter avaient hurlé, sa tête était martelée et ses membres protestaient au moindre petit mouvement – mais rien de tout ça n'avait d'importance, parce que Wanda ne bougeait pas.
Peter avait donc attrapé un morceau de métal qui flottait, avait tiré Wanda avec lui et les avait fait monter dessus tous les deux. Elle avait respiré – à peine – mais ne s'était pas réveillée quand il l'avait appelée. Quand il l'avait suppliée.
Et les saignements avaient commencé.
Au début, ça ne venait que de son nez, mais le sang avait recouvert son visage, sa gorge, et Peter avait commencé à paniquer, au bord de l'hystérie. Et puis, ses oreilles avaient suivi. Le sang s'en écoulait lentement, n'avait pas coulé sur sa tête comme le sang provenant de son nez, mais ça l'avait effrayé encore plus. Il n'était en aucune manière un étudiant en médecine, mais le sang qui coulait des oreilles, c'était mauvais – il ne le savait que trop bien. Il avait fait ce qu'il pouvait, les maintenant tous les deux à la surface de l'eau et avait collé Wanda contre lui pour la garder au chaud. Mais après quelques heures, Peter avait commencé à sentir la morsure du froid sur ses vêtements et sa peau mouillés, et il avait su que ça ne partirait pas de sitôt. Il n'était pas un supersoldat. Il n'irradiait pas de chaleur comme Steve – c'était plutôt le contraire. Les araignées n'avaient pas la capacité de réguler leur température, et Peter l'avait découvert un peu brutalement – bloqué à l'intérieur d'un tunnel de métro, dans le froid mordant de Janvier. Ça signifiait que quand il était froid, il restait froid. Après quelques heures, Wanda était plus chaude que lui, et il se collait à elle pour profiter de sa chaleur.
Le premier jour et la première nuit étaient passés dans un mélange de peur, de froid glacial et de silence. Une fois que le sous-marin eut coulé, et que l'eau autour d'eux se fut calmée, Peter s'était retrouvé seul, collé à Wanda pendant des heures jusqu'à ce que le soleil disparaisse derrière l'horizon et que l'obscurité les recouvre. Malgré le nombre de fois où Peter l'avait appelée, Wanda ne se réveilla pas de la nuit. Son nez et ses oreilles arrêtèrent enfin de saigner, et son corps pâle et tâché de sang ressemblait un peu trop à un cadavre. Peter s'accrocha à elle pour s'assurer qu'elle ne glisse pas du morceau de métal sur lequel ils étaient perchés, mais même quand les vagues se calmaient, il ne relâchait pas sa prise. Ainsi dans ses bras, il pouvait la sentir respirer. Il pouvait même entendre les battements lents de son cœur. Ce fut cela qui l'aida à tenir la première nuit, alors qu'il commençait à s'inquiétait du fait que le soleil pourrait peut-être ne jamais se lever.
Tu n'es pas seul.
Tu n'es pas seul.
Tu n'es pas seul.
Mais finalement, le soleil se leva – et pas longtemps après, Wanda se réveilla. Elle était groggy, ses yeux se refermèrent à cause du soleil et une migraine la fit vomir une bonne partie de la matinée. Apparemment, soulever des milliers de tonnes de métal n'était pas aussi simple qu'il paraissait. Le temps que la seconde nuit arrive, les vomissements avaient cessé, et le silence était revenu. Peter avait senti la déshydratation s'installer depuis quelques heures – il pouvait à peine imaginer comment Wanda devait se sentir après avoir passé toute la journée à vomir – et tous ses membres étaient engourdis par le froid. Ils commençaient tous les deux à céder à un sommeil sans repos quand Peter pensa que succomber à l'inconscience n'était peut-être pas la meilleure idée – mais l'épuisement s'était installé jusque dans ses os, et Wanda dormait déjà de nouveau. Ou peut-être était-elle inconsciente. Il ne l'avait pas appelée. Il l'avait juste tenue et avait laissé l'inconscience le prendre à son tour.
Ils se réveillèrent tous les deux, et le troisième jour passa beaucoup plus rapidement que les deux autres. Aucun des deux n'avait l'énergie de rester réveillé pendant longtemps. Et comme Wanda devenait de plus en plus pâle, Peter devenait de plus en plus froid.
Ce n'était que maintenant, alors que le soleil commençait de nouveau à se coucher, et Wanda à retomber dans l'inconscience dans ses bras, qu'il comprit qu'ils étaient en train de mourir.
Il savait que c'était le cas – en toute logique. Bloqués sans pouvoir boire, en besoin urgent de soins médicaux dans le cas de Wanda, atteignant presque le point de congélation dans son cas à lui ; tout cela combiné ne pouvait que conduire à cette fatale conclusion. Peter le savait depuis le début.
Mais il y avait une différence entre le savoir et le ressentir. Alors qu'ils dérivaient sur l'eau, et que Peter observait le soleil se coucher doucement sur l'horizon pour la troisième fois, il put sentir qu'il était en train de mourir. Chaque souffle qui entrait dans ses poumons. L'air glacial, et sa température corporelle qui ne cessait de chuter, semblait solidifier chacune de ses inspirations avant même qu'il puisse les prendre.
Et plus que tout, il se sentait partir.
Chaque clignement était plus dur que l'autre. A chaque fois qu'il plongeait dans l'inconscience, le soleil avait décliné davantage.
Il se rappelait, ce qui lui semblait s'être passé y a longtemps, quand Tony lui avait dit qu'il était mort, au Complexe. Il avait contourné le problème pendant presque une semaine, évitant chaque question de Peter à propos de ce qui s'était passé, se concentrant sur le rétablissement de Peter. Presque désespérément. Quand il avait finalement avoué ce qui s'était passé à Peter – dans des termes aussi vagues que possible – Peter n'avait pas su quoi faire de ce qu'on lui avait dit.
Il était mort. Il s'était fixé sur ça. Dans les mois qui avaient suivi, cette pensée seule avait suffi pour lui faire tourner la tête, alors il avait tout enfermé dans une boite et refusé de l'affronter. Comment aurait-il pu ? Comment aurait-il pu se confronter à quelque chose d'aussi dévorant ? Il restait fixé sur le fait qu'il avait été mort, et qu'après il ne l'avait plus été. Déterminé à s'accrocher à cette frontière entre la vie et la mort qui lui avait toujours semblé si distincte.
Mais ici, en sentant le mouvement de l'eau sous lui et sa conscience qui s'échappait à chaque minute qui passait, la frontière semblait devenir floue. Les parties de lui qui étaient trop froides pour ressentir, étaient-elles déjà mortes ? Peut-être qu'il n'y avait vraiment pas de ligne entre la vie et la mort. Peter ne sentait vraiment pas comme ça en ce moment. Il se sentait comme s'il existait quelque part entre les deux – et que, peut-être, il ne l'avait jamais vraiment remarqué. Il avait déjà frôlé la mort, avant – plus de fois qu'il ne voudrait bien l'avouer à May ou Tony – mais il ne s'était jamais senti comme ça. Maintenant, il n'y avait pas d'adrénaline. Pas de combat. Juste la chaleur du soleil qui déclinait face à lui, et la conscience qu'il ne ressentirait plus jamais ça.
Peter était trop froid, et Wanda trop faible.
Non. Ce soir les prendrait tous les deux.
Cette terreur dévorante que Peter avait combattue depuis que Tony lui avait dit qu'il était mort s'évanouit enfin, et Peter se demanda alors pourquoi il l'avait combattu. Pourquoi il avait été effrayé.
Si c'était la mort – le doux balancement de l'océan et la lumière mourante du soleil qui s'éclipsait derrière une eau bleue et vibrante – alors ce n'était pas si terrible. Pas si terrifiant.
Il savait que si son esprit n'avait pas été aussi confus et ses membres aussi engourdis, il n'aurait pas pensé comme ça. Il aurait pensé à May, et Ned, qui n'avaient aucune idée de ce qui lui était arrivé, à Tony qui ne le savait que trop bien, à tout ce qu'il laissait derrière lui et à tout ce qu'il aurait voulu faire. Mais tout comme le soleil, ces pensées disparaissaient – déclinant derrière l'horizon alors que l'eau sous lui bougeait et ondulait, et le silence autour de lui le berçait, et il ferma les yeux.
Et puis il les força à s'ouvrir seulement pour une minute. Il voulait voir le soleil s'éteindre – juste une dernière fois. Il voulait s'attarder sur la petite chaleur que ça lui offrait aussi longtemps qu'il le pouvait, avant qu'il ne disparaisse avec elle.
Le temps qu'il cligne des yeux, le soleil s'était couché.
Et quand il cligna de nouveau, une forme sombre apparut dans la lumière mourante.
Un bateau.
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