Chapitre 3 : The Talk
Chapitre 3 : The Talk
La discussion
Peter sortit la cuillère pleine de céréales de son bol, la contempla sombrement, avant de la replonger dans le lait.
Deux mains se posèrent de chaque côté de son bol. Enfin, ce qu'il en restait.
- Tu sais que tes céréales ne vont pas se manger toutes seules, et ce, peu importe combien tu joueras avec.
Peter leva les yeux de son bol pour voir May penchée par-dessus le comptoir de la cuisine, le regardant avec un sourcil haussé. Peter baissa de nouveau la tête vers ses céréales – mais elle avait déjà vu l'expression de son visage.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda May en s'appuyant sur ses coudes, en cherchant activement le regard de Peter.
Ce dernier ravala l'angoisse persistante qui le dévorait depuis la nuit dernière – depuis le combat, l'appel, et l' Avenger blessé qui s'était enfui par sa fenêtre sans laisser de trace, malgré le fait que Peter soit resté debout toute la nuit à le chercher. Il plaqua un sourire sur son visage et espéra qu'il n'ait pas l'air forcé.
- Rien, dit-il en écarquillant innocemment les yeux – mon Dieu.
Il espéra qu'elle ne pourrait pas voir ô combien ils étaient rouges. Il était épuisé.
- Vraiment – c'est juste –
Peter haussa les épaules.
- Ça a été une longue semaine.
May lui lança un regard étrange.
- On est Mercredi, Pete, dit-elle.
Peter grogna, et posa son front contre la table. May rit, et fit courir ses doigts dans ses cheveux. Ça lui faisait du bien. La tension qui s'était accumulée dans ses épaules se relâcha – juste un petit peu.
- Est-ce que ça a quelque chose à voir avec le trou dans le mur de ma salle-de-bain ?
Et juste avec ça, la tension fut de retour – comme une vengeance.
- Je le réparerai ! s'exclama Peter en relevant subitement la tête. J'te jure – ne t'inquiète même pas à propos de ça. Je passerai au magasin sur le chemin du retour et –
- Hey – hey, le calma May. C'est rien. Ça arrive, les accidents. Ne t'inquiète pas pour ça, on pourra le réparer ce week-end – un peu de plâtre et de peinture, et ce sera comme neuf.
Peter acquiesça lentement, et reposa sa tête contre le plan de travail.
- Tu es sûr que ce n'est rien ? demanda May, sa main revenant dans ses cheveux.
Peter hocha la tête contre le comptoir, en faisant de son mieux pour rester réveillé et échouant franchement.
- Tu sais que tu peux me le dire, pas vrai – plus de secrets.
La main de May dans ses cheveux s'arrêta.
Peter leva la tête, forçant à nouveau un sourire sur ses lèvres.
- Ouais – je sais.
May reprit ses caresses dans ses cheveux.
- Ok, acquiesça-t-elle, clairement pas convaincue, mais en laissant tomber pour le moment.
Peter l'aimait tellement. Elle lui fit un gentil sourire et posa son menton sur ses mains croisées en le regardant.
- Tu devrais y aller, tu n'as pas un entraînement pour le Décathlon avant les cours ?
Peter regarda l'horloge qui s'affichait sur le micro-ondes derrière elle – et les lettres rouges semblèrent briller sur l'écran.
- Oh merde, marmonna-t-il en reposant précipitamment sa cuillère et en attrapant son sac à dos sur le sol.
Il courut presque à travers le salon et atteignit rapidement la porte d'entrée.
- Amuse-toi bien – n'étudie pas trop durement, cria May depuis la cuisine, alors qu'il quittait déjà l'appartement.
Merde. Merde. Merde. Le mot résonnait dans sa tête alors qu'il survolait presque les escaliers.
MJ allait le tuer.
Peter percuta la porte d'entrée de l'immeuble et courut en direction de son arrêt de bus – jetant son sac par-dessus son épaule en même temps. Il traversa la route en provoquant une cacophonie de klaxons et passa par une allée proche en escaladant un grillage. Il arriva de nouveau sur la route, évitant un cycliste de justesse, avant de se remettre à courir. Ok. L'entrainement était dans vingt minutes. S'il arrivait à prendre le métro d'ici deux minutes, il serait là-bas dans trente minutes. Vingt-cinq s'il était optimiste – voire s'il escaladait le bâtiment de Musique. L'école serait vide, personne ne pourrait le voir –
Peter venait juste de descendre du trottoir quand une voiture noire et élégante s'arrêta devant lui – et il eut tout juste le temps de s'arrêter pour éviter de passer par-dessus le capot. De fait, il entra seulement en collision avec le côté de la voiture, dans un bruit sourd.
- Oh mon Dieu.
Peter se précipita jusqu'à la fenêtre teintée du conducteur. Il n'avait vraiment pas besoin de ça ce matin.
- Je suis désolé ! Sérieux, je –
La vitre s'abaissa – et le visage de Tony apparut.
- Monte, dit-il sèchement, en faisant un signe de tête en direction du siège passager.
Peter se figea complètement à la vue de l'homme. Peu importait le fait qu'il l'avait vu presque tous les jours à la télévision depuis la semaine dernière – ou que, les semaines avant ça, il ait regardé plus de vidéos sur Iron Man qu'il aurait bien voulu l'admettre – voir Tony en personne, c'était comme jeter un grand verre d'eau glacée sur le flou qu'avait été sa vie durant les deux derniers mois. Tout à coup, c'était comme si tout ce qui s'était passé ensuite, chaque entrainement pour le Décathlon et chaque construction de Legos avec Ned, avait disparu, et Peter fut brutalement de retour à cette nuit-là. Il avait froid. Il était confus. Et terrifié.
- Non, dit brièvement Peter, sa rage de l'autre nuit refaisant surface.
Non. L'homme ne pouvait tout simplement pas se montrer quand il en avait envie. Ce n'était pas comme ça que ça marchait.
Peter fit un pas en arrière pour retourner sur le trottoir et s'éloigna. Ou en tout cas, il essaya. La berline noire et élégante fut de nouveau devant lui avant même qu'il ait eu le temps de faire deux pas.
Tony était complètement penché par la fenêtre alors qu'il regardait Peter.
- Monte, dit-il lentement – en détachant chaque syllabe comme si Peter n'avait pas bien compris la première fois.
Oh, si – il avait bien compris.
- Non, fulmina Peter, en avançant sur le trottoir en même temps que la voiture avançait aussi. Si vous voulez parler, vous n'avez qu'à décrocher quand je vous appelle –
La portière conducteur s'ouvrit à la volée, et Tony sortit de la voiture. Il arriva devant Peter plus vite que ce que le garçon aurait cru. Peter s'arrêta subitement.
- Monte ! siffla Tony en enfonçant davantage sur sa tête la casquette noire qu'il portait alors qu'un couple passait près d'eux en les regardant. Il faut qu'on parle et on ne peut pas le faire dans la rue, à moins que tu ne veuilles que Ross ait une jolie photo de nous deux sur son bureau.
Tony le regarda fixement et Peter sentit son cœur se serrer douloureusement. Tony dut voir que ses propos blessants l'avaient touché en voyant l'expression de Peter, parce qu'une seconde plus tard, ses yeux se firent beaucoup plus doux – et la main qu'il posa sur l'épaule de Peter n'était plus serrée en un poing.
- S'il-te-plait, murmura Tony. S'il-te-plait, monte à l'intérieur.
Peter se laissait déjà guider vers la porte passager tout en continuant à protester – mais sa voix était basse, et le cœur n'y était plus. Non. Son cœur avait comme fait une chute jusque dans ses intestins.
- Je suis en retard à l'entrainement pour le Décathlon, marmonna-t-il.
Tony l'entendit. Il tint la porte ouverte à Peter.
- Je t'y dépose.
Peter souffla entre ses dents serrées, mais entra dans la voiture sans un mot de plus – posant son sac à dos à ses pieds.
Il observa l'intérieur de la voiture alors que Tony en faisait le tour de l'extérieur pour rejoindre la portière conducteur.
- Est-ce que c'est une Civic (1) ? demanda Peter dès que Tony claqua la portière derrière lui.
Il lança un nouveau regard autour de lui – comme si la décoration modeste allait subitement se vêtir de cuir Italien. Ce ne fut pas le cas, bien sûr.
- Comment ça se fait que vous conduisiez une Civic ?
Tony fit descendre la voiture du trottoir et s'inséra dans le trafic matinal avec facilité.
- C'est pour passer incognito quand je dois faire tout le chemin jusque dans le Queens pour parler à un gamin mal élevé qui m'a raccroché au nez, dit-il en enlevant sa casquette pour la jeter sur le siège arrière.
Les mots résonnèrent dans la tête de Peter – bordel de merde, il avait raccroché au nez de Tony Stark – mais il refusa de les laisser le culpabiliser. Il n'allait pas se sentir mal pour ça. Même si l'homme était son héros – en quelque sorte. Il avait agi comme un con. Et Peter s'était senti insignifiant à cause de lui.
- Où est-ce que les gens pensent que vous vous trouvez ? demanda-t-il, en regardant les gens qui passaient à côté de la voiture.
- Happy fait quelques tours dans le quartier de Midtown, dit Tony. On a probablement une heure environ avant que quelqu'un trouve ça suspect.
Il s'enfonça dans son siège – et jeta un regard en direction de Peter.
- Donc, pour commencer, est-ce que tu t'es fait tirer dessus dans les dernières vingt-quatre heures ?
Peter appuya sa tête sur le repose-tête du siège.
- Non.
La voix de Tony prit un ton sévère inhabituel.
- Regarde-moi, dit-il, et Peter s'exécuta.
Il était en colère contre Tony – mais sa voix ne laissait aucune place à la protestation. Quand il rencontra finalement le regard de l'homme, ses yeux fouillèrent les siens avec précaution.
- Non, dit de nouveau Peter.
Tony l'observa un petit instant – ses yeux cherchant clairement dans les siens pour voir s'il mentait – mais il finit par acquiescer.
- Est-ce que Ned s'est fait tirer dessus ? demanda-t-il en haussant un sourcil interrogateur, alors qu'il regardait de nouveau la route devant eux pendant qu'ils se glissaient entre les voitures.
- Quoi – non, souffla Peter.
Tony acquiesça une nouvelle fois avant de le regarder fixement.
- Alors pourquoi... ?
Peter leva les bras en l'air.
- On a juste agi... stupidement, dit Peter de façon maladroite.
Mon Dieu. Tony verrait directement le mensonge. Il allait tout savoir. Il allait savoir que Peter avait suivi l'homme de Ross – alors même que Tony lui avait dit de rester en dehors de tout ce qui avait un rapport avec Ross, de près ou de loin – et il allait savoir que –
- D'accord, dit Tony, et les yeux de Peter se tournèrent vers lui.
Il hochait la tête lentement – la tension que Peter n'avait pas remarqué dans ses épaules le quittait peu à peu à chaque hochement de tête.
- Bien. C'est réglé.
Les yeux de Tony se posèrent sur quelque chose de l'autre côté du pare-brise – loin de ceux de Peter qui cherchaient son regard. Mais les mots qui suivirent lui donnèrent le vertige.
- Je suis désolé de t'avoir évité, murmura Tony.
Peter le dévisageait clairement, maintenant, la bouche à moitié ouverte. Ce n'était... pas du tout ce à quoi il s'était attendu. Il avait pensé que Tony nierait tout. L'évitement. Les appels. Son étonnement se mua en crainte – mon Dieu, Peter ne voulait pas faire face à ça. Il ne voulait pas parler du pourquoi Tony avait refusé de lui parler. De le laisser l'aider –
- La vérité c'est que le problème avec Ross s'est aggravé – bien plus que ce que j'avais imaginé, et je ne voulais pas te faire paniquer avec ça.
Le cerveau de Peter sembla s'arrêter sur ces mots. Quoi ?
- Qu'est-ce que vous voulez dire ?
Tony se repositionna maladroitement, détournant ses yeux qui étaient posés sur la route pour regarder Peter. Pour jauger sa réaction ?
- Il surveille mes appels, dit lentement Tony, en guettant la moindre expression sur le visage de Peter.
Peter garda sa mâchoire serrée et ses yeux sérieux – mais son cœur battait à toute allure.
- Il surveille les gens que je vais voir – ceux à qui je parle, continua Tony. Et probablement même le gamin du UberEats qui m'a livré mon Pad-Thai l'autre soir.
Le cœur de Peter battait fort dans ses oreilles.
- Pourquoi ?
Tony laissa échapper un long soupir.
- S'il peut prouver que je couche avec quelqu'un d'autre, ou n'importe quoi d'autre, il est capable de s'en servir pour me forcer la main avec les Accords.
Peter savait que son visage pâlissait de minute en minute – mais il ne pouvait pas lutter contre la terreur qui l'étouffait en ce moment même.
- Et si je les signe tels qu'ils sont maintenant, je ne pourrai plus rien dire quand on en précisera les amendements – et les autres devront aussi signer, ou ils seront désignés comme des ennemis des Nations Unies.
Tony haussa vaguement les épaules, dans un geste qui n'était pas aussi nonchalant qu'il l'aurait voulu. Ça ressemblait plutôt à un tremblement ou à un spasme musculaire.
- Et alors, Ross aura gagné.
Ce quelque chose qui l'étouffait sembla se resserrer autour de sa poitrine, soudainement, et lui donna envie de vomir.
- Oh, dit-il maladroitement.
- Ouais – c'est une situation un peu merdique, dit Tony en passant une main rugueuse dans ses cheveux – les ébouriffant encore plus qu'ils ne l'étaient déjà. Mais ce n'est pas ça que je suis venu te dire. Tout ce qu'il faut que tu saches c'est que – et bien – enfin, on ne peut pas se parler en ce moment, toi et moi.
Les mains agitées de Tony se calmèrent quand il parla. Ses yeux se posèrent à nouveau sur Peter.
- Pas avec Ross à l'horizon.
- Ouais, dit rapidement Peter, en repoussant la vague de déception qui le submergeait. Ouais – non – je comprends.
Et c'était le cas. Il comprenait. Tony était déjà dans une position très délicate – il n'avait pas besoin d'être inquiet pour Peter en plus de ça.
- Pourquoi – je veux dire, comment c'est arrivé, tout ça ? demanda Peter sans avoir le temps de s'en empêcher. Est-ce que c'est à cause de ce qui s'est passé au Complexe des Avengers ?
Tony ouvrit la bouche pour répondre, mais la referma. Ses lèvres furent scellées pendant un moment, avant qu'il trouve enfin les mots.
- Dans un sens, oui, c'est à cause de ça, murmura-t-il.
- Dans quel sens ? souffla Peter.
Tony regarda froidement la route pendant un moment avant de répondre.
- Dans le sens où j'ai peut-être dit à Ross qu'il pouvait se mettre ses Accords là où je pense, dit Tony. Et j'ai peut-être essayé de le tuer – en quelque sorte, ajouta-t-il.
Oh.
Peter savait que ses yeux étaient grands ouverts – mais il n'arrivait pas à sortir de la stupeur qui s'était emparée de lui.
- Pourquoi ?
Le regard que Tony posa sur lui à ce moment-là ne dura que quelques secondes. Mais cela leur sembla pourtant durer une éternité. Le regard de Tony le transperça et se fixa dans le sien. Et cela intimida Peter – mais il plongea quand même ses yeux dans ceux de Tony. Ils étaient plissés, et fatigués, mais il y avait quelque chose en eux – quelque chose de profond, de tourmenté, et Peter put presque le toucher du doigt –
Et puis cela disparut.
Les yeux de Tony se reposèrent sur la route, jetant un œil agacé au trafic dense, avant de revenir nonchalamment vers Peter, comme si leur échange précédant n'avait pas eu lieu.
- Tout va bien de ton côté, pas vrai ? dit-il d'un air désinvolte. Tout va bien dans le quartier ? et tes amis aussi ?
- Euh – ouais, dit Peter, qui fut perturbé par ce changement soudain dans l'attitude de Tony. Tout va bien, ajouta-t-il – en plaquant le même sourire qu'il avait donné à May sur ses lèvres.
Les sourcils de Tony se haussèrent.
- Tu veux réessayer avec un peu plus de sincérité ? demanda-t-il sèchement.
Peter le fusilla du regard.
- Je pensais vraiment ce que j'ai dit, petit, continua Tony, plus gentiment, avant de s'arrêter jusqu'à ce que les yeux de Peter se reposent sur lui.
Le visage de l'homme était ferme – il n'y avait aucune once d'incertitude en lui.
- Ross ne t'approchera jamais – mais ça veut aussi dire qu'il se pourrait qu'on ne se revoie pas avant un moment, dit Tony, ses lèvres se serrant en une ligne mince.
Il sortit de la route une seconde plus tard – se garant sur une place de parking dans la rue.
- Et si on perd – et bien – on ne se reverra pas pendant longtemps.
La sensation d'étouffement revint dans la poitrine de Peter.
- Vous le pensez vraiment ? demanda doucement Peter – pas vraiment sûr de savoir s'il voulait une réponse. Que vous allez perdre ?
- Je ne sais pas, répondit honnêtement Tony, en se retournant dans son siège pour faire face à Peter.
Il posa une main sur l'épaule de Peter.
- Mais tout ira bien pour toi. Tu es intelligent – la plupart du temps, en tout cas, se moqua Tony. Sers-toi juste correctement de ton cerveau et tout ira bien – hein ?
- Ouais, acquiesça Peter, en faisant tout ce qu'il pouvait pour ne pas montrer ce que cette main sur son épaule représentait pour lui, en cet instant. Euh, bredouilla-t-il, bonne chance.
Tony lui donna une petite tape sur l'épaule, avant de retirer sa main.
- Merci, gamin.
Il eut un petit rire, et son sourire s'agrandit quand il vit que Peter ne bougeait pas.
- Tu n'étais pas en retard ? demanda Tony.
La tête de Peter se releva d'un coup – et il regarda finalement dehors. Ils étaient à seulement quelques blocs de l'école, à présent, Tony les avait conduit ici en un temps record.
- Ouais – c'est vrai, ouais.
Il se dépêcha d'attraper son sac à ses pieds, mais ne sortit pas. Maintenant qu'il était là – avec Tony – il n'était plus aussi pressé de partir. Même s'il risquait de se faire tuer par MJ pour avoir été en retard à l'entraînement.
- Tiens.
Tony ouvrit la boite à gants, devant les genoux de Peter, et en sortit quelque chose de petit et brillant.
- J'imagine que l'autre n'a pas survécu.
Un téléphone tomba sur les jambes de Peter. Il le regarda pendant un moment avant de le prendre avec précaution. Il avait l'air très cher.
- Ma ligne directe est déjà enregistrée dedans – mais seulement pour les urgences, continua Tony – et il pointa un doigt en direction de Peter. Et par urgences, j'entends de vraies urgences. Comme je me vide de mon sang sur le parking, ce genre-là.
Peter acquiesça sporadiquement. La voiture devint silencieuse. Et avec ce vide fermement accroché dans sa poitrine, Peter ouvrit la porte passager et sortit.
- Et, Peter, l'appela Tony – et Peter repassa sa tête dans la voiture si vite qu'il faillit se cogner contre l'embrasure de la porte. Évite ces horribles recherches Google, demanda Tony d'un ton plus léger.
Peter acquiesça de nouveau.
- D'accord.
Tony eut un rictus amusé.
- Cherche du porno, comme un ado de quinze ans normal – dit-il alors que Peter claquait violemment la portière.
Peter attendit sur le trottoir en observant la voiture démarrer puis s'insérer de nouveau dans le trafic – la sensation de vide dans sa poitrine grandissant alors qu'il perdait la Civic de vue. L'idée que ça pouvait être la dernière fois qu'il voyait Tony avant un long moment le fit se figer sur le trottoir. Essayant désespérément de repousser le sentiment qu'il venait juste de perdre quelque chose.
Il resta debout sur le trottoir pendant un long moment, toutes pensées à propos de l'entraînement du Décathlon, de l'école ou de la colère mortifère de MJ oubliées. Toutes avalées par cette sensation de vide dans sa poitrine.
Il n'avait pas disparu – pas pour de bon, en tout cas. Ils n'avaient pas perdu. Ils n'avaient pas perdu – pas encore – peut-être qu'ils ne perdraient même pas. Tout ça, c'était – c'était juste de la spéculation. Ils n'avaient aucune garantie que les choses allaient changer –
Quelque chose de dur percuta l'épaule de Peter, coupant court à la panique qui grandissait en lui.
- Désolé – désolé, bégaya Peter en se retournant pour faire face à la personne qui lui était rentrée dedans.
Bon sang, il n'était qu'un idiot – rester debout au milieu de la rue à paniquer à propos de choses qui n'étaient même pas arrivées et –
Des yeux rouges et brillants rencontrèrent les siens quand il se retourna.
Et l'obscurité le frappa la seconde d'après.
Peter reprit conscience avec une furieuse envie de vomir.
- Uuuugh !
Il se recula vivement, percutant le dossier du siège qu'il occupait – manquant de passer par-dessus – et regarda précautionneusement un vieux couple assis à côté de lui, et qui lui lançaient maintenant des regards curieux. Assis à côté de lui ? est-ce qu'il était dans un restaurant ? Il jeta un regard circulaire à la salle qui lui confirma cela – la décoration chinoise le frappa – mais cela n'enleva rien à sa confusion. Qu'est-ce que ? Comment il – comment avait-il – quoi ?
- Un thé ?
Une voix l'interrompit dans sa panique et la tête de Peter se redressa brutalement – et il rencontra une paire d'yeux émeraudes juste en face de lui. Les yeux étaient... étranges. Ils étaient définitivement verts en leur centre, mais l'extérieur était parsemé d'or, qui se mélangeait avec le vert – ce qui leur donnait une couleur un peu topaze. Plus Peter les regardait, plus ça lui donnait le vertige. Mon Dieu – il allait vomir.
- Quoi ? finit par demander Peter d'une voix rauque.
La femme en face de lui leva une théière blanche et or, et fit un geste de la tête en direction de la tasse placée devant lui.
- Un thé ? demanda de nouveau la Sorcière Rouge, et le cerveau de Peter se remit en marche, suffisamment pour qu'il la reconnaisse.
Elle ne ressemblait plus à celle qu'il avait vue la nuit dernière. Toute la terre qui avait maculé sa peau nue avait disparu, tout comme le sang qui avait hanté les pensées de Peter alors qu'il l'imaginait se vider de son sang, quelque part, dans une allée sombre. Elle était toujours pâle – et bougeait précautionneusement – mais ses habits étaient propres, ses cheveux coiffés et la blessure par balle cachée sous un sweat qui avait l'air usé.
- Quoi ?! croassa de nouveau Peter, en lançant un nouveau regard autour de lui.
Des couples plus âgés étaient assis tout autour d'eux, la plupart en train de discuter dans un mandarin incompréhensible, alors que des serveurs déambulaient parmi les tables pour servir la nourriture ou enlever les assiettes qu'ils empilaient les unes sur les autres. Un panneau indiquant l'entrée du métro de Bryant Park – sur la 42ème – attira son regard à l'extérieur du restaurant, à travers les vitres poussiéreuses. La 42ème – bon sang – était-il dans Midtown ?
Peter baissa les yeux vers sa montre. 9h15. Oh mon Dieu. May allait le tuer. MJ allait le tuer. Il fallait – il fallait qu'il –
La Sorcière se contenta de le regarder simplement, une main reposant toujours sur le couvercle de la théière qu'elle avait posé sur la table, alors qu'il commençait à hyperventiler.
- Quel âge as-tu ? lui demanda-t-elle quand elle le vit regarder frénétiquement autour de lui – non, parce qu'il ne pouvait pas être dans Midtown.
Non. Il était à l'école – il était – il était en retard. Il était – il était avec Tony.
Et puis, tout se remit soudainement en place dans son esprit. L'école. L'entrainement pour le Décathlon. Tony. Tony qui partait.
Peut-être pour de bon.
Les paroles de Peter furent un peu plus sèches que ce qu'il voulait – mais il n'avait vraiment aucune idée de la façon dont il était arrivé ici, et pour être honnête, il avait déjà largement atteint son quota de choses qu'il pouvait supporter, aujourd'hui.
- Quel âge tu as ?
- Vingt ans, répondit la Sorcière sans hésitation – ses étranges yeux dorés et verts ne se détournant jamais de Peter.
L'honnêteté de la réponse surprit Peter.
- Quinze ans.
Les mots sortirent de sa bouche avant même qu'il puisse les retenir – bon sang, son esprit était toujours confus. La Sorcière acquiesça simplement, cependant, et souleva la théière une nouvelle fois.
- Un thé ? demanda-t-elle pour la troisième fois – haussa un seul sourcil en direction de Peter.
Il hocha sporadiquement la tête – mais pour être honnête, il aurait acquiescé à n'importe quoi, à ce moment-là. Il y avait de la brume dans sa tête, et il n'appréciait vraiment pas ça.
- Je m'appelle Wanda, dit la Sorcière – Wanda – une fois que la tasse de Peter fut pleine, et il arrêta de cligner frénétiquement des yeux quand tout redevint à peu près clair.
- Je sais, acquiesça Peter, alors que le brouillard commençait à se dissiper.
Il lança un nouveau regard autour de lui, dans le restaurant.
- C-comment on est arrivé ici ?
Il souleva sa tasse et en prit une longue gorgée, ses mains tremblant légèrement.
- Je nous y ai amenés, dit Wanda en prenant elle aussi une gorgée de sa propre tasse, qu'elle avait attrapé avec sa main droite.
La gauche resta fermement sous la table, appuyée contre son flanc. Peter – avec une pointe de culpabilité – imagina la souffrance que ce devait être de bouger.
- Je suis désolée pour –
Elle fit un geste de la main en direction du front de Peter. Une lueur rouge apparut dans ses yeux pendant une seconde, mais elle s'évanouit rapidement.
- ... mais il fallait qu'on soit seuls pour parler.
Peter ne savait pas quoi répondre à ça – ni comment réagir – alors il se contenta de chasser l'idée qu'elle allait le kidnapper à tout moment.
- Comment tu m'as trouvé ? préféra-t-il demander – en avalant son thé malgré la brûlure que cela laissa le long de sa gorge.
Wanda lui servit une nouvelle tasse quand il reposa la sienne, vide, sur la table.
- Tu m'as amené chez toi, lui dit Wanda, son avis sur la stupidité de cet acte apparaissant clairement dans sa voix. Tu sais – l'endroit où tu vis. Avec ta mère.
- Ma Tante, corrigea automatiquement Peter.
Le sourcil levé de Wanda se haussa un peu plus – disparaissant presque sous ses cheveux alors qu'il en dévoilait encore plus sur lui.
- C'est ma tante, marmonna Peter.
Bon sang, il fallait vraiment qu'il se taise maintenant.
- Tu es le gamin de Stark, dit-elle en le surveillant du regard. Tu étais avec lui en Allemagne.
- Tu es étais avec le Captain, rétorqua Peter – et son désaccord était très clair.
- C'était le cas, oui, répondit Wanda.
Il n'y avait aucune trace dans sa voix de la façon dont elle se sentait par rapport à cette décision.
Peter et le Captain étaient en relativement bons termes, à présent. Ils s'étaient entrainés ensemble. Avaient regardé quelques films ensemble. Le Captain lui avait même appris à préparer une omelette sans la brûler. Ils étaient amis, en quelque sorte. Peter l'aimait bien. En quelque sorte.
Ok – il l'appréciait vraiment – mais souvent, l'image de Tony, évacué en hélicoptère de Sibérie, battu à mort, lui revenait à l'esprit.
Ouais, il appréciait Steve. Mais il choisirait toujours Tony. Et s'il devait de nouveau faire un choix, il se tournerait vers Tony à nouveau.
Et Peter tuerait sans doute le Captain.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? ne put s'empêcher de demander Peter.
Le sujet était toujours douloureux – même un an plus tard – et Peter en parlait toujours avec sarcasme. Les autres – même Tony – prenaient toujours le temps de répondre quelque chose de très adulte et de très frustrant, comme c'est compliqué, petit et ce n'était pas aussi simple que ça. Ce ne fut pas le cas de Wanda.
Si les mots de Peter n'avaient été qu'un aboiement – la réponse de Wanda en fut la morsure.
- Qu'est-ce qui s'est passé avec Ross ?
L'estomac de Peter se tordit violemment – lui donnant envie de vomir et réveillant le trou dans sa poitrine. Il ne répondit pas. Même s'il avait eu les mots, ce dont il doutait, il n'aurait rien répondu. Elle l'avait eu sur ce point, et ils le savaient tous les deux.
Wanda remplit de nouveau sa tasse.
- Je t'ai pas amené ici pour me disputer, murmura-t-elle, en brisant le silence qui s'était installé entre eux.
Peter enroula ses doigts froids autour de la tasse brûlante.
- Pourquoi tu m'as amené ici, alors ? demanda-t-il, ses yeux fixés sur le contenu de sa tasse.
Il n'était pas prêt à revoir ses yeux d'or et de vert qui semblaient voir à travers lui.
- J'ai besoin que tu donnes quelque chose à Stark pour moi, dit Wanda. Ça peut l'aider – il saura quoi faire avec ça.
Les yeux de Peter se détournèrent de son thé, et se posèrent de nouveau sur Wanda.
- Pourquoi ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.
Un de ses sourcils à elle se haussa de nouveau.
- Parce que j'ai pris une balle pour toi – je pense qu'on peut dire que tu me dois une faveur, dit-elle.
- Non, c'est pas ça.
Peter secoua la tête.
- Pourquoi tu voudrais aider Mr. Stark ?
Elle s'appuya légèrement contre le dossier de sa chaise, et Peter se demanda s'il n'avait pas raté quelque chose, dans les évènements qui s'étaient déroulés en Allemagne – mais avant qu'il ait pu dire autre chose, elle parla.
- Parce que je le peux, murmura-t-elle.
Ses yeux topazes se baissèrent – soudainement perdus loin du restaurant Chinois de Midtown.
- Et parce qu'il n'a rien fait pour mériter la façon dont je l'ai traité.
La voix était si basse que Peter l'entendit à peine. Un instant plus tard, elle fut de retour – et les fantômes qui dansaient dans ses yeux s'étaient envolés.
- Ils t'ont cherchée, dit Peter.
Il n'était pas vraiment sûr de ce qu'il devait dire.
- Tous.
Il y avait quelque chose dans ses yeux qui glaça Peter. Il devait admettre qu'il oubliait qui elle était, parfois – une orpheline, une réfugiée – submergée par ce qu'elle était.
- Je sais, dit Wanda. Mais je n'ai pas encore terminé.
- Terminé quoi ?
- De réparer mes erreurs, dit-elle, en hochant pensivement la tête.
Un fin sourire incurva ses lèvres, mais n'atteignit pas ses yeux.
- Je ne suis pas comme eux – ni comme toi, continua-t-elle. Je ne me suis pas lancée là-dedans pour les bonnes raisons.
Ses yeux se baissèrent vers le thé désormais froid.
- Je ne sais pas encore quelle est ma place dans l'équipe – ni même si j'en ai une.
Son sourire forcé s'évanouit.
- Si j'en mérite une.
Ses yeux se reposèrent de nouveau sur lui – le topaze brillant à l'intérieur.
- J'imagine que je le saurai quand j'aurai fini.
La main qui était enroulée autour de la tasse disparut dans la poche de sa veste noire, et en sortit une clé USB qu'elle posa sur la table, entre eux deux.
- S'il-te-plait, donne ça à Tony.
Peter posa les yeux sur la clé USB pendant une seconde, mais cela suffit. Quand il les releva, la place qu'avait occupé Wanda était vide.
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(1) Si vous n'êtes pas amateurs de voitures (comme moi), une Civic c'est simplement une Honda Civic. Un peu moins voyante que ses limos et jolies voitures de sport, mais pour passer incognito, on repassera, je pense x)
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