CHAPITRE NEUF

CHAPITRE NEUF - VRAIE VIE

je n'ai jamais vraiment eu le droit d'explorer ma sexualité.

ne venez pas me demander pourquoi. la réponse est bien évidente: j'ai passé la majorité de mon adolescence dans un asile catholique, entourée par des gens très catholiques prônant les méthodes, les pratiques et les croyances catholiques. dois-je être plus clair?

pendant mes deux premières années à l'hôpital, j'étais tellement préoccupée par autre chose, par tes lettres, par mes séances, par mes cours, par toutes ces questions, que je n'y pensais pas.

le sujet est entré dans ma vie lorsque mon psychiatre m'a proposé que le refoulement d'amour et de sexualité dans ma vie était probablement l'une des nombreuses raisons pourquoi j'avais des problèmes de colère. bon, il ne l'a pas dit comme ça. il a utilisé ses mots scientifiques inutiles. n'empêche que sa phrase m'a seulement rendue encore plus en colérique. tellement que je n'ai plus voulu lui confier mes pensées les plus désespérées jusqu'en décembre de 2003. il l'avait bien mérité, après tout. ça lui a prit un certain moment pour qu'il comprendre et s'excuse. cet enfoiré.

cette hypothèse de mon psy, j'ai passé toute la nuit suivante à y penser. plus j'observais les tuiles vieillis de mon plafond, plus je pensais à mon corps, à celui des autres, à la sensation d'une peau contre une autre. la sexualité? mais qu'est-ce que c'était réellement? une expérience? une sensation? un désir? une réaction chimique? un échange? j'ai dû me brasser la tête une dizaine de fois pour arrêter d'y penser. je me sentais malade et excitée à la fois.

le lendemain, lors de nos cours de catéchisme, j'ai levé ma main pour poser ma question à soeur jane.

— est-ce que ça serait mauvais si quelqu'un d'entre nous aime quelqu'un du sexe opposé?

sa réponse était claire et sèche.

— oui, tamara. ce serait très mauvais. d'ailleurs, tu sauras pour ton information qu'il y a un de tes camarades ici présent qui a été placé ici pour avoir commit ce comportement impardonnable. il ne sera pas toléré par tes éducateurs et par dieu.

les autres ce sont mis à observer autour d'eux, essayant de comprendre qui d'entre nous avait autrefois brisé cette « loi ». je n'ai pas cherché à savoir qui était ce camarade dont elle parlait. parce que je me sentais étrangement visée. c'est une de ces impressions qui a su intensifier ma honte. j'ai tremblé de tout mon corps jusqu'à la fin du cours, de peur qu'elle devine tout, qu'elle me lise comme si j'étais un de ces livres qui trainait dans le salon beige.

un jour de 2002, j'ai lu orgueils et préjugés. je crois que c'est ce qui a développé mon intérêt pour la découverte de l'amour. j'ai commencé à m'imaginer des scènes d'amour dans ma tête, d'un homme et d'une femme d'époque s'arrachant leurs vêtements sous le clair de lune (ne rit pas, par pitié). il m'est arrivé de passer des nuits entières à y penser et à explorer mon corps. je redemandais et redemandais des bouquins romantiques pour voir l'amour sous tous les angles possibles. je voulais en savoir plus, savoir comment l'amour frappait une âme solitaire comme la mienne.

ma honte de me masturber s'intensifiait lorsque tu m'envoyais ta lettre mensuelle. parce que dans ces temps-là, je ne faisais que penser à toi et tes joues rosées. dans ces temps-là, ce n'était pas un homme et une femme que je m'imaginais partager leurs intimités. c'était une fille et une autre.

au fond de moi, je savais que c'était ce que j'aimais, ce qui me rendait le plus confortable, ce que j'avais besoin. mais dès que je me réveillais le lendemain, je me sentais coupable, nue, indigne. personne n'avait réussi à me faire ressentir autant de choses à la fois. j'étais ignoble d'en ressentir autant pour quelqu'un que j'avais réellement rencontré une seule fois dans ma vie.

pour un bon trois mois, j'ai détesté tes lettres. j'ai voulu les déchirer, les jeter, les couper, les brûler, les lancer du bout de mes bras. j'haïssais leur odeur et cette écriture prétentieuse que tu maîtrisais parfaitement. j'avais l'impression que le monde s'était retourné contre moi, que j'étais incomprise. si je me touchais, je me forçais à voir qu'un homme et une femme. je me sentais tellement humiliée, mon estomac se nouait.

je me suis éventuellement calmée. j'ai refoulé ces « pensées noires » qui m'habitaient. tes lettres ont eu leur signification de départ; elles n'étaient que des simples gestes d'amitié. j'ai arrêté de me masturber pendant un an. j'ai commandé d'autres livres à monsieur witthaker et il m'apportait ceux les plus romantiques et catholiques qu'il semblait connaître. je les appréciais beaucoup. ça m'a donné l'opportunité de me poser encore plus de questions sur l'amour et ce que c'était vraiment. est-ce que je le méritais? est-ce que c'était fait pour moi?

et soudainement, j'ai par hasard oublié t'avoir imaginé endormie près de moi. t'avoir imaginé poser tes lèvres sur mon cou.

ça ne m'a pas aidé.

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