"Part of the journey is the end."
- Tony Stark

  Tony avait gardé une chambre rien que pour elle, dans leur petite maison près du lac. Évidemment. Jamais il n'aurait laissé Harper partir de la sorte. Il l'avait lui-même agencée et Harper ne pouvait pas s'empêcher de pleurer tandis que son regard survolait les nombreuses photographies accrochées au mur. Celles de Tony et elle lui brisaient le cœur, encore un peu plus. La voyait-il ? Elle voulait croire que son âme, quelque part, veillait sur elle. Elle savait que les âmes existaient et qu'elles étaient précieuses : Natasha n'en avait elle pas été la preuve la plus douloureuse ? Harper baissa les yeux. Ils avaient perdu tant d'êtres chers à cause de Thanos. On frappa à la porte.

  - C'est ouvert, répondit-elle faiblement.

  Un garçon entra. Ce garçon, elle le connaissait depuis qu'elle était arrivée chez les Stark. Harley n'était autre qu'une preuve supplémentaire que, contrairement à ce que la plupart des gens croyaient, son père avait un cœur. "Avait." Parler de lui au passé était encore une épreuve trop difficile.

  - Comment tu te sens ? lui demanda-t-il tout en s'asseyant à ses côtés.

  - Je...je ne sais pas si je suis capable d'y aller, souffla-t-elle.

  - Mais si tu n'y vas pas...

  - Je le regretterai toute ma vie. Je sais. Mais voir Maman pleurer, c'est juste...

  - Harper ?

  Une petite voix les interrompit, une petite voix qu'Harper ne connaissait pas encore très bien. Elle la reconnut, pourtant. La petite Morgan s'avança timidement, vêtue d'une petite robe noire bien trop triste pour son âge. Depuis deux jours, Harper endossait tant bien que mal son nouveau rôle de grande sœur. Elle avait eu beaucoup de mal, en apprenant la nouvelle. Elle s'était presque sentie trahie, exclue. Du moins, c'était avant qu'elle rencontre Morgan pour de bon : la petite fille s'était jetée dans ses bras.

  - Alors c'est toi ma grande sœur magique ?

  Harper avait été émue en larmes. Pepper lui avait longuement expliqué comment chaque soir ou presque, Tony racontait à leur fille une histoire, une anecdote sur sa "grande sœur magique." Il n'avait jamais surmonté la perte de sa fille aînée. Là, dans sa chambre, Harper tendit les bras vers l'enfant. Elle se dépêcha de s'y blottir.

  - Maman t'attend en bas, murmura Morgan. Tu vas venir avec nous, hein ?

  La petite lui lança un regard si rempli d'espoir et d'admiration qu'Harper prit sa décision immédiatement. Elle hochait la tête pour lui répondre quand, timidement, Peter fit son apparition dans la pièce. Harper se leva et garda Morgan dans ses bras, toujours blottie contre elle. Peter la regarda avec des yeux encore rouges. Sans un mot, il la serra contre elle. La petite Morgan passa ses bras autour de leur cou respectif et participa à leur étreinte. Peter s'écarta d'elles et passa une main protectrice dans les cheveux de l'enfant.

  - Ça va commencer.

  Les trois adolescents rejoignirent les autres personnes présentes. Morgan, elle, refusait de quitter Harper. Tous sortirent et, au bord du lac, Harper délivra son discours. Elle l'avait réécrit des dizaines de fois et l'avait jeté à chaque essai. Elle avait décidé de se lancer sans notes pour se guider. C'était son père et elle l'aimait plus que tout au monde : ça suffisait largement.

- Mon père me disait toujours : "Ne fais rien que je ne ferais pas. Surtout, ne fais rien que je ferais." Ça ne manquait jamais de me faire sourire.
Aujourd'hui, je comprends la signification de ce conseil. Mon père est...

Les doigts d'Harper s'enfoncèrent presque dans le bois du pupitre.

- Mon père était l'homme le plus courageux que je connaisse. C'était l'homme sous l'armure qui comptait : il...il n'était ni un dieu, ni un mutant, ni le résultat d'une expérience scientifique. Mon père était un homme malmené par la vie qui voulait empêcher le monde de souffrir comme lui avait souffert. C'est pour ça qu'il me conseillait, me suppliait toujours de ne rien faire de ce qu'il pourrait faire : mon père s'est sacrifié pour nous. Il s'est sacrifié pour...sa famille, ses amis et des milliards d'inconnus. Aujourd'hui, je reste persuadée que là où il est, il nous regarde avec un sourire. Il ne voudrait pas que nous pensions à lui avec tristesse. Pas vrai, Papa ?

Sa voix trembla un peu plus.

- Et bien, je m'en moque. Je n'accepterai jamais ton départ. Je...je devrai vivre avec. Ce n'est pas pour eux que je dis tout ça, papa, c'est pour toi. Je veillerai sur Morgan, je te le promets. Je te promets d'y arriver, murmura-t-elle. Je t'aime...plus que tout au monde.

En larmes, elle retourna auprès de sa mère et Peter glissa sa main dans la sienne tandis que Morgan s'accrochait au bas de sa jupe. Après l'enterrement, on déposa une gerbe florale à la surface de l'eau. Le premier réacteur ARC de son père y était inséré, avec cette inscription : "Preuve que Tony Stark a un cœur." Au premier rang, on trouvait Pepper, Harper et Morgan. Trois êtres au cœur brisé. Tous les autres, Avengers ou non, étaient là aussi, tristes, brisés, dégoûtés du prix de leur victoire. En cette journée ensoleillée, toutes les pensées se tournaient non seulement vers Tony, mais aussi vers Natasha, le cœur et l'âme de l'équipe. Plus tard, tous se réunirent dans le salon pour écouter le message de Tony. Évidemment qu'il avait prévu un message d'adieu, évidemment. La plus grande peur de Tony Stark avait été d'abandonner sa famille, tout en sachant qu'il n'en aurait probablement pas le choix.

"Tout le monde veut une fin heureuse, pas vrai ? Mais ça ne finit pas toujours comme ça. Peut-être cette fois. J'espère que si vous regardez ça...c'est en célébrant notre victoire. J'espère que des familles sont réunies. J'espère qu'on arrivera à retrouver une version normale de la terre, si une telle chose a déjà existé. Mon dieu, quel monde. Univers, maintenant. Si on m'avait dit, il y a 10 ans, que nous n'étions pas seuls, enfin, surtout à cette échelle... Je veux dire, je n'aurais pas été surpris. Mais bon, vous savez. Ces grandes forces des ténèbres et de la lumière qui sont entrées en jeu... Et pour le meilleur ou pour le pire, c'est la réalité dans laquelle Morgan devra grandir. Alors j'ai trouvé un endroit isolé pour enregistrer un petit adieu au cas où je devais mourir prématurément. Non pas que n'importe quel moment pour mourir soit le bon. Ce truc de voyage dans le temps que nous allons faire demain... ça m'a fait pensé à nos chances de survie, dans tout ça. Mais bon, encore une fois, c'est ça, être un héros. La fin fait partie du voyage. Pourquoi est-ce que je m'emballe ? Tout se passera exactement comme ça doit se passer.
Je t'aime plus que trois fois mille."

  "Je t'aime plus que trois fois mille." L'hologramme de Tony avait regardé Morgan, à cet instant. Et Harper ? Harper n'avait rien eu. Ou du moins pas dans ce message. Elle savait que son père lui avait laissé quelque chose : elle n'était tout simplement pas prête à l'entendre, pas devant tout le monde. Il fallut attendre que tout le monde soit parti pour qu'elle regagne sa chambre, seule, ou presque.

  - Tante May, s'il te plaît, je...je ne peux pas la laisser seule.

  - Je sais qu'elle a besoin de toi, mais...

  - Mais j'ai besoin d'elle, moi aussi.

  Peter avait soufflé cette phrase ; Harper l'avait entendue, pourtant, de là où elle se tenait. May lui lança un regard compatissant avant d'accepter. Elle embrassa son neveu encore une fois et, la larme a l'œil, s'en alla. Le jeune Parker rejoignit sa petite amie et ensemble, ils gravirent les escaliers qui les menaient à la chambre d'Harper. Là, sur son lit, l'adolescente tenait le casque de l'armure de son père entre ses mains.

- Tu es sûre que tu veux que je reste ? s'assura Peter une nouvelle fois.

Harper hocha doucement la tête en lui serrant la main un peu plus fort. Ensuite, elle posa le casque de métal devant elle et laissa l'hologramme de son père en jaillir. Il avait probablement enregistré ce message juste après le précédent : il s'agissait de la même chaise et il portait les mêmes vêtements. Il avait l'air moins confiant, toutefois, plus...abattu.

"Je ne voulais pas faire ça, au début. Et puis, je me suis dit que je te le devais bien. Dans le cas où cette aventure serait la dernière, je veux être sûre d'être parti en t'ayant tout dit, mon ange."

Tout en parlant, l'hologramme de Tony semblait regarder Harper droit dans les yeux, comme s'il était encore là, à ses côtés. Déjà, des larmes striaient ses joues qui n'avaient même pas eu le temps de sécher.

"Je te dois la vie, Harper. Si je ne t'avais pas adoptée, je ne serais jamais devenu l'homme que je suis aujourd'hui. Tous les jours, tu fais de moi quelqu'un de meilleur, même maintenant, alors que tu...que tu n'es pas là. J'espère que notre plan fonctionnera et que je pourrai te dire tout ça. Le cas échéant, j'espère que tu verras ceci. Dans ta chambre -j'espère qu'elle te plaît, d'ailleurs. Dans ta chambre, donc, tu trouveras une oreillette. Elle est dans ta commode. Tu n'auras qu'à appuyer sur le bouton pour comprendre à quoi elle sert. Je me doute que si je disparais, toi et les autres n'en aurez pas fini avec les menaces interplanétaires alors...c'est un petit quelque chose qui pourra t'aider."

Harper jeta un œil vers la fameuse commode, notant l'information dans un coin de son esprit embrumé par le chagrin.

"Sur une note plus mélancolique... Je sais que c'est beaucoup te demander : sois une grande sœur pour Morgan. Je lui ai tant parlé de toi... Tu l'adoreras, j'en suis sûr. Elle te ressemble tellement, c'est..."

Tony (ou plutôt, son hologramme) se frotta le front. En enregistrant ce message, il n'avait pas réalisé à quel point ce serait difficile de dire adieu à sa fille alors qu'elle avait disparu.

"Je veux que vous soyez heureuses, toutes les trois. J'espère que le petit Parker prendra soin de toi et que tu prendras soin de lui. Il...il me manquera aussi. Enfin, j'espère que là où je vais, vous me manquerez. J'en suis sûr. Rien au monde ne pourrait effacer mon amour pour toi, petit ange. N'oublie jamais que tu es une Stark et que ton père t'aime. Ta mère t'aime. Nous t'aimons tous."

Elle pleurait à chaudes larmes, désormais. Des souvenirs de Natasha lui revenaient, tout comme ceux de Loki. Ils avaient tellement perdu.

"Et moi, je t'aime plus que tout au monde."

Comme lors du précédent message, l'hologramme de Tony se leva et, après un dernier regard pour sa fille, coupa l'enregistrement. Pendant quelques minutes, Harper resta blottie contre Peter, entourée de ses bras. Il embrassa son front tandis qu'elle pleurait. Elle le regarda dans les yeux : ils étaient rouges et luttaient contre les larmes.

- Peter, tu...

Il ferma les yeux.

- Tu peux pleurer, tu sais, souffla-t-elle. N'essaie pas de me protéger. Je sais que...je sais que tu as mal, toi aussi.

Enfin, alors, le garçon se laissa aller. Ils se soutenaient l'un l'autre, dès à présent, et ils ne se lâcheraient certainement pas. Ils pleurèrent ainsi pendant longtemps avant de se redresser, fin prêts à découvrir la fameuse oreillette dont Tony avait parlé. C'est d'une main hésitante qu'Harper ouvrit le tiroir puis s'empara du dispositif. Elle l'accrocha à son oreille et l'enclencha.

- Héla, mon ange.

- Non, murmura-t-elle pour elle-même.

- Ce n'est peut-être qu'une intelligence artificielle, mais...c'est la chose la plus proche de moi que je pouvais t'offrir.

- Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta Peter.

- C'est...c'est sa voix.

Elle pleura de plus belle et cette fois, ses larmes s'accompagnaient tout de même d'un sourire. Entendre la voix de son père, sa voix qui ne souffrait pas, la remplissait d'une heureuse nostalgie.

- À quoi ça sert ? demanda-t-elle à la voix.

- Appuie sur le bouton du haut, lui recommanda l'I.A.

Elle s'exécuta et un masque étonnamment léger et confortable couvrit ses yeux et son nez ainsi que sa bouche.

- Voilà, appuie une deuxième fois, mais lève-toi, d'abord.

Une fois debout, Harper appuya sur le bouton : immédiatement, une combinaison métallique d'un rouge sombre entoura son corps.

- Est-ce que...?

- Ceci est ton propre Iron Suit, Harper, annonça l'I.A., toujours avec la voix de Tony Stark. Tu as de nombreuses possibilités disponibles. Ici, tu as tous les modes d'attaque et de défense. Là, ce sont tous les réglages plus techniques et...

Tandis que les explications fusaient, toutes sortes d'images et de menus défilaient devant ses yeux.

- Wow, wow, d'accord. Je...je crois que j'approfondirai le sujet un peu plus tard.

Elle trouva la manière adéquate de retirer tout ça et rangea précieusement l'oreillette dans sa commode. Elle s'allongea enfin auprès de Peter, les yeux pleins d'étoiles.

- Je...je n'en reviens pas, souffla-t-elle. À quoi n'a-t-il pas pensé ?

- Il a pensé à tout, répondit-il en la serrant contre elle, les yeux fixés sur le plafond. Il...il aurait fait n'importe quoi pour vous.

- Ce n'était pas moi qu'il essayait de ramener, Peter.

- Bien sûr que si.

- Non. C'est pour nous deux qu'il a fait tout ça. Et pour le reste de l'humanité.

- Tu l'aimes vraiment plus que tout au monde, pas vrai ?

- Plus que tout au monde, chuchota-t-elle.

Enfin, elle sombra dans le sommeil. Sa nuit fut agitée d'images sombres et tristes mais, au moins, elle était triste auprès de la personne qu'elle aimait, aussi, plus que tout.

***
Aloooors désolée d'avoir autant attendu entre ces deux chapitres, j'espère que l'attente n'était pas trop longue ! Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? On voit enfin un aperçu de la relation Harper/Morgan, et puis je n'ai pas résisté à ajouter un peu de Harley dans tout ça... Que d'émotions ! J'espère sincèrement que vous avez aimé, ce chapitre à été particulièrement difficile à écrire, psychologiquement.

N'hésitez pas à voter et à commenter.

- Céline