𝟙.

(les passages en italique sont des dialogues soit en italien soit en espagnol.)

le 10 novembre 1923 , 6h27 - Stanmor Groove.

Ce matin-là, alors que l'aube se fait attendre dans les rues de Small Heath, Giorgia ouvre ses yeux sur son plafond tapissé de motifs presque effacés. Rapidement, elle se redresse, passe une main dans sa chevelure noire ébouriffée et attrape son déshabillé bleu clair qu'elle enfile négligemment avant d'aller ouvrir ses fenêtres, le froid glaçant s'engouffrant dans la pièce encore sombre. 

Au rez-de-chaussée quelques bruits de vaisselle se font entendre, ah mais oui.. Sylvia a élue domicile chez elle. Sylvia est sa cousine par alliance native d'Angleterre qui a désertée l'Espagne pour retourner sur ses terres et échapper à son époux, Alonso. N'ayant pas vraiment envie de courir chez ses parents à Liverpool pour se faire réprimander, c'est dans le modeste appartement de Giorgia qu'elle réside.

- Salut, Gigi.

Descendant les dernières marches craquantes Giorgia pose son regard sur Sylvia qui s'agitait à faire du thé et à préparer des œufs pour sa cousine.

- Hola Sylvia.. Bien dormis ?

- Parfaitement ! Ta chambre d'ami est très confortable !

- Oh, ça me fait plaisir, alors.

Déjà le nez dans le journal du jour, Giorgia se pose négligemment sur une chaise de la cuisine, son genou replié contre elle. Les sourcils froncés elle se concentre sur la page des faits divers, la voix de la cousine résonnant comme une mélodie lointaine dans sa tête.

-... et du coup je l'ai trompé avec cinq hommes, tu te rends compte ?

- Hm.

- Hm ? HM?! Giorgia ?!

La brune fait tomber l'angle de la page à droite voyant le visage de Sylvia se dessiner derrière, l'air contrarié.

- Ça ne te fait pas réagir ce que je dis ? 

- Non, tu vois bien que non! Déjà je sais très bien que c'est faux, cinq hommes c'est trop pour toi, et de deux je m'en fiche.

- Ah, d'accord. Donc ça va être ça tous les matins? 

Giorgia prit une tranche de pain qu'elle mordit à pleines dents, puis donna la page des sports à sa cousine, un sourire aux coins des lèvres.

- Merci ! Enfin !

- Hm.

Il ne fallut que quelques secondes à Sylvia pour trouver un nouveau sujet de discussion et animer ce petit déjeuner qui commençait à être éclairé d'avantage de la lumière du jour qui perçait à travers la fenêtre de la cuisine.

- Oh ! Ça me fait penser...! Hier, quand je suis allé faire une course en arrivant, j'ai écouté une conversation entre deux femmes, et malgré leurs accents vulgaires et sans aucun charme j'ai compris qu'elles parlaient de ces fameux bookmakers tu sais, ce qui sont dans le quartier.

- C'est un gang, Sylvia.

- Eh ben quoi ? Ça fait tellement longtemps que je n'ai pas joué !

- Tu es une femme seule sans homme a tes cotés, et tu n'es bientôt plus mariée, tu ne pourras pas jouer, qui plus est je me répète, lorsque c'est dirigé par un gang.

- Je suis sûre que tu le connais, ce 'gang'... les Peaky... Peaky quelques choses, non ?

- Sais-tu que les curieuses comme toi finissent jamais par avoir très bonne réputation. 

- Et tu en sais quelques choses.

- Soit.

Elle lui lança un rapide clin d'œil en portant sa tasse fumante à ses lèvres. Sylvia roula des yeux, l'air exaspéré, puis fit la même chose avant de fermer la page du journal.

- Sans plaisanter, Giorgia ? 

- Quoi ? 

Gigi se retourna sur la jeune femme a la chevelure châtain qui tenait la théière dans sa main prête a être reposé sur la gazinière.

- Que fais-tu de tes journées?

- Je fais des passes par-ci par-là dans le quarter... Je travaille, bien sûr.

- Très drôle chérie. Tu travailles. Où ? Je sais que tu as une formation d'infirmière et je sais que tu reviens de loin mais.. Aujourd'hui ? Depuis ces trois années que je ne t'ai pas vu..

- Je suis une simple aide-soignante, Sylvia. 

- Ah.. d'accord.

- Tu as d'autres questions ? Veux tu savoir si je côtoie de riches médecins.

- Seigneur, Gigi je ne suis pas encore divorcé.

- Ah. C'est un problème maintenant ? 

Giorgia rit légèrement, puis monta les premières marches de l'escalier en merisier qui menait à l'étage. 

- Oh, dans ta famille je ne crois pas, mais chez les Davies, nous sommes corrects.

- Parfait, alors. Je vais aller me préparer, madame parfaite.

- Je t'en prie. Je vais donc essayer de me trouver de nouvelles occupations.

Une fois prête pour sa journée, Giorgia retrouva le rez de chaussé et salua Sylvia en lui donnant quelques conseils si jamais elle souhaitait s'aventurer dans la grande Birmingham et ses quartiers parfois sombres. 

- Sur mon bureau, il y a un numéro. Si jamais tu as un problème. Appelle le. Mais n'appelle pas pour me dire que tu as trouvé le nouvel homme de ta vie ou que tu ne trouves pas un livre dans la bibliothèque, mh ? 

- C'est drôle, ça. 

- N'est-ce-pas. 

- Bonne journée, Gio ! 

Giorgia posa une main affectueuse sur le bras de sa cousine en passant derrière elle, puis enfila son manteau, ses gants et son chapeau pour sortir affronter le froid.

le 10 novembre 1923 , 9h45 - Watery Lane.

- Pol' je ne trouve pas le compte rendu des versements de cette échéance.

Thomas, habillé de son costume gris foncé, presque de jais, déambule dans le local des paris a des heures qui n'étaient pas les siennes. Seulement ce matin-là, quelque chose clochait avec la comptabilité.

- Mh ? Quoi ? Quelle échéance ? 

Agacée par les futures remarques qu'elle allait se prendre, la matriarche de la famille, Polly fronça ses sourcils en écoutant son deuxième neveu.

- Là. Tu vois bien que la ligne est blanche  ? 

- Tommy, c'est peut-être un simple oubli de sa part.

- On parle bien de ton fils, là, Polly  ?

- Oui, quoi ? Je vais lui parler, Tom.

- Il est où là ? Ay ?

- Aux bureaux, Tom! Qu'est ce qui te prends ?!

- Bien. 

Son foutu papier dans les mains, Tommy sortit machinalement son étui d'acier duquel il sortit une cigarette qu'il glissa entre ses lèvres après avoir passé le filtre aux bords de ses lèvres. Lorsque la flamme jaillit du briquet lui aussi forgé d'acier et gravé à ses initiales, Tom tira sur sa cigarette qui devint incandescente, prête à l'emploi pour quelques minutes, à peine.

Polly, elle, qui regardait Thomas agir d'un œil soucieux, prit un dossier dans ses mains, et se dirigea vers un employé de la Shelby Company Limited, Jack.

- Tiens, occupe-toi de ça, avant que Tommy ne le trouve. 

- Mais, c'est de la compta, ça, Polly.

- Madame Gray, tu veux ? Oui, félicitation, tu as été augmenté pour la journée. Bon travail.

- Mais..

A peine le pauvre Jack avait-il le temps de se tourner vers la patronne que celle-ci partait déjà d'un pas plus que décidé vers l'ancien bureau de Tom, qui aujourd'hui était le bureau de John.

- Tu crois que c'est avec des putains de pieds sur le bureau, que le travail avance ?

- Ça va Pol', il est même pas dix-heures.

- Sors d'ici.

-..C'est mon bureau Polly, tu as le t..

- Sors d'ici avant que je ne botte ton cul aplati par cette foutue chaise. Et cherche Arthur, Linda a appelé il n'est pas rentrée de la nuit.

John se leva d'un air nonchalant, puis sourit en coin en écoutant les derniers propos de sa tante.

- Putain d'Arthur...

Rapidement, Polly ferma la porte sur le dernier pas de John, qui sentit le vent dans sa nuque.

le 10 novembre 1923 , 10h23 - Les bureaux de la SCL.

A peine Thomas avait-il posé son pied sur le parquet massif, que les employés sentaient déjà la goutte se former sur le haut de leur crâne.

"Bonjour Monsieur Shelby!", "Bonjour Monsieur ..!", "Monsieur Shelby!" Voilà ce qui résonnait de toutes parts des bureaux dont les portes étaient grandes ouvertes.

Le chef Thomas, répondit en hochant la tête traversant le grand hall, jusqu'à monter les escaliers qui répartissaient les autres bureaux à l'étage.

- Oh, bonjour Edith, où est Monsieur Gray, s'il vous plait ?

- Bonjour Monsieur Shelby... Mh.. Monsieur Gray n'est pas venu ce matin... Il n'a pas encore donné de nouvelles.

Thomas sentit a cet instant une sorte  de monter de nerf parvenir à son cerveau dont la rapidité était comparable à une une balle de Smith & Wesson visant sa proie.

- Merci Edith. Tenez.

Habilement, il passa sa main sous le pan droit de son manteau, et attrapa le fameux papier. 

- Vous poserez ceci sur son bureau, et quand il foutra un putain de pieds ici, c'est la première chose que vous lui direz.

- Bien Monsieur.

Edith finit par prendre le papier, en baissant les yeux comprenant la colère de son patron qu'elle commença à voir transparaître dans ses yeux clairs.

le 10 novembre 1923 , 15h04 - Cheltenham.

-.. Alors je ne pense pas que ça soit la meilleure façon de discuter avec eux..

Dans un bureau plutôt austère, Giorgia se trouvait assise a une grande table ovale, avec plusieurs hommes et une autre femme. La table était recouverte de papiers en tout genre. Des photos, des écrits, des journaux et des télégrammes. Les hommes avaient plutôt l'air fatigués, les chemises etaient froissés et leur visage piquait rien qu'en un seul regard.

- Alors que suggérez-vous ?

Un homme, qui lui était plutôt très bien habillé, prit la parole avec un très fort accent italien.

- L'infiltration.

- Nous n'avons plus le temps pour ça, enfin ! 

- Mais si, il suffit de le faire tirer, ce temps là, justement..

- Mademoiselle Jimenez. Le consulat d'Espagne refuse que nous vous envoyons de nouveau en mission en dehors du pays. Hors, ici je doute que..

- Laissez-moi intégrer l'hôpital Saint-Elizabeth ! Un de leur fils est soigné là-bas. Trouvez-moi une nouvelle identité, confiez-moi le dossier de la famille une nuit, et faites en sortes que demain, je puisse trouver un uniforme d'infirmière a ma taille prêt à l'emploi.

- C'est risqué.. Vous savez qu'il est entouré d'hommes sans foi ni lois, là bas..  

- Demain matin, Monsieur Austin. Demain matin.

Giorgia se leva, commençant par être exaspéré par toute cette hésitation qui ne faisait que faire traîner les choses et à embrouiller les esprits.

Elle se tourna vers la jeune femme, et posa une main sur un dossier jaunâtre ou etait inscrit a la plume le nom de "Changretta".

Le soir venu, Giorgia reprit le même taxi qu'elle avait prit le matin même, puis commença à feuilleter le dossier en prenant compte de chaque détail qui pouvait être important.

- C'est fou ça, on pourrait presque être parent..

Ce disait-elle dans sa langue natale, tant cette phrase sortait de sa tête. Sur une photo en noir et blanc, un banc d'hommes figurait, fiers comme des héros, pour certains le chapeau sur le torse, signe d'élégance incontestable chez les bons italiens qui se respectent.

Une fois les rues plus sombres de son quartier de résidence atteintes, Gigi rangea soigneusement le dossier dans un sac en cuir, dans lequel elle transportait tout type de document.

- Merci Max, à demain.

- A demain Mademoiselle Jimenez, passez une bonne soirée.

- Merci, vous aussi. Mes amitiés à votre épouse.

- Bien aimable Mademoiselle.

Après un sourire chaleureusement échangé, Gigi pénétra dans son appartement, se délectant d'une bonne odeur de ragoût qui émoustillait ses papilles.

- Hola Sylvia !

- Gigi ! Viens voir !

Intrigué, mais aussi un peu inquiète, ne nous cachons rien.. Giorgia, fila au son de sa voix et retrouva sa cousine tout sourire, les joues rougies de chaleurs, un beau tablier à la taille à faire tourner une spatule en bois dans une cocotte.

- Regarde-moi ça!

- Tu as cuisiné.. Ça sent très bon !

La brune s'approcha de sa cousine qui lui tendit la spatule en bois pour qu'elle goûte.

- Tu trouves aussi hein ? C'est un ragoût de légumes, ou plutôt un Berza gaditana ! 

Gigi manqua de s'étouffer en entendant sa cousine 'so british' prononcer le nom de ce ragoût qu'elle connaissait si bien.

- Oui.. Il est très bon...! Mais... Alfonso t'as donné la recette de notre grand-mère ? 

- Penses-tu ! Il disait que je n'étais pas un as aux fourneaux. Qu'en penses-tu, alors ?

- Que c'est bon, Sylvia ! Mais d'où sors-tu cette recette ? Je n'ai aucun livre de ce genre ici.

- Ah ça j'ai remarqué, alors je suis allé en ville, au marché et je me suis dit que les légumes allaient eux-mêmes me donner de l'inspiration.

- Mh, mh.

Giorgia se débarrassa enfin de ses affaires d'extérieur, puis retourna en cuisine écouter les dires de sa cousine.

-..Et là-bas j'ai rencontré une dame qui au départ me semblait aussi austère qu'une guillotine, tu vois.

-  ¿ Que ? Je n'ai pas compris...  ? C'est encore une expression anglaise que j'ai du mal a saisir ? 

- Rho, mais si voyons, elle était... Enfin elle paraissait dure !

- Je vois. 

- Et je pense qu'elle attendait quelqu'un, puisqu'un jeune homme avec un casquette frappait à la porte d'un bâtiment, très mignon cela dit avec des belles fenêtres avec des ride...

- Sylvia, Sylvia. Tu t'égares.

- Oui pardon. Enfin bref au bout de quelques minutes, à me voir hésitez sur mes légumes elle a fini par me donner une recette qu'elle disait tenir de sa famille. Une, une grande lignée de gitans.. Tu les connais sans doute, c'est comme ça ici non ?

Giorgia ne put s'empêcher de glousser subitement.

- Mh, si.

- Bon, et voila elle me disait que c'était une valeur sûre et qu'elle était inratable.

- Cette femme était habillé de plusieurs couches de jupons en organza et d'une mantille bordeaux perlés ? 

- Et bien non !  Absolument pas, vois-tu ! Elle était d'ailleurs très bien habillée ! Une chemise blanche et une belle cravate. Un pantalon à pince que les derniers créateurs font pour les hommes. Tu vois ? 

- Mh. 

Plus tard dans la soirée, après avoir bien dégusté le ragoût de Sylvia, toutes les deux avaient fini par se faire une bonne flambée dans le salon, et elles avaient positionné les deux fauteuils Chesterfields vers le feu pour profiter de cette ambiance de détente.

Sylvia se tenait en tailleur sur le fauteuil, ses bigoudis en place, et son déshabillé croisé sur sa poitrine. Gigi, elle dans un autre genre, avait retiré les quelques épingles de sa chevelure noire et les laissait vivre, elle était assise de côté dans son fauteuil, ses jambes tombant sur l'accoudoir et son dos reposant contre l'autre.

-... Pourquoi ça ne t'as jamais titillé l'esprit, peut-être ? 

- A moi ? Mais tu sais très bien que le paradis m'a fermé ses portes depuis longtemps.

- Oh ça je sais chérie. Depuis le premier jour où je t'ai rencontrée.

Gigi se mit à sourire en repensant à ce souvenir.

- C'est vrai. 

Toutes deux un verre de whisky a la main, Sylvia finit d'une traite le sien puis le posa sur le petit guéridon recouvert d'un tissu brodé.

-.. Nous sommes à une aire ou les femmes s'émancipent, non ? 

- Si. Je crois bien. 

- Alors.. Faisons ce que bon nous semble. 

-.. C'est pour ça, alors ? 

- Pour ça que quoi ? 

- Que tu es venue ici, après avoir quitté Alfonso. 

- Je ne vois pas le rapport ? Non.. Tu es un peu différente.. 

- C'est sûrement pas parce que j'ai déchiré ta robe de mariée le jour de ton mariage!

Sylvia se mit à rire doucement puis secoua la tête. 

- Tu vois, tu es différente.

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Voila pour ce premier chapitre ! J'espère qu'il vous plaira !!!! Vous découvrirez le personnage de Giorgia au fur et à mesure de l'histoire je fais durer le suspens !!! 😎 N'hésitez pas a me laisser vos impressions ! Belle soirée à tous !









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