Partie 3 : Chapitre 19 : Nouvelle race


Saimhiramiss se matérialisa sur la place d'Initia. Vérifiant dans sa liste d'amis si ses nouveaux camarades étaient connectés, elle fut surprise de voir qu'elle était la première arrivée. Ne sachant pas quoi faire, elle alla s'asseoir sur un banc, près de la zone d'arrivée des joueurs. Alors qu'elle commençait à s'ennuyer après quelques minutes, elle vit apparaître Ban qui, sans même regarder autour de lui, se dirigea immédiatement vers la taverne de la ville. Trouvant son comportement curieux, la Quenaif le prit en filature, se dissimulant aisément grâce à sa petite taille. Elle le vit s'adosser à la fenêtre de l'établissement puis, après avoir passé quelques instants à regarder au travers du verre, le Parieur s'éloigna, l'air contrarié.

Sémi alla se placer à l'endroit où il s'était tenu quelques instants plus tôt et aperçut, derrière le carreau, un écran de télévision relatant les informations du jeu. Plissant les yeux, elle réussit à discerner l'image et le titre affiché en dessous. « Interview exclusive : Avatar, de retour aux sources ? », disait le bandeau annonciateur tandis que l'écran montrait des silhouettes se tenant devant la mairie où Sémi put lire « Bourg-Sentra ».

La Quenaif comprit alors pourquoi son allié avait l'air contrarié. Leur groupe devait s'arrêter à Bourg-Sentra mais leur pire ennemi se trouvait dans cette ville. Se demandant comment il allait gérer ce problème, la femme-fennec se laissa tomber du rebord de la fenêtre et décida de revenir vers la place où elle attendait auparavant. Là-bas, elle découvrit Sylver et Ban qui semblaient en pleine conversation. Dès qu'il l'aperçut, le Pao sourit et se rua vers elle.

— Sémi ! Tu savais que, à Terre Saine, il y a plein d'endroits où l'on peut manger ?

— Non, je l'ignorais. Mais cela ne m'étonne pas, vu que l'endroit s'appelle les Bourbiers des gourmets.

— Je n'avais pas fait le rapprochement, s'exclama l'homme-paon en se frottant le menton. Tu es trop maline pour moi !

— Je dirais plutôt que c'est juste du bon sens et que tu es un crétin fini, lâcha Lepre, perché sur son épaule.

— Eh bien, quel accueil ! déclara Ompreria après s'être matérialisée.

Ils se saluèrent tous et, une fois prêts, les membres du petit groupe se dirigèrent vers l'est, où un port avait été aménagé pour relier l'îlot de départ avec l'île centrale de la carte de Gillarg. Ils embarquèrent sur le « Drak », le navire du capitaine Nagoréon. Ban leur conseilla de ne pas passer le voyage sans en profiter pour leur expliquer le fonctionnement de ses sorts et de ses compétences.

— Ma classe de Parieur est une classe qu'on pourrait apparenter à un sorcier manipulant les cartes et les jetons de casino. Je possède deux sorts, une compétence et mon niveau cinq m'a permis de débloquer un passif. Lorsque nous entrons dans un combat, je pioche cinq cartes qui vont devenir mes armes, comme le pistolet d'Ompreria ou l'arc de Sémi. Je peux les lancer sur mon adversaire pour lui infliger des dommages de Dextérité ou utiliser mon sort « Carte haute » pour en défausser une et infliger des dommages d'Intelligence. De plus, si je défausse une carte supérieure à 10, mes dommages augmentent.

— Et quand tu n'as plus de cartes en main ? demanda Sylver qui ne perdait pas une miette des explications du Parieur.

— Je peux utiliser ma compétence Pioche pour en obtenir cinq nouvelles ou utiliser mon sort « Red » pour tirer des jetons qui infligent des dommages d'Intelligence.

— Et quand tu es à court de PM ? le coupa Sémi.

— Je peux continuer d'utiliser « Red » pour attaquer, mais cela me coûte une pièce d'or du jeu et cela divise mes dommages par cinq. Cependant, je peux compenser cette perte de dommages en utilisant mon nouveau passif appelé « Pari ». Si je gagne à pile ou face avant d'utiliser un jeton, je double mes dommages.

— Que se passe-t-il si tu perds le pari ? le questionna le Mebanide qui trouvait cela étrange qu'un passif ne s'active pas automatiquement.

— Eh bien, si j'échoue, c'est moi qui subis les dommages de mon sort. Cela est plutôt intéressant car je ne subirais pas beaucoup de dommages et puis, je suis chanceux alors cela devrait aller.

— Ta classe est incroyable ! s'émerveilla le Pao tandis qu'ils débarquaient du navire, saluant le capitaine Niorsam.

Ils marchèrent durant deux heures, suivant Ban qui connaissait le chemin. Après avoir grimpé en haut d'une colline, le petit groupe put enfin apercevoir Bourg-Sentra. Alors que Sylver commençait à courir en direction de la ville, excité de découvrir un nouveau lieu, Ban reprit la parole.

— Malheureusement, je ne vais pas pouvoir vous guider dans la ville. Je vous attendrai de l'autre côté, à la porte est.

— Pourquoi donc ? s'étonna Ompreria.

— La guilde Avatar est actuellement à Bourg-Sentra. Je sais que mon ancien ami n'a aucune chance de me reconnaître, mais je ne souhaite pas tenter le diable. Ma chance a ses limites et je ne joue jamais à un jeu où je ne suis pas sûr de gagner à tous les coups.

— Dans ce cas, nous nous dépêcherons.

— Pas de soucis. Je vous conseille d'aller acheter une carte à la boutique « Pas d'aventure sans carte », qui se situe à deux rues de la mairie. Tenez, ajouta l'humain en leur tendant une bourse, voici de quoi payer la carte. Il y a assez pour ça et aussi deux potions de mana. Pour les potions, allez au nord de la ville et, à dix mètres du panneau de quêtes de chasse, à droite, vous trouverez un alchimiste du nom de Faubrot. Sa boutique est miteuse mais ses concoctions sont bon marché et efficaces. Bon courage et à tout à l'heure.

Après les avoir salués, le Parieur s'éloigna, contournant la ville. Ompreria et Saimhiramiss rattrapèrent Sylver et lui expliquèrent que leur camarade ne pouvait pas les rejoindre. Cela peina le Pao mais Sémi le rassura en lui disant que Ban les attendrait dehors. Une fois son entrain revenu, l'Invoqueur se précipita à nouveau en direction des portes et ses amis eurent le plus grand mal à le suivre sans le perdre de vue.

Une fois entrés, les joueurs furent étourdis par le chaos sonore régnant dans la ville et, suivant tant bien que mal les indications de leur camarade absent, ils se dirigèrent chez le marchand de cartes. Une fois leur dépense effectuée, ils continuèrent leur chemin en direction de l'apothicaire et furent surpris de voir, près du panneau de quêtes, un véritable attroupement. Curieux, Ompreria utilisa sa grande taille pour apercevoir la cause de ce regroupement. Au centre de la cohue, des journalistes, calepins et plumes en main, interviewaient un homme en armure bleue. Les yeux du Mebanide étincelèrent lorsqu'il reconnut l'individu.

— C'est Razer ! pensa-t-il.

En effet, répondant calmement aux questions des joueurs, le chef de la guilde Avatar se tenait bien là. Son personnage était un humain aux cheveux teints en bleu, s'accordant avec sa protection, et ses pupilles vertes semblaient refléter une grande sagesse. À sa taille, accrochée à sa ceinture, il portait une épée qui fit loucher le Roublard. « Dénouement fatidique », une relique unique qui permettait, d'après les dires de son utilisateur, de le sortir de tous ses duels sans subir de dommages, brillait dans son fourreau étincelant. Dans le monde réel, Ompreria savait que c'était l'un des produits dérivés phare de Gillarg Stories, tant elle était connue.

Aux côtés du joueur numéro un, un étrange homme-animal regardait avec arrogance la foule. Le Mebanide n'en avait jamais vu de tel. Assis en tailleur dans les airs, l'individu reposait sur une queue de singe épaisse et rousse, comme si le membre était une chaise haute. Possédant une chevelure courte blonde et une fourrure de la même teinte, l'individu semblait ennuyé d'être là. Ce fut alors qu'Ompreria aperçut l'étrange cercle d'or qui entourait sa tête et il le reconnut.

L'homme-singe était en réalité une réplique de Sun Wu-Kong, le héros de « La Pérégrination vers l'Ouest ». Le joueur connaissait ce mythe qui avait inspiré tant d'histoires contemporaines. De plus, en apercevant l'immense bâton aux embouts dorés plus larges que le manche attaché dans son dos, il fut certain que le dénommé Bahasan était réellement une copie conforme du Roi des singes.

— Tu viens ? On va finir par perdre Sylver dans cette foule.

La voix de son amie le fit sortir de sa rêverie. Suivant Sémi qui essayait tant bien que mal de ne pas se faire marcher dessus, il ne remarqua donc pas que le regard de Razer s'était posé sur lui et ses amis. Le joueur numéro un leva la main pour signifier qu'il ne répondrait plus à aucune question et laissa les journalistes avec son compagnon qui grimaça. Activant une pierre de retour, il disparut non sans avoir au préalable envoyé un message.

De leur côté, Ompreria, Sylver et Sémi arrivèrent devant la boutique que leur avait indiquée Ban et commencèrent à faire leurs emplettes. Une fois leurs potions achetées, ils s'apprêtèrent à sortir du commerce quand une personne apparut dans l'encadrement de la porte. Malgré le contre-jour, le Mebanide réussit à discerner la silhouette d'un homme. Ce dernier semblait porter un étrange chapeau ainsi que des habits rappelant la noblesse européenne du XIXe siècle. Le trio se décala pour le laisser passer mais l'individu ne bougea pas. À la place, il s'inclina.

— Bonjour, messieurs, madame. Je vous prie de m'excuser mais il semblerait que je me sois trompé de boutique. Veuillez m'excuser pour la gêne occasionnée.

Et, sur ces mots, il disparut. Un peu étonné du comportement de l'étranger, Sylver cligna des yeux, pensant à une hallucination.

— Quelqu'un a compris ce qu'il voulait ? demanda Sémi.

— Je pense qu'il cherchait son chemin mais je ne suis pas sûr, répondit Ompreria en haussant les épaules.

Après cette curieuse rencontre, les trois camarades prirent la direction de l'est. Une fois sortis de la ville, ils retrouvèrent Ban à un kilomètre de Bourg-Sentra. Ce dernier sursauta lorsqu'il apprit que ses alliés avaient aperçu Razer. Cependant, sa surprise s'estompa et se changea en colère lorsque le Roublard de l'équipe lui expliqua qui se tenait à ses côtés.

— Bahasan, ce traître ! ragea-t-il.

— C'était lui, ton ami ? demanda Sylver, d'un ton innocent.

— En effet. Et visiblement, je sais désormais quel est son pouvoir, confirma le Parieur.

— Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

— J'oubliais que vous n'étiez pas au courant, comme la plupart des gens, de ce qui rend si unique la guilde Avatar. Tous ses membres ne possèdent qu'une seule classe : celle d'Avatar.

— Avatar ? C'est un peu basique vu le nom de leur guilde, commenta Sémi.

— Razer n'est pas non plus un génie, en ce qui concerne les noms, ricana Ban. C'est une classe qui consiste à incarner une personne des légendes ou de l'histoire de la Terre. Et, grâce à toi, Ompreria, je sais désormais que Bahasan est devenu l'incarnation de Sun Wu-Kong. Il faudra que je me renseigne sur ses aptitudes dans le monde réel.

Ils continuèrent de discuter tout en marchant, abordant d'autres sujets rapidement car l'humain semblait clore cet échange en particulier. Il leur parla à la place des différentes créatures qu'ils croisaient, s'amusant de l'air ravi de Sylver qui s'émerveillait de tout ce que le jeu leur offrait. Au bout d'une nouvelle heure de marche, ils finirent par atteindre la frontière entre la plaine et les Bourbiers des gourmets.

Tandis que Sémi se désolait de voir le Pao se débattre dans une tourbière et essayait de l'aider du mieux qu'elle le pouvait, Ompreria en profita pour détailler le nouveau biome. La zone devant ses yeux semblait inondée avec quelques touffes de végétation grasse s'élevant hors des marécages. Un vrombissement constant émanait des Bourbiers des gourmets, le faisant déglutir, notamment lorsqu'il put apercevoir l'une des créatures produisant le son. Cela ressemblait à un immense moustique, de la taille d'un cheval, qui possédait, à la place de ses ailes, des nageoires si fines qu'on pouvait voir à travers. Le bruit dérangeant provenait de la friction entre les appendices de l'insecte géant et la surface du marais.

— Un skitornique, commenta Ban en suivant son regard. Ils ne sont pas spécialement dangereux, mais prends juste garde à leur vitesse.

Contournant le monstre, les aventuriers suivirent leur carte jusqu'à ce que le sol spongieux laisse sa place à de la terre solide et sèche. Ce changement d'environnement soulagea le Pao qui ne cessait de tomber maladroitement dans l'eau et avait failli se retrouver dévoré par une sangsue titanesque. Il n'avait dû son salut qu'aux réflexes impressionnants de son corps qui l'avaient fait frapper l'invertébré. Repoussée, la bête s'était enfuie sans demander son reste.

Aussi, alors que derrière les arbres aux branches tombantes poussant çà et là entre les tourbières, des tipis se dessinaient, Sylver soupira de soulagement. Lui et ses amis pénétrèrent le camp et furent accueillis par un étrange elfe aux cheveux couverts de mousse vêtu simplement d'un pagne.

— Bien le bonjour, voyageurs, s'exclama leur hôte. Je me présente, je suis Gauberg.

— Enchanté, Gauberg. Je suis Ban et voici mes amis Ompreria, Saimhiramiss et Sylver, le salua respectueusement le Parieur en serrant la main tendue par le protecteur de Terre Saine. Nous sommes ravis de faire votre connaissance.

— Le plaisir est partagé, Ban. Que venez-vous faire, vous et vos compagnons, sur nos terres inhospitalières ?

— Lyra nous a remis une lettre pour vous, expliqua Sémi en tendant le rouleau de parchemin scellé.

— Quel plaisir d'avoir des nouvelles de cette douce Lyra. Comment se porte-t-elle ?

— Elle tient le coup malgré les diverses invasions sur sa ville, commenta Ban. Mais c'est une femme forte qui ne fléchit pas devant l'adversité.

— Je reconnais bien là l'aventurière avec qui j'ai longuement voyagé auparavant, dit l'elfe en souriant, se remémorant le passé. Si vous êtes des amis à elle, alors vous êtes des invités de marque. Allez, tout le monde ! Ce soir, nous nous lierons avec nos nouveaux camarades avec la cérémonie de la fumée noire !

Aussitôt, plusieurs têtes émergèrent des tipis et Ompreria fut surpris de voir que tous les habitants de Terre Saine semblaient provenir de tous les horizons du monde. Il haussa d'autant plus un sourcil lorsqu'il aperçut un homme-crocodile au milieu de la foule qui se formait.

— Ce n'est pas une race disponible en début de jeu, donc elle doit être plutôt rare, pensa-t-il.

Tandis que le Roublard détaillait les habitants, Sémi ne put s'empêcher de se rapprocher de Ban.

— C'est quoi la cérémonie de la fumée noire ? demanda-t-elle.

— Considère ça comme une fête de bienvenue. C'est ainsi que les habitants du coin célèbrent la venue de nouvelles têtes.

— Ça sonne un peu comme quelque chose d'inquiétant, marmonna Sylver d'un ton peu assuré.

— On l'appelle ainsi car un grand feu sera allumé et, le bois étant particulièrement résineux dans les environs, cela dégage une forte fumée noire, expliqua le Parieur.

Rassuré, le Pao alla demander à Gauberg s'il pouvait aider à la préparation des festivités et il revint vers ses amis, un grand sourire affiché sur son visage.

— Monsieur Gauberg souhaiterait que nous allions chercher des feuilles de sang pleureur. Je ne sais pas ce que c'est, mais il a dit que seuls nous pourrions aller les chercher.

— Et il a raison, enchérit Ban. Ces arbres sont le territoire des Stiques molles, des horreurs vampiriques qui ne cherchent qu'à se nourrir de sang. Bon, après, elles ne savent pas faire la différence entre la sève des sangs pleureurs, qui ressemble à du sang, et le vrai sang. Mais je pense que Gauberg ne veut pas mettre en danger ses concitoyens.

— Tu sais où trouver ces arbres ? lui demanda Sémi, avide de connaissances.

Depuis qu'elle avait cessé de chercher la moindre faute chez le Parieur, elle commençait à le trouver intéressant, notamment en ce qui concernait son savoir sur le jeu qu'elle appréciait beaucoup. D'ailleurs, elle s'était jurée d'offrir un SARV à Émilie si elle n'en avait pas déjà un.

— Il me semble qu'il y en a au sud-est de Terre Saine, près du Ciel pleureur, le plus grand arbre de cette île. Allons-y ! poursuivit Ban.

Suivant l'humain, les hommes-animaux finirent, après une quinzaine de minutes à crapahuter dans les marécages, par apercevoir d'étranges arbres aux feuilles rouge vif. Sur leur tronc blanc, des formes noirâtres s'agglutinaient par endroit. Comprenant qu'il s'agissait des Stiques molles, Ompreria ne réfléchit pas plus longtemps en voyant Ban se mettre en garde. Dégainant le Flingue, l'arme qu'il avait obtenue à la suite de leur affrontement avec Fli, il grimaça en un sourire carnassier. Son nouveau pistolet possédait un canon ressemblant à s'y méprendre à ceux présents sur les bateaux de pirate.

— Je devrais peut-être essayer la compétence que j'ai débloquée en associant cette arme et le cache œil, pensa-t-il.

— BombARGHment

Il n'avait même pas fini d'activer sa compétence qu'une munition en forme de boulet d'artillerie navale apparut dans sa main. Introduisant la balle dans le barillet, il tira. Une violente détonation retentit et une déflagration emporta la vingtaine d'insectes géants ainsi que l'arbre aux feuilles rouges. Abasourdis, ses compagnons se tournèrent vers lui tandis que le tronc s'effondrait dans un craquement de fin du monde et que leurs corps se couvraient d'une lumière, indiquant qu'ils venaient de prendre un niveau. Ne sachant pas comment réagir, il ne réussit à dire qu'une seule chose, la mâchoire décrochée :

— Oups...

Cela fit sourire Ban qui rangea ses cartes tandis que Sylver s'extasiait sur les dommages de l'attaque. Même Sémi qui, d'ordinaire, semblait hermétique à toute forme d'émotions, ne put s'empêcher de laisser échapper un petit rire qui contamina rapidement le Parieur et le Roublard. Seul l'Invoqueur ne se joignit pas à leur allégresse, trop impressionné pour que le fou rire le contamine. Lorsqu'ils réussirent à se calmer, le Pao s'approcha d'Ompreria.

— C'était quoi cette nouvelle attaque trop puissante ?

— C'est la compétence que j'ai débloquée en assemblant le set du capitaine Fli, répondit le Mebanide. Cependant, je ne pensais pas que ce serait si destructeur.

— En même temps, si c'est inspiré de son espèce de tir en continu, cela ne me choque pas. En revanche, ne l'utilise jamais lorsque l'un de nous est au corps à corps, commenta Ban.

— C'est sûr que Sylver y laisserait des plumes, se contenta de lâcher l'Enfant du désert.

Sa déclaration éveilla de nouveau des bulles d'allégresse dans l'esprit de ses compagnons et ils repartirent en un fou rire, contaminant cette fois-ci le plus jeune d'entre eux. Tout en se tenant les côtes, Ompreria ne put s'empêcher de penser que c'était la première fois depuis longtemps qu'il ressentait un tel plaisir à jouer avec d'autres personnes. Pendant quelques instants, sa vie du monde réel disparut de son esprit, le ramenant simplement à sa condition de jeune adulte profitant de la vie. Ce moment de bonheur s'estompa mais se grava dans le cœur du Mebanide qui sourit à pleines dents.

De son côté, Ban remarqua que c'était la première fois qu'il entendait Saimhiramiss faire de l'humour. Depuis qu'elle s'était déconnectée pour la pause du repas, elle semblait différente, cessant d'être sur ses gardes constamment. Il la trouvait plus... sincère, c'était le mot. Son rire paraissait cristallin, franc. Pendant une seconde, il la contempla et imagina à quoi pouvait bien ressembler la jeune femme se cachant derrière le personnage de la Quenaif.

Lorsqu'il s'en rendit compte, Ban se gifla mentalement. Mais qu'est-ce qui lui prenait ? Il ne pouvait pas tomber amoureux aussi bêtement. Il soupira et, laissant les plus jeunes se calmer, s'approcha de l'arbre mort et commença à cueillir des feuilles. Quand les hommes-animaux reprirent enfin leur sérieux, il revint vers eux, l'inventaire rempli de végétaux.

— Je pense que nous en avons fini avec la récolte. Nous pouvons désormais rentrer à Terre Saine, déclara-t-il d'un air satisfait.

Ils opérèrent un demi-tour et apportèrent les ramées à Gauberg qui les remercia. Quelques minutes plus tard, alors que le soleil semblait se coucher à l'horizon, les habitants de la zone protégée allumèrent le grand feu. Partageant avec les aventuriers une soupe faite à partir des légumes poussant sur le sol meuble de leur campement, les villageois racontèrent l'histoire de leur peuple hétéroclite aux joueurs qui écoutaient religieusement.

Venant de partout à travers le monde, ils étaient des personnes qu'avaient rencontrées Gauberg au cours de ses aventures et qui avaient décidé de le suivre lorsqu'il avait lui-même choisi de se poser, son âge avancé l'empêchant de continuer à voyager à travers les contrées de Gillarg. Il avait choisi un lieu particulier pour lui car cela avait été dans ces marais peu accueillants de prime abord qu'il avait fait la rencontre de sa défunte épouse, une mage spécialisée dans les soins du nom de Mélisande.

— C'est elle qui, grâce à sa puissante magie, a réussi à assainir une partie des Bourbiers des gourmets pour en faire ces terres vivables et cultivables, expliquait Gauberg. Lorsqu'elle rendit son dernier souffle dans un donjon, elle me demanda de venir l'enterrer ici et c'est ce que je fis. Pour faire écho à sa bonté d'âme, j'ai décidé de faire de ces lieux un havre de paix pour les personnes souhaitant un foyer, peu importe qu'ils soient des elfes, des humains, des orcs, des nains, des mécatechs ou des hommes et femmes animaux.

Les histoires continuèrent et, alors que les lunes se levaient au loin, les habitants de Terre Saine commencèrent à ranger les assises sorties pour l'occasion. Alors que Gauberg s'approchait d'eux, un cor retentit, surprenant les aventuriers. Aussitôt, ce fut le chaos. Tandis que les villageois se jetaient dans leurs tentes pour se cacher, des hommes-crocodiles surgirent de la pénombre et se mirent à ravager le camp, saccageant les tipis et détruisant le bûcher.

Sylver, Sémi, Ompreria et Ban essayèrent de défendre les concitoyens de Gauberg à ses côtés mais, à cinq contre une trentaine, ils n'avaient aucune chance. Cependant, lorsqu'il remarqua que les hommes-animaux ne semblaient que détruire les constructions, épargnant toute vie, le Parieur comprit que quelque chose clochait. À ses côtés, ses camarades luttaient tant bien que mal mais, à cause de la pénombre, il était difficile pour eux de discerner leurs ennemis des amis.

Néanmoins, Ban s'étonna surtout de la façon de combattre de Gauberg. Il avait imaginé l'elfe fort mais pas à ce point-là. Ce dernier, se battant à l'aide d'une hallebarde, était un véritable tourbillon meurtrier qui, certainement grâce à une capacité de nyctalopie, n'était absolument pas gêné par les ténèbres. Sa lame, fendant l'air dans une danse de fer et de sang, trouvait toujours un cuir écailleux à trancher. Malheureusement, il se retrouva vite isolé, encadré par cinq adversaires s'étant trop rapprochés pour qu'il ne puisse manier son arme correctement. Mais le protecteur de Terre Saine n'avait pas dit son dernier mot. Avisant une des épées à la ceinture des agresseurs, il assomma avec la hampe de sa hallebarde l'un d'entre eux et lui déroba sa lame. Tandis qu'il plantait l'acier dans la chair d'un autre, l'un des hommes-crocodiles s'effondra, dévoilant Sylver. Le jeune Pao était tout aussi impressionnant à sa manière. Lorsque lui et Gauberg commencèrent à combattre côte à côte, les envahisseurs ne purent que subir leur combinaison destructrice. L'elfe se calait sur les mouvements de l'Invoqueur, comme s'il avait combattu toute sa vie avec lui, venant combler les ouvertures de l'homme-oiseau avant même que les reptiles humanoïdes ne se soient rendu compte de la faille existante.

Alors que la situation commençait à tourner à l'avantage des défenseurs, de nouveau, le cor se fit entendre et les monstres reptiliens quittèrent les lieux, se saisissant rapidement de leurs alliés assommés et laissant leurs morts sur place. Ces derniers étaient faibles, à peine deux individus. Du côté des défenseurs, comme l'avait vu l'humain, seuls des blessés étaient à déplorer.

Tandis que Sémi soignait les blessures les plus graves à l'aide de ses sorts, Ban s'approcha de Gauberg.

— Des problèmes de voisinage ? ironisa-t-il en espérant dérider la mine inquiète de leur hôte.

— On peut dire ça. Les Gatros, le peuple majoritaire des Bourbiers des gourmets, me détestent car je fais la cérémonie de la fumée noire. Ils disent que cela cache les étoiles, les empêchant d'observer les signes des astres. C'est un peuple très croyant qui pense être né d'une comète, responsable du Grand Cataclysme. Alors, ils passent leur temps à observer les étoiles dans l'espoir d'obtenir une prédiction leur indiquant ce qu'ils doivent faire sur Gillarg. Donc, dès que je réalise une cérémonie, cela les énerve. Mais c'est bien la première fois qu'ils nous attaquent.

— Surtout qu'ils semblaient ne pas chercher à vous faire du mal, seulement à détruire vos tipis et le bûcher.

— Je pense que c'est un avertissement... Ils veulent me faire comprendre que je ne suis pas ici chez moi et que c'est à moi de plier devant eux. Mais je refuse de briser la tradition de ma bien-aimée pour leur faire plaisir, rugit le dirigeant.

— Allons, pas besoin de se mettre tant en colère. Laissez-moi gérer ce problème avec mes compagnons.

— Avez-vous une idée en tête, Ban ?

— Je pense rencontrer leur dirigeant. Savez-vous où se trouve leur village ?

— Malheureusement, je l'ignore. À chaque fois que j'ai eu affaire à eux, c'était par l'intermédiaire de leur gardien, Lanoix, qui vit devant un donjon situé au sud de Terre Saine.

— Et bien, nous allons commencer notre investigation par-là, s'exclama le Parieur.

Rassemblant ses camarades, Ban leur expliqua leur nouvelle quête. Personne ne s'offusqua de son initiative et ils furent même tous d'accord pour dire que les Gatros avaient dépassé les limites en s'attaquant au village. Satisfait, l'humain prit la tête du groupe qui commença à s'enfoncer dans les marécages, tandis que les quatre lunes commençaient leur lente descente dans la voûte céleste.

Le quatuor progressait lentement, gêné par l'obscurité et les bourbiers, risquant à plusieurs reprises de perdre Sylver qui se pressait.

— Nous ne pouvons pas laisser les méchants impunis ! s'époumonait-il chaque fois que Sémi le récupérait avec l'aide d'Ompreria et de Ban.

Ce dernier ne put s'empêcher de soupirer. Pour lui, ce n'était qu'un jeu, et voir l'acharnement du jeune homme-paon commençait à l'agacer. Cependant, il musela sa colère montante et ne dit rien.

— Ce n'est qu'un enfant, ça lui passera, lui souffla sa conscience tandis qu'il se détendait imperceptiblement.

Au bout d'une heure, le groupe finit par atteindre une souche gigantesque, creusée sur le côté et menant à un boyau rocheux inondé qui semblait descendre sous la surface de l'eau.

— J'espère que nous n'aurons pas encore à plonger, grommela Ompreria pour détendre l'atmosphère.

Il sentait bien que l'ambiance pesante entre ses camarades commençait à leur plomber le moral. Malheureusement, son trait d'humour n'eut aucun effet. Sylver était trop inquiet pour les habitants de Terre Saine, Sémi semblait ailleurs et Ban ne cessait d'exprimer sa contrariété en marmonnant dans sa barbe. Voyant qu'aucun d'entre eux ne réagissait, le Mebanide se décida à agir. Il s'approcha de l'eau et essaya de scruter l'intérieur du canal. Celui-ci semblait descendre en pente, éclairé par endroits par des formes floues et bleutées. Le reflet d'une des lunes sur l'onde ne l'aidait pas, et il se mit à genoux, prêt à placer sa tête dans le liquide. Mais alors qu'il se penchait, il aperçut deux éclats rouges apparaître.

Pris au dépourvu, le Roublard bascula en arrière tandis qu'une masse énorme jaillissait de l'eau calme, faisant sursauter les trois autres joueurs. Tous se tournèrent vers la souche, et Ban ne put s'empêcher de grogner en voyant un Gatro colossal tenant Ompreria par la gorge alors qu'il se débattait.

L'homme-crocodile, se tenant sur ses pattes arrière qui ressemblaient plus à des troncs d'arbres qu'à des jambes, était vêtu d'une armure de plates en plus de sa peau écailleuse qui servait déjà de protection naturelle. Sa gueule s'approcha du Mebanide qui essaya d'électrocuter son adversaire à l'aide de son piège. Seulement, le choc n'eut l'air de faire ni chaud ni froid à l'homme-crocodile qui avançait ses rangées de crocs vers sa tête. Le Roublard ne put s'empêcher de déglutir tant bien que mal en discernant une langue passer sur les dents aiguisées. Les pupilles dorées fendues se braquèrent alors sur le reste du groupe.

— Que nous voulez-vous, étrangers ? demanda-t-il en faisant claquer sa queue sur l'eau, déclenchant un mouvement de recul chez Sylver.

— Nous sommes là pour parler avec votre dirigeant, monsieur Lanoix, s'exclama Ban en s'avançant, espérant avoir affaire au bon Gatro.

— Notre roi n'a que faire des sans-écailles. Et ce n'est pas en apportant ce rejeton de dragon que vous allez nous appâter, enchérit l'homme-crocodile en désignant Ompreria qui avait cessé de se débattre pour se concentrer sur le fait de ne pas suffoquer, la patte griffue de son agresseur serrant sa gorge n'aidant pas.

— Je souhaite pourtant m'entretenir avec lui. Faites-lui savoir que nous sommes envoyés par Gauberg, insista Ban.

Le nom du protecteur de Terre Saine fit tressaillir Lanoix, mais ce dernier se reprit comme s'il ne s'était rien passé.

— Notre roi se moque de cet envahisseur qui ne cesse de nous gêner dans nos coutumes.

— Je vois que vous êtes adeptes d'attendre des autres ce que vous ne respectez pas, répondit Sémi.

— Nous sommes dans notre bon droit ! rugit le reptile en battant l'eau de sa queue, éclaboussant son prisonnier qui commençait à voir des étoiles. Cet envahisseur vole nos terres, dérange nos coutumes et souhaiterait que nous le laissions tranquille ? Je reconnais bien là les aventuriers, les mêmes êtres qui nous chassaient pour se divertir ! Pour la peine, votre ami fera un parfait exemple de notre vendetta !

— Non ! crièrent Ban et Sémi en voyant le Gatro ouvrir sa gueule pour emporter la tête d'Ompreria.

— Reflets de la lune sur l'eau !

Au moment où les crocs allaient se refermer sur le Roublard, Sylver apparut devant le Gatro et frappa de plein fouet le plexus solaire du monstre. Ignorant l'armure métallique et la peau écailleuse, l'onde de choc traversa le corps de l'homme-crocodile qui vida ses poumons d'un coup, ouvrant grand sa gueule et relâchant son otage. Ce dernier, retrouvant enfin la liberté, retomba au sol en haletant, se massant la gorge. Il remercia le Pao d'une voix cassée, mais ce dernier ne semblait pas l'écouter. Les bras recouverts de la « Peau de pierre » de Lepre, il enchaînait les coups sur le Gatro qui, surpris, ne pouvait que se défendre.

Seulement, alors que l'Invoqueur avait réussi à mettre à genoux son adversaire à l'aide de sa compétence « Lièvre agité » et s'apprêtait à frapper son crâne d'un revers du talon, Lanoix l'éclaboussa en utilisant sa queue et plongea ses deux pattes griffues dans l'eau.

— Foudre serpentine !

Aussitôt, un éclair se forma à travers ses doigts écailleux et remonta l'arc d'eau qu'avait créé le reptile pour toucher le Pao encore en l'air. Lorsque la foudre le toucha, Sylver poussa un hurlement de douleur en écho avec celui de Lepre, juché sur son épaule, et ils s'effondrèrent, inconscients. Énervé, le Gatro voulut l'achever mais une carte vint le frapper juste avant d'exploser, le faisant sauter en arrière.

Ban et Sémi venaient de rejoindre la partie. Une fois assurés que le Mebanide allait bien, les deux joueurs s'étaient tournés en direction du combat mais n'avaient pu agir sans risquer de toucher leur camarade. Cependant, lorsque ce dernier s'était écroulé, le Parieur avait vu l'ouverture qu'il attendait. Tandis que la Quenaif soignait Sylver, l'humain bombardait l'homme-crocodile avec ses cartes, le repoussant à chaque fois sans toutefois lui infliger d'importants dommages. Lorsqu'il eut épuisé sa main de départ ainsi que celle générée par sa compétence « Pioche », il sortit une bourse et en tira un jeton.

— Pari : j'annonce face ! déclara-t-il en lançant la pièce dans les airs.

Profitant du répit accordé, le Gatro chargea son opposant mais ce dernier venait de récupérer son projectile en souriant.

— Red !

Le jeton fonça, entouré d'une aura mystique, et percuta de plein fouet Lanoix qui fut repoussé en arrière. Alors qu'il se relevait difficilement, le monstre ne put s'empêcher de déglutir en apercevant son adversaire recommencer son petit manège. Cependant, cette fois-ci, il venait de lancer dix jetons.

— Pari : j'annonce face pour tous les jetons !

Deux explosions retentirent, lui arrachant quelques points de vie, mais les huit autres pièces allèrent percuter l'homme-crocodile qui ne put qu'encaisser l'assaut destructeur.

Tandis que le Parieur bombardait son ennemi, ne lui laissant à aucun moment le temps de réagir, Sémi venait de finir de soigner Sylver. Alors qu'elle allait se jeter elle aussi dans la bataille, elle ne put s'empêcher d'observer le style de combat de son camarade.

— Comment fait-il pour ne pas perdre tout son mana en utilisant autant de sorts à la suite ? se demanda-t-elle. À moins que... Mais oui ! Il n'utilise qu'un seul sort au milieu de jetons normaux.

En effet, ménageant ses forces, Ban dissimulait un Red à puissance maximale au milieu des autres pièces d'or diminuées. Malheureusement, sa chance tourna lorsqu'il rata son « Pari » sur son sort. L'explosion qui suivit le projeta en arrière avec une telle violence qu'il s'écrasa contre le bois de la souche géante.

Lançant rapidement un sort de soin pour qu'il ne meure pas sur le coup, Sémi entendit alors un grondement derrière elle. Elle eut tout juste le temps de se jeter sur le côté qu'une queue gigantesque s'écrasait à l'endroit où elle se trouvait un peu plus tôt. Lanoix, essoufflé, son armure montrant de nombreuses traces d'usure, la dévisageait avec colère.

— Comment osez-vous vous en prendre à ma personne ? En faisant cela, vous déclarez la guerre à Sa Majesté Blanc, qui vous a protégé de la faction des Écailles d'amande ! Est-ce ainsi que vous le remerciez ?

Il leva ses deux bras couverts d'électricité et les abattit sur Sémi qui opposa son « Tentacule de cactus » à l'attaque. Malheureusement, la force de son adversaire était trop élevée et le végétal commença à ployer devant sa puissance écrasante. Alors qu'un sourire carnassier se dessinait sur son visage reptilien, une ombre occulta la lueur de la lune pendant une seconde. Tournant sur lui-même à pleine vitesse, Sylver apparut derrière Lanoix qui ne s'y attendait pas et lui asséna un coup de pied marteau sur le crâne, l'assommant promptement. Le Gator s'écroula comme une masse, laissant tout juste le temps à la Quenaif de bondir en arrière. Surprise, elle dévisagea son allié qui se relevait difficilement, le corps encore engourdi par l'électricité.

— Voilà une bonne chose de faite, s'écria-t-il avant de s'emmêler avec la queue de l'homme-crocodile et de manquer de se noyer.

Ne pouvant s'en empêcher, Sémi laissa échapper un petit rire en le voyant se débattre dans une flaque d'eau à peine profonde et alla l'aider à sortir de là. De leur côté, Ban et Ompreria les rejoignirent du mieux qu'ils le purent.

— Honnêtement, les garçons, vous faites un peu pitié, ricana la Quenaif.

— J'aimerais bien t'y voir, grommela le Mebanide en se massant la gorge encore endolorie. Bon sang, je ne comprends pas les gens qui apprécient la strangulation. Qu'est-ce qu'il y a d'excitant là-dedans ?

— Aucune idée. Et pour ta première remarque, regarde, dit-elle en pivotant sur elle-même. En tout cas, buvez quelques potions avant que nous repartions.

— Ce n'était pas lui le grand méchant ? s'étonna Sylver qui n'avait rien suivi.

— Non mais je pense qu'il y a anguille sous roche dans cette histoire, commenta Sémi.

— Tu peux nous en dire plus ? lui demanda le Parieur en avalant le contenu d'une fiole emplie de liquide rouge.

— Avant que Lanoix ne s'écroule, il a parlé de la bonté de son roi et d'une faction opposée, expliqua la femme-fennec. Tu parlais d'un avertissement lorsque tu t'es entretenu avec Gauberg. Je me demande si tout cela n'est pas lié.

— Si je suis ce que tu dis, tu penses que l'attaque de Terre Saine était en fait un moyen pour le roi des Gatros de montrer à la faction opposée qu'il agissait, tout en les empêchant de s'attaquer eux-mêmes au campement, reprit Ompreria.

— Cela explique donc le fait qu'aucun Gatro ne cherchait à tuer, commenta Ban. Si ta théorie est la bonne, alors il nous faut impérativement trouver le roi. Mais où se trouve-t-il ? Il n'y a aucune chance qu'il soit dans le donjon d'où sort Lanoix, ce serait trop évident.

— Si nous suivons Lanoix, peut-être nous mènera-t-il jusqu'à lui, dit Sylver, un peu en retrait.

— Pour ça, il faudrait qu'il soit conscient, grommela le Parieur.

— Eh bien, il vient de s'enfuir en direction du donjon.

La déclaration de l'Invoqueur fut ponctuée d'un énorme « Plouf ! » qui fit faire volte-face aux trois aînés du groupe. Ompreria parcourut les ombres et, en effet, le corps évanoui du Gatro avait disparu.

— Rassure-moi, Sylver. Tu ne lui as pas donné une potion de soin ? demanda Ban sur un ton las.

L'air gêné de son interlocuteur répondit pour lui. Le Parieur soupira et, tandis que le Pao se confondait en excuses, il lui tapota la tête amicalement.

— Ce n'est rien, gamin. Mais, la prochaine fois, consulte-nous d'abord s'il te plaît, d'accord ?

Sylver hocha la tête et Ban sourit, se tournant vers les autres.

— Bien, maintenant, il ne nous reste plus qu'une chose à faire.

— Qu'est-ce donc ? s'inquiéta Ompreria en entendant le ton amusé de son camarade.

— Tout le monde enmaillot ! Allons chasser du crocodile !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top