Partie 2 : Chapitre 12Entre chien et loup

Désormais éclairé par la lumière crépusculaire, le manoir semblait bien sinistre. Les gargouilles paraissaient plus vivantes encore que durant la journée, les ombres dessinant des griffes et des crocs inquiétants. Les carreaux colorés donnaient désormais l'impression d'être tous noirs, empêchant tout regard à l'intérieur. Elthir ne put s'empêcher de frissonner devant ce nouvel aspect de la demeure de Lord Hund. Elle et ses amies arrivèrent à la porte d'entrée et toquèrent. Des bruits de pas précipités se firent entendre derrière le panneau de bois et les filles purent discerner un souffle erratique provenant de l'autre côté.

— C'est vous ? demanda une voix apeurée.

— Oui, Lord Hund, répondit Sanerte. Pourrions-nous entrer ? Nous avons des questions à vous poser.

La poignée cliqueta et la porte s'entrouvrit. Un regard affolé se dessina dans l'encadrement.

— Non. Votre travail doit se faire dehors, alors vous ne rentrez pas. Qu'est-ce que vous voulez ?

— Après que le monstre a disparu, un médaillon est tombé et, comme il vous représentait, j'en ai déduit qu'il vous appartenait. J'ai aussi aperçu une femme et un bébé. C'est votre famille ?

— Faites-moi voir ça ! ordonna le seigneur en lui arrachant presque des doigts l'objet.

Lorsqu'il l'ouvrit, les aventurières purent clairement voir ses yeux s'écarquiller puis son visage se fermer.

— Cela ne vous regarde pas. Retournez travailler !

Et sur ces mots qu'il avait hurlés, il leur claqua le panneau de bois au nez, les faisant sursauter. Les trois filles se regardèrent, perturbées par le comportement de leur employeur.

— C'est moi ou il a un grain ? railla Mei en tapant son doigt sur sa tempe métallique.

— Peut-être qu'il a perdu sa famille et que c'est récent, proposa Sanerte en haussant les épaules. Bon, après tout, il a raison, cela ne nous regarde pas. Bon, j'espère que les prochaines bestioles ne seront pas aussi pénibles que la première.

Tandis qu'elles descendaient les marches du perron, la forêt sembla bruire de colère, comme si elle possédait sa propre conscience. Sur leurs gardes, le trio se plaça en position de combat. Ainsi, elles purent esquiver le premier assaut des loups noirs. Ces derniers, véritables animaux faits de chair et de sang, avaient bondi des fourrés pour essayer de dévorer les proies. Cependant, les bêtes n'avaient pas prévu que leurs cibles soient en réalité les véritables prédatrices. Après quelques coups, il ne restait déjà plus aucun canidé vivant. Sanerte était déjà en train de ranger sa faux mais Mei lui posa la main sur l'épaule.

— Attends ! C'est trop facile par rapport à la première fois. Il doit y avoir...

À peine avait-elle eu le temps de dire ses mots qu'une silhouette s'échappa des sous-bois et se précipita vers l'entrée du manoir. Prises au dépourvu, les deux elfes n'esquissèrent même pas un mouvement. Cependant, l'androïde avait pressenti le danger. Elle modifia sa claymore et, équipée de son fusil, elle tira à plusieurs reprises devant le monstre. Ce dernier dut freiner sa course pour ne pas recevoir les projectiles. Il se replia en un saut et, méfiant, se prépara à bondir devant les aventurières. Alors que celles-ci allaient attaquer, le loup gigantesque qui leur faisait face fit une chose bien surprenante. Il se releva sur ses pattes arrière et, dans un grognement guttural, il prononça :

— Ren... dez... mé... daillon.

Elthir, Sanerte et Mei baissèrent leurs gardes, trop abasourdies par ce que leurs oreilles venaient de leur retransmettre. Cet instant d'inattention permit à la bête de réduire la distance entre elle et le groupe. La Nécromancienne eut cependant tout juste le temps de placer sa faux en travers de la route du monstre. Le choc des deux attaques envoya valser l'elfe mais elle avait réussi à gagner suffisamment de temps pour que ses camarades reprennent leurs esprits.

Aussitôt, l'Assassine se jeta au corps à corps avec le loup, dégainant ses nouvelles dagues. Elle réussit à passer sous la patte de son adversaire et lui planta ses lames sous les côtes, lui arrachant un cri de douleur. Rageur, le monstre voulut la frapper mais, vive, l'Hylisse n'était déjà plus là. Trop concentré sur sa proie, il ne fit pas attention à Mei.

— Transarme ! Lame ionique !

Le fusil se changea en Claymore qui se couvrit d'une aura bleutée. La Mécatech asséna un puissant coup au loup qui fut parcouru d'une violente décharge électrique, le sonnant légèrement. Elthir réapparut au-dessus du loup et, plantant ses dagues dans son crâne, l'acheva promptement.

Les filles se sourirent par réflexe, puis se détournèrent. Dans la précipitation, elles en avaient oublié leur rivalité. Ce détail n'échappa pas à Sanerte qui poussa un petit son amusé en les rejoignant. Mais devant les regards furieux de ses camarades, elle dut réellement se mordre les joues pour ne pas éclater de rire.

— Bien, il me semble que là, nous avons un véritable problème, finit-elle par dire lorsqu'elle eut repris son sérieux.

— En effet. Le seigneur ne nous a pas tout dit, grommela Elthir.

— Cependant, quand on voit comment il a réagi la dernière fois, je pense qu'il ne nous donnera pas d'autres informations, constata Mei.

— Eh bien, il ne nous reste plus qu'une chose à faire, reprit la Nécromancienne.

— Et qu'est-ce que c'est ? l'interrogea la Mécatech.

— Nous allons le cambrioler !

Elthir détestait ce plan. Sanerte avait été ravie de l'envoyer au casse-pipe car, d'après elle, elle était la mieux placée pour un cambriolage.

— Sauf que je ne suis pas une Voleuse mais une Assassine ! maugréa-t-elle intérieurement comme elle l'avait dit à l'elfe à la peau sombre.

Mais celle-ci n'avait rien voulu savoir. L'Hylisse était la plus discrète et, en cas de problème, l'Hynine et l'Androïde suffiraient amplement pour vaincre le monstre. La jeune femme avait voulu proposer un autre plan mais la boîte de conserve avait rajouté son grain de sel.

— Ne me dis pas que tu as peur, Chérie ?

Cette simple phrase avait fait monter la moutarde au nez à Elthir qui s'était immédiatement précipitée vers le manoir. Elle se rendait désormais compte qu'elle s'était vraiment fait avoir.

En équilibre sur une margelle dépassant du mur de marbre, elle maudissait les rayons des soleils qui la révélaient trop à son goût. Elle avait hésité à utiliser Sous Cape mais elle préférait conserver sa compétence en cas d'extrême urgence. Elle finit par atteindre son objectif, une fenêtre du deuxième étage entrouverte. Alors que l'Assassine allait pénétrer dans la demeure, une voix sanglotante la fit sursauter, manquant la faire tomber. Elle se rattrapa juste à temps au promontoire de la fenêtre et soupira de soulagement en entendant la personne qui pleurait continuer son monologue. Il lui avait semblé avoir fait un boucan de tous les diables en percutant la cloison. Essayant de contenir la douleur de ses côtes qui la lançaient, elle se concentra sur la voix qu'elle reconnut comme étant celle de Lord Hund.

— Ma douce Silia... Pourquoi ? Pourquoi a-t-il fallu que tu me quittes ?

Ainsi, le nom de la demoiselle du médaillon était donc Silia. Une interrogation de moins.

— Si seulement cet imbécile d'Artor n'avait pas tout fait rater...

Et sur ces mots, Elthir entendit des bruits de pas s'éloigner, changeant de pièce. Lorsqu'elle fut assurée que son employeur était loin, elle se hissa sur la margelle et pénétra dans la pièce. Elle venait de rentrer dans un bureau aux murs tapissés d'étagères, elles-mêmes remplies à ras bord de livres en tout genre. Curieuse, l'Assassine les parcourut du regard et haussa un sourcil. Pourquoi diable le seigneur se renseignait-il autant sur les loups ? Certes, son domaine était envahi mais était-ce là une raison de ne posséder que des ouvrages traitants d'eux ? Et de plus, était-il si important de savoir comment nourrir des animaux pour s'en débarrasser ? Tout en se questionnant sur la drôle d'impression qui la taraudait, les yeux de l'elfe se posèrent sur un cadre photo. Ce dernier possédait une représentation de Lord Hund et de Silia en costume que l'on avait déchiré et recollé afin de dissimuler la partie centrale de l'image. Elle tendait ses doigts vers l'objet lorsqu'un cri de détresse retentit à l'extérieur, suivi d'un rugissement.

Alertée, Elthir se pencha par la fenêtre et fut d'autant plus surprise lorsqu'elle aperçut Lord Hund dehors, couché sur le dos, essayant de reculer devant une masse colossale. Cette dernière appartenait à un nouveau loup. Cependant, en le détaillant plus précisément, un mot apparut dans l'esprit de l'Hylisse : un lycanthrope, ou loup-garou. La bête se tenait sur ses pattes arrières, les articulations de ses genoux inversées par rapport à celles d'un humain. Massif, il dominait complètement Mei qui s'était interposée entre lui et le seigneur. Cependant, les yeux du monstre ne semblaient pas voir l'adversaire mais seulement sa proie.

Soudain, le doré de ses pupilles se changea en rouge et des os percèrent sa peau, lui créant un exosquelette.

— MOLSAS ! rugit-il si fort que les carreaux du manoir explosèrent, tailladant les bras et le visage d'Elthir.

Cette dernière, voyant que sa camarade venait d'être propulsée loin de Lord Hund, sauta sans se préoccuper de ses blessures.

— Lancer !

Sa dague alla se ficher dans l'épaule droite du lycanthrope, lui arrachant un grognement de mécontentement lorsqu'il voulut la retirer mais que la lame disparaissait pour rejoindre sa porteuse qui se précipitait sur lui. Mais il ne s'intéressa pas à elle.

Ouvrant grand sa gueule, il se jeta sur le seigneur du manoir, qui se roula en boule. Heureusement pour lui, Sanerte veillait.

— Frappe osseuse !

Le poing d'os nouvellement formé derrière Lord Hund vint percuter en plein vol le loup-garou, l'envoyant à son tour voler droit sur Mei, qui n'attendait que cet instant. Elle le réceptionna du plat de sa claymore, comme une batteuse frappant une balle pour un home run. Le corps du monstre roula à quelques mètres d'elle, poussant un cri de douleur. Cependant, lorsqu'il se releva, les trois aventurières frémirent en voyant six loups noirs apparaître dans son dos.

— Amitié macabre !

Aussitôt, aux côtés de Sanerte, Mickey, le zombi aux bras puissants, et Mélisande, le squelette mage, apparurent. Désormais, la partie était plus équilibrée. D'un même mouvement, les combattants se jetèrent les uns sur les autres. Les invocations de la Nécromancienne se chargèrent du lycanthrope tandis que les trois aventurières se décidèrent à massacrer les loups qui l'accompagnaient. Sanerte en fauchant un de sa faux, tandis qu'Elthir plantait sa dague dans le crâne d'un autre. Mais Mei semblait viser plus qu'une seule cible.

Dessinant un arc de cercle vertical avec sa lame, elle l'écrasa sur le premier venu et, profitant de l'élan de son arme, elle se propulsa dans les airs.

— Pluie ionique !

La claymore émit un bruit mécanique et se métamorphosa en fusil tandis que sa maîtresse atteignait le point culminant de son saut. Immédiatement, elle déversa un véritable déluge de tirs sur les deux loups qui accompagnaient sa première cible. Ces derniers n'eurent aucune chance et bientôt, leurs cadavres fumants s'écroulèrent au sol.

Le dernier loup n'eut aucune chance. Un tir et une dague vinrent le tuer promptement. Fières d'elles, les filles firent volte-face et découvrirent que Mickey tenait difficilement en échec son adversaire, malgré les sorts de renforcement qu'incantait Mélisande. Ne voulant pas les voir se faire détruire, Sanerte incanta pour les faire disparaître, manquant de faire perdre l'équilibre au lycanthrope qui luttait avec le zombi.

Lorsqu'il se reprit, le monstre plaça ses bras devant lui pour bloquer la faux de la Nécromancienne. Vive, elle ne laissait aucun répit à son ennemi, l'empêchant de passer à l'offensive. Son arme, semblant devenir une véritable tornade tranchante tant elle allait vite, dessinait des rayures sur les os solides servant d'armure. Cependant, à un moment, l'elfe à la peau sombre trébucha sur un cadavre de loup et son adversaire en profita pour se jeter sur elle, gueule ouverte. Cependant, l'air devant lui se troubla et Elthir apparut.

Elle venait de mettre fin à son camouflage et planta ses lames dans les mâchoires inférieure et supérieure du loup-garou. Le coup fut mortel, une des lames perçant sa cervelle. Son corps s'effondra, arrachant un glapissement effrayé au seigneur du manoir qui s'enfuit en direction de sa maison.

— Mais qu'est-ce qu'il faisait là ? grommela Elthir en retirant les dagues de la carcasse du lycanthrope.

— Il est sorti du manoir juste après que tu y sois rentrée, lui répondit Sanerte. Il a commencé à nous dire qu'il fallait qu'il parte lorsque le monstre est sorti des bois. Après, tu as vu par toi-même ce qui s'était passé...

— Il s'enfuit !

Le cri de Mei fit sursauter ses camarades qui firent volte-face.

En effet, juché sur un cheval, Lord Hund venait de s'enfoncer dans les bois. Un bruit mécanique derrière elles indiqua aux deux elfes que la Mécatech s'était changée en moto. Elles l'enfourchèrent prestement, et le véhicule conscient démarra aussitôt, manquant de faire passer par-dessus bord Sanerte, qui venait tout juste de s'asseoir. Le moteur vrombissant, l'androïde zigzagua entre les arbres à la suite de la monture du seigneur.

Aussitôt, comme si la forêt avait été consciente de leur présence, les arbres s'agitèrent sur leur passage, et un puissant hurlement retentit dans les sous-bois, donnant la chair de poule à Elthir. Mais elle n'eut pas le temps de s'inquiéter de la source de ce son.

Semblant émerger des ombres, des loups commencèrent à galoper à leurs côtés et, alors que Sanerte allait en faucher un, elle se rendit compte que les monstres ne leur prêtaient pas attention, semblant former une horde protectrice autour d'eux.

— Drôle de comportement, pensa-t-elle avant de se rattraper à Elthir après que Mei eut roulé sur des racines proéminentes.

De son côté, l'Assassine ne put s'empêcher de s'émerveiller devant la maîtrise de la conduite de la Mécatech. Malgré la masse d'animaux les entourant, l'androïde semblait deviner la route devant elle, esquivant majestueusement les buissons et les arbres qui apparaissaient pourtant à la dernière seconde dans leur champ de vision. Tout à sa contemplation de la conduite hors pair de sa camarade, elle ne fit pas attention à la silhouette colossale qui les suivait.

Ce ne fut que lorsque cette dernière, accélérant sa course, bondit au-dessus d'elles que les filles se rendirent compte de sa présence. Elle atterrit souplement devant elles et faucha le cheval de Lord Hund. Ce dernier s'écrasa au sol au moment où lui et ses poursuivants pénétraient dans une clairière aussi grande que celle où se situait le manoir.

Dès qu'ils débouchèrent dans la zone déboisée, les loups se placèrent de telle sorte à empêcher quiconque de s'enfuir, s'asseyant tels de silencieux gardiens sous l'orée des bois. Seuls restèrent le seigneur des terres, Sanerte, Elthir, Mei, qui reprenait son apparence humanoïde, et le loup-garou. Profitant du moment de flottement qui régnait, l'Assassine observa en détail le monstre.

Bien plus grand que son congénère, il semblait recouvert d'ombres par endroits. Les ténèbres donnaient l'impression d'un costume noir cintrant les puissants muscles de l'animal. Alors que la silhouette du monstre rappelait quelque chose à l'elfe, l'androïde se jeta au contact du lycanthrope. Ils commencèrent à échanger des coups, rapidement rejoints par Sanerte et Elthir, qui ne pouvait se défaire de l'étrange sensation qui la taraudait.

Ce fut alors qu'une barre de points de vie apparut dans le champ de vision des filles.

« ???, seigneur loup. PV : 100 % »

Le combat fut d'une violence telle que les aventurières n'en avaient jamais connu d'aussi intense. Le seigneur loup semblait fou de rage et essayait à tout prix de dévorer Lord Hund. À plusieurs reprises, la vie de ce dernier ne passa qu'à un cheveu de se terminer prématurément. Il essaya de se frayer un chemin hors du cercle que formaient les loups, mais ces derniers le menacèrent de leurs crocs, l'obligeant à rester dans la clairière.

Alors que Mei subissait une nouvelle attaque, le loup-garou gronda dans un langage qui fit froid dans le dos au seigneur des bois.

— Molsas, je vais te faire regretter de m'avoir tué.

— Il n'y a aucun Molsas, grommela Sanerte en invoquant son poing osseux pour retenir le monstre de se jeter sur leur employeur. Vous faites erreur. Le prénom de Lord Hund est Artor !

Lorsqu'elle entendit ces mots, l'esprit d'Elthir mit la dernière pièce du puzzle en place et elle comprit.

— Sanerte ! Mei ! Artor ! Arrêtez-vous ! Tout de suite !

Surprises, ses camarades s'exécutèrent. Mais ce qui les surprit encore plus, ce fut lorsqu'elles virent le lycanthrope se figer.

— Je me disais que vous me rappeliez quelqu'un, s'exclama l'Assassine en s'adressant au seigneur loup. Vous êtes Artor, Artor Hund, frère jumeau de Molsas Hund, l'homme qui se trouve là, affirma-t-elle en désignant Lord Hund.

Un silence flotta dans la clairière, rapidement rompu par Mei.

— C'est bon, ses plombs ont sauté.

— Mais vous êtes complètement folle, ma pauvre fille, s'emporta celui désigné comme étant Molsas. Je suis Artor Hund et je n'ai pas de frère jumeau.

— Ah bon ? Alors vous allez pouvoir m'expliquer ceci.

Et elle sortit de sa poche le cadre qu'elle avait emprunté dans le bureau du manoir. Stupéfait, Lord Hund se figea lorsqu'elle l'ouvrit et sortit deux morceaux de photo qu'elle assembla. Dessus, on pouvait apercevoir Silia tenant les mains de Lord Hund et, derrière ce dernier, un homme lui ressemblant trait pour trait.

Fière d'elle, Elthir releva le visage et étouffa un hoquet de surprise. Le lycanthrope pleurait en regardant l'image. Son sourire fanant, elle la lui tendit et il s'en empara, ses doigts griffus tremblant.

— C'était le jour de notre mariage, dit-il à voix basse. Silia était si heureuse qu'après la photo, elle s'était tordu la cheville en se jetant dans mes bras. En même temps, ses talons étaient trop hauts. Mais elle n'avait rien voulu savoir.

Amusé par sa propre anecdote, il produisit un son étrange, mi-amusé, mi-étranglé. Et, alors qu'il se tournait doucement vers celui désigné comme Molsas, ce dernier tomba à genoux.

— Artor... C'est vraiment toi ? s'étrangla-t-il, la terreur se lisant sur son visage.

— Oui, Molsas, c'est bien moi.

— Je ne veux pas faire la casseuse d'ambiance mais je ne comprends rien à ce qui se passe. Pouvez-vous m'expliquer ? demanda Sanerte en s'approchant du lycanthrope.

Si cette mise en scène avait été un piège, la Nécromancienne se serait faite décapiter. Cependant, le loup-garou ne fit aucun mouvement brusque. Il se contenta simplement de soupirer en voyant Lord Hund se murer dans le silence.

— Très bien, jeune Hynine. Je vais vous raconter les jours maudits de la famille Hund. Famille damnée par Molsas Hund, le plus jeune des enfants de Cooper Hund, le seigneur du domaine.

Il prit une profonde inspiration et commença son récit.

— Nous sommes nés en même temps, Molsas et moi, Artor. Mon père, ne sachant comment choisir son héritier, se décida à faire un test. La famille Hund est sous la protection des loups de cette forêt. Alors il appela la meute grâce au pouvoir de notre lignée et nous plaça tous les deux, nouveau-nés, devant les animaux. Tandis que mon frère pleurait à la vue des canidés, je tendis la main et caressai ceux d'entre eux qui approchaient leurs truffes de moi. Ce geste décida mon père et il marqua mes yeux à l'aide de notre pouvoir. Mes pupilles sont devenues dorées, seul signe distinctif entre mon jumeau et moi.

En effet, Elthir avait noté l'étrange lueur des yeux du mari de Silia sur la photo de mariage.

— Le temps passa et je fus promis à Silia, une jeune femme splendide. Nous sommes tombés amoureux au premier regard et il ne fallut pas longtemps pour que les domestiques nous voient, elle et moi, en compagnie de mon frère. Silia refusait que nous laissions le bougre seul. Puis vint notre mariage et la naissance de notre fille, Milena. C'est là que tout a basculé.

Il posa sa voix, espérant que Molsas prenne la parole, mais ce dernier ne bougeait pas, la tête baissée vers le sol.

— Alors que ma femme se reposait après l'effort de l'accouchement et que notre bébé était au soin des femmes de chambre, Molsas demanda à me voir. Je pensais qu'il venait pour me féliciter et je l'ai alors accueilli dans mon bureau. J'étais adossé à la fenêtre ouverte, profitant de l'air frais de la saison, lorsqu'il ouvrit la porte. Il semblait mal à l'aise et j'essayai de le calmer mais il devenait au contraire plus nerveux à mesure que le temps passait. C'est alors qu'il m'a avoué son crime.

— Laissez-moi deviner. Il était le père de l'enfant ? ironisa Mei d'un ton railleur.

Sa déclaration déstabilisa complètement Molsas et Artor qui firent volte-face vers elle.

— Mais comment savez-vous cela ? s'étrangla le lycanthrope. Mon frère vous l'a dit ?

— Non, je l'ai deviné. C'était évident. Je peux même vous raconter la suite. Il a dit avoir pris votre place au lit, vous aviez des doutes sur le moment où vous aviez fait l'amour avec elle et paf ! Vous vous êtes énervés, vous vous êtes battus et je parierai même que vous êtes morts.

— Pas exactement. Vous avez raison sur tout, sauf sur ma mort. Durant notre affrontement, nous avons lutté. Je lui hurlai que je devais en référer à notre père et lui, sachant que ce dernier ne lui pardonnerait pas, essayait de m'en empêcher. Il m'a alors poussé, me faisant basculer par-dessus le rebord de la fenêtre et mon corps s'est écrasé au sol, deux étages plus bas. Mes os étaient brisés et j'agonisais. Cependant, notre dispute était passée inaperçue et ma chute ne fit aucun bruit car je suis tombé dans des fleurs qui ont étouffé le son. Mon frère, désemparé, est descendu pour me voir et m'a cru mort. Il a déplacé mon corps et, en allant chercher des outils pour enterrer mon cadavre, il est tombé sur des membres du personnel qui l'ont retardé. De mon côté, le pouvoir de notre famille me guérissait tout doucement mais suffisamment pour que je reprenne conscience. Des loups ont porté mon corps loin de l'endroit où m'avait laissé Molsas. Depuis, j'ai récupéré doucement mes forces tout en me métamorphosant en loup à mon tour jusqu'à aujourd'hui.

Il s'approcha doucement de son jumeau.

— Mes loups m'ont dit que Silia et Milena ne sont jamais sorties de la maison. Je t'en prie, mon frère, laisse-moi les voir. Dis-leur la vérité et rends-moi ma famille.

Soudain, le corps de Molsas fut parcouru de spasmes et les filles l'entendirent sangloter.

— Que t'arrive-t-il, Molsas ? demanda Artor, inquiet.

— Malheureusement, Silia... Silia n'est plus de ce monde.

La déclaration du faux seigneur eut l'effet d'une bombe sur le loup-garou. Il tomba sur ses genoux qui, depuis son affrontement avec les aventurières, ne cessaient de trembler.

— C'est... C'est impossible... grogna le monstre.

— Hélas ! Silia était maligne. Elle comprit immédiatement que je n'étais pas toi. Dès que j'ai vu que tu avais disparu, je me suis fait passer pour toi, priant pour que tu ne réapparaisses pas. Cependant, lorsqu'elle eut recouvré ses forces, Silia me demanda un entretien. Je fus surpris et encore plus lorsqu'elle s'adressa à moi en m'appelant Molsas. J'ai bien essayé de mentir mais son sourire... Dieu, son sourire m'a envoûté comme elle l'avait fait des années plus tôt. Je lui ai raconté l'accident mais, au lieu de me juger, elle m'a seulement proposé de partir à ta recherche. Elle était persuadée que tu étais en vie. Alors j'ai essayé de l'en empêcher. Nous nous trouvions dans les escaliers, j'ai voulu attraper son bras et elle s'est débattue légèrement.

Il prit une pause pour reprendre sa respiration.

— Je ne sais pas ce qui m'a pris. Je suis devenu fou. Fou à l'idée qu'elle te retrouve. Fou à l'idée que Père me tue pour mon mensonge. Mon corps a bougé tout seul. Je l'ai poussée.

Sanerte hoqueta de surprise.

— Vous l'avez tuée ! s'écria-t-elle.

— Je ne voulais pas ! hurla en retour le pauvre homme dont la grimace déformait le visage. Lorsque j'ai repris conscience, elle gisait au bas des escaliers, la nuque rompue. Une servante est arrivée à ce moment-là et tout le monde s'est enfui. J'ai perdu la tête et...

— Et vous les avez tous massacrés. Classique, le coupa Mei d'un ton inexpressif. Et vous avez tué la petite tant que vous y étiez ?

— Non ! Je ne sais pas ce qu'il s'est passé mais elle a disparu.

— Mais qu'as-tu fait, mon frère ? s'étrangla Artor, la fourrure poissée par ses larmes, le corps tremblant de rage.

— J'ai fait en sorte d'exister ! explosa Molsas en se relevant. Depuis ma naissance, je ne vivais que dans ton ombre ! Père ne s'intéressait pas à moi ! Silia ne m'aimait pas comme je l'aimais et tu allais vivre en tant que père alors que c'était ma fille. Tu es stérile, j'y avais veillé ! Mais ne t'inquiète pas, Artor. Je ne suis pas un monstre, je vais te laisser rejoindre ta bien-aimée.

Et soudain, quelque chose jaillit du dos de l'usurpateur et plongea dans le torse de son frère, ressortant dans son dos. Les poumons perforés, la victime essaya bien d'articuler quelque chose mais se noya dans son propre sang. Molsas extirpa l'arme qui venait de réduire au silence son aîné et se tourna en direction des filles qui, pétrifiées devant l'acte affreux que venait de réaliser l'homme, ne purent qu'admirer avec horreur la métamorphose de leur employeur.

Tandis que son corps se boursouflait de muscles improbables, une aura dorée entoura celui des aventurières qui revinrent un peu de leur stupeur. En effet, plusieurs fenêtres de dialogue venaient d'apparaître devant elles. Elthir les détailla rapidement.

— Vous avez pris un niveau. Niveau actuel : 6.

Vous avez pris un niveau. Niveau actuel : 7.

Vous avez acquis une nouvelle compétence.

— Molsas Hund s'est incarné en Neid, Lord des abysses de la jalousie. Un choix s'offre à vous. Prêtez-lui allégeance ou combattez-le.

Légèrement assommées devant le déluge d'informations, les deux elfes se concertèrent du regard mais la voix mécanique de leur camarade ne leur laissa pas le loisir de douter.

— Prêter allégeance à un lâche comme lui ? Hors de question. Plutôt me débrancher moi-même que d'accepter un homme aussi pourri comme supérieur.

Mei avait ouvert rapidement son menu de statistiques et avait réparti ses points avant de se jeter sur le monstre qui leur faisait face. Elthir et Sanerte firent de même, profitant de leurs montées de niveau pour observer avec attention leur nouvel ennemi.

De Molsas, il ne restait plus rien. Devant les aventurières se tenait désormais un démon issu des pires cauchemars d'un enfant. Son corps semblait couvert d'un exosquelette noir mat qui reflétait les rayons de la lune, ces derniers étant apparus en même temps que le monstre. Il possédait quatre cornes, deux se dressant au-dessus de ses yeux verts brillant d'une lueur de jalousie, deux autres se croisant devant sa bouche, formant un bâillon. Deux immenses ailes de chauve-souris s'étendaient de part et d'autre de son buste maigre, l'une rouge du sang d'Artor Hund. Comprenant que la membrane était si tranchante qu'elle avait réussi à sectionner les os du lycanthrope, Mei esquiva immédiatement le premier coup que Neid venait de lui envoyer. Cependant, elle n'avait pas prévu que l'être cauchemardesque n'avait pas que ses ailes comme moyen d'attaquer.

De la peau tendue jaillirent des piques de sang séché que le boss projeta comme une véritable pluie de lances. Les deux elfes eurent tout juste le temps de se jeter sur le côté pour éviter le déluge de projectiles mais la Mécatech n'eut pas cette chance. Elle essaya de s'abriter derrière la lame de sa claymore mais un des traits écarlates lui perça l'épaule, la faisant hurler de douleur. Son bras retomba mollement contre son flanc, inerte.

— Amitié macabre.

Un sort de soin jaillit des mains squelettiques de Mélisande alors qu'elle sortait tout juste du sol. Il toucha la plaie béante de Mei, réparant les circuits et le métal. Soupirant de soulagement, cette dernière leva rapidement son pouce pour remercier Sanerte mais un nouveau coup de membrane l'obligea à se concentrer sur son adversaire. Pendant ce temps, Elthir avait contourné le monstre et s'apprêtait à lui bondir dessus. Cependant, ce dernier s'y attendait et de son dos jaillit une nouvelle paire d'ailes qui obligèrent l'Assassine à stopper son bond pour changer sa trajectoire, évitant ainsi de se faire transpercer par les lames de chair. Elle décida tout de même d'utiliser sa compétence Lancer pour infliger des dommages à l'être cauchemardesque. Malheureusement, sa dague ne fit qu'effleurer la chitine protectrice. Grommelant, l'Hylisse repartit à l'assaut, occupant les deux nouveaux membres pour laisser du temps à Mei et Sanerte afin qu'elles infligent un maximum de dommages.

Soudain, alors qu'elles avaient réussi à retirer un cinquième de la barre de vie du monstre, ce dernier se propulsa dans les airs et déploya ses quatre ailes. Son ombre emplit la clairière et des ténèbres rampantes au sol s'échappèrent des chauves-souris qui se mirent à attaquer les aventurières. Luttant contre les invocations, le trio ne fit pas attention à ce que préparait Neid et fut alors pris au dépourvu lorsqu'un nouveau déluge de lances de sang s'abattit sur tous les occupants de l'arène de combat. Les monstres furent décimés et les filles ne purent échapper à la salve. Elles grimacèrent malgré les soins de Mélisande qui avait été protégée par Mickey.

— Mais quel chien, ce type, s'emporta Sanerte. Il a détruit ses propres larbins juste pour nous infliger des dommages.

Elle se releva avec difficulté mais le seigneur des abysses de la jalousie n'en avait pas fini. Ayant compris que la Nécromancienne était la plus gênante du groupe, il se posa face à elle et l'engloba de ses ailes. L'Hynine n'eut pas le temps de réagir qu'elle sentit des crocs percer son bras, lui arrachant un nouvel hurlement de douleur. Aussitôt, elle vit sa jauge de mana se réduire en même temps que celle indiquant ses points de vie tandis que ceux du monstre augmentaient. Comprenant avec horreur que l'être cauchemardesque se soignait tout en l'affaiblissant, elle se maudit intérieurement. Elle allait devoir l'utiliser à nouveau.

Cette pensée lui déplaisait car elle n'aimait pas invoquer son troisième mort-vivant. Mais elle n'avait pas le choix. Profitant du fait que personne ne pouvait la voir à cause des ailes du démon, elle activa sa magie.

De l'extérieur, Mei, ayant vu le boss se régénérer, avait commencé à tirer dessus avec son fusil à ions, ne voulant pas risquer la vie de Sanerte en utilisant le canon électromagnétique. Elthir se relevait avec difficulté. Même si les soins lui rendaient des points de vie, la douleur, elle, restait. Elle lança à nouveau sa dague lorsque la sphère que formait la membrane de Neid se déforma d'un côté, puis de l'autre.

Curieuse, l'androïde cessa son offensive, ne sachant pas si elle devait s'inquiéter ou s'émerveiller devant l'étrange phénomène. Aussi, quand une explosion retentit, les deux combattantes se jetèrent à terre pour éviter d'être emportées par le souffle. Lorsque la poussière retomba, Elthir et Mei purent discerner Sanerte se tenant à l'endroit où s'était produit la déflagration. La Nécromancienne avait profité du nuage occultant la vue de ses alliés afin de dissimuler son invocation et commença à attaquer Neid qui reformait progressivement ses ailes.

Comme elle l'avait fait lors du combat avec le lycanthrope, l'elfe à la peau sombre commença à faire tournoyer son arme autour d'elle en une véritable tornade tranchante. Repoussé, le démon ne pouvait que se défendre, surtout que Mei et Elthir venaient de se rajouter à l'offensive de leur amie. La Mécatech tirait sur son flanc droit tandis que l'Assassine enchaînait les coups bas, usant de son Entaille et de sa Lame Enduite pour l'affaiblir progressivement. Le monstre finit par se protéger à l'aide de ses ailes après que son dos se soit heurté à un arbre, formant une véritable forteresse de chair qu'il régénérait aussi vite que les filles ne lui infligeaient de dégâts.

Lorsque ses points de vie atteignirent un tiers, Neid déploya ses membres, repoussant les combattantes avec le souffle généré. Il commença à s'élancer dans les airs et le trio comprit qu'elles ne devaient en aucun cas lui laisser le temps de lancer son attaque.

— Transarme.

Malheureusement pour l'androïde, son arme mettait trop de temps pour se changer en railgun et tirer. De son côté, Sanerte, n'ayant plus de points de magie, but une potion pour les restaurer mais, là encore, elle n'aurait jamais le temps de lancer un sort à temps. Dans la précipitation, elle oublia même d'utiliser son Drain mortuaire, ce qui lui aurait permis de se restaurer en drainant Mélisande.

Ne restait plus qu'Elthir qui sentait une étrange pulsion émaner de son cœur. Depuis qu'elle avait lancé ses dagues à deux reprises sur le boss, elle ressentait une sorte de chaleur au creux de sa poitrine. Mais ce n'était pas une douce température rassurante, c'était plutôt un brasier qui n'attendait qu'à être libéré.

— Vous avez acquis une nouvelle compétence.

Le souvenir remonta dans son esprit comme une bulle crevant la surface d'un lac. Aussitôt, elle laissa la brûlure se répandre dans son corps. Neid allait enfin dépasser la cime des arbres lorsqu'il perçut une violente pulsion meurtrière. Surpris, il baissa les yeux et aperçut une ombre terrifiante aux yeux rouges bondir sur lui. Il n'eut pas le temps de réagir qu'une douleur intense dans son aile droite inférieure explosa. Il essaya de se débattre mais il était immobilisé.

L'Assassine s'était projetée sur lui à la vitesse de l'éclair et avait planté ses dagues dans la membrane, la clouant au tronc derrière. Profitant du fait qu'elle possédait encore ses vieilles armes, elle sectionna l'aile, faisant chuter le monstre. Elthir se réceptionna aux lames encore dans l'arbre et ce fut alors qu'elle remarqua deux choses.

Premièrement, malgré sa puissante attaque, les points de vie du monstre n'avaient pas baissé d'un pour cent. Deuxièmement, elle venait d'apercevoir un éclat lumineux au niveau du cou de Neid qui lui rappela quelque chose. Vive, elle bondit à la suite du corps chutant.

Abasourdies par son geste, Mei et Sanerte retinrent leurs attaques à temps, évitant à l'Assassine de se faire anéantir. Cependant, lorsqu'elle fut projetée à côté d'elles en pestant, les deux combattantes lâchèrent prise.

— Frappe osseuse.

Le tir de canon électromagnétique et le poing d'os percutèrent le boss de plein fouet.

— Les filles, arrêtez. Ça ne sert à rien de l'attaquer tout de suite.

En effet, de nouveau, les points de vie de Neid n'avaient pas bougé d'un iota. Inquiètes, la Mécatech et l'Hynine se tournèrent vers leur alliée.

— Tu as une idée de comment briser son invincibilité ? demanda Sanerte.

—Je pense que oui, mais je ne suis pas sûre. Mei, j'aurai besoin de toi.

— Qu'est-ce que je dois faire ?

Ce qui était bien avec Mei, c'était que malgré sa rivalité avec Elthir, elle ne posait pas de questions dans l'action.

— Moto. dit simplement l'Assassine.

Comprenant immédiatement, la Mécatech se transforma et l'Hylisse l'enfourcha.

— Sanerte, couvre-nous !

Et les deux rivales foncèrent. Surprise, la Nécromancienne ne chercha pas à les questionner. Elle invoqua rapidement son poing d'os pour balayer les lances que venait de projeter leur ennemi. Ce dernier avait profité du répit pour faire repousser son membre arraché et les bombardait désormais de sa pluie de projectiles.

Roulant à pleine puissance, Mei faisait de son mieux pour éviter que sa passagère ne se fasse éjecter tout en écoutant son plan.

— Tu es au courant qu'on n'aura qu'une chance ? demanda-t-elle posément après que Elthir eut fini.

— Tu vois une autre façon de faire ?

— Non. Accroche-toi bien !

Et elle se coucha sur le côté tout en effectuant des dérapages. L'Assassine se cramponna au guidon pour ne pas être éjectée. Lorsqu'elle sentit qu'elle avait accumulé assez d'énergie cinétique, elle lâcha la moto. Propulsée par la force centrifuge, elle dévia une lance qui allait l'embrocher et tendit le bras pour attraper l'éclat qu'elle avait discerné lors de sa chute. Elle était persuadée que c'était le médaillon représentant Artor, Silia et Milena Hund.

Cependant, Neid avait compris son petit manège. Au moment où elle allait se saisir du bijou, il lui saisit le bras et, d'une prise, l'envoya voler par-dessus son épaule. Cependant, le monstre fut surpris de voir son ennemie sourire.

— Comme prévu !

Et elle lança sa dague. Cette dernière vint sectionner la chaîne du médaillon qui tomba droit dans la main de Mei qui s'était retransformée. Complètement dépassée par l'ingéniosité de ses adversaires, le boss n'eut pas le temps de réagir que déjà, les deux filles couraient dans l'autre sens.

Une fois remis de sa stupeur, sa colère prit le dessus et, déployant ses ailes, il se rua à leur suite. Cependant, la mécatech ne lui laissa pas le loisir d'agir à sa guise. Dès qu'elle eut saisi le bijou, elle vit une fenêtre de dialogue s'ouvrir devant ses yeux.

— Je vous en prie, ouvrez le médaillon et appelez-moi. Je le retiendrai quelques instants et ce sera à vous de l'anéantir. Mais surtout, ne l'achevez pas ! Nous nous en occuperons.

L'androïde comprit immédiatement qui s'adressait à elle. Elle appuya sur le mécanisme du médaillon et le brandit en direction de Neid.

— Silia Hund !

Aussitôt, un violent éclat de lumière s'échappa de son poing, dissipant la nuit et les ombres. Lorsqu'elle réussit à discerner ce qui se passait, Mei ne put s'empêcher de laisser échapper un hoquet de surprise.

Devant elle se tenait une ravissante jeune femme aux cheveux rappelant une cascade d'or liquide. Ses yeux d'un bleu si pâle semblaient contenir toute la bienveillance du monde et lorsque l'apparition posa ses mains sur les siennes, la Mécatech eut l'impression de ressentir un amour inconnu l'envahir, celui que l'on ressent lorsqu'une mère prend dans ses bras son bébé nouvellement né.

— Merci, SH1-S4N-M31. Maintenant, c'est à votre tour.

Et sur ces paroles, l'esprit se jeta tendrement sur Neid, le prenant dans ses bras. Les cheveux de la dame s'enroulèrent autour des membres de sa victime qui essayait de se débattre et se changèrent en chaînes dorées.

Sortant de son émerveillement, Mei attrapa son canon électromagnétique et tira, espérant que celui-ci s'était suffisamment refroidi depuis son dernier tir. Heureusement pour elle, l'énergie s'accumula progressivement dans l'arme et elle put la libérer sous la forme d'un puissant rayon qui frappa le monstre. En même temps, un poing d'os et une lame vinrent le percuter, amenant ses points de vie à un dixième de sa jauge. Sachant que ce n'était pas suffisant, Mei transforma son railgun en lame et se jeta sur le boss encore privé de ses mouvements.

— Pluie ionique.

La compétence finit par réduire le pourcentage de vie de Neid à un. Ce fut alors que, au moment où les chaînes se brisèrent et que le seigneur des abysses de la jalousie refermait ses ailes sur l'androïde pour se régénérer, une patte griffue ressortit de son torse. Aussitôt, une gerbe de sang éclata sur la chitine.

Derrière le démon, Mei aperçut Artor qui lui sourit. Ce geste semblait presque humain et elle crut voir ses lèvres bouger pour former un « merci ». L'éclat de lumière devint alors si intense que l'androïde dut fermer les yeux pour ne pas perdre la vue.

Lorsqu'elle reprit conscience, il faisait jour. Inquiète, la Mécatech essaya de se redresser mais un poids sur son torse l'en empêcha. Elle baissa les yeux et ne put s'empêcher de sourire en voyant Sanerte et Elthir dormir contre elle, leurs têtes reposant sur son ventre. Elle se surprit à passer ses doigts dans leurs cheveux comme une mère le ferait avec ses enfants.

— Pourquoi suis-je incapable d'être bienveillante lorsqu'elles sont réveillées ? se demanda-t-elle en les voyant émerger de leur sommeil. Instinctivement, elle retira sa main et se dégagea de leur étreinte.

Ce geste finit de réveiller les deux elfes qui s'étirèrent. Alors qu'elles allaient parler, elles aperçurent quelque chose qui les mit sur leurs gardes. Étonnée, Mei se releva à son tour et comprit. Devant elles se tenaient trois silhouettes fantomatiques. Silia, Artor et Molsas Hund les regardaient avec bienveillance pour les deux premiers et avec crainte pour le dernier.

— Nous vous remercions de nous avoir libérés, commença le fantôme de la jeune femme.

— Ce n'est rien, répondit calmement l'androïde.

— Pour nous, c'est beaucoup. Cependant, nous aimerions vous déranger encore un peu. Nous aimerions que vous retrouviez notre fille qui doit désormais être assez grande pour comprendre le fin mot de l'histoire. Pourriez-vous lui apporter le médaillon ?

Elle désigna le médaillon autour du cou de Mei. La Mécatech acquiesça.

— Comme l'a dit ma femme, nous ne savons comment vous exprimer notre gratitude, reprit Artor. Alors, nous vous avons laissé un petit présent. Il apparaîtra lorsque nous partirons. Mais avant ça, gronda-t-il en se tournant vers son frère, il nous reste une dernière chose à régler.

— Artor, je suis désolé. Je n'aurais jamais dû faire un pacte avec Neid, l'avatar de la jalousie. Mais... Je ne savais plus comment m'y prendre pour me faire remarquer. J'espère que tu sauras pardonner ma bêtise.

Et sur ces mots, le spectre de Molsas s'inclina. Alors que Silia s'apprêtait à se pencher pour le rassurer, son mari la retint.

— Non, tu ne seras pas pardonné. Tu m'as rendu stérile, tu as couché avec ma femme et tu nous as tué tous les deux. Tu ne pourras jamais rien faire pour expier tes crimes. Alors, en tant que Seigneur de la famille Hund depuis le décès de notre père, je proclame en cet instant ta sentence. Molsas Hund, tu es radié de notre famille et condamné à la destruction complète de ton âme pervertie par la jalousie. Que les loups fassent leur devoir !

Immédiatement, surgissant des sous-bois, des ombres canines apparurent et dépecèrent le fantôme comme s'il avait été physique. Si le spectacle arracha un cri de surprise à Elthir et Sanerte, Mei ne réagit pas. Elle attendit que les loups aient fini de réduire en charpie les mânes de Molsas avant de se tourner vers le couple. Malgré son sourire, elle put discerner la tristesse de Silia.

— Avez-vous un message pour votre fille, dame Hund ? la questionna poliment l'androïde.

— Dites-lui que je l'aime plus que tout au monde. Je sais que cela ne remplacera pas ma disparition, mais je veux qu'elle sache que je ne l'ai pas abandonnée. Je vous remercie, SH1-S4N-M31.

— Même si elle n'est pas ma fille biologique, je l'aime aussi, continua son mari. Il nous faut malheureusement partir. J'espère que vous apprécierez vos présents.

Les corps spirituels des revenants commencèrent à devenir transparents et une légère brise apparut, dispersant leurs mânes à jamais. Cela attrista légèrement Mei qui baissa les yeux. Son regard se posa alors sur un coffre qui venait d'apparaître devant elle. Une main se posa sur son épaule, lui faisant tourner la tête.

Elthir et Sanerte la regardaient avec un grand sourire, bien que celui de l'Hynine soit ravagé par les larmes et qu'un léger éclat au coin de ses pupilles trahisse l'émotion ressentie par l'Hylisse. D'un signe de tête commun, elles l'invitèrent à ouvrir la boîte.

L'androïde se baissa, retira le verrou et souleva le couvercle. Aussitôt, une fenêtre de dialogue apparut devant chacune des aventurières.

— Félicitations, SH1-S4N-M31. Pour avoir réussi à libérer les âmes de la famille Hund, vous obtenez la compétence « Les chaînes innocentes ».

— Félicitations, Sanerte. Pour avoir fait preuve de courage face à tous les obstacles, vous obtenez l'arme « Faux modestie ».

— Félicitations, Elthir. Pour avoir montré votre audace au cours de cette quête, vous débloquez les pouvoirs cachés de l'arme « Dagues jumelles Zhäne ».

Les trois filles lurent immédiatement les caractéristiques de leurs nouvelles acquisitions. Pour la Mécatech, sa compétence lui permettait désormais d'empêcher une cible d'effectuer le moindre mouvement pendant cinq secondes. De son côté, la nouvelle arme de la Nécromancienne infligeait aléatoirement des dommages x0,75 ou x1,5 lorsqu'elle attaquait, avec un ratio d'un pour deux. Quant à l'Assassine, les dagues qu'elle avait récupérées durant la quête augmentaient la puissance des dommages sur la durée de 10 %.

Le trio, heureux de leurs récompenses, prit ensuite la route de Bourg-Sentra.

— Je suis sûr que Viktor pourra nous indiquer où trouver la fille de Silia, avait simplement dit Mei avant de se transformer en moto.

Les filles mirent un peu de temps à atteindre la ville et durent affronter quelques monstres sur la route. Elles en profitèrent pour expérimenter leurs armes et compétences. De plus, elles prirent un nouveau niveau. Ce fut alors qu'Elthir se rappela qu'elle avait acquis une nouvelle technique. Dans le feu de l'action, elle l'avait utilisée instinctivement mais, désormais qu'elle était au calme, elle allait pouvoir s'informer.

Elle ouvrit son menu et consulta sa liste de compétences.

— Poussée de meurtre. Coût : 30 PM. Effets : Le personnage se projette sur une cible à Dextérité mètres et lui inflige des dommages égaux à sa Force x 3. Consomme 4 points de vicosité.

— C'est donc à ça que servent les points générés par Lancer, comprit l'Assassine en refermant son menu et en enfourchant son alliée redevenue véhicule.

Les aventurières finirent par atteindre la ville de Bourg-Sentra et Sanerte dut littéralement tirer Elthir qui ne cessait de s'émerveiller devant l'architecture de la cité qu'elle découvrait pour la première fois. Heureusement pour la patience de Mei, le trio arriva rapidement à la mairie et l'opulence de la décoration du dirigeant de la ville freina les ardeurs de l'Hylisse.

Lorsqu'elle présenta sa requête à Viktor, ce dernier haussa un sourcil de surprise.

— Et bien, c'est une demande très particulière que vous me faites. Comment puis-je être sûr de votre sincérité ?

L'androïde lui montra alors le médaillon et des larmes coulèrent des yeux du maire.

— Excusez-moi. Je ne voulais pas douter de vos paroles mais j'espérais secrètement que cela soit un mensonge. Artor était un précieux ami et savoir qu'il n'est plus me blesse. Je ne connais aucune Milena dans ma ville mais il me semble qu'une gouvernante du manoir est venue s'installer en ville il y a dix ans de cela. Elle m'avait fait promettre de ne jamais donner sa position à son ancien employeur, vœu que j'ai respecté sans me poser de questions. Mais désormais, il me semble évident qu'elle souhaitait protéger quelque chose. Ou plutôt quelqu'un. Voici son adresse.

Il griffonna la destination sur un bout de papier qu'il leur remit et les congédia poliment, débordé par son travail. Mei à leur tête, les trois filles se rendirent à la petite maison indiquée sur la feuille et toquèrent. Des bruits de pas se firent entendre derrière la porte qui finit par s'ouvrir.

Une demoiselle leur ouvrit la porte et la Mécatech comprit qu'elles étaient au bon endroit. Devant elle, une version plus jeune mais tout aussi ravissante de Silia se tenait dans l'encadrement, à la seule exception qu'elle avait des yeux dorés.

— Bonjour, en quoi puis-je vous être utile ? demanda-t-elle.

— Pourrions-nous parler à Jelina Stroud ? Monsieur le maire nous envoie, expliqua Mei en mentant légèrement. Elle savait qu'elle ne pouvait dire la vérité tout de suite.

— Bien sûr. Entrez, je vous prie. Je vais prévenir ma mère.

Elle les laissa entrer puis se dirigea vers une autre pièce et revint avec une dame aux cheveux grisonnants coiffés en un strict chignon. Aidée par la fille de Silia, elle s'assit et remit ses lunettes en forme de demi-lune devant ses yeux bleus.

— Bien le bonjour, mesdames. Que me veut donc ce vieux renard ?

— Veuillez m'excuser. J'ai dû mentir afin de vous rencontrer, Dame Stroud. Nous sommes en réalité envoyées par Silia Hund.

Aussitôt, Jelina sursauta et s'apprêta à les mettre dehors mais Mei ne lui laissa pas le temps.

— Nous connaissons la vérité sur la famille Hund et nous sommes simplement là afin de remettre un présent à Milena. Molsas Hund, l'usurpateur, est mort.

Sa déclaration coupa l'herbe sous le pied de la vieille gouvernante qui se figea. Perdue, la jeune femme à ses côtés voulut se lever mais son aînée posa sa main sur la sienne, l'apaisant.

— Calme-toi, Shimila. Ces jeunes gens ont visiblement beaucoup de choses à nous raconter.

Et d'un geste de la tête, elle les invita à raconter leur récit. Mei prit la parole, de temps en temps interrompue par Sanerte qui ajoutait des détails, ou par Elthir qui expliquait la partie où elle avait été seule dans le bureau de Molsas. Une fois qu'elles eurent tout raconté, ce fut au tour de Jelina de leur donner sa version des faits.

— Lorsque Dame Silia est morte et que le seigneur a commencé à tuer tous les serviteurs, je m'occupais de mademoiselle Milena. Une de mes amies est alors entrée dans la chambre de mademoiselle et m'a expliqué ce qu'il se passait dehors. Je n'ai pas réfléchi. J'ai enlevé le bébé et, après avoir pris un cheval aux écuries, je me suis enfuie. Tandis que je galopais en tenant mademoiselle contre moi, je cherchais un endroit où me réfugier et Bourg-Sentra m'a paru l'endroit rêvé. Je me suis présentée à Viktor en lui expliquant que je souhaitais un logement pour moi et ma petite fille qui avait perdu ses parents dans une attaque de monstres. Il savait que je mentais mais il n'a pas cherché. J'ai changé d'identité, prenant le nom de Jelina Stroud et donnant le prénom de Shimila à mademoiselle afin de la protéger de la rage de celui que je prenais pour Artor Hund. Mais je me disais bien que c'était impossible. Monsieur n'aurait jamais fait de mal à Dame Silia.

Tandis qu'elle parlait, Mei concentra son attention sur Shimila. Cette dernière avalait les paroles de sa mère adoptive sans broncher, malgré ses dix ans. À un moment, elle croisa le regard de la petite et fut surprise de voir que ses pupilles étaient désormais d'un doré plus brillant.

Une fois le discours de la gouvernante achevé, la Mécatech donna à l'enfant le médaillon. Aussitôt, un titre apparut au-dessus d'elle tandis qu'une tenue sortant de nulle part tomba sur la table.

« Seigneur des loups. »

— Tu devrais porter cet habit, Shimila, indiqua Jelina. Il te revient de droit.

— Merci, mère, mais je vais devoir refuser, répondit la petite d'une voix qu'on aurait donnée à une adulte plutôt qu'à une enfant. Je voudrais vous en faire don, Dame SH1-S4N-M31. Après tout, c'est vous qui avez bravé mille dangers pour me rapporter le médaillon de mes parents. De plus, j'aimerais vous remercier pour tout, mais je ne pense pas pouvoir reprendre le domaine de mon père. Je ne suis pas Milena Hund, seulement Shimila Stroud, la petite-fille d'une gouvernante. Je reprendrai mon nom de famille originel afin que la famille Hund ne tombe pas dans l'oubli, mais je refuse de renier l'amour de ma mère adoptive.

— Mais enfin... voulut couper la gouvernante.

— Mère, je refuse et ma décision est prise. Je demanderai aussi à monsieur le maire de vous faire parvenir une part de ma fortune comme remerciement. Maintenant, je vous prierai de partir, mesdames. J'ai besoin de temps pour discuter avec ma mère.

Surprise mais admirative devant le courage et la générosité de l'enfant, Mei se leva et s'inclina devant elle.

— Vos désirs sont des ordres, Mademoiselle Shimila Hund, dit-elle.

Et sur ces mots, elle quitta la pièce après avoir récupéré le don de la fille de Silia. Ses camarades la rejoignirent en saluant à leur tour les deux femmes. Elles marchèrent en silence dans la ville jusqu'à atteindre un petit parc où il n'y avait pas beaucoup de monde. Là, elle s'équipa de la tenue « Noble Loup », et Sanerte ne put s'empêcher de siffler.

— Tu es impériale dans ces habits, la complimenta-t-elle.

En effet, la veste, les gants, la ceinture et le pantalon noirs dont elle était désormais vêtue dégageaient une aura de majesté. Mei la remercia d'un mouvement de la tête.

— D'après ce que je vois, expliqua la Mécatech après avoir consulté les détails de son armure, ce set d'équipement m'octroie un bonus de Force ainsi qu'une capacité me permettant d'attirer les monstres alentours. Ça sera pratique lorsque nous aurons à combattre plusieurs monstres.

— Te voilà officiellement notre tank, s'amusa la Nécromancienne.

— Que faisons-nous maintenant ? les questionna Elthir.

— Dans une heure, il me faudra me déconnecter car j'ai quelque chose à faire dans la vraie vie, expliqua Sanerte.

— Alors, allons affronter quelques monstres pour gagner de l'expérience, et demain, nous irons voir Viktor pour savoir s'il n'aurait pas une petite quête pour nous. Ça vous va ?

Les deux elfes acquiescèrent et, quarante minutes plus tard, elles avaient atteint le niveau dix. Elles venaient de gagner chacune une nouvelle compétence. Pour Mei, il s'agissait d'un nouvel enchaînement appelé « Séisme foudroyant ». Il lui permettait de déséquilibrer tous ceux autour d'elle en tirant avec un canon électro-magnétique dans le sol, puis, en changeant Lei en claymore, de frapper l'une des cibles déséquilibrées. L'androïde fit remarquer à Sanerte, qui s'émerveillait de ce nouvel atout, qu'il affectait l'ensemble des cibles environnantes, y compris ses alliées. Quant à la Nécromancienne, elle était sceptique. Elle avait acquis le sort « Nuage nécrotique », qui lui permettait d'infliger des dégâts sur la durée en zone sur les vivants. Là encore, elle avait compris qu'elle pouvait affecter ses camarades et avait longtemps dénigré le jeu.

— Non mais quand même, on ne devrait pas pouvoir faire de mal à ses amis.

Enfin, Elthir avait hérité d'une compétence passive qui mettait une minute à se recharger, mais qui lui permettait, lorsqu'elle effectuait un coup critique, de multiplier ses dégâts par trois au lieu de deux. Cela ne fonctionnait qu'au corps à corps, mais elle s'en contenterait. Elle avait interrogé ses camarades sur le fait qu'elle avait obtenu deux compétences en l'espace de cinq niveaux, tandis qu'elles n'en avaient eu qu'une.

— Cela arrive aléatoirement, avait expliqué Sanerte. En fait, entre le niveau un et deux cents, qui est le niveau maximal, tu obtiens un total de quarante compétences, sorts ou passifs, répartis habituellement tous les cinq niveaux. De plus, aux niveaux trente, soixante, quatre-vingt-dix, cent-vingt, cent-cinquante et cent-quatre-vingts, tu as un choix à faire que l'on appelle spécialisation. Mais il arrive que, soit par hasard, soit parce que tu as rempli certaines conditions inhérentes à la combinaison entre ta race, ta classe et ta compétence unique si tu en as une, cela soit avancé de quelques niveaux, décalé, ou tout simplement que tu en aies moins ou plus que quarante.

— Et oui, Chérie, tu n'es pas si spéciale, avait alors raillé Mei.

Ignorant le sarcasme de l'androïde, l'Assassine avait remercié l'elfe à la peau sombre pour ses explications. Enfin, lorsqu'il fut l'heure pour elles de se déconnecter, les aventurières avaient atteint un niveau supérieur. Elles retournèrent à Bourg-Sentra et convinrent de se retrouver le lendemain à 13h. SH1-S4N-M31 salua ses camarades et se déconnecta.

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