Chapitre troisième
Mon esprit était totalement apaisé... Je flottai dans une obscurité totale mais cela ne me faisait guère peur car j'étais heureux... Je n'avais plus aucun souci... Je ne ressentais que du bonheur...
Il me serait impossible de dire depuis combien de temps je me trouvais dans cet endroit. Dix minutes ? Une heure ? Deux jours ? La notion de temps semblait avoir disparu... Mais c'était mieux ainsi... il n'y avait plus aucune raison d'être pressé ou même d'être stressé par un planning quelconque...
Une porte s'était matérialisée à deux reprises dans ce monde d'obscurité, laissant entrevoir une lumière d'une éclatante blancheur de l'autre côté... Des voix heureuses y riaient et m'appelaient... Je sentais une joie encore plus grand émaner de ce monde éclairé... mais il disparaissait à chaque fois que j'essayais de l’atteindre...
Bizarrement, cela ne me dérangeait pas... Je pouvais attendre toute une éternité que cette porte réapparaisse... tant qu'on ne me retire pas ce bien-être qui coulait dans mon être...
Mais quelque chose m'aspirait... m'aspirait loin de tout ça... Mon bonheur me quittait comme l'âme d'un mourant et peu à peu, je percevais des sentiments plus obscurs, plus sombres... la peur... la haine...
La tristesse...
-Son rythme cardiaque s'est arrêté. Prenez le défibrillateur.
Une douleur dans ma poitrine apparut soudain... m'oppressant les poumons, et me lance à plusieurs reprises...
-... nous devons prévenir ses proches.
Même chose pour mon bras... impossible de le bouger... Mais mon calvaire ne s'arrêtait pas là... Des multiples douleurs apparaissaient un peu partout dans mon corps... et cette horrible sensation d'avoir la tête plongé sous l'eau... d'être au fond d'un océan sans fond... de ne plus être maître de ses mouvements...
-Heure du décès, onze heures quarante-deux.
Puis soudain je me mis à remonter vers la surface...à une vitesse folle... je quittais l'obscurité des profondeurs et me rapprochai vers cette lumière floutée mais tant espéré... Quelqu'un me poussait vers elle... on aurait dit une jeune femme... je ne voyais pas très bien... mais cette surface n'était plus très loin...
Plus très loin du tout...
J'ouvris les yeux. Le flot de lumière soudain m'agressa violemment les iris ce qui m'oblige à les refermer.
Cependant j'entendais distinctement des personnes discuter autour de moi.
-... sincèrement désolé mademoiselle mais nous avons tout essayé, le cardiomètre n'enregistre plus aucun pouls. Votre ami nous a malheureusement quitté.
Quelqu'un partit en sanglot. Je sentis une main se glisser dans la mienne.
Une douce main se glisser dans la mienne...
Puis tout me revint tel une réminiscence. La main de Jeanne dans la mienne... ma fête d'anniversaire... le mystérieux fantôme... mon terrible désespoir... ma course dans la rue... mon face à face avec ma mère...
L'accident...
Je rouvris les yeux. J'étais branché à plusieurs endroits. Je tente de me redresser mais une horrible douleur se réveilla sur mon côté droit et je vis double pendant un instant. Impuissant, je tourne alors ma tête vers Jeanne.
Elle me regardai avec des yeux écarquillés, emplis d'effroi. Les cernes noirs sous ses paupières indiquaient que cela faisait un bout de temps que le sommeil l'avait quitté.
Les médecins aussi étaient bouche bée. Tous m'observaient avec crainte et appréhension. Certains faisaient du regard allés retours allant de moi vers le cardiomètre qui ne détectait toujours pas de pouls.
-En trente ans de carrière, je n'ai jamais assisté à une chose pareille, confia le plus vieux d'entre eux en brisant le silence pesant. Je crois bien que nous devons annuler la procédure de décès.
Il griffonna quelque chose sur une plaquette et ratura une autre partie.
-Je veux des examens complémentaires pour ce patient, demanda-t-il, afin de déterminer s'il existe des liaisons neurologiques non détectés lors des premiers scannes.
Il se tourna ensuite vers le cardiomètre.
-Ainsi qu'une révision de cette machine, je ne veux plus qu'une erreur technique de cette importance se produise à nouveau dans cet hôpital.
Il s'adressa ensuite à Jeanne.
-Mademoiselle, dans quelques instants une infirmière viendra s'occuper de votre ami. Vous bénéficiez donc de quelques minutes seulement.
Elle acquiça et médecins se retirèrent en enlevant leurs gants.
Jeanne approcha une petite chaise non loin et s'assit près de moi.
Elle me regarda dans les yeux quelques secondes, soulagée.
-Tu m'as fait vraiment peur, m'avoua-t-elle.
-À vrai dire, ce n'est pas si méchant que ça la mort, plaisantai-je.
Elle me donna un coup à l'épaule et je me mis à rire, mais mon rire fut vite remplacé par un gémissement de douleur.
-Tu devrais te ménager, tu as eu quatre côtes cassés, un poumon perforé, le bassin fissuré et ton bras droit est HS pour un long moment.
On pouvait dire que j'ai eu de la chance de m'en être sorti vivant.
-Mais qu'est ce qui t'as pris ? Demanda-t-elle brusquement, qu'est ce qui t'as pris de t'enfuir comme ça ?
Son ton avait changé : je distinguais une once de colère dans sa voix.
-Tu te sentais mal ? Tu avais des problèmes ? Il y a des gens autour de toi qui t'apprécient...beaucoup. Tu penses que mourir leur fera du bien ? Pourquoi n'es-tu pas venu me voir ?
J'étais déboussolé. C'était la première fois qu'elle se mettait ainsi en colère contre moi.
-Je ne sais pas... Jeanne...j'étais...
-Tu ne sais pas ? - des larmes monta à ses yeux - C'était censé être une fête d'anniversaire et ça failli devenir un deuil, tu ne sais pas ? C'est tout ce que tu as à me dire ?
-Jeanne...
-Madame, il est l'heure.
Une femme en blouse bleue se trouvait à l'entrée de la pièce. Nul doute qu'elle avait perçu des brides de la conversation vu sa gêne.
Jeanne me toisa pendant un long moment, de ce même regard mélancolique où brillait cette folie lors de son arrivé au Centre.
Folie qui la prenait avant de dessiner une tête décapitée.
Mon sang se figea.
-J'allai m'en aller de toute façon, dit-elle avant de tourner les talons.
Ma seule véritable amie sortit de la pièce sans se retourner, m'abandonnant dans un profond remords...
***
Ce matin, je me suis réveillé à sept heures suite à une nuit particulièrement agitée : d'importants fourmillements dans les zones touchées lors de l'accident m'avaient dérangé durant mon sommeil.
Mais il n'y avait pas que ça.
Jeanne monopolisait mon esprit. Sa colère de la veille contre moi m'avait touché plus que je le pensais. Je me sentais pris de court et légèrement trahis.
Une aide-soignante entra avec le petit déjeuné sur un plateau. Elle le déposa au-dessus de moi sur une mini table dépliable.
-Pas de chance d'être invalide à cette période de l'année, me dit-elle. Mais bon, vous aurez pu être pire qu'invalide.
Une odeur de chocolat chaud me chatouilla les narines et mon estomac gargouilla aussitôt.
-C'est vrai, je ne pourrai pas profiter des vacances.
Elle me regarda sans comprendre.
-Je pensais plutôt à vos cours, on m'a dit que vous étiez devenu étudiant.
Pourquoi me parlait-elle de mes cours au mois de juillet ?
Je prends le bol de chocolat chaud de ma seule main valide et le porte à la bouche.
Elle me toisa à nouveau légèrement perdue puis son visage s'illumina de compréhension.
- On ne vous à donc pas dit ?
Ce fut à mon tour de la regarder sans comprendre.
-Nous sommes le vingt-huit octobre. Les vacances sont terminées depuis bien longtemps.
Je failli renverser sur mon tablier tout le contenu de mon bol.
-Le... le vingt-huit octobre ?
-Oui, vous avez été dans le coma pendant trois mois. Les médecins ne voyaient plus aucun espoir car votre état se dégradait de jour en jour. Sans vos proches, vous aurez été sans doute débranché.
J'étais abasourdis. On était les vingt-huit octobres... trois mois pile après ma fête d'anniversaire... trois mois de coma...
-À votre place j'irai doucement avec la nourriture, votre estomac risque d'avoir du mal à encaisser un flot important d'aliments.
Il n'y avait pas que mon estomac qui avait du mal à encaisser.
Plus tard dans la journée je reçu la visite de Greg et des deux jumelles de la dernière fois. Mon pote du centre semblait avoir perdu du poids, et les jumelles portaient des vêtements différents.
À ce qu'il paraît, cela traduisait un désaccord récent entre elles.
- Je suis content de te revoir mon vieux, tu m'as manqué.
Bulldog me tapota l'épaule.
-J'ai bien cru que tu allais y passer. Comment te sens-tu ?
-Comme un gars qui s'est fait écraser par une voiture et toi ?
Il rigole un instant.
-Jeanne est passée ?
Ma bonne humeur disparue. Les autres ne tardèrent pas à s'en apercevoir.
-Il lui est arrivé quelque chose ? Me demanda la jumelle la plus proche de moi.
C'était la première fois que l'une d'elles m'adressaient la parole. Sa voix aiguë me surpris légèrement.
-Elle s'est énervée hier contre moi.
-Faut la comprendre, me dit Greg, elle est un peu sur les nerfs en ce moment, la fatigue y est pour quelque chose. Sais-tu qu'elle est venue te voir tous les jours pendant que t'étais dans le coma ?
Non. Je ne le savais pas. Je ne m'en serai jamais douté.
-Franchement, pour qu'une fille fasse tout ça pour un mec, soit elle a quelque chose à se reprocher... soit elle l'aime beaucoup... je dis ça je dis rien.
-Qu'est-ce que tu t'y connais en gonzesse toi ? Agressa la jumelle silencieuse jusqu'à présent. Tu n'as jamais eu de petite amie à ce que je sache.
-Je regarde des films, se défendit-il.
Je me mordis la joue pour m'empêcher de rire. Les deux filles elles, éclatèrent de rire.
-Quoi ? Ne vous moquez pas, je suis séri...
-Bonjour.
Les sourires disparurent et les mines devinrent graves. Mes amis s'écartèrent et je vis madame Loren dans l'embrasure de la porte. Elle tenait deux petits paquets emballés dans la main.
- Nous allons te laisser, me dit Greg, je ne veux plus jamais être dans la même pièce que cette sorcière.
Les jumelles m'envoyèrent un regard désolé et ils s'en allèrent en prenant bien soin d'avoir une distance élevée avec notre ancienne directrice.
Madame Loren puis resta un moment devant la porte se décida à approcher.
-Je suis venu voir comment tu allais, me dit-elle.
-Je vais bien, répondis-je sèchement.
Elle s'assit au bord de mon lit. Et me contempla avec une expression empreinte de culpabilité.
- Comment puis-je me faire pardonner ?
Une réponse cinglante naissait dans ma bouche lorsque j'eus une idée.
-Réembauchez Minetta.
De la surprise apparue une fraction de seconde dans ses yeux intransigeants.
-Je vais voir ce que je peux faire.
Un lourd silence s'installa par la suite pendant lequel je m'efforçai de regarder le plafond.
-Joyeux anniversaire avec un peu de retard, me dit-elle.
Elle me tendis un des paquets. Je l'ignore et fit mine de ne pas avoir entendu. Elle le déposa alors sur le matelas et pris le second paquet.
-Celui-ci est un cadeau de ta mère, me dit-elle. Elle me l'avait confié quelques jours avant sa mort en me disant de te le donner pour tes dix-huit ans si elle ne pouvait être présente pour le faire.
La curiosité me titilla et je saisis d'une main tremblante l'étrange paquet. Il est évident que ma tante ne l’avait pas ouvert : le papier cadeau était intact et semblait comme neuf. Seul, quelques traces de poussières indiquaient qu'il avait dû passer un certain temps sur une étagère.
Je le déballai lentement, non sans émotion : ma mère avait tenu ce paquet entre ces mains et le toucher, c'était comme si je la touchais elle, comme si le temps n'avait pas altéré sa présence.
Je compris cependant une chose : le fait qu'elle l'ait donné à ma tante voulait également dire qu'elle se doutait de sa mort prochaine.
-Merci...merci de l'avoir conservé jusqu'à aujourd'hui.
Elle sourit.
J'eus terriblement de mal à prononcer ces mots. Pas parce que j'éprouve du dégoût pour ma tante mais parce que mes horribles fourmillements de cette nuit avaient repris. Je tâchai de ne rien laissé transparaître.
Le paquet contenait un carnet. Je l'ouvris et je vis la belle écriture de ma mère étalée sur la première page. Les larmes montaient malgré moi à mes yeux. Un mot accompagnait le petit ouvrage.
Mon cher Alex, si tu tiens ce livre entre tes mains c'est que je ne suis sûrement plus de ce monde. Je veux tout de même pouvoir t'accompagner dans les moments difficiles qui t'attendent, te soutenir, te conseiller afin que tu n'abandonnes jamais le chemin qui t'es destiné. C'est pour ça que je laisse derrière moi ce carnet, afin qu'à travers lui je puisse te guider dans cet inconnu que tu traverseras. Je te souhaite un joyeux anniversaire mon fils.
Saches que je serai toujours avec toi.
Déborah.
Je feuillette rapidement le livre en question. Des lignes et des lignes d'écriture remplissaient les pages qu'il contenait.
Mais quel est cet inconnu que ma mère mentionne dans ce mot ?
-Je ne comprends pas, elle t’a offert un bout de papier et un cahier vierge ?
Je levai la tête. Madame Loren regarda le carnet d'un air énigmatique. Apparemment elle ne voyait pas les lettres couvrant les pages du livre.
Mais je n'eus pas le temps de lui poser la question.
Ma tête retomba brusquement sur mon lit et mon corps fut pris d'importantes convulsions. Ma vue se brouilla totalement et je me mis à hurler : les horribles fourmillements s'étaient transformés en une douleur insurmontable. J'entendis à peine les cris d'au secours de ma tante avant de sombrer dans l'inconscience.
***
Lorsque je me réveillais, j'étais toujours allongé dans ma chambre d'hôpital. Les stores étaient fermés au trois quarts malgré le soleil qui luisait encore à l'extérieur.
Je ne ressentais plus cette terrible douleur. J'avais dû recevoir une dose non négligeable de morphine et de calmants pour qu'elle puisse avoir disparue.
Madame Loren était partie, elle est sûrement retournée au Centre. Je pris conscience alors à quel point je l'avais mal traité durant sa visite. Elle avait toute de même pris la peine d'aller voir son neveu hospitalisé. Elle avait peut-être un peu de compassion...
Non, madame Loren n'avait aucune pitié, il ne faut jamais que je l'oubli.
Ce fut sa respiration qui trahit sa présence. Le vieux médecin de la veille était assis sur une chaise au pied de mon lit et m'observait silencieusement dans la pénombre. Je me redressais surpris, et fus étonné de remarquer que je n'avais plus aucun plâtre et que je n'étais plus branché. La peur me prit. Avais-je été encore inconscient pendant des mois ? Je saisis mon smartphone que Jessica m’avait ramené avec quelques affaires pendant mon coma et vis qu'on était toujours le 28 octobre. La tension retomba en moi : cela faisait seulement quelques heures que j'avais perdu connaissance.
-Tu es une énigme de la science, dit soudain le vieux médecin.
Le nom de Cops était étiqueté sur sa poitrine. Ses lunettes aux verres ronds, luisaient dans l'ombre.
Il se leva et fit les cents pas.
-J'avais toujours cru que c'était une légende continua-t-il, mais apparemment les gens comme toi existent vraiment.
- Où sont passés mes plâtres ?
Son ton mystérieux ne m'inspirait pas confiance et de quoi parlait-il ?
-Tu n'en a plus besoin, me répondis-il, tes os et tes tissus musculaires se sont régénérés.
Je le regardais sans comprendre.
-J'ai effectué une dizaine de scannes de ton corps pendant que t'étais inconscient. Toutes tes séquelles avaient disparu et la seule qui restait...
Il se tourna soudainement vers moi.
-...disparaissait lentement devant mes yeux. -il reprit sa ronde - Le cardiomètre d'hier a déjà subi trois révisions techniques infructueuses et aucune anomalie n'a été détectée, ce qui est normal en soit, puisque je pense que le problème ne vient pas de l'appareil.
Il vient de toi.
Il s'arrêta à nouveau.
-Tu n'as plus de flux sanguins. Ton cœur a cessé de battre.
-Vous êtes fou, dis-je.
-Non je ne le suis pas, tu peux poser ta main sur ta poitrine pour vérifier. Je sais que c'est difficile à croire mais tu n'es pas totalement humain, ou du moins tu ne l'es plus. J'ai effectué des tests de ton ADN et tu ne possèdes pas notre génome. Écoutes...
Il s'approcha de moi et s'agenouilla près de mon lit.
-Je suis le seul médecin ici à être au courant. Laisse-moi faire des recherches sur ton fonctionnement cérébrale, t'étudier, t'examiner, je suis certain que ce que ce je trouverais fera avancer la science, sauvera des vies, changera la médecine, s'il te plaît, laisses moi te...
- Vous êtes fou ! Hurlai-je, Partez ! Sortez !
Je tente d'établir la plus grande distance entre ce psychopathe et moi. Des gens comme lui ne devait pas pouvoir exercer dans des centres de soin. Avait-il conscience de l'absurdité de ce qu'il racontait ?
Ce dernier poussa un soupir et se releva. Il fouilla rapidement dans une de ses poches et sortit quelque chose qu'il posa sur ma table de chevet.
-Si tu changes d'avis, voilà ma carte, dit-il, tu y trouveras mon adresse.
Il se retourna et se dirigea vers la porte mais s'arrêta juste avant de l'atteindre.
-Beaucoup convoite ton pouvoir, me lance-t-il, mais peu d'entre eux ont des intentions aussi bonnes que les miennes. Alors fait très attention et méfies toi des apparences.
Il sortit de la pièce.
Je ne perdis pas une seconde. Je me levai aussitôt et rassemblai mes affaires que je mis dans le sac à dos que m'avait ramené Jeanne. J'enlevai ensuite ma tunique de patient et mis des vêtements propres se trouvant dans ce même sac avant de sortir de ma chambre.
Il était hors de question que je reste une minute de plus dans cet hôpital. J'avais encore froid dans le dos suite aux paroles de ce médecin.
Dans le couloir, je tachai d'avancer le plus normalement possible pour ne pas attirer l'attention. J'arrivai à l'ascenseur et j'appuie sur le bouton d'appel. Mes doigts tremblaient d'anxiété.
Les portes s'ouvrirent enfin et je tombai nez à nez avec l'aide-soignante de ce matin. Elle écarquilla les yeux en me reconnaissant. Je bondis sur elle et lui plaqua une main sur la bouche. Les portes se refermèrent et j'appuyai sur le bouton niveau zéro ce qui enclencha la descente.
-Je ne veux pas vous faire de mal, dis-je en voulant rassurer l'infirmière terrorisée. Une fois en bas, laissez-moi partir tranquillement et tout se passera bien.
Elle acquiça.
La descente semblait durer une éternité. Je n'espérais qu'une chose : que personne n'appelle l'ascenseur. De plus, j'étais mal à l'aise. Il faut dire que je tenais en otage une aide-soignante.
Le système s'arrêta enfin et les portes s’ouvrirent doucement.
Pas grand monde ne circulait. Le comptoir d'entrée se trouvait non loin et tout au fond, il y avait l'entrée de l'hôpital. Deux agents de sécurité y discutaient sérieusement.
-Si je retire ma main de votre bouche et que je m'en vais, vous allez crier ?
Elle me fit non de la tête.
Je retirai délicatement ma main de sa bouche.
Et elle se mit à hurler.
Le personnel de l'hôpital se mit à nous observer. Les deux agents nous toisèrent un instant avant d'accourir vers nous.
Je n'avais plus le choix.
Je m'extirpe hors de l'ascenseur et m'enfuis dans l'un des couloirs adjacents. Des bruits de pas derrière moi m'indiquèrent que les agents s'étaient lancés à ma poursuite. Une porte s'ouvrit et un chariot de tube à essais poussé par un technicien de laboratoire s'interposa sur ma trajectoire. Je bouscule l'employé ce qui le fit tomber sur le chariot qui se renversa, brisant ainsi au sol toute sa verrerie en mille morceaux. Le technicien gesticulait et aboyait de rage dans mon dos mais je l'ignorais continuais de détaler sans me préoccuper de lui.
J'esquive ensuite un dérapage serré et repris mon élan.
Sauf que je dû m'arrêter. Le couloir finissait par une unique porte, fermée à clé, que bien-sûr, je n'avais pas.
Les pas qu'en à eux se rapprochaient tout de même dans le couloir.
Je n'avais plus le choix. Je fis quelques pas en arrière et pris mon élan épaule en avant. Mon idée était folle : elle avait l'air assez épaisse mais il fallait que je défonce cette porte si je voulais m'échapper. Je retiens ma respiration en regrettant déjà ma décision et ferme les yeux juste avant la collision...Mais elle n'eut jamais lieu et je tombai lourdement au sol.
Ébahi, je me relève en clignant des yeux. Ma vision était légèrement floue, mon bras droit était endolori et j'étais un peu étourdi.
Ça avait marché.
Sauf que la porte était intacte et toujours fermée.
Malheureusement, je n'avais pas le temps de me poser des questions. Les pas résonnaient de plus en plus dans le couloir et je risquais de me faire cueillir si je ne déguerpissais pas très vite.
Suite à un rapide tour d'horizon je me rendis compte que j'étais dans une sorte de petite réserve. Des étages empoussiérés soutenait des microscopes et des ustensiles de tous genre. Des cartons avec des pictogrammes de mis en garde étaient empilés dans un coin reculé de la pièce et semblaient y croupir depuis plusieurs années. Une petite fenêtre étirée et couverte de toiles d'araignée se trouvait au fond, juste en dessous du plafond.
C'était ma seule échappatoire.
Je m'y approche aussitôt. Elle était trop haute pour que je l'ouvre directement. Je dégageai donc une table encombrée afin de monter dessus, ouvris le battant et fis glisser la fenêtre sans problème, puis à l'aide de mes bras, je me tractionne jusqu'à l'ouverture.
Depuis quand je savais faire ça moi ?
Je m'extirpai avec difficulté de la salle (l’ouverture était étroite ) et me relève en respirant un grand coup.
L'air pur me fis du bien, la réserve sentait trop le renfermé.
Je me trouvais sur un parking privé, sûrement celui de l'hôpital. Malgré qu'il soit à ciel ouvert, il n'y avait aucune sortir praticable à par la barre de passage régulant l'accès.
Barre de passage où l'un des agents m'attendais en souriant.
J'étais pris au piège.
Ils avaient dû anticipé le fait que j'allais tenter de m'échapper par la fenêtre. Ma seule solution à présent était de retourner dans la réserve et de m'y barricader à l'intérieur.
L'absurdité de la situation dessina un rictus sur mon visage. Comment en étais-je arrivé là ?
Soudain, un puissant vrombissement de moteur retentit et une berline noire s'arrêta devant moi dans un parfait et long dérapage. La portière noire côté passager s'ouvrit à la volée.
-Montes ! Me cria monsieur Cops.
Je sautai dans la voiture sans réfléchir et il appuya sur l'accélérateur, fonçant sur la barrière.
-Accroches-toi bien, ça risque de secouer un peu.
L'agent se jeta au sol pour éviter d'être renversé et la voiture heurta de plein fouet la barrière qui se brisa en deux dans un bruit sourd.
Monsieur Cops se mit à rire.
-Après ça, je ne pourrai plus remettre les pieds dans un hôpital, me dit-il en souriant.
Je l'observai un moment. Il avait l'air déterminé et empli d'adrénaline. Cependant je lus une pointe de regret dans son expression.
La question qui me titillait depuis que j'avais mis les pieds dans sa voiture glissa alors de mes lèvres.
-Pourquoi m'avoir aidé ? Demandai-je.
Il mit un certain temps avant de répondre.
-Je t'avais dit que j'avais de bonnes intentions, commença-t-il. Et comme tu te sentais en danger, j'ai trouvé normal de te donner un coup de main. Ai-je eu tort ?
Il me lança un sourire.
Inutile je pense, de lui dire que je m'étais enfui à cause de lui. Je tournai ma tête vers la vitre côté passager, évitant ainsi son regard. Mais je n'éprouvais aucune culpabilité vis à vis de sa carrière, je me sentais plutôt... différent... et fort.
Ce sentiment de puissance m'étais inconnu. J'avais été terriblement fragilisé mentalement et physiquement depuis la mort de ma mère et pour la première fois depuis six ans, j'avais l'impression d'être... invincible.
Ma peau en vibrait littéralement d'énergie.
Je jetais un coup d'œil à monsieur Cops. Il ne semblait pas avoir remarqué mon état plus que spécial. Ce n'était pas plus mal. Cela aurait pu réveiller son envie sordide de me disséquer pour m'étudier.
Les nombreuses questions que je refoulais jusqu'à maintenant refirent alors surface. Comment avais-je fait pour entrer dans la réserve fermée à double tours ? Quelque chose me disait que ce médecin n’était pas aussi fou que je le pensais. De toute façon, à l'heure actuelle, il n'y avait qu'un moyen de le vérifier.
Je posai ma main sur le côté gauche de ma poitrine.
Mon cœur ne battait pas.
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