CHAPITRE XXXVI : DÉLIVRANCE
Dans son lit, l'envie de dormir lui devenait de plus en plus pénible. Elle tournait sur elle-même, les mains accrochées au pendentif de sa chaîne comme pour se protéger du mal invisible qui semblait guetter dans l'ombre. L'Institut était l'un des lieux les plus sûrs de la terre, elle ne craignait aucun danger ainsi emmitouflée dans ses couvertures. Ces paroles apaisantes eurent du mal à s'imbriquer dans son esprit, peut-être justement parce qu'elles avaient la même origine en commun, son esprit qui en véritable marionnettiste faisait de la vérité une source incertaine qui au gré du vent revêtait des nuances insoupçonnées. Les contraires devenaient doubles. Un nouveau soupir résonna lorsque son regard s'habitua finalement à la pénombre
De nouveau, Cellia contemplait le plafond sans réel motivation en essayant toujours de se persuader que tout allait bien quand rien n'allait véritablement. Le monde semblait se dérober sous ses pieds. Elle était la cible d'une dangereuse tempête de sable. Elle n'avait aucun autre échappatoire que la fuite mêlée au déni qui s'abattait sur ses épaules fragiles et fragilisées par l'intensité de la bataille. Cellia refixa le plafond en se mettant sur le côté. La barrière de bois blanc était haute, blanche et froide à l'image de ses sentiments. Assez haute parce qu'elle n'arrivait pas totalement à les saisir, les définir, de quoi leur associer une forme qui contrerait la douleur qui de plus en plus s'immiscait dans son esprit. Suffisamment blanches parce qu'ils ne lui avaient laissé qu'un vide humide qui coulait de l'or salée dans son coeur. Froides soudainement, quand elle n'avait personne vers qui se tourner, que l'étrangeté mêlée au rejet l'embrouillaient assez pour qu'elle ne réussisse plus aucune distinction logique. Elle n'arriverait jamais à dormir. Hélas, ceci était un fait. Son pouls s'emballait terriblement et ce froid, qui glissait ses mains sur son corps. Un frisson, puis un autre, son cœur lui battait désormais à l'oreille. La peur arrivait, brûlante, tétanisante et vengeresse. Il s'était passé quelque chose, une chose terrible grelotta-t-elle en resserrant la main autour du nouveau pendentif qu'on lui avait confié. Le double la réclamait, elle le ressentait. Cette nuit de pleine lune lui ordonnait une réaction particulière qu'elle semblait pour le moment refouler. Le Lien qu'ils avaient établi le lui criait mais elle n'avait aucune énergie véritable pour l'endurance qu'il lui recommandait.
Des murmures, des sons aigres et durs, la transe s'installa dans son corps une fois le pendentif éteint. Il ne brillait plus de cette lueur protectrice rouge, sa pierre présentait de nouvelles nuances de verre et de noir. Spiritha. Non ! Cellia opposa cet ordre dans son inconscient qui le balaya d'une autre torsion douloureuse. Spiritha la tenait en joue, même si pour le moment elle restait maître de ses mouvements. Ces pupilles se dilataient quand son souffle n'était plus qu'une précipitation douloureuse. Elle ne le pouvait pas, elle se sentait tout bonnement incapable. La peur. Encore et pour toujours cet horrible sentiment lui ordonnait la marche du fuyant. Elle donna des coups dans son oreiller, le repositionna et ferma les yeux. La douleur disparut puis revint influer plus brutalement en lui arrachant un gémissement étouffé. Automatiquement, Spiritha lui offrit ce rire glacé de sauvage en attente de libération. Cellia glissa immédiatement du lit et se dirigea vers la sortie, il fallait qu'elle se laisse sombrer dans ce sommeil post vision à un endroit précis. Elle marchait, se heurtait aux meubles, les bras pendants et le regard fermé jusqu'à la salle de soin. La porte ouverte, elle échoua sur le sol. Il avait été dans cette salle, elle le sentait à l'odeur particulière qu'il dégageait. C'était ici. À cet endroit, là où il y avait encore des marques dans le bois. Elle suivit les tracés qu'elle seule pouvait voir, du doigt. Elle traversa l'un des couloirs de l'Institut jusqu'à la salle de réunion qui se trouvait à l'opposé de la salle de soin. Elle y entra, marcha jusqu'au cercle lumineux où elle inséra son index. Elle enclencha l'interrupteur secret qui fit disparaître le mur est et laissa place à une porte dérobée. Elle était imposante mais se détendit devant le petit gabarit de Cellia pour révéler une série de marches. Cellia les emprunta jusqu'au couloir dont les spots la précédaient. Tout au fond, elle s'arrêta devant l'une des portes. Sa main caressa le bois avant qu'elle ne laisse son esprit ouvrir la porte qu'elle redoutait tant. Le sommeil lent mais vigoureux abattit ses griffes sur son corps.
La noirceur fit progressivement place aux lueurs du rêve où des nuances de rouges déchiraient le ciel par endroit. Des oiseaux gazouillaient. L'herbe caressée par le souffle d'un vent léger et les quelques gouttes de rosée tombaient doucement. La nuit revenait établir sa couronne, cette lutte qu'elle menait avec le jour qui s'en allait pour ceux qui le réclamaient ailleurs. La marque sacrée sur le dos de Cellia la brûlait vivement encore, effaçant le paysage merveilleux qui se dissolvait lentement. Une odeur nouvelle, celle du soufre appuya contre ses muscles nasaux où elle passa la main par réflexe en se demandant où elle pouvait bien se trouver. La noirceur ne présageait aucune sortie, elle était juste une étendue qui la dissimulait de par son opacité. Des bourrasques de vent soufflaient sur son visage des poussières. Cellia se frotta énergiquement les yeux. Elle devait impérativement rejoindre la porte qui se matérialisait à l'horizon.
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Cellia gémit de plus belle, les muscles contractés par le désagréable effet de la douleur, ses jambes cognaient contre le lit et ses mains demeuraient emmêlées sous les couvertures. Elle tirait dessus brutalement, froissant le tissu à l'extrême.
— Depuis combien de temps cela dure ?
— Je ne saurai le dire, répondit Poslim accroupi aux côtés de la soignante. Je descendais me coucher et j'ai entendu des hurlements. La suite vous la connaissez. Qu'est-ce qu'elle a ?
— Je crois que...
La soignante s'interrompit en remarquant l'une des élhue à l'entrée de la salle de soin. Elle marcha jusqu'à elle et toutes deux échangèrent quelques mots avant que B ne hoche délicatement la tête. Avant de se détourner, elle fourra les mains dans les poches de son jean et échangea un regard avec Dean qui n'avait pas pu s'empêcher de la dévisager depuis son lit. Avec sa peau claire, les tatouages qui transparaissaient sur ses avant bras, B passait naturellement pour un fauve. Un animal qui appelait une force impérieuse qu'il sentait verrouiller au-delà de ces prunelles. Bonté divine, qui pouvait bien être cette fille ? Surtout d'où provenaient ces cris qui avaient encore réussi à perturber son sommeil ? Dean frotta ses paupières, puis força ses yeux à regarder dans une autre direction. Une direction différente de celle empruntée par le fauve, cette solitaire qui forçait l'admiration avec sa démarche féline; son corps athlétique dégageait des effluves de bois de santal. A l'opposé de lui, la soignante était penchée au‐dessus du corps d'une jeune fille agitée. Poslim et cette dernière parlaient bas.
— Que se passe-t-il ?
— Don de Lohmen répondit la guérisseuse. Elle est déboussolée. La pression qu'elle subit risque de la tuer, le seul qui puisse l'atténuer, c'est Ty.
— L'Impérahtrice ne pourrait-elle pas y remédier ?
— Malheureusement non, quand bien même qu'elle ait la marque sacrée, son esprhit n'a pas encore été scellé en elle et même là encore, il faudrait que tout deux soient en symbiose d'où l'allégeance. Il y aura toujours un risque et l'esphrit a trouvé le moyen de faire pression sur elle. Je suis désolée, à part essayer de la détendre, la douleur ne peut être maîtrisée.
Un nouveau cri, Poslim et la soignante bondirent en avant.
— Éloigne toi ! Hurla la soignante en tirant Poslim en arrière.
Le corps de Cellia nouée sous une rivière de lumière se désintégrait peu à peu.
— Merde ! Qu'est-ce qui se passe ?
La soignante ne répondit pas. Elle se contenta de laisser le corps disparaître. Poslim se tourna immédiatement vers elle, le regard dubitatif.
— C'est un effet secondaire du don de Lomhen. L'esprit reçoit des informations soit passées ou futures. Le passé ne peut-être modifié mais quand au futur, la donne peut changer. Cellia s'est liée spirituellement à Ty ce qui signifie...
— Qu'en ce moment, elle se sert de ce lien pour entrer en contact avec lui.
— Exact, sauf qu'on ne sait pas qui elle réveillera. Il y a cinquante pourcent de chance pour que ce soit Ty ou son double.
— Faut que j'aille prévenir la Guardianz, nous devons immédiatement nous rendre à Ashned.
— Pas ce soir, murmure la soignante en allant palper les jambes de Dean. Tu le sais que cela ne servirait à rien. Ty devra immerger de lui-même.
Poslim jura puis rejoignit la sortie en ignorant le regard que Dean dardait sur lui. Il irait faire son rapport et ensuite penserait à prendre une douche.
— Je sais que tu ne dors pas, alors ouvre les yeux. J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle, laquelle souhaites-tu en premier ?
— Il y a plus urgent, murmura-t-il en détournant le regard, craintif. Une jeune fille vient de disparaître, vous feriez mieux de vous concentrer là-dessus.
La soignante hocha délicatement la tête en caressant une fiole en forme de feuille. Le liquide pailletté qu'il contenait fut rependu sur les jambes masculines et Dean observa la soignante les lui masser.
— Vous connaissez déjà la raison de votre présence dans cet Institut, Poslim vous l'a très bien fait comprendre avant de vous faire signer. N'étant qu'une guérisseuse, permettez-moi d'aller à l'essentiel. Vous êtes paralysé, mais cette paralysie est momentanée. Dans une semaine vous retrouverez l'usage de vos jambes.
— Qu'en est-il de la mauvaise ?
La soignante sourit en refermant la fiole.
— Il n y en a pas.
Elle se dirigea ensuite vers l'un des placards, pour en sortir un coffre métallique dans lequel elle inséra une clé. Elle emporta l'objet jusqu'au le lit de Kathie qui dormait d'un sommeil profond, les cheveux regroupés sur un côté de son oreiller. La guérisseuse la réveilla doucement, ses doigts gracieux agitant faiblement le corps qui reposait en dessous elle. Khatie immergea, le regard brillant et la joue rouge. Automatiquement, elle présenta sa cuisse en faisant glisser la couverture sur le côté. La morsure n'y apparaissait plus, en lieu et place un cercle sombre où la chair la picotait momentanément. L'inspection de la guérisseuse terminée, elle savait d'entame qu'elle supplierait encore pour la goutte d'eau épaisse qu'on avait laissé tomber sur son front. Elle fuirait sa réalité, effacerait son impair à coup de rêve d'endormie. Kathie la fougueuse n'était plus qu'un tas de chair qui laissait mourir son âme coupable. Son action, ce geste volontaire, cette tromperie n'avait malheureusement pas eu l'effet escompté. Elle avait certes goûté au fruit défendu mais jamais elle n'aurait espérée se retrouver noyée sous autant de mépris. Un ciel noir brillait au dessus de sa tête et sa conscience ne manquait pas de la tourmenter, de lui faire vomir des cris de douleur qu'elle n'exteriorisait pas. La soignante le devina à son regard suppliant devant ces mains tremblantes. Les souvenirs revenaient, précipitant les mouvements de son cœur. Dean l'embrassait avec frénésie. Chacune de ses cellules se retrouvait baigner sous la vague d'excitation. De nouveau, elle le voyait remuer en elle, ses hanches calquant ces mouvements à la perfection. Puis, les cris de volupté passèrent, le vent vint faire vibrer sa cravache dans l'air, libérant le trouble présent dans l'atmosphère. La suite, des événements pour le moins traumatisant que Khatie préférait oublier. De concert, elle reserra brutalement les paupières. Le rejet, elle détestait ce sentiment qui rythmait nouvellement les battements de son cœur. Une main appuya doucement sur la sienne lorsqu'on lui présenta le contenu d'une boîte mystérieuse. Un coffre qui avait fier allure. Femme, elle aurait eu tous les hommes à ses pieds. Des yeux magnétiques pour une tenue de cérémonie rehaussée avec des fils d'or et d'argent. Son port de tête, une chevelure de diamant tant sa blancheur était immaculée. Elle brillait, révélant l'or pur qui caractérisait chacune de ses courbes où des anges avec chacun une épée la brandissaient dans leurs armures de guerre.
— Ceci est la boîte de Pandore, tout les secrets que tu lui confieras s'effaceront de ton esprit quand d'autres perspectives se créeront. Vu que tu n'es pas magicienne, cette boîte agira juste comme un somnifère. Il te suffit de la tenir entre tes mains et de lui communiquer tout ce que tu souhaites. Et ne t'inquiète pas, dans deux semaines tu retournes chez toi, tu ne conserveras aucun souvenir de ton passage dans cette dimension.
Dean observait la scène de loin, la boîte mystérieuse luisait dans son regard.
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