CHAPITRE XXXIV: PORTAIL NON IDENTIFIÉ





Minuit. Les ding dong de l'horloge centrale résonnaient malgré la pluie au-delà des fenêtres. La buée investissait progressivement chacune des vitres en une délicate ligne blanche. L'Institut des Enchantress de Londres, véritable joyau architectural éclaboussait de ses couleurs la végétation d'un kaléidoscope hypnotique. Le couvre-feu annoncé, ses lumières plongeaient progressivement ses quatre principales tours dans l'obscurité la plus totale. La nuit ne s'émerveillait plus devant le spectacle envoûtant qu'il lui proposait. Au contraire, elle relâchait la plainte meurtrière des animaux sauvages qui demeuraient jusque là invisibles, tapis dans l'ombre oppressante, prêts à bondir sur toutes les proies insensibles au danger de leurs canines. Le territoire forestier qui environnait l'institut était le prolongement naturel des différentes extrémités de l'île de formation des Enchantress. Minuit passée, ces barrières cédaient volontairement et ouvraient la porte à tout ces êtres malfaisants. Hurlements et grognements se faisaient les nouveaux chants de cette nature luxuriante ou la mort pouvait survenir aussi facilement que le brisement d'une brindille. La porte d'entrée se verrouilla silencieusement. Son mécanisme interne entraînait une suite de gongs qui en enlaçaient d'autres. Enfin, ils formèrent un mur de métal compacte aussi solide que les fondations de l'empire building.

Plus loin, au delà du charme qui se distillait progressivement, les Elhu.e.s reposaient dans leurs lits avec sa grande majorité endormie. Quelques récalcitrants jouaient avec des objets en scrutant l'épais plafond. En ce qui concernait les Enchantress de repos, certains discutaient dans le séjour principal. Une ambiance bonne enfant régnait malgré l'ombre grisâtre de tristesse qui leur jetait des regards en biais. Poslim l'éternel taciturne semblait enfermer dans un mutisme profond. Son regard gris était perdu dans le vague d'une peinture d'époque. Deux chevaliers s'affrontaient du regard, deux armées les opposants. L'un, tout de blanc vêtu, un rictus mauvais déformait ses traits. Son adversaire, un regard impérieux que l'assurance ennemie n'arrivait pas à faner quoi que l'espoir résidait dans son épais, d'ailleurs il la tenait des deux mains. Était-ce le genre de bataille que Ty opposait quotidiennement à son double ? D'ailleurs, qu'était-il advenu de lui ? L'angoisse le nourrissait par hectolitre salée, noyant pour ainsi dire l'Enchantress sous son avalanche nacrée où bien évidemment il s'abandonnait pleinement. La tête la première, le corps sombrait dans ce puits sans fond. Les mains liées, il tanguait d'un bord à l'autre, sa peau nue aux prises avec le vent glacé. L'hésitation n'existait plus, elle s'était effacée de son visage. Il attendait la note finale avec sérénité, son échec en fond sonore.

Tyller. Un ami qui l'illuminait de par sa dextérité malgré la complexité évidente du personnage. Il était unique, véritablement unique et loyal, quand bien même toute la douceur qu'on lui imaginait demeurait dissimuler en dessous d'une énorme couche de givre. Sa personnalité, la vraie était une équation qui gardait en facteur la noirceur des traumatismes passés. Des douleurs qui s'accrochaient par bouts malgré ces nombreuses ripostes. Il luttait de tout son soul pour éviter que l'Esprhit ne lui vole le contrôle. Il s'acharnait malgré la difficulté, les crises qui mettaient à nue cette partie ténébreuse qu'il refoulait pourtant. Cette instabilité qu'il semblait pour la plupart du temps rejeter à grosses doses de bluff calculées avec la solitude pour seul compagnon dans cette vie qu'il avait judicieusement baptisé enfer. Poslim baissa irrémédiablement le regard sur son verre, le liquide ambré tournoyait à mesure qu'il lui imposait le rythme de son poignet. Cette main essuyait encore un nouvel échec malgré les nombreux avertissements de son partenaire. Il devrait peut-être se graver cette vérité dans le crâne, de quoi se souvenir qu'à aucun putain de moment, Ty n'avait prétendu avoir besoin d'un sauveur, ni même d'un ange gardien. Son existence n'était réduite qu'à la mission que lui rappelait le tatouage cérémonial qui lui ornait fièrement la poitrine. Honneur, courage et bravoure en toute saison malgré l'inconfort, la difficultés et même les ennemis. La mission avant toutes les autres possibilités, la préservation de l'équilibre entre humains et créatures comme unique motivation. Ils devaient tous s'évertuer à ce que la balance ne penche défavorablement et que l'humanité ne se retrouve dans une situation désastreuse. Il profitait d'une seconde vie qui perdurerait sans que maladie et vieillesse ne vienne l'inquiéter, à moins évidemment qu'il ne se fasse tuer, ce qui n'était judicieux pour l'esprit insoumis dont il tirait la puissance, ni le monde des créatures qui le craignaient.

Évidemment, son corps avait été forgé dans ce sens et son pouvoir quoi que instable à certaines encablures, une arme sensée l'aider à combattre. Ceci pouvait être présenté comme l'une des faces visibles de l'iceberg, mais la vérité était toute autre, bien différente de tout de ce que ces semblables imaginaient. En effet, le pouvoir de Ty sonnait dans son entendement comme une malédiction. Aussi, tout était soigneusement dissimulé, savamment maîtrisé de quoi éviter que la laideur ne se révèle, ni ne suscite à son égard des regards compatissants. Ty n'avait jamais publiquement renié son pouvoir et Poslim devait avouer qu'il l'avait rarement vu s'en plaindre. Il avait toujours accepté son sort avec courage. Cependant, ce que Poslim détestait par dessus tout, c'était cette sensibilité qu'il n'avait jamais pu véritablement expérimentée ni exprimée. Sa vulnérabilité était tapis dans l'ombre, enfermée au delà de lui-même de même que ces faiblesses. Rien que de les imaginer à nues, il en avait des sueurs froides. Ces moments survenaient généralement en fin de crise quand Ty se retrouvait face à lui-même, son pouvoir éteint. Il devenait aussi vulnérable et inoffensif qu'un chaton. Aussi longtemps qu'il s'en rappelait, jamais Ty n'avait osé montrer cette vulnérabilité. Et même avec son pouvoir aux abonnés absents, son hypersensibilité naturelle lui permettait de lire les émotions ce qui demeurait plus efficace que la verbalité des confessions. D'un naturel arrogant, il préférait se cacher derrière des adjectifs plutôt que d'assumer ses réelles émotions. Il préférait se replier sur lui-même plutôt que d'affronter les regards mêlés de crainte de ces semblables, quitte à passer pour le connard de service. Alors, ces compagnons d'arme avaient tous soutenu son initiative en le traitant avec la même sévérité, ils s'étaient affrontés et s'affrontaient toujours à armes égales sans pour autant jamais remettre en question sa stabilité mentale ni le prodigieux de sa condition d'Enchantress.

Chacun s'efforçait, malgré les préjugés de ne juger que sa posture vis à vis de ces collègues qu'ils n'hésitaient pas à repousser, pire renier. Mais Poslim l'avait très bien compris son jeu. Il évitait de cette façon de tisser des liens trop forts qui pourraient devenir problématique par la suite. Il était donc le seul que Ty n'est jamais considéré comme son ami simplement parce qu'il était l'un des rares Enchantress à pouvoir l'empêcher d'imploser. Il était l'i des rares Enchantress à pouvoir. Poslim serra les dents puis avala son verre d'une traite. Sa nuit de sexe passée avait été un bref interlude, une pause qu'il se souvenait avoir consommé avec un appétit d'ogre. Une première fois qui ne l'avait pas empêché de faire grimper sa partenaire au plafond pendant qu'il s'évertuait à la contenter comme elle le lui avait ordonné. Il ne s'était pas retenu, avait puisé dans la rage qu'il éprouvait contre sa saleté de personne et poussé son bassin plus sévèrement en avant. Le corps en dessous de lui avait apprécié cette violence déplacée, cette insatiable et vicieuse qu'il avait matérialisée. Malheureusement, cette parenthèse n'avait été qu'un leurre. Elle avait fermé la porte à ses détracteurs pour le cours instant que durait une pause. Elle avait réalisé ces désirs tout en réanimant ces douleurs. Veolia se positionna au dessus de lui, ses mains glissaient gracieusement sur ses épaules tendues. Sa voix lui parvint lointaine lorsqu'elle murmura son prénom à deux reprises sans qu'il ne manifeste aucune émotion.

- Poslim ? Poslim ?

Son spirit anhilum l'observait d'un œil critique non sans avoir été libéré. Il faisait parti de son maître à travers le tatouage qu'on lui avait implanté dans le creux dos.

- Oui dit-il faiblement, en posant sa main à plat sur celle qui lui prodiguait milles merveilles. Il sentait la pression sur ses épaules s'envoler petit à petit.

Féline utilisa sa mèche pour lui chatouiller le nez et réussit à lui arracher un sourire. Ils échangèrent un regard complice avant qu'elle ne lui donne un baiser. Poslim glissa le nez dans le cou de Féline et respira son doux parfum avant d'emprisonner sa main libre dans la sienne. Elle s'assit un peu plus confortablement sur ses jambes qui faisait déjà réagir son entrejambe. Poslim tousseta légèrement, l'oreille un peu distraite par la gestuelle câline de Feline. Il se concentra finalement sur Antony qui expliquait leur premier raid. Une mission dite simpliste mais qui avait viré à un cauchemar pour le moins impressionnant.

- Le portail était tellement instable que tu as vomi, avoue Féline, fit remarquer Anestia en se collant davantage à Anthony.

Cette dernière réagit en lui souriant. Évidemment, ce moment avait été épique. Elle s'était penchée et Poslim avait tout de suite reçu le contenu de sa gorge. Une nouvelle effusion de rire les secoua avant que le sentiment ne se dissipe brutalement. Le premier à subir le contrecoup de la nouvelle atmosphère fut Poslim. Son verre lui échappa des mains pour finalement s'écraser contre le sol marbré en plusieurs morceaux de verre. Ces bottes se perdaient désormais dans l'éclaboussure béante de whisky. Tous furent debout en un instant. Les rires ne faisaient désormais place qu'au crépitement de la cheminée. La marque sacrée était brûlante sous son blouson de cuir quand son entité magique semblait s'exciter en voulant s'échapper à tout prix. Poslim brandit immédiatement son arme lorsque résonna finalement un vacarme incompréhensible. L'explosion d'une lampe précédée d'une autre éparpillaient des hurlements, des cris qui déchiraient nouvellement l'atmosphère des quatre coins de l'Institut en un chaos à peine compréhensif. Anestia dégaina immédiatement son iji, un pinceau émincé rehaussée d'une tête en fer poli. À l'intérieur de sa main libre, elle grava une infravernut qui fit apparaître plusieurs cercles lumineux dans le séjour. Elle se tourna ensuite vers les autres membres.

- Allez rejoindre la Guardian, je m'occupe de rétablir les lumières pour éviter d'autres incidents. Je vous rejoins dès que j'en ai fini.

De nombreux bruits de pas retentissaient devant l'animation nocturne qui agitait nouvellement l'Institut. Malgré l'obscurité, les Elhus couraient dans tout les sens, des oreillers disposés sur leurs têtes. Ces derniers se protégeaient ainsi de l'alarme centrale qui retentissait violemment. Un groupuscule s'était réfugié dans la salle de contrôle et observaient ahuris l'Institut se verrouiller. Des barres métalliques remontaient sur les vitres des fenêtres plongeant le merveilleux spectacle du ciel étoilé en un enfer plus noir que sombre.

Alarmée, la Guardianz quitta son lit pour immédiatement se mêler à la foule. Elle courut jusqu'à la salle de contrôle, son arme au dessus de sa tête. Elle croisa sur son chemin l'Impérhatrice Lunasia jusque là invisible aux yeux des Elhus.

- Les portes ont ordonnées le confinement général de l'Institut, un portail non identifié vient d'être ouvert.

Grisha s'inclina avant de foncer jusqu'à l'armurerie. Elle s'arma de bombes paralysantes en criant des ordres à la volée par dessus le vacarme. Dans la salle de réunion, la boule luminescente avait en son sein une marque d'un rouge profond. Elle y inséra le doigt et la marque fit progressivement place à un emplacement. West London. Apparut ensuite une image qui révélait une propriété bordée par un verger. Poslim et ses coéquipiers arrivèrent par la suite leurs armes dégainées, alertes.

- Un portail non identifié, hurla la chef en leur lançant des bombes paralysantes.

- Il faudrait que nous allions voir sur place. C'est très inhabituel que les portes verrouillent le système de cette façon. Armez-vous le plus rapidement possible.

- Tu veux dire que cela n'arrive jamais ?

- Trêve de bavardage, on se tient prêt à partir. L'Impérathrice nous enverra un portail dès que possible. L'escouade de Thomas et Vienna, vous vous occupez de l'Institut. Tâchez de remettre de l'ordre dans tout ce bazar. Demandez à la potionniste qu'elle distribue des filtres de quoi calmer les esprits. Nous aurons une réunion d'urgence avec le conseil général à notre retour. J'ose espérer que ce qui nous attend de l'autre côté ne nous prendra pas plus d'une heure.

La bande conservait des regards graves. La boule de pouvoir ne s'était jamais autant enflammée, pas même lorsque le roi vampire avait essayé de secouer ses tours. Ces portails sont en fait des infravernut géantes situées aux quatre différentes extrémités de Londres uniquement connues des Enchantress. Poslim se rappelait de cet épisode, d'autant plus que le principal responsable n'était autre que Tyller. Ce souvenir lui décocha un sourire inattendu, moins amère qu'il ne l'eût exaspéré. Ty n'avait jamais été doué pour éviter la merde. Il semblait l'attirer comme si elle exerçait une attraction sur lui. Il trouvait dommage qu'il ne soit pas là pour couvrir ses arrières comme il l'avait toujours fait. Anthony à sa grande habitude fit son signe de croix avant de dégainer ces deux lames jumelles.

- Tenez vous prêts !

Le groupe improvisé se déploya autour de la ferme, des infravernut empêchant leur botte de bruisser sur le sol de gravier. La porte principale était ouverte sur un feu qui crépitait à l'intérieur d'une cheminée noircie. Poslim en arrière plan marchait dans les pas de Féline. Ensemble, le couple fit le tour de la propriété après avoir déployé leurs bombes paralysante. Ces boules de métal étaient des concentrés de magie qui propageaient d'électrochocs géants. Le son produit était particulièrement agaçant et suffisait à assommer ou déstabiliser les créatures nocturnes quand il était inefficace contre les humains. Ils devaient être maniés avec la plus grande sensibilité au risque de blesser. Poslim éteignit la première bombe, il n y avait pas un chat, hormis l'odeur métallisé du sang qui se diffusait malgré l'odeur prononcé de brûlé. De l'intérieur de la propriété, se dégageait une méchante fumée qui traçait des arabesques dont les ombres se déhanchaient gracieusement sur le mur. Ce fut le Spirit Anihilum de Féline qui alla en reconnaissance. Il s'agissait d'une hyène noire, fière et majestueuse, elle se glissait sur les murs, avançait en se camouflant dans les angles morts. Féline qui suivait son hyène à travers son regard, écarquilla légèrement les yeux avant de remettre sa flèche dans son carquois.

- La voie est dégagée, nous pouvons y aller, répondit-elle en rappelant l'entité qui revint occuper son dos. Mais, je vous préviens, la scène n'est pas du tout belle à voir.

Le groupe reprit son ascension en pénétrant dans la maison. Ils rejoignaient ainsi ce qui restait des résidents. Un squelette humain pendait au dessus de la cheminée en faisant face au tas fumant qui parsemait la couverture de laine.

- Poslim ?

- Il y avait six personnes présentes, relèva-t-il en reniflant l'atmosphère. Trois ont été tuées, les trois autres se sont comme volatilisées.

La Guardianz hocha lentement la tête devant le mur noircie qui se faisait analyser par Anestia.

- Regardez ces traces, le mur présente de sévères brûlures. C'est sûrement à cet endroit que le portail a été ouvert. Quant au choix de sa destination, je ne saurai vous le dire.

- Autre chose ?

De nouveau, Poslim renifla l'atmosphère en parcourant l'espace. Il exécutait plusieurs allers-retours autour de la chaise qui avait attiré son attention. Il la renifla longuement, puis avança le doigt pour instantanément recevoir une décharge qui matérialisa une image filigranée. Perplexe, la Guardian se rapprocha puis tenta la même expérience. Elle fronça le regard de dégoût.

- Il s'agit d'un sort d'emprisonnement létale, de la magie noire en quelque sorte que notre joyeux ennemi semble maîtriser à la perfection. Anestia, à toi de jouer.

La dénommée hocha la tête puis se rapprocha du siège. La pointe de son iji dessina un cercle autour de la chaise. Ce cercle magique emprisonnait les premières lettres du mot 'feu' soit 'FE' fit jaillit des lianes de lumière jaunes qui peu à peu matérialisèrent le jeune homme attaché. Ces poignets meurtries saignaient abondamment, il fallait d'urgence l'emmener à l'institut au risque qu'il perde la vie. La Guardianz agit en conséquence en dégainant son sabre. Elle trancha les cordages qui le retenait après avoir marquée son bras avec les premières lettres de l'infravernut de vitalité.

Poslim s'engagea dans les escaliers, ces bottes faisant craquer les marches de bois. Son épée dégainée pointait sa lame en direction de toute menace qui pouvait surgir sur le moment. Sa concentration était maximale et ce, malgré l'ours qui s'agitait en lui. Il parvînt enfin à la fin des marches et déboucha sur une espèce de bibliothèque. Les livres étaient répartis par couleur, de la plus vive à la plus sombre. Il traversa l'endroit et marqua un arrêt devant la première porte. Lorsqu'il l'ouvrit, Poslim baissa son épée. La chambre n'était pas exiguë mais l'association des éléments lui parut étrange. Il s'avança vers le mur vers l'inscription qu'il avait remarqué un peu plus tôt.

En réécriture

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top