CHAPITRE XXXIII: LES ORIS

Le soleil à quatre branches sur son dos était brûlant, pourtant les mains expertes qui l'examinaient demeuraient douces. Elles distribuaient dans leur sillage des bancs de caresses dont la fraîcheur s'emparait de sa peau. Elles glissaient insidieusement à l'intérieur des muscles puis s'évertuaient à davantage les détendre. A leurs côtés, L'Impérhatrice Lunasia patientait dans un recoin de la pièce. Les énormes tresses qu'elles conservaient collées sur son crâne se baladaient au creux de son dos à chaque fois qu'elle inclinait la tête. Son visage de porcelaine semblait irréelle comme si un magicien avait essayé de figer une œuvre d'art sur son cou gracile légèrement dissimulé par un col elisabethain. Sa bouche, couleur carmin équitablement maquillée de la commissure jusqu'aux ourlets présentait des lèvres pulpeuses typiquement africaines. Ce personnage était véritablement intriguant.

En effet, Cellia ne l'avait pas remarqué en pénétrant dans le bureau d'époque, avec son mur de velours garni de meubles tant lourds que somptueux. La pièce transpirait une aura mystérieuse que la maîtresse des lieux semblait attiser. Incarnation ou mirage, Cellia était confuse tant les adjectifs déviaient dans son esprit. Ce monde qu'elle découvrait. Ce monde qu'elle parcourait nouvellement. Un monde qu'elle avait jadis contemplé au travers d'oeuvres fictives s'était incarné, métamorphosé en quelque chose d'indéfinissable. La vérité s'était alliée à un lot de réponses subliminales qui comme à l'accoutumée, lui manquait de respect. Elle s'était imposée envers et contre les illusions de son esprit dans lequel une ombre dansait. Cette ombre, une identité jumelle qui reflétait tout le laid qu'elle réprouvait. Un prolongement qu'elle ne comprenait pas et espérait toujours qu'on la délivre de l'inconfort du doute, pis, de la rêverie. Même si pour être plus réaliste ou vrai quand à sa volonté de réellement comprendre, de ce rêve elle n'imaginait aucun résultat positif. Elle se réveillerait sûrement morte, effacée de ce monde tortueux où jamais rien n'était véritablement acquis. L'Impérahtrice lui avait garantie qu'elle aurait les révélations qu'elle souhaitait en temps et uniquement au moment opportun. Ce fait s'était matérialisé en cet instant où pour la première fois la jeune fille gratifiait celle qu'on surnommait soignante d'un sourire affable.

Ces pieds adoraient le tapis qu'ils occupaient, leur douceur lui rappelait les caresses qu'elle avait partagé en tant que femme du moins femme en devenir. Un nouveau frisson la glaça, son cœur brûlé par les souvenirs tangua d'un bord à l'autre offrant la plaie béante à l'inconfort de la douleur. Cette vicieuse garce qui se pointait toujours au pire moment. Le regard soudainement brillant dévia, il se rabattit au centre de la pièce où reposait une table de bois dans laquelle des tracés circulaires entouraient sa bordure. Des hiéroglyphes mêlés à un choix audacieux d'images représentaient des hommes qui brandissaient des armes de fortune face à une créature diabolique, la bête leur crachant du feu. Ce combat avait un goût de suicide que Cellia n'appréciait guère. La bête la remporterait, les arabesques qui faisaient des louanges au feu ne présageaient que cette suite logique. Des torches, bâtons ou pierres ne pouvaient rien contre la main du mal.

La manche de son tee-shirt baissée, Cellia observa le drôle de personnage lui sourire avant de s'incliner. Ces cheveux blancs la rendait intrigante de même que ses iris couleur sang. Il se dégageait d'elle des effluves de menthe et de miel qui une fois inhaler contribuaient à quelques peu apaiser son angoisse renaissante. Lorsque la porte se fut refermée sur son départ, Cellia toussota en se glissant dans son siège. Les battements frénétiques de son cœur lui revenaient à l'oreille, à l'image d'un tambour de guerre. Ces notes explosaient crescendo tel un feu d'artifice renforcé au nitrate. Elle inspira une seconde fois par la bouche, au risque de se mordre la langue jusqu'au sang.  

L'Impérhatrice était dans les airs. Les flammes de la cheminée jetaient des ombres multiples sur le tissu qui recouvrait son corps élancé. Son regard pour le moins franc semblait sincère, nul doute qu'elle le devait peut être à sa nature humaine quoi que fortement modifiée. Qui était assez fou pour planer comme elle le faisait, elle glissait dans le vent, ses pieds à une vingtaine de mètre du sol. Elle était sûrement dotée d'une puissance qui surpassait de loin celle de tout les membres de cet Institut. Cellia resserra instinctivement les mains autour de ses genoux qui commençaient à trembler. La mine froncée de l'Impérhatrice contribuait à aggraver son état. Le stress l'envahissait, polluait sa chair en relâchant un ras de marée d'effluves toxiques hautement concentrées. Sa poitrine contaminée par l'assaut du cortisol qu'elle même avait relâché dans ses veines se gonflait à intervalle irrégulier quand la voix dans sa tête contribuait à jeter de l'huile sur le feu.

Le double s'agitait une nouvelle fois de plus, grattant sa peine en injectant son venin dans son inconscient par jet pervers. Cellia au risque de sombrer sous l'importante affluence, repoussait du mieux qu'elle pouvait l'aura nuisible. Elle devait se défendre, l'ordre l'inondait, impérieux, brutale, le mal la contaminait douloureusement, mais ses actions dans cette pièce demeuraient limitées. Il n y avait pas de piscine où elle pouvait tenir en apnée le temps de calmer les mouvements étrangers qu'elle captait dans son âme. Se balançant violemment d'un bord à l'autre, Cellia entraîna ses cheveux dans une valse sauvage. L'une de ses mains accrochée à son cou luttait contre la panique qui lui coulait dessus. Elle devait tenir bon, éviter que cette chose revienne se manifester au risque de se perdre. Elle commença par des exercices de respiration qui n'eurent aucun mérite particulier, à part bien évidemment augmenté le flot de larme qui se dégageait de ses glandes lacrymales.

La source salée glissa sur ses lèvres au côté du mucus qui s'écoulait de son nez.
Sur sa chaise, Cellia suppliait son unique témoin du regard. Son regard implorant lui ordonnait de s'enfuir face aux pulsions destructrices qui rythmaient nouvellement les battements son cœur. La dernière crise avait judicieusement été évitée par l'intervention d'un Enchantress d'exception, Tyller. Il avait réussit à limiter le champ des possibilités de cette satanée qui se prénommait Spiritha. Aujourd'hui, il manquait à l'appel en étant aussi absent que l'été en décembre.

La folie de l'Esprhit lui montrait des images tortueuses qu'elle se refusait jusque là de visionner. 

Du sang. Des épaisses gouttes transformées en flaque. Des flaques coagulées par la pression atmosphérique dans laquelle elle s'était retrouvée enlisée et tétanisée, une ombre au delà de cette franche qu'elle refusait d'écarter. Cellia tremblait de plus en plus violemment, elle serrait si fort les accoudoirs de son siège qu'ils émirent un bruit sourd. L'air s'échappait de sa bouche par vapeur tiède et brûlante. Elle serra davantage les paupières en remarquant l'image filigranée qui lui souriait en lui assurant qu'elle était à vomir. Elle lui hurlait à celle qu'elle considérait comme la matérialisation physique de la faiblesse, une apprentie mauviette qui devait retourner pleurer ses morts. Panser ni plus ni moins des blessures qu'elle n'avait pas pris le temps d'exorciser. Acculée de toutes parts, Cellia enroula les bras autour de ses genoux et se mit à hurler. La pression était telle qu'elle lui brûlait la peau, lui comprimait la poitrine d'une charge de plomb qui la laissait à bout de souffle.

Le bruissement de tissu reprit. L'Impérhatrice, protectrice de l'espèce sacrée s'avança. Les mains entrelacées dans le dos, elle flottait dans le vide. Elle profita de la gravité pour se positionner au dessus de l'être qui agonisait. Sa voix cristalline, cascade de rivière, s'infiltra au tréfonds de l'hôte une fois que son indexe eut fait pression sur la poitrine de la souffrante. Son corps tantôt marqué par les lianes de la tourmente se détendit légèrement. Le sourire bienveillant qui s'immiscait dans son esprit lui assura une autre de décharge de calme et les portes tortueuses du désespoir se refermèrent brutalement. Spiritha n'émettait plus. Ces ondes parasitantes s'étaient envolées dans l'atmosphère. Peu à peu, la tension contenue dans ses membres se relâcha. 

Recroquevillée sur le tapis, Cellia ferma les yeux.

- Je suis Lunasia, Imphératrice des lumières et protectrice de l'espèce Enchantress. Ton arrivée avait été annoncée jeune guerrière, je t'apprendrai l'art des Oris, la télépathie combative, défensive et protectrice pour que ta destinée suive son cours. Tu ne m'entendras qu'à travers ton esprit.

Encore sonnée, Cellia eut du mal à se relever. Elle avait fait une chute libre dans un monde où les mystères la percutait aussi puissamment que les poings d'un catcheur professionnel. Elle se frotta la poitrine nerveusement, le regard soudainement perdu dans le vague. L'Impérhatrice se redressa, ses pieds touchant pour la première fois la mosaïque étoilé. Elle inclina la main, le mouvement du poignet accompagna ses doigts qui au fur et à mesure qu'ils remontaient, relevait l'hôte affaiblit par la crise.

- L'Esphrit est la source de ton pouvoir, il essaie de dominer ta nature humaine pour révéler sa nature démoniaque. Ces crises sont autant plus douloureuses parce que tu ne maîtrises pas encore ton pouvoir.

A nouveau dans son siège, Cellia ferma les yeux. Ces révélations sonnaient bizarrement dans son esprit. Lunasia lui présenta alors une main blanche dans laquelle elle versa une goutte d'eau. La goutte roula d'un côté à un autre suivant les tracées irréguliers de la paume. Fascinée, Cellia se baissa sur l'image que formait progressivement la minuscule source. Elle revit sa première confrontation avec Spiritha, son double, la narguant d'un œil vert émeraude, l'unique différence qu'on pouvait relever entre les deux êtres. Elle savourait sa liberté pendant qu'elle demeurait enfermée dans son monde. La cage dorée.

- Tu as connu le souhait de tout Esphrit, prendre le contrôle de son hôte. Mais là n'est pas le pire, le pire c'est ce qui survient lorsqu'il réussit à t'enchaîner dans son monde, survient alors la décoloration des iris.

Cellia se tourna vers le miroir encastré dans un cadre de bois rectangulaire. Elle observa la pupille dilatée dans laquelle se réfléchissait des nuances de vert.

- Au stade complet, sa volonté prendra le pas sur la sienne, un danger soufflera autant dans le monde Enchantress que humain.

- Ty et moi sommes-nous pareils ?

- A bien des égards oui...

Les dernières mots moururent. Ils laissèrent place au crépitement de la cheminée où les flammes se reflétaient dans le regard noir de l'Impérhatrice. Elle semblait écouter des nouvelles pour le moins inquiétantes. Se tournant vers Cellia, elle la congédia en lui donnant rendez-vous le lendemain. Puis, elle se précipita à l'intérieur des murs. Elle vola jusqu'à l'aile des malades, l'un des bâtiments principaux répartis distinctivement en dessous du séjour principal. Pour gagner du temps, elle coupa par le sous sol des dortoirs et s'éleva à travers l'un des lits. Les Enchantress présents étaient tous rassemblés autour de la potionniste, la seule petite créature de la foule. Elle avait l'oreille posée sur la poitrine d'un mâle, Ty.

Il ne respirait plus, son énergie vitale s'échappait à vu d'œil. La soignante se rapprocha, au dessus du malade avec cette fois-ci une fiole entre les mains. Elle appuya de nouveau la marque sacrée, le soleil à quatre branches en fermant les yeux pendant un cours instant. 

- Je suis désolée, il est...

Lunasia apparut au dessus du groupe et hurla un ordre, sa voix naturellement douce contenait des notes de nervosité aggravées. La potionniste laissa tomba sa fiole d'un mouvement maladroit qui éclaboussa le sol d'un mélange visqueux.

- Rassemblés vous et ouvrez un portail sur Ashned. Immédiatement !

Son ton brusque eut l'effet escompté. Les hommes réagirent rapidement en demandant l'aval des portes. Ces derniers représentaient les gardiens de l'Institut des Enchantress de Londres. Ils filtraient les entrées et les sorties en interne comme en externe. Rassemblés au centre de la pièce, les huit paumes élevées recitèrent en cœur :

- Ashned, dimension sacrée, tes serviteurs demandent à te rejoindre. Entend notre évocation, réalise nos souhaits.

Un léger courant d'air, et un tourbillon s'élèva du sol en tourbillonnant de plus en plus vite. Le lit de Ty bougea au même moment, franchissant les entrailles du portail qui disparut presque aussitôt.

- Enchantress, aller faire vos rapports et reposez vous. Le pire a été évité.

S'inclinant respectivement à tour de rôle, les Enchantress s'effacèrent de la pièce, certains avec des remords dans le cœur, quant aux autres une tristesse affligeante dans l'âme. Poslim n'interrogea pas leur départ, mais se précipita immédiatement à l'intérieur de l'infirmerie en se dirigeant droit sur la potionniste qui s'épongeait le front. Veolia s'interposa immédiatement en baissant les yeux sur la lame qu'il tenait.

- Où se trouve-t-il ?

Veolia se rapprocha, dissimulant au passage la soignante nouvellement affairée à ramasser des éclats de verre. Elle lui caressa le bras en lui murmurant quelques mots réconfortants pour quelques peu atténuer la colère qu'il laissait imploser. 

- Tout doux Poslim, regarde moi. L'Imperhatrice a ordonné qu'on envoie Ty sur Ashned, il est hors de danger. Maintenant, il faut que nous allions nous reposer, cette nuit a assez été éprouvante. D'ailleurs, Ty ne serait pas heureux en découvrant ta tête de serial killer tu sais.

- Je ne ressens plus sa présence.

Sa voix était chevrotante, elle vacillait comme une flamme qui désespérément essayait de s'éprendre du vent.

- Tu es trop nerveux, voilà pourquoi tu n y arrives pas. Croit moi, il est hors de danger. Trois jours, voilà tout ce qu'il faudra pour qu'il se rétablisse de cette chute brutale d'énergie. Tu le sais très bien qu'à chaque manifestation de son double, il subit un coma et que la seule façon de réussir à le faire reprendre connaissance, c'est de l'emmener à Ashned.

Elle lui tira la main sans même qu'il n'ait eut à hocher la tête. Ces pas suivirent les siens jusqu'à sa chambre. Dans l'obscurité ambiante, deux bougies brûlaient sur le sol et s'évertuaient à limiter la noirceur dominante. Elles dégageaient des parfums de lavande que Poslim inspira à grande goulée en se laissant déposséder de sa tenue de combat. 

- Je sais ce que tu ressens tu sais, alors laisse moi te venir en aide.

Poslim desserra sa prise autour de l'épée qu'il refusait jusque là de lâcher. Dans son état actuel, il était incapable de la sceller dans son bras.

- Tu as besoin de te détendre au risque de blesser quelqu'un.

Poslim retint son souffle en caressant la chair qu'on lui présentait nouvellement. Veolia venait de faire sauter la barrière qui dissimulait ses seins. Magnifiquement galbée, ces jumelles étaient proportionnelles aux larges paumes qui hésitaient dans leur démarche.

- Et si on s'envoyait en l'air ? Tu crois que cela te délivrerait de ta folie meurtrière ? Plaisanta cette dernière en envoyant valser le reste de sa tenue dans un coin de la pièce.

Poslim demeura silencieux en observant le corps gracieux qui l'avait repoussé dans le lit. Il était fortement troublé par cette proximité qu'il avait plusieurs fois imaginer, mais la colère qu'il ressentait l'empêchait de le signifier proprement. Veolia rapprocha ses lèvres des siennes avant de lui sourire, la pointe durcie de ses seins frôla la chair délicate de la poitrine masculine. Elle le renifla, glissa sa main de sa gorge jusqu'à son entrejambe. Poslim retint son souffle en serrant les poings.

- Est-ce que tu as envie de moi ?

Il lui répondit par un gémissement modéré. Elle venait d'introduire sa main dans son jean.

- Alors, laisse moi faire, je te promets que cette nuit sera magique.

Salut ! Nouveau post, bien ancrés dans le monde des Enchantress, les mystères tombent à tour de rôle même si les infos sur les Impéhratrices sont limite fades... Rappelez-vous qu'il y en a deux et que chacune à un rôle précis, elles sont les protectrices de l'espèce c'est à dire garantes des Enchantress faudra attendre un peu pour en savoir plus.
On en sait un peu plus sur les Oris grâce au grand retour de Cellia.

Ty est très mal en point avec son double qui a utilisé une technique interdite, vous vous en souvenez ? J'espère que le final hot avec Poslim et Veolia vous aura plus...

Ashned: l'île de formation des Enchantress, Ty s'y était déjà rendu après la possession de Cellia par le pendentif.

Sur ce, otsukaresama deshita !

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