En Correction

Des perles de lumière se réfléchissaient sur son front, dans la lueur aveuglante du soleil de midi. Le regard perdu dans le vague, la peau devint soudainement rouge d'angoisse. Ty traversa la rue et se retint de tomber grâce au réverbère sur lequel il posa la main. Quelque chose n'allait pas. La ville était trop calme, quand même le son de sa propre pensée ne lui parvenait plus. Le brouhaha quotidien avait laissé place à un vide effrayant. Phénomène inhabituel, son corps tremblait partagé entre la vision et le cauchemar qui s'inscrivait dans son esprit.

— Monsieur, vous allez bien ?

Son corps, sa maîtrise pensa Ty avant de s'affaler sur le sol, les paupières à demies closes. Son corps se vidait de son énergie.

— Monsieur, vous allez bien ? Répéta une seconde fois l'homme qui semblait s'affairer autour de lui.

Qu'est-ce qui se passait ? La terre tournait trop vite sous lui. Ces membres étaient devenus si lourds qu'il n'arrivait plus à les bouger. Lorsqu'un éclair de lucidité le traversa, Ty hurla le prénom de Cellia en tremblant. Ce n'était pas le moment ! Cette vision s'était transformée en cauchemar provoquant une nouvelle crise inattendue. Dorénavant, ses mains brassaient l'air en essayant de virer celle qui s'afferaient autour de lui, le sang affluait jusqu'à la marque sacrée, la rendant si brûlante qu'il hurla de nouveau, le corps éprouvé par une seconde vague de souffrance. Lorsqu'il eût l'appel décisif d'une ambulance, Ty sembla reprendre ces esprits avant de replonger dans un état de demie conscience. Non, il ne pouvait pas risquer de se faire embarquer, il fallait qu'il bouge et vite. Puisant au plus profond de lui-même, dans les forces qu'il arriva à mobiliser, il essaya de s'appliquer une infravernut avant qu'une aiguille ne vienne lui chatouiller l'intérieur de l'avant bras.

Il s'agissait d'un tranquillisant, ce connard essayait de le droguer.

— Tu n'as plus le choix, se sera à moi dans quelques instants.

Cette voix, grimaça Ty en remarquant l'auditeur mystérieux qui se payait une diatribe au tréfonds de son âme. Une fois de plus, son double s'était joué de lui. Profitant du tumulte que faisait régner la vision, il avait réussi à fragiliser son hôte. Un nouveau sentiment d'impuissance écrasa Ty de tout son poids, avant que celui-ci ne perde définitivement connaissance. Le double ou l'Esphrit était un être à part entière, mais sans condition physique véritable. Il était plus une substance spirituelle qu'autre chose. Lié à Ty, ce dernier lui faisait profiter de ses pouvoirs quand Ty lui assurait une enveloppe physique suffisamment forte pour le contenir. Le double était une entité magique qui faisait de l'Enchantress un être particulier doté de capacités incroyables. Aussi, la volonté qui l'animait en ce moment et encourageait le double à défier son hôte n'était que l'appel de la lune de sang, la saison qui fragilisait les protections internes de Ty et redonnait vie à l'Esphrit.

Le double fit craquer les articulations de son cou, puis courut vers la sortie qui se profilait peu à peu à l'horizon. Lorsque la lumière eut noyé sa peau, il disparut dans une pluie d'étincelles, une moitié de sourire sur le visage.

Malheureusement pour le corps drogué, la réalité fut brutale. Sous la nouvelle impulsion, le corps s'étira dans l'air. Il était bandé tel un arc à son maximum, les muscles recevant l'énergie du nouvel arrivant. Les veines violacées recouvrèrent la peau qui palissait à vu d'œil, lorsqu'un nouveau cri calma les ardeurs des soignants improvisés. Le corps s'anima davantage, se releva plus droit qu'un piquet, la tête demeurant baissée avec des bras pendant dans le vide à la manière d'une marionnette désarticulée. Le cou craqua de gauche à droite et le double révéla des yeux couleur charbon où des étincelles grises semblaient danser.

Yseult prit une longue et profonde inspiration en scannant les environs. Il avait réussi à congédier son hôte et pour l'instant, ce dernier se contentait de dormir dans ces nouveaux quartiers. Humant l'air une troisième fois, Yseult sourit froidement au soignant qui tenait une seringue vide, la tête bourrée de questionnement. Comment un homme pouvait survivre à la dose de calmant qu'il venait de lui administrer ?

Pluie d'étincelle, infravernut lumira, fut l'unique réponse que l'Esphrit accorda après s'être détourné. Par la suite, le vent le porta comme il le lui avait ordonné et il disparut aux yeux de tous. Les hommes à leur tour penauds, clignaient des paupières en s'observant. Que faisaient-ils attroupés sur le sol ? La réalité leur semblait soudainement alterée, modifiée, voire inaboutie et ces migraines qui commençaient. Yseult observa dans le brouillard certaines préoccupations humaines. Le soignant qui l'avait aidé plus tôt, pressé d'aller rejoindre son chien et sa bouteille de whisky pour trinquer aux joies du veuvage et de la solitude. Son âme était recouverte d'un voile gris qui brillait par endroit, le salaire de la douleur et son état empirait à mesure qu'il appelait la mort. Yseult lui jeta un dernier coup d'œil en disparaissant derrière le portail invoqué.

Devant le double, la porte s'ouvrit sans pression. L'intérieur révéla un salon qui se rangeait sous la puissance d'une main masculine, un tablier aux effigies d'un animé connu noué autour de la taille, mais retenu autour du cou. Le spectacle troubla légèrement Yseult, cette tâche n'était pas commune aux êtres tels que lui. Yseult contourna la ménagère improvisée. Il monta les différentes marches pour rejoindre la chambre de Cellia. La porte s'ouvrit pour révéler des bas paillettés qui se balançaient lentement. Les bras croisés sur sa poitrine, Yseult observa le second double qui continuait de feuilleter son magazine.

Son iji en main, il la soupesait adossé contre le mur. Peu à peu, l'air s'électrisa dans la pièce et un sourire espiègle révéla une dentition féminine parfaite. Spiritha releva la tête pour la première fois, jaugeant le nouvel arrivant qui ne semblait malheureusement pas la craindre. Pourquoi le devrait-il d'ailleurs ? Ils étaient identiques, composés des mêmes attributs et ressources magiques. Ils étaient frères et sœurs de pouvoir.

— N'essaie même pas, lui sursurra-t-il en atterrissant en face d'elle. Tu pourrais le regretter et tu m'exciterais pour rien.

L'effet de surprise eut raison du second Espriht qui clignait un peu trop vite des paupières, mais joueuse, elle s'assit en face de lui, une main soutenant sa joue gauche. Elle caressa ses lèvres du doigt sans toutefois détacher son regard du sien. Yseult suivit le geste du regard, la mine froncée, car légèrement troublée. Elle essayait par le lien qu'ils partageaient d'avoir l'ascendant sur lui. Il sourit en réponse et immobilisa la main qui essayait de se faufiler à l'intérieur de son blouson.

— Assez !

Sa voix gronda impétueuse et Spiritha se détourna en lui présentant son dos.

— Nous nous sommes déjà rencontrés, feula Spiritha, tu me semblais moins inaccessible.

Yseult la tête d'un côté puis referma les doigts autour du cou fin qu'elle observait devant le miroir. Sa prise qui était légère, s'affermissait insidieusement.

— Ton hôte mourrait. Tu appelais à l'aide. Cela ne fait pas de moi ton égale ou ton amant.

Yseult la projeta contre le mur où elle atterrit à quatre pattes sur le papier peint. Elle maîtrisait la gravité, c'était déjà pas mal pour un débutant.

— Assez plaisanter. Rend là moi.

Spiritha jaugea encore son adversaire en quittant son pied d'estale improvisé. La prévoyance de Ty l'avait bluffé. Il avait limité ces options d'exploration au périmètre défini par la chambre de Cellia. Et le pis, elle se retrouvait en face de l'essence de son pouvoir qui était près à la renvoyer manu millitari. N'étant pas au summum de ses capacités actuelles, une attaque préméditée lui vaudrait une correction des plus douloureuse. Il le lui avait bien fait comprendre en la projettant de l'autre côté de la pièce.

Dans son esprit, un brouhaha incessant de mots s'entremêlait formant un chaos censé accoucher une idée de génie qui ne venait malheureusement pas. Hors, l'impatience commençait déjà à redessiner les traits de son adversaire qui observait le paysage limité qu'offrait la fenêtre. Spiritha remisa encore une fois sur ses pensées. Ces dernières se bousculaient, s'entrechoquaient en pesant le pour et le contre de sa nouvelle perspective, attaquer. Une mission suicide qui lui causerait du tort quand la solution la plus évidente lui laisserait un goût de bile sur la langue. Oui, rendre les armes aussi vainement allait la tuer, mais elle prendrait sa revanche.

— Veille bien à ce qu'elle le signe proprement, ordonna-t-il en refermant la fenêtre.

Spiritha laissa échapper un soupir. Il était si las. Elle rejoignit le lit. Elle joignit ensuite les paumes et disparut presque aussitôt. Le corps de Cellia s'affala sur un oreiller.

.☆.

Cage dorée...

Le corps accroché aux barreaux dormait d'un sommeil léger, mais détecta la nouvelle arrivée d'un coup de battement de cil inquiet en se relevant maladroitement.

Spiritha, la tête haute rejoignit son lit en baillant. Elle évitait de constater la présence de l'hôte dans ses quartiers. Les yeux grandement ouverts par contre, la concernée observait les moindres faits et gestes du double sans oser s'exprimer. En effet, ce qui lui paraissait incroyable ne l'était pas forcément pour l'Esphrit. La magie avait toujours existé, nombreuses sociétés s'étaient battues pour l'apprivoiser et la conserver, ce fait se perpétuait aujourd'hui encore grâce aux Enchantress, fin de l'histoire.

Dans son lit, Spiritha repensa à son altercation d'avec Yseult, jamais elle n'avait pris la fuite devant aucun adversaire, pas même devant les Nocturnz et leur barbarie légendaire. Elle les avait combattu, reconduit en enfer où ils devaient s'amuser avec leur roi sadique. L'ironie de sa pensée la fit sourire pour elle-même, quoique brièvement. Höle était un endroit magique d'expiation, plein de démons et d'expians, non pas de créatures magiques luttant contre leur nature démoniaque comme cette réalité semblait vouloir le faire croire. Ces créatures abjectes méprisées par sa race de magicienne n'avaient rien d'humain et l'oublier risquait de vous préméditer dans les abîmes du royaume de Tefeul. A cette pensée, Cellia frémit en se recroquevillant sur elle-même. La fille qui lui ressemblait était dans sa tête, elle l'entendait réfléchir et appeler des souvenirs pour le moins terrifiants. Spiritha jeta un coup d'œil dans sa direction, avant de lever les yeux au ciel. Elle claqua des doigts. Le premier claquement fit apparaître un morceau de parchemin de même qu'une plume. Le second quand à lui eut pour effet d'ouvrir la porte de la cage dorée.

— Je te conseille de le signer et de t'en aller avant que je ne change d'avis, déclara sèchement Spiritha en détournant le regard.

Se risquant à s'avancer vers les éléments flottants, Cellia frotta ses mains devenues trop moites sur ses jambes. Ensuite, elle caressa le papier en n'arrêtant pas de se répéter que toute cette mascarade n'était qu'un grotesque rêve. Elle allait signer, s'extraire de ce mirage et se réveillerait comme à chaque fois dans son monde. Cette fois-ci, elle suivrait le conseil de son petit-ami et consentirait à demander de l'aide. Agacée par les bêtises que conférait l'hôte, Spiritha tapa du pied pour attirer son attention.

— Nous ne sommes pas dans un putain de rêve ! Je ne suis pas ton inconscience mais la troisième voix, celle de l'âme. Tu es un putain d'Enchantress et en signant ce fichu papier, tu t'engages à prendre part dans une guerre contre les esprits maléfiques du monde. Il y a ton guide qui t'attends là haut dans ta réalité comme tu aimes l'appeler, alors dépêche toi de foutre le camp avant que je ne laisse ma colère éclater pour de bon !

Au plus profond de son être, Cellia analysa ses paroles, son cœur tembourinant dans sa poitrine à la façon d'une athlète en plein marathon. Elle avait besoin de reprendre son souffle devant des vérités pour le moins assommantes. Les souvenirs que lui passaient son double étaient irréels. Elle se voyait dans cette fameuse ruelle s'attaquant à un trio d'homme après avoir été comme frappée par la foudre. Des réponses qu'elles n'espéraient plus lui brouillaient l'esprit en la visitant. Ty avait été présent sur les lieux. Pis, il avait participé à la bataille et prodiguer des soins qui avaient failli lui coûter la vie.

Des émotions multiples l'accablait au fur et à mesure qu'on lui restituait ses souvenirs. Spiritha l'observait attentivement en ruminant. C'était la seule solution pour l'obliger à véritablement saisir la gravité de sa future mission. Tous les remerciements devront être adressés à Yseult, le meilleur enfoiré de la planète. Cellia transpirait désormais en sentant un léger vertige l'emporter. Spiritha réagit en faisant apparaître un coussin qui l'accueillit avant qu'elle ne s'écrase sur le sol. Dans cette dimension, une règle d'or avait été transgressé. L'hôte et le double ne pouvaient pas subsister dans cet espace, pas avant qu'elle ait signé le fameux parchemin qui continuait de flotter sous son nez.

Elle devait donc le signer au risque de perdre son corps physique de manière définitive. La remarque fit tilté son cerveau non sans que le peut-être qu'il s'agissait d'un rêve continuait de souffler. Il fallait bien qu'elle s'accroche à quelque chose le temps de digérer toute ces révélations-vérités. Les doigts tremblants se refermèrent donc autour de la plume qui provoqua l'apparition d'une série de lettre qui lui parlait malgré l'étrangeté de leur assemblage. La plume forma la signature dont l'encre n'était qu'en réalité le sang de l'hôte. Une alliance prématurée venait d'être signée. Qu'en sera-t-il du coût et des sacrifices d'entretien ? Y aurait-il un retour en arrière possible ? Ces mystérieuses réponses gravitaient autour de l'hôte qui disparaissait progressivement de son coussin de velours.

Hello ! Belle surprise en cette matinée froide et pluvieuse ! G.G revient vous bouleverser avec ces mystères pour mon plus grand plaisir !

Je connais mes lecteurs fidèles, mais je sais qu'il y en a plein qui me lisent en mode ghost^^
Merci à vous tous de soutenir le livre !

Bonne lecture !