CHAPITRE V : LE PENDENTIF

Londres, quelques jours après le rituel sacré.

Connaissez-vous l'histoire de Londres ? Cette ville vieille de plus deux mille ans comptait à ces jours plus de huit millions sept cent quatre-vingt-huit mille habitants. En plus d'être attrayante, elle représentait désormais une destination privilégiée. Cellia était tellement excitée à l'idée d'y être que maintenant qu'elle y était, elle n'arrivait véritablement plus à tenir en place. Loin d'être aussi rustique que sa ville natale, Londres lui donnait envie de tout voir et de tout découvrir.

Sa poussée quasi-immédiate de curiosité l'a fortuitement conduite chez l'unique antiquaire du marché de Camden sur Pike place Market. Une aubaine pour sa personne avide de connaissances. Camden la plupart du temps était dédié aux fleuristes, marchands de fruits et autres choses qui ne l'intéressait guère. Cependant, elle aimait l'atmosphère qui y régnait, les odeurs qui se dégageaient des plats qui cuisaient dans les énormes fourneaux à l'air libre, les petits cafés et leur terrasses chaleureuses à n'en point finir. C'était Londres et elle aimait ce soupçon de vie conviviale et animée qui différait de la bourgade dont elle était originaire.

- Londres a du charme et ce charme s'est inexorablement répercuté sur ses habitants au fil du temps. La plupart des personnes qui y vivent sont de nature ouverte et très chaleureuse. Vous allez vous y plaire jeune fille, lui avait affirmé le vieux Charles lors de son premier passage dans sa modeste boutique d'antiquités à Camden.

Il avait eu raison. Cellia se plaisait tellement dans cette ville malgré le léger froid du jour qui l'avait contrainte à ressortir son manteau. Elle n'eut aucun mal à retourner flâner du côté de Camden pendant toute l'après-midi. Soudainement muée par l'envie irrépressible de faire bonne impression aux côtés de ses amis, elle s'arrêta brusquement devant l'enseigne d'un salon de coiffure. Elle repoussa la porte d'une main énergétique et fut accueillie par un jeune homme au sourire chaleureux qui l'a mis tout de suite à l'aise.

- Bonjour et bienvenue mademoiselle. Approchez, je promets que je ne vous mordrai pas.

Elle sourit face à son léger humour, s'avança jusqu'au siège qu'il venait de tirer puis s'y assis.

- Vous êtes ma première cliente de la journée et je dois bien avouer que c'est la première fois que je vois quelqu'un avec d'aussi jolis cheveux. Qu'aimeriez-vous comme coupe mademoiselle ? Lui demanda-t-il en passant ses deux mains dans sa chevelure.

- Je ne sais pas trop, répondit Cellia pensive en le fixant à son tour dans le miroir. J'aimerais changer de couleur de cheveux et si possible avoir un peu plus de volume.

- Avez-vous une couleur en tête ? Le rouge vous irait bien. Un rouge sombre mais brillant, ce serait dommage de couper ces magnifiques mèches mais un carré serait parfait avec la forme de votre visage.

- Je vous donne carte blanche dans ce cas.

Les yeux du coiffeur s'illuminèrent et Cellia le laissa se concentrer sur son travail. D'une habilité experte, il était complètement à l'aise avec ses lames de ciseaux. Cependant, lorsque Cellia vit ses mèches glissés sur le sol, elle fut frapper par une dose de mélancolie qui l'abandonna le regard brillant. Elle les gardait depuis si longtemps que s'en était presque douloureux. Le coiffeur lui pressa l'épaule et elle sourit lorsqu'il lui fit un clin d'œil. C'est alors que doucement Cellia se détendit et réussit même à s'endormir.

A son réveil, ses doutes se dissipèrent entièrement. Sa nouvelle coupe était presque terminée mais assez réussie. Quelques légères retouches et enfin, elle put se contempler à l'image d'une princesse dans le miroir. Comme il le lui avait signifié plus tôt, la nouvelle coupe qu'elle arborait correspondait parfaitement à la forme de son visage. Sa nouvelle coloration quant à elle lui donnait une allure différente. Cellia n'était plus une adolescente mais une presque femme prête à croquer la vie à pleine dent. Ainsi, l'époque de la fille timide, empotée et peu sûre d'elle venait d'être révolue. Sourire béat, elle régla ce qu'elle devait et s'en alla.

Cellia se sentait légère, hyper belle et sexy. En effet, plusieurs hommes se retournaient sur son passage pour soit l'admirer ou lui sourire. Ce phénomène était totalement nouveau pour elle et malheureusement elle ne savait pas comment réagir. Devrait-elle leur sourire, mieux leur retourner leurs nombreuses œillades ? Le faisait-on lorsqu'on était déjà engagé dans une relation ? Zut ! Et puis non, son assurance dégringola de quelques étages et perdue dans ses pensées, elle finit par bousculée une vieille dame au chignon gris.

- Oh, fit-elle la mine contrite, je suis vraiment désolée madame.

La vieille dame ne lui jeta qu'un bref coup d'œil avant de continuer sa route comme s'il ne c'était rien passé. Sur le coup, Cellia en resta complètement interdite. Elle récupéra son téléphone qui trônait dorénavant sur le sol avant de remarquer pour la première fois la chaîne à ses pieds. Elle se mit aussitôt à scruter la foule environnante.

Trop tard, la vieille dame à qui le bijou devait sûrement appartenir avait déjà disparue. Aussi, Cellia se concentra sur le pendentif en forme de lune et de soleil et qu'est-ce qu'il était beau !Comme sous l'effet d'un charme puissant, la sublimité du bijou la percuta si fort qu'elle en eut le souffle coupé. En effet, elle n'en avait jamais vu de pareil. La magnificence du bijou lui communiquait une joie si intense qu'elle en fut troublée. Elle le rangea précautionneusement dans l'une des poches de son manteau désormais prête à rejoindre son avant dernière destination, la boutique de Charles.

- Bien le bonjour Charles. Comment allez-vous ?

- Cellia ! Est-ce bien toi ? J'ai bien failli ne pas te reconnaître, qu'est-ce-que tu es belle ! Je suis si heureux de te revoir, alors, qu'est-ce qui t'amène aujourd'hui ? Et j'avais dit, pas de vouvoiement !

Cellia rougit puis sourit.

- Vous, enfin je veux dire tu avais raison à propos de Londres, répondit-elle en rougissant de plus belle, cette ville est vraiment merveilleuse. J'ai cependant trouvé ceci au sol, peux-tu me renseigner sur le motif de ce pendentif ? J'avoue qu'il m'intrigue assez.

Charles observa minutieusement le bijou qu'elle venait de lui tendre. Il réfléchit un petit moment avant de déclamer le regard pétillant:

- Je crois bien que je connais une petite légende à ce propos.

Les yeux de Cellia s'illuminèrent à leurs tours. Elle observa l'antiquaire contourner son comptoir pour ensuite disparaître derrière une série de caisses. Le magasin de Charles faisait un peu tâche dans le décor du marché. En effet, c'était l'une des raisons pour laquelle sa boutique attirait bon nombre de curieux. La devanture était constituée de tout ce qu'il y avait de plus banale. Un assortiment de petits pots de fleurs, une pancarte marron proéminente où était inscrite en lettres capitales "BIENVENU(E)S CHEZ L'ANTIQUAIRE CHARLES", des bibelots entassés çà et là composés de meubles anciens, de statuts difformes et usées, de masques africains et d'autres babioles qu'on ne saurait qualifier d'une part pour leur grossièreté et d'autre part pour leur inutilité.

Un bruit sec provenant de l'arrière-boutique la fit sursauter et Cellia demanda inquiète:

- Tout va bien ?

- Désolé de t'avoir effrayé. J'ai souvent du mal à réaliser que je ne suis plus tout jeune.

- Je peux t'aider tu sais ?

- Ne te dérange pas pour si peu Cellia. Regarde plutôt, je suis sûr que ce parchemin t'aidera à mieux comprendre.

Cellia observa le bout de papier kaki que le sexagénaire déroula avec plus de soin qu'il n'en fallait pour révéler une suite d'écritures anciennes. Ces symboles ne lui disaient pas grand chose. Elle ne les avait jamais vu. Elle reporta son attention sur le collier qui paraissait pour le moins vieillot. Le premier pendentif argenté présentait une forme lunaire. Le second, en forme de soleil avait une belle couleur or où différents motifs gravitaient tout le long du chaînon. Cellia se mit à caresser les deux symboles qui s'enlaçaient à l'infini et eut une sorte de révélation. Comme si ce collier lui avait toujours été destiné.

- Aimerais-tu l'essayer ? Lui demanda-t-il au bout d'un moment.

- Oh fit Cellia toute rougissante et gênée, je ne sais pas trop. Il n'est pas vraiment à moi, tu sais.

- Ce collier t'appartient depuis le premier instant où tu l'as tiré de son règne ennuyeux dans la poussière, plaisanta Charles en se grattant le front.

En fin de compte, il n'avait pas totalement tort. Cellia n'avait véritablement rien à perdre. Elle lui sourit puis toute excitée, releva ses cheveux de sorte à ce qu'il puisse nouer la chaîne autour de son cou.

- Ce collier te va à ravir Cellia, tu ne devrais plus jamais le retirer.

- Que dit la légende à ce propos ? Demanda-t-elle en indexant le bout de papier kaki froissé qu'il avait étalé sur le comptoir.

- Une histoire banale, répondit ce dernier en glissant ses lunettes sur son nez.

- Raconte là moi, s'il te plaît.

- Bien. À une époque lointaine, le monde sous le joug des déesses se retrouva plonger dans les ténèbres. Ténèbres projetées par une créature invoquée par une sorcière tout droit sortie des enfers. Elle apporta dans son sillage désolation, peine et chaos. Pour remédier à cette situation, les déesses convergèrent leurs pouvoirs qu'elles confièrent au guerrier de la lumière. La légende raconte que ce guerrier a réussi par le pouvoir des déesses à vaincre les ténèbres. À ces vieux jours, il forgea ce bijou dans le sang du feu et des lunes sacrées, puis l'offrit à l'un de ses fervents disciples, comme souvenirs avant son départ pour l'autre monde. Pour certains, ce bijou est une sorte de protection, une espèce de talisman capable d'énormes prouesses.

- Je me demande bien quel genre de pouvoir il peut receler, songea la jeune fille en observant le bijou dans le miroir posé sur le comptoir.

- Tu le découvriras peut-être, annonça mystérieusement Charles.

- Ou peut-être pas, sourit Cellia en le regardant brièvement.

Cellia n'était pas une fervente croyante mais elle savait qu'un Dieu existait entre les nuages. En ce qui concernait cette légende, elle l'a trouvait infondée, surfaite voire totalement imaginaire. Ce bout de parchemin n'attestait rien de plus que de l'imagination grandissante des hommes.

Une horde de clients envahit la petite boutique. Cellia proposa son aide à l'antiquaire dont les connaissances sur certains objets et autres babioles semblaient toujours aussi impressionnantes. Après avoir vendu une espèce de renard empaillé à un couple asiatique très traditionaliste, il observa Cellia pendant un court instant avant de se remettre au boulot. C'était bien la première fois que sa boutique accueillait autant de clients et qu'il se faisait assisté d'une demoiselle qu'il qualifiait de rafraîchissante.

- Quelle journée ! Je ne m'en serai jamais sorti sans ton aide. Merci Cellia !

- J'ai vraiment été heureuse de t'aider.

- J'espère bien que tu reviendras me voir bientôt.

- C'est une promesse. Bonne fin de soirée.

De nouveau, Cellia enfila son manteau. Elle échangea une accolade sympathique avec son ami pour ensuite aller se fondre dans la masse d'individus grouillant les rues fraîches de Londres. Elle enfonça ses écouteurs dans ses oreilles, les mains dissimulées à l'intérieur des poches de son manteau. Elle commença à hâter le pas tout en se laissant bercer par la mélodieuse voix de Whitney Houston. Elle avait toujours aimé cette chanteuse dont le grain de voix si pur n'avait aucune limite. Elle trouvait d'autant plus dommage qu'elle soit morte si jeune. Elle qui avait tant de choses à offrir. Brusquement, pour ne pas dire une fois de plus, Cellia percuta un type baraqué pas très sympathique vu le regard mauvais qu'il lui lança. Elle prit peur mais fut outrageusement surprise par les mots qu'il prononça par la suite:

- Vous ai-je fait mal ? J'avais la tête dans les nuages et j'avoue ne pas vous avoir vu, j'en suis vraiment désolé.

- Non, non, bafouilla Cellia sans vraiment comprendre, je vais bien.

En réponse, l'homme lui offrit un sourire chaleureux avant de poursuivre son chemin. Bizarre, Cellia aurait pourtant juré qu'elle avait été celle qui l'avait bousculée en premier. S'agissait-il encore du supposé climat chaleureux des habitants de Londres ? Cellia avait de très gros doutes à ce propos mais finit par les repousser.

Tout ce qu'elle désirait c'était une tasse de thé accompagné de scones. Elle décida finalement de rejoindre le café qu'elle venait de repérer de l'autre côté du trottoir. Elle jeta plusieurs coups d'œil de gauche à droite avant de s'élancer sur la chaussée. Malheureusement, elle trébucha sur un obstacle invisible et s'étala de tout son long sur la chaussée. Une douleur fulgurante se déclara dans son mollet, remonta jusqu'à son genou et Cellia réalisa qu'elle venait de peut-être se fouler la cheville. Elle essaya de se remettre debout mais la douleur était assez forte pour l'en dissuader. Lorsque soudainement, elle se retrouva éblouie, ses mains vinrent automatiquement se refermer sur son visage.

Sa respiration devint difficile de même que les battements de son cœur lorsqu'elle reconnut le bruit assourdissant d'un moteur de voiture. Cellia se retrouvait en plein milieu d'une chaussée avec une cheville foulée face à une voiture qui lui fonçait dessus. La peur lui brûlait désormais le sang en ne sachant pas comment réagir. Elle redoutait l'impact imminent, essaya de rouler sur le côté mais la douleur l'en empêchait. Seul l'une de ses mains restait accrochée au pendentif de son nouveau bijou. La voiture avançait, fendait l'air de sa vitesse surnaturelle, malgré les cris terrifiés des personnes environnantes. Cellia ne savait pas quoi faire. Allait-elle mourir ? Elle ne voyait rien d'autre que les phares qui se rapprochaient dangereusement.

Au plus profond d'elle-même, une minuscule voix extrêmement douce lui signifiait de ne pas avoir peur, tandis qu'une autre moins douce insultait inlassablement le conducteur en réclamant sa mort. Cellia était confuse. S'agissait-il de ses propres pensées ? Si c'était bien le cas, elle ne voulait absolument pas que ce dernier meurt. Elle était l'unique fautive. En effet, elle aurait peut-être dû mieux faire attention. Le conducteur arriva miraculeusement à freiner et la voiture s'immobilisa à quelques centimètres du corps tremblant de la pauvre jeune fille qu'elle était. Les phares s'éteignirent brusquement et plusieurs bruits de pas se firent entendre. Cellia n'était pas morte, on l'aidait même à se relever.

Elle était tellement sonnée qu'elle ne savait plus comment l'on s'y prenait pour parler. Est-ce qu'elle allait bien ? Comment se sentait-elle ? Que pouvait-elle répondre à toutes ces questions improbables ? Elle avait eu beaucoup de chance et décidément ni la tasse de thé ni le scone ne lui faisaient encore envie.

Note de l'auteure :

Chapitre assez long qui introduit un nouveau personnage que j'espère vous aura plus. On découvre ici Londres et un collier au pendentif mystérieux qui va peut-être bouleverser plus d'une vie. Vous l'aurez deviné qu'il s'agissait du collier qui enserrait le grimoire des ombres. Le chapitre suivant traitera plus de la vie d'étudiante et d'amoureuse de Cellia de quoi vous familiariser avec son personnage.

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