CHAPITRE I : WILFRIAD GATHER ET LA S.S

Les deux entités que forment le mal et le bien étant à jamais indissociables, pourquoi intoxiquer vos pensées avec des raisonnements stériles et pencher pour le plus difficile des choix ? Regardez donc autour de vous, ne comprenez-vous pas que réglementer vos actions était stupide ? Se martyriser intentionnellement, quel raisonnement raffinée pour des personnes supposément saines d'esprit. Le chemin du bien, n'engendrait que de la souffrance, des blessures à vifs et un bien trop lourd fardeau à porter.

Wilfriad Gather l'avait appris à ces dépends. Aussi, portait-il en horreur ces incompétents qu'il considérait plus répugnants les uns que les autres. Dans la tortueuse agonie de sa prison où la vie s'évaporait presque de sa chair marquée tant par la faim que par le désespoir, le déclic s'était produit. La petite chose fragile qu'il était ne fut alors plus, le maître qu'il servait écrasé sous le poids d'une hache ensanglantée.

Depuis cet instant, sa vie a pour ainsi dire basculée. Wilfriad a compris la portée de sa mission. En effet, il devait guérir le monde de tout ces êtres faibles sans aucune exception. Aussi pour cette cause, il avait besoin d'un dieu vivant et non pas d'un observateur passif. Le monde recelait tellement de secrets qui attendaient qu'on les soumettent à la lumière du jour. Suffisait d'user de patience, de gratter au bon endroit pour transformer votre vie, comme la sienne l'avait été.

Déterminé, assoiffé de pouvoir, peut-être même déraisonnable, ce dernier poursuivit ses recherches et finit par faire quelques découvertes surprenantes. Les chicksăl, ces caractères spéciaux qui l'avaient intrigués lorsqu'il avait vu le chaman s'en servir sur sa poitrine. Au milieu de ces arbres, de ces fleurs, de ces senteurs, de ce peuple secret qui composaient l'Amazonie, Wilfriad avait appris les rudiments de la magie. Il y aurait sûrement connu une destinée glorieuse s'il s'était conformé au récit de la prophétie. Néanmoins, sa plus grande découverte fut celle de la légende de Gandji, sainte mère du peuple locale. Une sorcière mythique pour le moins particulière qui dans sa majesté glorieuse avait le pouvoir de lui faire accéder à la place qu'il pensait mériter.

Aussi fou que cela puisse paraître, tout ne faisait que se concrétiser. En effet, Wilfriad venait d'hériter du manoir de son père et dans cette demeure, il fit une autre découverte stupéfiante: un pentagramme. Un signe bienvenu du destin qui le confortait dans ses projets sombres mais sensés à sa conscience. Gandji à qui il avait été consacré, l'éclairait. Plus merveilleux encore, elle le guidait en illuminant sa voie. Naturellement, il n'avait pas prié en vain. Il se sentait même béni en s'impatientant pour la suite.

- Monsieur, nous avons du nouveau concernant le pentagramme.

Wilfriad détailla le nouvel arrivant les paumes jointes. Son costume bleu marine était impeccable, sa posture quant à elle demeurait rigide. Ces yeux se promenaient un peu partout, à la manière d'un être qui recherchait une menace à éviter. Wilfriad huma l'air en s'adossant un peu plus confortablement. Son traducteur le craignait et cela suffisait à exciter ses sens.

- Je vous écoute.

- Nous avons les traductions de la première partie des inscriptions. Je ne crains que la deuxième ne reste à jamais illisible, annonça-t-il en caressant sa cravate d'une main hésitante. Voici ce que cette dernière a révélée :

"Seul le sang libère, quand les entités se confondent en une seule chair pour faire ressurgir le secret absolu.

Gardez-vous bien de délier ce qui a été lié.

Qui osera profaner la paix, récoltera la tempête du souffle du dragon.

Ici, repose à jamais les deux entités dont tout oppose et lie à la fois.

Sang, pureté, amour, passion, sauvagerie et apogée constitueront la flamme ultime qui embrasera à jamais le loquet.

La puissance et son joug seront les récompenses ultimes du guerrier."

Wilfriad saisit le dossier qu'on venait à peine de glisser sur son bureau. Il était proche du but, il le savait, il le sentait. Mais que pouvait bien signifier ce message ? Debout, il fît quelques pas jusqu'à l'unique fenêtre ouverte. L'homme tout de gris vêtu observa songeur l'épais manteau noir que venait de revêtir le ciel. S'agissait-il d'un rituel à exécuter ? Il lut et relut le texte, se perdant davantage dans ses pérégrinations mentales. Quel secret recelait-il ? Ce dernier était pressé de le découvrir. Vingt et une heure, la Secret Society devait se réunir dans pas moins d'une trentaine de minutes. Il prit ses clefs de voiture, prêt à rejoindre le sous-sol de l'un de ses hôtels. Il avait une bonne nouvelle à annoncer. Ils étaient proches du but, enfin, lui et sa bande de futurs sacrifiés étaient proches du but.

La froideur était omniprésente dans la pièce. Elle émanait de la petite fissure dans l'un des murs ouest d'où une minuscule source d'eau n'arrêtait pas de goutter. Au plafond, un vieux lustre rouillé grinçait par intervalle irrégulier, quand dans les différents angles, les candélabres de bronze éclairaient d'une faible luminosité certains visages de la petite assemblée. Ces détails conféraient à la pièce une aura sinistre que Wilfriad adorait plus que tout. Dans ce lieu, seul l'être suprême et son second avaient droit à un siège. Ainsi, tout deux les rejoignirent après la prière commune de remerciement à leur sainte mère.

- Bienvenus à vous tous, mes frères, je vous apporte une bonne nouvelle, déclara Wilfriad en souriant. Notre déesse a entendue nos prières et ceci, ajouta-t-il en retirant une feuille de papier de sa poche, n'en est qu'un bref aperçu.

Enthousiastes, chacun des membres lut le contenu avec une délectation non feinte. Contre toute attente, Wilfriad dont les yeux luisaient fortement dans la délicate pénombre s'ennuya de cette attention. En effet, bien autre chose excitait ses sens. Ce soir, il allait communiquer avec Gandji. Aussi, se refera-t-il à son second pour savoir si tout était prêt pour le rituel. Ce dernier acquiesça d'un hochement de tête et fit signe à certains membres qui lui apportèrent l'indispensable. Des bougies noires et rouges, du sang démoniaque et une jeune fille pure furent emmenés au centre de la pièce.

Les bougies disposées autour du couple s'allumèrent, d'un claquement de doigts. Tremblantes, leurs flammes vacillaient de gauche à droite. Elles habillaient la scène d'un délicat soupçon de sorcellerie ancien. Aux différentes extrémités de la salle, les servants s'exécutaient en suivant les directives précédemment étudiées. Ils se tenaient droits, les manches de leurs tuniques repliées sur leurs avant-bras croisés sur leurs torses. Le second quitta alors son siège, sa longue toge derrière lui. Il fit trois pas en avant, puis les bras tendus, il s'inclina révérencieusement en présentant le coussin de velours sur lequel trônait le poignard sacrificiel. Les faces jumelles de la lame comprenaient des arabesques que la lumière réfléchit au toucher du chef de fil. Il s'entailla immédiatement l'intérieur du poignet en psalmodiant.

Le sang de son rouge pourpre coula des mains masculines jusqu'au calice qu'ils portaient nouvellement aux lèvres innocentes. La jeune fille hoqueta à plusieurs reprises en avalant le breuvage qui lui tâcha la commissure des lèvres. Une ligne visqueuse goûta de sa mâchoire jusqu'au sol.

Insensible, le poignard mordit à son tour les poignets féminins. La douleur explosa aussitôt. Elle se répandit brutalement dans le derme en atteignant son apogée dans l'épiderme. Une nouvelle traînée de sang et des cris muets qui n'eurent que pour seul effet visible des larmes qui pleuvaient grossièrement. Wilfriad dans toute sa magnificence n'opposa qu'un ridicule haussement d'épaule en guise de compassion. À la fin de la cérémonie, il comptait user d'un chicksăl différent de celui qui la maintenait immobile pour effacer les plaies qui saignaient abondamment.

Ces paumes se posèrent de part et d'autres du visage de sa victime, puis lentement, il combla l'espace qui les séparait. Son front recouvert d'une infime pellicule de sueur joignit le second qui frémit sous le contact. Désormais, Gather invoquait l'esprit de Gandji. Il lui adressait une prière de révélation, il réclamait sa faveur au dessus de son assemblée.

Au tout début, on entendit des murmures d'une voix si grave que le lieu de culte vibra. La salle se mit à tourbillonner. L'aura présente métamorphosa les bougies en cire liquide odorante. Mystérieux et hérissant, un nouveau mouvement d'air caressait les tuniques rouges. À l'ensemble se mêlaient des vapeurs brûlantes qui s'élevaient des lettres tracées autour du pentagramme. Une fumée noirâtre se dégagea du tout et tourbillonna au-dessus de l'assemblée. Elle se présenta devant Gather qui s'inclina révéremment. Au tour de la jeune fille, sa bouche s'ouvrit d'elle-même. Sa gorge se détendit et elle reçut le corps étranger en se débattant violemment.

Lorsque l'absorption fut terminée, Gather sourit avant d'immédiatement commencer à s'étouffer. Sans crier gare, la possédée l'avait attirée puis unie leurs lèvres. Il tenta de se dégager mais ses membres refusaient soudainement d'obéir. Les mains, de part et d'autres de ses cuisses, Wilfriad tremblait furieusement. Ces dents s'entrechoquaient quoi qu'une douleur cuisante envahissait son abdomen. Il se sentait soudainement saoul en réalisant amèrement sa perte de contrôle. Il tanguait, sa prise sur le sol de plus en plus imparfaite quand cerise sur le gâteau, aucun des membres ne pouvaient lui venir en aide. En effet, pour ce qu'il avait pu constater avant que sa vue ne le trahisse, leurs corps demeuraient encerclés par des flammes d'un camaïeu oppressant.

Pris de nausées, Wilfriad se contorsionna sur le sol. L'esprit, toujours présent dans le corps de la jeune fille se tourna vers lui. Il déchira sa tunique de cérémonie de ses longs ongles griffus qu'il enfonça dans sa chair en tournoyant plusieurs fois d'affilée. Sous le choc, Wilfriad en eut le souffle coupé. Il expulsa le peu d'air que contenait ses poumons en vomissant des caillots de sang. De nouveau, la salle se remis à tourbillonner. Elle entraînait dans son sillage tout les objets de la pièce qui virevoltaient dans un bruit de ferraille métallique.

Comme si son âme se retrouvait éjectée de son enveloppe charnelle, Wilfriad se retrouva dans le jardin de sa nouvelle propriété aux côtés d'une demoiselle timide et d'un homme. Son corps n'était plus meurtrie, il se palpa même en observant la scène, Gandji (à travers la jeune fille) à ses côtés. Dans l'espèce de vision, le couple dont les visages demeuraient dissimulés alla rejoindre le centre du pentagramme. Ils échangèrent un baiser fougueux, au moment où l'eau de la fontaine qui jusque-là coulait paisiblement se teinta en rouge. Peu à peu, ces derniers furent entièrement recouverts par le liquide vital qui se mêla ainsi à leurs ébats passionnés et effrénés. Wilfriad fut brutalement arraché à cet espace, puis projeté dans une autre réalité. Il s'agissait cette fois-ci d'un homme avec un sac en toile beige translucide. Cet homme mystérieux creusa la terre de gestes imprécis. Il enterra son butin avant de lancer un sort puissant qui fit apparaître un pentagramme.

La note de l'auteure :

Ceci est le premier chapitre de l'aventure. Il est assez mystérieux j'avoue mais, aucune inquiétude, avec la suite vous comprendrez mieux.
Votre avis ? Surtout comment pensez-vous que Gather s'y prendra-t-il pour briser le sort ?

La suite dans le prochain épisode.

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