𝟻𝟿. 𝙼𝚒𝚛𝚘𝚒𝚛, 𝚖𝚘𝚗 𝚋𝚎𝚊𝚞 𝚖𝚒𝚛𝚘𝚒𝚛.

Bonsoir, ça-va ? 🕰





(𝖣𝖾́𝗆𝖺𝗋𝗋𝖾𝗓 𝗅𝖺 𝗏𝗂𝖽𝖾𝗈 𝗉𝗈𝗎𝗋 𝗏𝗈𝗎𝗌 𝗉𝗅𝗈𝗇𝗀𝖾𝗓 𝖽𝖺𝗇𝗌 𝗅'𝖺𝗆𝖻𝗂𝖺𝗇𝖼𝖾)



"Je suis invisible comprenez bien. Simplement parce que les gens refusent de me voir."
Ralph Ellison







𝙰𝙲𝚃 𝟿.

👒 𝙹𝚄𝙸𝙽 / 𝙹𝚄𝙸𝙻𝙻𝙴𝚃.





𝟧𝟫. 𝖬𝗂𝗋𝗈𝗂𝗋, 𝗆𝗈𝗇 𝖻𝖾𝖺𝗎 𝗆𝗂𝗋𝗈𝗂𝗋.





Cassie.








J'ai rarement eu un mal de tête pareil.

Mon cerveau pulse dans mon crâne comme s'il cherchait à faire exploser toute ma douleur.

C'est pas juste physique, c'est toute mon âme qui hurle silencieusement qu'il lui manque une partie d'elle.

Je n'ai pas dormi de la nuit, et juste après qu'il a été parti, j'ai fini par vomir ma peine.

J'ai vomi ce matin aussi. C'est comme si mon corps rejetait cette rupture.

C'en est presque drôle. C'est moi l'ai quitté, moi qui ai décidé de me protéger.

Alors pourquoi c'est moi qui souffre au point d'en avoir la nausée ?

Il m'a appelé ce matin, pour le rendez-vous gynécologique, je n'ai pas répondu et j'ai eu horreur de voir son nom « Burri im » s'afficher sur l'écran alors j'ai supprimé son numéro. Mais il m'a envoyé un message, et je lui ai dit que je ne viendrais pas avec lui. Que je prendrais un autre rendez-vous seule. Et si jamais il y avait quelque chose d'important à savoir, je l'en informerais.

Maintenant, il est 20h.

J'ai passé la journée comme un automate, enfermée dans ma chambre à tourner en rond entre mes pensées et mon lit, à retenir des nausées...

J'enfile mon ensemble lululemon bleu, une petite veste et un pantalon de yoga.

Quand je me regarde dans le miroir, la fille que je vois me désespère...

Miroir, mon beau miroir... Dis-moi quand est-ce qu'elle guérira enfin...

Quand est-ce que le sors cessera de s'abattre sur elle ?

Le miaulement de Sherlock à mes pieds m'incite à m'accroupir à son niveau. Je lui caresse doucement la tête et dépose quelques baisers sur son museau :

— T'es bien le seul homme qui ne m'a jamais fait du mal toi...

Il love son crâne contre ma cuisse, après une dernière caresse, je me redresse et prend les clés de ma voiture et de ma maison, mon téléphone et sors de ma chambre.

Je descends rapidement les escaliers mais tout de suite, je suis attiré par le son de la télévision qui résonne dans la maison. En penchant la tête, par-dessus la rembarre, je constate que ma mère est avachie sur le canapé. Une bouteille de vin à moitié vide dans la main. L'odeur me frappe. Je ne savais même pas qu'elle était encore à la maison.

Je pensais qu'elle serait avec tous ces conseillers et Philipe.

Ses iris fixent l'écran de la télévision devant elle. Les chaînes d'informations défilent en boucle et annoncent que les résultats tomberont très bientôt.

Je m'arrête sur les dernières marches. La voir comme ça ajoute un peu à ma peine. J'hésite une seconde à lui demander si tout va bien, mais en me rappelant de notre dispute de la veille, je me souviens qu'elle ne mérite pas mon attention.

Alors mes pas me mènent devant ma porte d'entrée.

— J'aurais aimé que tu ne lui ressembles pas autant...

Je m'arrête net, ma main sur la poignée de la porte. Je tourne la tête vers elle. Pour une fois, elle ne crie pas. Elle ne bouge pas non plus. Son regard semble porter le poids de son épuisement. Et la façon dont elle me scrute me donne l'impression qu'elle voit quelqu'un d'autre à travers mon visage. 

— Tu as les mêmes yeux que lui... 

Je sais qu'elle parle de mon père.

On me l'a répété si souvent quand j'étais petite.

Mais entendre ces mots de sa bouche, sur ce ton brisé, me fait quelque chose que je n'arrive pas à expliquer. Je sens mon cœur se serrer violemment, et malgré moi, je demande, la voix fébrile : 

— C'est à cause de mes yeux que tu me détestes autant... ? 

Elle ne répond pas tout de suite. Son regard se lève au plafond, et pour une fraction de seconde, je crois voir son visage se déformer. Une larme roule douloureusement sur sa joue.

Cette image me fige sur place. Je ne l'ai pas vue pleurer depuis la mort de mon père. Pas une seule fois. 

Et à cet instant, je ne sais pas quoi faire. Je cherche mes mots, et je me rends compte que je suis comme elle...

Face à sa détresse, je suis incapable de lui apporter mon réconfort.

— Ce n'est pas... murmure-t-elle avant de laisser sa phrase mourir.

Elle avale une gorgée de vin directement à la bouteille, comme si c'était plus facile que de terminer sa pensée.  Et je comprends que ça signifie que je n'aurais jamais la fin de cette phrase.

J'aurais aimé insister, mais ce soir ce n'est pas le bon soir. Mon monde est déjà en miette.

Sans un mot de plus, je lui tourne le dos, et disparait dans la nuit.











Il pratiquement 21 heures quand j'arrive enfin chez Nelly.

La route m'a paru interminable, à cause de mes larmes qui m'aveuglaient parfois.

Je me gare un peu maladroitement devant son portail, en montant un peu sur le trottoir.

Quand je coupe le moteur, il me faut un petit moment pour reprendre mes esprits. Mes mains sont agrippées au volant, et j'essaye de calmer ma respiration.

Je regarde une dernière fois ma tête dans le rétroviseur, mais en voyant la taille de mes yeux gonflés, je préfère sortir de mon véhicule. Une brise légère m'accueille, je serre mes bras autour de mon ventre tandis que mes clés tintent à chaque pas.

Je pousse la grille du portail de chez Nelly et marche lentement jusqu'à la porte d'entrée. Mes yeux se perdent sur la façade de sa maison victorienne, imposante avec ses murs de pierre sombre et son toit d'ardoises noires. Dans la nuit, les fenêtres en arche semblent presque m'observer, mais seule la lumière de la salle de séjour est allumée.

Je me poste devant la porte et toque doucement.

Quelques secondes passent. Je m'empresse d'essuyer mes joues avec la manche de mon gilet. Mais Nelly ouvre la porte. Pendant quelques secondes, je ne fais que la fixer. Ses boucles volumineuses encadrent son visage. Pour une fois elle a mis ses lunettes anti-lumière bleu, mais je constate quand même sa fatigue. Elle est vêtue d'un débardeur kaki qui épouse sa silhouette et laisse légèrement entrevoir son ventre, ainsi d'un pantalon en lin ample presque de la même teinte kaki.

À mesure que les secondes passent, son expression passe de la chaleur, à l'inquiétude.

— Cassie, ça va ?

Toute ma retenue s'effondre. J'éclate en sanglot devant elle et je n'arrive même pas à répondre. Mes lèvres tremblent et sans me contrôler je plonge directement dans ses bras. Elle m'enlace aussitôt, et la familiarité de ses bras qui se referment autour de moi me donne un semblant d'impression que je ne tombe pas dans le vide.

— Oh, mon trésor, me chuchote-t-elle avec une douceur infinie et en caressant mon dos, t'as l'air d'avoir passé une sale journée toi.

Je m'entends balbutier un misérable « c'est clair » alors qu'elle entoure son bras autour de moi pour m'inciter à entrer chez elle.

Nelly referme la porte et me guide doucement à l'intérieur de la maison. Je ne vois presque rien autour de moi à cause de mes larmes, mais je distingue vaguement le bois sombre de ses murs et le parquet qui grince sous nos pas. Une odeur familière flotte dans l'air, un mélange de cire et de roses séchées, celle de la maison de Nelly depuis toujours.

On arrive dans le salon, mes yeux croisent le grand tapis aux motifs orientaux et la cheminée. Ça faisait un bon moment que je n'étais pas revenu chez elle, mais presque rien n'a changé.

Nelly m'assoit sur son canapé moelleux, et s'assoit à côté de moi avant de poser ses mains sur mes épaules.

— Calme-toi, Cassie, calme-toi...

Mon cœur n'est pas prêt au calme. Il est incontrôlable et brûle de douleur.

C'est comme si quelque chose en moi mourait à chaque larmes qui s'échappe, et je réalise à quel point je l'aime, Callahan. Avant lui, je ne savais même pas ce que l'amour voulait vraiment dire. Mais maintenant, je comprends : c'est une chose qui vous fait vivre, et qui peut aussi vous faire mourir.

Elle me tend un mouchoir, et j'en profite pour me moucher.

Ça a commencé comme ça avec lui, avec un mouchoir qui m'a valu le surnom de microbe...

J'ai tellement mal au crâne que je rêve de m'endormir et ne plus jamais me réveiller.

Je ne sais pas combien de temps je reste là, à pleurer, mais elle ne bouge pas. Elle reste là, patiente, à mes côtés, et ça me rappelle à quel point, moi je les ai toutes abandonnées...

Les doigts de Nelly glissent doucement sur mon crâne, puis dans mon dos, dans un mouvement apaisant. Je sens qu'elle m'approche d'elle. Ma tête finit par reposer contre sa poitrine, et ses bras autour de moi me donnent l'impression d'être couvé comme un bébé.

— J-je suis désolée, Nelly... je suis désolée.

— Chut... Dis pas ça. Qu'est-ce qui te peine autant ? Tu es angoissée ? 

Je secoue la tête, incapable de parler à cause de mes sanglots.

— Tu veux m'en parler ? Ou tu préfères garder ça pour toi ?

Je renifle, en essayant de reprendre mon souffle, et parviens à articuler :

— C-c'est fini... 

Nelly penche la tête pour me regarder : 

— C'est fini ?

Elle glisse une mèche de cheveux derrière mon oreille :

— Callahan et moi... on... j'ai rompu avec lui hier soir...

Le regard de mon amie se fait encore plus doux, presque maternel pour moi.

— Oh... Trésor...

Elle me pousse doucement pour que je puisse m'allonger sur ses cuisses. Mes larmes continuent de couler. Sa main caresse mon bras. Elle baisse les yeux vers moi, et je vois dans son regard une tristesse sincère. 

— Je suis désolée, Cassie...

Je me souviens que je n'ai même pas eu l'occasion de leur dire que lui et moi étions en couple, parce que le jour qui à suivit notre officialisation, c'est le jour ou le stalker a décidé d'afficher tous nos secrets.

— C'est horrible... Je-j'ai l'impression de mourir.

— Mais non, t'es pas en train de mourir...

Mais c'est tout comme. Je gémis, incapable de contenir la douleur dans mon cœur, malgré ses caresses.

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

J'essaye d'essuyer mes larmes qui reviennent avec abondance puis je lui confie :

— C'est... il m'a menti. Il ment sur trop de choses. Hier, j'ai découvert qu'il avait une fiancée dans mon dos ! Et-et il m'a fait comprendre que sa famille est... bizarre. Ils ne m'accepteraient jamais, parce que je ne suis pas albanaise. Je ne veux plus vivre dans ces mensonges, et je suis presque sûre qu'il ne m'a pas tout dit. 

Un silence s'installe. Nelly ne me répond pas tout de suite, mais je sens sa main se resserrer légèrement sur mon épaule. Elle s'éclaircit la voix puis elle me murmure :

— Je suis sincèrement désolée...

Une boule se forme dans ma gorge, je me sens incapable de retenir tout ce que je ressens.

— Je... j'ai passé le cap avec lui...

Je sens immédiatement une pression sur mon épaule. Nelly me pousse doucement pour que je tourne la tête vers elle.

Ses lèvres sont légèrement entrouvertes et elle relève ses lunettes dans ses cheveux. Dans un autre contexte, je crois que sa réaction m'aurait bien fait rire. Elle ne dit rien, ne me juge pas et attend que je continue.

— Le pire... c'est que je ne regrette même pas. Mais je m'en veux juste de m'être donnée à lui sans avoir eu toutes les pièces du puzzle. Je me sens tellement conne !

Ma voix se brise sur les derniers mots, et ma main cache ma bouche comme si ça pouvait atténuer ma honte. 

— J'imagine bien ce que tu dois ressentir, mais écoute-moi bien. Ça ne fait pas de toi une conne, d'accord ? T'es juste une fille qui aime profondément, tu as peut-être fait confiance à la mauvaise personne, mais ça ne te définit pas.

— Mais comment j'ai pu être aussi naïve, Nelly ? Je me doutais qu'il me cachait des trucs... et j'ai quand même continué.

— Arrête de te blâmer, Cassie. Tu voulais croire en lui, et je sais qu'il t'a donné des raisons de le faire.

C'est vrai...

Il m'a créé un monde dans lequel je me suis sentie en confiance et en sécurité.

Sur le coup, ses mots donnent un peu plus de crédit à ma peine.

— Je pense que ce que tu dois faire maintenant, continue Nelly, c'est de te recentrer sur toi. Et surtout ne plus te blâmer pour ses erreurs. Parce que ce n'est pas toi qui as menti, c'est lui. Tu as fait le bon choix en te protégeant.

— J'ai l'impression que je ne pourrais jamais avancer. Je ne pourrais jamais aimer quelqu'un d'autre que lui. Je pourrais pas... et ça me détruit.

— Tu trouveras de l'amour autre part. Pour le moment, t'es un peu écorchée, mais tu vas te reconstruire, comme à chaque fois. Tu vas traverser ça. Pour le moment, pleure si tu en as besoin, crie si ça te soulage, mais rappelle-toi que tu mérites d'être heureuse. Et ça viendra, je n'en doute pas.  

Je hoche la tête. J'ai sincèrement envie d'y croire, même si, au fond de moi, j'ai le cœur mort et aucun mots ne suffit à le panser.

Elle dépose un baiser sur ma joue, et ce geste, me réchauffe le cœur. Sur le coup, je me sens beaucoup moins seule dans ma détresse, même si je sais que je vais continuer de pleurer pendant un bon moment. Avoir le soutien d'une sœur n'a définitivement pas de prix.

J'essaye de me calmer un peu. Et au bout d'un moment, mes sanglots faiblissent.

Je finis par me redresser et essuie mes joues humides avec mes mains, gênée de m'être autant effondrée. Même si Nelly me regarde toujours douceur.

— Tu sens toujours aussi bon, tu sais ? je lui murmure timidement.

Elle a son petit rire adorable qui m'a tellement manqué. Que mon cœur se réchauffe en l'entendant.

— T'es un amour, merci, Bella Swan.

Je sens mes lèvres s'étirer en un vrai sourire, même s'il est léger, il est sincère.

Mais ce moment de légèreté s'efface rapidement quand je regarde autour de nous.

Je me rends compte que la maison de Nelly semble vide. Je me souviens encore d'à quel point sa mère tenait à la décorer, aujourd'hui, il n'y a plus de tableau, plus de livres dans l'immense bibliothèque. Il manque des meubles, l'immense globe terrestre qui trônait près de la cheminé...

Le salon paraît... abandonné. 

Il ne reste que le canapé sur lequel nous sommes assises, une vieille armoire vide dans un coin, ce tapis... 

Je fronce les sourcils en me tournant vers Nelly. Je n'ai même pas le temps de poser la question qu'elle me dit avec une tristesse profonde dans le regard :

— Mon père avait hypothéqué la maison... 

Je sens mon cœur se contracter. 

— Vous...

— J'ai reçu la mise en demeure le mois dernier... La banque va finir par saisir la maison demain. C'est ma dernière soirée ici, avant de rendre les clés.

J'ai l'impression de me prendre une gifle phénoménale. Ma gorge se noue, mais je refuse de pleurer alors que sa peine doit être immense. La culpabilité m'écrase tellement que je détourne le regard. 

—  Ça, ce n'est pas de ta faute. Mon père buvait bien avant que ce stalker fasse ce qu'il a fait. Ça fait longtemps que j'essaie de nous redresser financièrement.

Mais je n'arrive quand même pas à me défaire de cette culpabilité. Même si elle dit que ce n'est pas ma faute, je sais que tout a empiré à cause de ce qui nous est arrivées. Parce que mes putain de problèmes ont éclaboussé tout le monde. 

— Tu peux venir vivre chez moi, je lui dis précipitamment. Mon lit est assez grand pour nous deux, ou il y a les chambres d'amis.

Je sais que ça sonne ridicule, mais je ne peux pas m'empêcher de proposer. Je ne veux pas qu'elle ait à porter tout ça seule et à ce stade, je suis prête à me battre contre ma mère pour qu'elle laisse Nelly venir chez nous.

Mon amie me sourit tendrement en passant sa main dans mes cheveux.

—Je sais, merci, Bella Swan. Mais ne t'en fais pas, j'ai trouvé un endroit.

— Où est-ce que c'est ?

— Euh... C'est un peu loin du centre.

— Je pourrais te rendre visite. J'ai une voiture maintenant.

Un nouveau petit rire lui échappe en même temps qu'elle jette un coup d'œil vers la fenêtre qui donne vu vers le portail. Je suis son regard et voit cette Volkswagen.

— J'ai vu ça, félicitations, Cassie ! me dit-elle avec enthousiasme. Mais tu t'es garée n'importe comment sur mon trottoir.

Sa taquinerie me provoque un petite rire qui sort sans que je réalise, elle aussi se met rire. Et ce simple moment me donne l'impression de respirer juste une seconde.

Quand nous retrouvons notre calme, je me décide à lui demander :

— Alors... comment va ton père ?

Son expression joyeuse disparaît presque instantanément. Elle soupire et s'affale un peu sur le canapé.

— Il suit sa cure de désintoxication... mais ça ne lui réussit pas tellement.

Je ressens un pincement au cœur en l'entendant parler de son père de cette façon. Parmi toutes les Stardust, Nelly était celle qui avait la meilleure relation avec ses parents. Ce revirement est déchirant.

— C'est déjà bien qu'il ait commencé. Peut-être que ça prendra le temps que ça prendra, mais au moins il essaie. J'espère qu'il guérira.

Elle essaye d'acquiescer mais j'ai l'impression qu'elle n'y croit déjà plus.

— Et... ta maman... Tu as du nouveau ?

Ses épaules se tendent à la mention de sa mère. Son expression se décompose cette fois-ci et je peux lire la douleur qu'elle cache dans son cœur.  

— Je continue de la chercher, m'explique-t-elle, les yeux brillants. 

Je m'assois un peu plus droite, pour masquer mon inquiétude pour elle. 

— Quelles informations tu as pour le moment ?

Elle joue nerveusement avec un bracelet autour de son poignet et prend une profonde inspiration avant de me répondre. 

— Je ne suis sûre de rien, mais je crois que son dernier déplacement, c'était un vol pour l'Afrique du Sud... Je dois vérifier avant de faire quoi que ce soit. Et comprendre ce qui l'a motivée à nous abandonner.

L'Afrique du Sud ?

Je sais que ses parents se sont rencontrés là-bas, son père y est né, tandis que sa mère venait de Londres pour un séjour.

Je m'interromps dans mes pensées lorsque Nelly brise le silence.

— Parfois, je me dis qu'elle avait peut-être des secrets qu'elle ne pouvait pas nous avouer. Je sais pas j'essaye de me trouver des raisons...

Je sens bien que ça la ronge même si elle tente de le cacher. Je m'approche d'elle et dépose ma main sur la sienne. Je ne suis même pas sûre de savoir quoi lui dire.

Quand un parent abandonne son enfant, quel mot sont juste pour lui rappeler qu'il a tout de même de la valeur... ?

— Peu importe ce que tu trouveras, ce n'est pas ta faute.

Ses mains tremblent légèrement sous les miennes. Ses lèvres bougent comme si elle allait parler, mais aucun son ne sort au début. Puis, elle lâche enfin :

— Ou... elle ne nous aimait tout simplement plus.

Sa voix brisé me brise le cœur.

Je la comprends si bien...

— Je refuse de croire ça. Je me souviens de ta mère, et je ne peux pas croire une seconde qu'elle a juste cessé de t'aimer. Peut-être qu'elle était dépassée, ou qu'elle ne savait pas comment gérer sa vie... Je n'en sais rien, mais ne pense pas ça tant que tu ne l'as pas retrouvé...

Ses yeux se relèvent vers moi, elle retient de toutes ses forces des larmes. Je refuse de pleurer moi aussi, même si ça me fait encore plus mal de savoir qu'elle porte tout ça seule. 

— Si tu veux aller en Afrique du Sud pour chercher des réponses, je viendrai avec toi. De toute façon... on est toutes déscolarisées et sans emploi... pour ma part.

Elle me fixe, et il y a un moment de silence.

La situation est dramatique, et pourtant, après ma réflexion, nous explosons littéralement de rire face à nos vies catastrophiques.

Entre rire nerveux et de soulagement, je crois que ça fait du bien de se dire qu'on n'est pas seules dans ces problèmes.

— On ne devrait pas rire... articule Nelly en secouant la tête pour atténuer son hilarité. 

Je m'enfonce dans le canapé, en croisant les mains sur mes cuisses, un petit sourire toujours sur mes lèvres. 

— Sérieusement, qu'est-ce qu'on a vécu cette année...

Nelly s'enfonce à son tour dans le canapé.

— Un enfer... je crois.

Je hoche la tête. Et au même moment, le bruit de la sonnerie retenti dans toute la maison, nous faisant sursauter toutes les deux.

Nelly se lève rapidement. Je me redresse un peu sur le canapé.

Mon amie disparait dans le couloir, mais la porte d'entrée n'est pas loin. À peine a-t-elle ouvert la porte que j'entends une voix familière dans mes oreilles. Un peu rauque et cassée. J'ai toujours adoré sa voix.

C'est Lalita.

Une vague d'appréhension me serre l'estomac.

Je me lève en entendant leur pas faire grincer le parquet dans le couloir. Et en quelques secondes, je la vois.

Je déglutis lorsque ses iris noires se plantent dans les miennes. Elle porte un hoodie noir, la capuche redressé sur sa tête, et un jogging de la même couleur. Son visage est toujours aussi creusé que la dernière fois, et sa peau plus blême que d'habitude.

Sa fragilité me détruit littéralement.

Je rêve de lui rendre la force qui transparaissait chez elle sans qu'elle n'ait besoin d'ouvrir la bouche.

— Sa... salut, Lalita.

Putain.

Je ne sais pas quoi dire.

J'ai l'air ridicule.

— Salut, Cassie. 

C'est simple, mais c'est déjà un début.

Nelly et Lalita s'approchent, et Nelly nous invite toutes les deux à nous asseoir sur le canapé pendant qu'elle s'installe sur un pouf devant nous. 

L'ambiance devient directement pesante à la seconde ou tout le monde s'assoit.

C'est moi si tout le monde retenait ses mots.  

Je regarde Lalita du coin de l'œil qui semble déjà perdue dans ses pensées. L'ombre de sa capuche lui cache un peu les yeux.

Mais dis quelque chose !

C'est toi qui as demandé à ce qu'elle vienne.

Je joue nerveusement avec pompon porte-clés beige, tandis que mon cœur bat de plus en plus fort. Nelly ne semble pas aussi perturbée que moi, même si elle ne dit rien elle aussi. Son regard semble un peu perdu dans ses pensées aussi.

Je me force mentalement à trouver une première phrase à dire, mais à ma grande surprise, ce n'est pas moi qui finis par parler, mais Lalita. 

— T'as eu des nouvelles de Cherry ?

Je constate qu'elle ne s'adresse pas à moi, mais à Nelly.

— Non. Je l'ai relancée pour qu'elle vienne. Mais je n'ai pas eu de réponse.

— Ça commence à m'inquiéter.

— Il faut lui laisser du temps. D'autant plus qu'elle est bientôt à terme. Je pense que venir jusqu'ici, ça peut être risqué. 

— Hm...

Le silence retombe, et cette fois, il semble encore plus lourd qu'avant.

Je sens mon esprit se remplir d'une avalanche de pensées.

Bon, aller, Cassie, vas-y !

Je serre un peu plus fort mon pompon, et prononce un peu hésitante :

— Euh... les filles, merci d'avoir acceptée qu'on se voit.

Nelly me regarde et me sourit doucement. Son sourire m'encourage. Tandis que Lalita hoche simplement la tête, son visage est plus fermé. 

Je sens que ça ne va pas être facile, mais je ne vais pas abandonner :

— Je... je sais que je me répète... mais je vous présente encore toutes mes excuses. Je me sens profondément égoïste de ne pas avoir pu vous tendre la main ces trois derniers mois. Je voudrais tout réparer pour vous.

Je vois un léger changement dans le regard de Lalita, je ne suis sûre de comment l'interpréter, et de toute façon elle me dit :

— Cassie ? Moi, j'ai juste une question.

Mes mains se crispent sur mes cuisses :

— Oui... ?

— Juste... pourquoi ? Pourquoi tu n'as pas parlé ?

Ses iris plantés dans les miens semblent me poignarder. La question est si simple, et pourtant elle crée un vide sidéral dans mon crâne.

— Je... euh...

Je mords mes lèvres en cherchant une réponse.

— Je crois que... j'avais du mal à faire confiance. Et laisser partir mes secrets, c'était comme si je me mettais à nu encore et encore. Je voulais garder cette intimité que pour moi...

— Quand on a des amis qui sont prêts à te tendre la main comme nous, on saisit cette chance, m'informe-t-elle avec une émotion forte dans la voix. Je suis désolée, mais savoir que tu ne nous faisais pas suffisamment confiance, ça me tue, Cassie.

Je vois son visage se tordre sous l'effet de la douleur que mon silence lui a fait. D'ici je vois déjà que ses yeux ont rougit et qu'elle retient ses larmes.

Je sens une boule se former dans ma gorge. Mon cœur me fait atrocement mal. 

— C'est pas...

Je m'arrête, incapable de finir. Je respire profondément et essaie de reprendre. 

— C'est... c'est pas personnel... Je te le jure. C'était pas contre vous. Ce comportement, je l'ai avec tout le monde. J'avais du mal à sortir de mon mutisme avant que Cal... Callahan...

Je m'interromps à la mention de son nom.

Callahan.

Sa silhouette envahit mes pensées, et je sens mes yeux se remplir à nouveau. Ma poing se ferme devant ma bouche pour tenter d'avaler toutes mes émotions douloureuses qui veulent à nouveaux s'échapper.

— Il a fallu que Callahan brise toutes mes barrières en me forçant un peu pour que j'ose enfin parler. Et que je sois un peu plus... moi-même. Je traînais tellement de honte et de peur que l'idée même d'en dire plus sur moi me rendait quasiment malade.

Je vois Lalita détourner légèrement le regard. Elle fourre ses mains dans les poches de son hoodie. Et le silence est oppressant jusqu'à ce que Nelly prenne la parole :

— C'est vrai qu'on n'a jamais cherché à te brusquer. Je crois que... pour ma part j'ai souvent eu peur que te décortiquer aurait pu te briser... Aujourd'hui, je me sens idiote de ne pas avoir insister et creuser.

Ses mots m'arrachent une douleur sourde. Je baisse les yeux sur mes mains tremblantes.

Pourquoi faut-il que je complique toujours tout ?

Pourquoi ai-je attendu que tout s'effondre pour réaliser que je les avais laissées dans le noir ?

— Je crois que... cette année a été l'une des plus révélatrices pour moi, dis-je doucement, d'une voix fébrile. Je me suis rendu compte que même avec vous, mes plus anciennes amies, mes sœurs, je n'étais pas totalement honnête ni moi-même. Et... je comptais beaucoup sur vous pour continuer à me couver comme si j'étais un bébé fragile. Mais après tout ce qui s'est passé cette année, j'ai compris qu'il était temps que je sorte de ma coquille. Ça m'a fait du bien de le faire, et je ne veux plus me cacher avec vous.

Je relève les yeux pour les regarder tour à tour. Je n'arrive pas à déchiffrer ce qu'elles pensent mais les yeux de Lalita m'envoient des éclairs qui me paralysent.

— T'entendre dire ça me met en colère, Cassie, finit-elle par lâcher légèrement enragée. Parce que ça fait dix-sept ans que tu es ma famille, et je ne comprends pas ce qu'on a mérité pour n'avoir qu'une facette de toi. Il y a la Cassie qui se libère avec Callahan, et la Cassie de convenance avec nous. Celle que tu nous laissais voir parce qu'on s'était habituées à cette version-là. Et maintenant, tu nous dis qu'on n'a eu accès qu'à une part de toi ?

Je pince les lèvres, incapable de répondre.

Son discours me fait l'effet d'une foutue gifle.

Ce qu'elle décrit... c'est exactement ce que je reproche à Callahan.

Et voilà que je me rends compte que j'ai fait la même chose...

On s'est bien trouvé avec lui, décidément...

— Tu... as raison, je murmure d'une voix inaudible.

Ma gorge se serre à m'en étouffer. Je ne peux même pas me défendre. Lalita a raison, et je le sais. Mais reconnaître mes torts ça ne rend pas ça moins douloureux. 

— Je ne cherche pas à avoir raison, Cassie. Je cherche juste à te comprendre. J'essaye de comprendre pourquoi une fille que je considère comme ma sœur a retourné nos mondes parce qu'elle ne voulait se montrer sous son vrai jour.

Je me prends des coups de poignards depuis le début de la conversation.

Elle me met face à mon miroir, et mon reflet me parait insupportable.

Miroir, mon beau miroir... Dis-moi pourquoi Cassie Bennett est une hypocrite ?

— Lali... l'appelle doucement Nelly comme pour me défendre.

— Non, justement, Nelly. Cassie vient de nous dire qu'il est temps pour elle de sortir de sa coquille, non ? Alors elle va en sortir ce soir, parce que moi, je refuse d'être amie avec la moitié d'une personne. C'est tout ou rien. 

Elle rive ses iris noir sur moi, et me dit :

— Soit tu te montres sous ton vrai jour, soit je sors d'ici, et c'est la dernière fois qu'on se parle.

Mes larmes montent à la secondes ou elle termine de prononcer cette sentence. Je les retiens avec force en tentant de reprendre un rythme de respiration normal.

Je me rends compte que sans elles, je ne pourrais pas trouver le bonheur non plus.

Mais elle est en colère, et sa colère est légitime. Je n'ai plus le droit de me cacher derrière mes craintes et mes faux-semblants. Elles méritent d'avoir la vraie Cassie.

Celle qui se dévoile.

Celle qui ose.

Celle qui s'amuse.

Celle qui est franche.

— J'étais... assaillie par la peur.

— Tu avais peur ? Me questionne-t-elle en haussant les sourcils surprise. Mais peur de quoi, exactement ? Que je sois trop stupide pour te comprendre ? Que Nelly soit trop fragile pour supporter ce que tu traversais ? Que Cherry te juge pour avoir fait des nudes ? T'entends un peu ce que tu dis ? Tu sais que ça ne serait jamais arrivé. Et tout ce que je ressens moi face à ton silence, c'est qu'on n'était pas assez importantes pour toi pour mériter de t'accompagner dans tes tempêtes.  

Sa voix se brise légèrement sur la dernière phrase, et ça me tue.

Elle essaye de paraître forte, mais je vois bien qu'elle a été profondément blessée.

Je m'en veux tellement. 

Encore une fois malgré ma boule à la gorge, je me retiens.

C'est tout ce que j'ai fait depuis des mois, fuir et pleurer. C'est terminé.

— Ce n'était pas ça... Ce n'était pas contre vous... Je...

Je m'arrête, incapable de finir ma phrase, à cause de mes émotions, mais je me reprends assez vite :

— Bien sûr que si que vous êtes importantes pour moi. J'avais peur de me montrer vulnérable et que... peut-être qu'à cause de mes faiblesses vous finissiez par... m'abandonner.

Je pince mes lèvres en me rendant compte que je suis capable de verbaliser mes peurs parce que j'ai déjà eu cette conversation avec Callahan...

C'est lui qui m'a mis face à cette crainte, même si aujourd'hui il m'a prouvé qu'elle s'avérait vrai, je peux au moins le remercier de me permettre de pouvoir travailler là-dessus.

— Qu'on t'abandonne... articule Lalita déconcertée.

— Oui, m'affirmé-je. Oui, Lalita, je suis désolée mais je suis bloquée dans un schéma de pensées qui me donne la sensation que tout le monde finit toujours par partir. J'ai peur que si les gens qui m'aiment voient mon vrai visage, ils comprennent que je suis faible et pathétique et que ça les éloigne de moi.

Nelly et Lalita s'échangent des regards troublés. Elles sont dans l'incompréhension.

— Pourquoi on t'aurait abandonné parce que tu es toi, Cassie, je ne comprends pas, me questionne Nelly.

— Qui ne s'est pas soucié de toi ici, me lâche brutalement Lalita en se redressant un peu vers moi.

Je me tourne précipitamment vers Lalita qui ne prends pas les même pincettes que Nelly.

— QUI ?!

Je déglutis en sentant sa colère exploser. C'est la première fois que je la subis aussi vive, et mon cœur bat à mille à l'heure de peur. Mais je sens une petite voix en moi me dire que je peux l'encaisser.

Comme toutes les fois ou Callahan a explosé et il m'a montré qu'on arrivait quand même à traverser nos orages.

Je la fixe en lui l'espace de me hurler dessus. Et je suis prête à répondre à chacun de ses reproches.

— Tu te fous de nos gueules, Cassie à nous dire que tu avais peur qu'on t'abandonne ! Dans ce groupe, tu étais probablement celle pour qui ont se soulevait TOUTES pour te protéger ! Et tu sais pertinemment que pour toi, moi j'aurais brûlé des mondes et des univers pour que PERSONNE ne te touche ! J'ai échoué visiblement parce que tu as préféré garder tes montres pour toi ! C'est tellement injuste de nous dire ça maintenant !

Je déglutis douloureusement.

Ses mots me font l'effet d'une brûlure gigantesque qui s'étend comme un incendie qui me ronge jusqu'au os.

J'acquiesce, parce que même si ses mots me font mal, je pense que ce qu'elle ressent en elle est pire encore.

Je ne m'effondre pas cette fois-ci et garde mes iris dans les siennes :

— Encore une fois, tu as raison, Lalita, je murmure d'une voix qui se veux ferme malgré mes émotions. Tu as tellement raison. J'ai été égoïste, je me suis satisfait dans cette position de victime, parce que c'était plus facile. Plus facile de me taire et de me cacher derrière votre protection que d'affronter mes peurs, d'affronter mes monstres.

Sa respiration est profonde et elle attend que je continue.

— Je savais que vous seriez toujours là pour moi, que vous m'aimeriez même si je restais silencieuse, même si je ne vous donnais que des miettes de ce que je traversais. J'ai abusé de ça. Je me suis accrochée à votre amour comme à une bouée, mais je n'ai jamais eu le courage de vous laisser voir la profondeur de ce que je vivais, parce que je pensais que ça me protégerait. Mais au final, ça m'a enfermée. Et ça vous a blessées.

Je sens que la carapace de Lalita se brise légèrement. Ses yeux rougissent et se mettent à briller même si elle retient ses larmes :

— Ce que tu dis... ça me tue, parce que c'est vrai. Et je veux plus être cette personne. Je veux être honnête avec vous, même si ça fait mal, même si c'est dur. Je veux changer pour vous, et pour moi aussi.

En la regardant, j'ai peur qu'elle n'accepte pas mes mots.

Mais à ce stade, je me dis que ça suffit d'être gouverné par la peur et la panique.

Alors, même si moi je sais que je me battrais pour récupérer notre amitié et sa confiance. Je lui laisse l'espace pour m'accepter ou me rejeter, parce qu'elle aurait tous les droits de le faire.

Lalita ouvre la bouche. Elle hésite à parler, secoue un peu la tête comme si elle se battait avec ses propres pensées.

— Tu... mais Callahan, lui, il a réussi à briser tes barrières, pas nous. Pourquoi, Cassie ? Qu'est-ce qu'il a que nous, on n'a pas ?

Tout me ramène toujours à lui.

Penser à lui ravive ce feu cruel et vif qui lèche mon âme et me plonge dans un enfer qui se situe dans ma tête.

— Je ne sais pas ce que Callahan a de plus. Peut-être rien. Peut-être tout. Mais il a toujours fait ce qu'on est en train de faire là, ce soir. Il n'a jamais eu peur de briser un peu mon cœur et ma carapace pour que je le laisse voir mes cicatrices et il ne lâchait rien tant que je ne lui montrais pas toutes mes blessures. Et même quand il les voyait, il les prenait sur lui pour m'aider à refermer mes plaies...  

Je sens mes émotions monter et débordée. Une larme glisse en pensant à Callahan. À la façon dont il cajolait mon cœur entre ses grandes mains...

J'ai une nouvelle nausée qui m'oblige à fermer les yeux pour la contenir. Je ferme mon poing devant ma bouche.

— Cassie, ça va ? me questionne Nelly.

Je hoche la tête alors que je sais que la réponse est non.

Callahan c'est mon poison. Lent et terrassant. Il circule dans mes veines et pourri tout sur mon passage. Et pourtant, fut un temps ou l'amour qu'il injectait en moi me rendait vivante et me faisait tenir debout...

Il était ma douceur et c'est devenu ma plus grande douleur.

Mon cœur malade s'accroche à son souvenir, et il refuse de me laisser guérir.

J'essaye de me reprendre et rouvre les yeux.

Je vois le conflit dans les yeux de Lalita, entre sa colère qui s'estompe légèrement et une compréhension naissante. Nelly, elle, me regarde toujours avec une infinie douceur, même si elle semble quand touchée par tous mes aveux. 

— Je sais que je vous ai blessées. Et j'en suis désolée... Je ne voulais pas vous perdre. Je ne veux pas vous perdre.

Ma poitrine se soulève rapidement, mes pensées s'entrechoquent. J'espère sincèrement qu'elles me pardonneront.

— Et maintenant.... Prononce Lalita d'une voix calme. Qu'est-ce que tu veux de nous ? Pourquoi on est là ? Pourquoi tu nous gardes autour de toi ?

La question fait sens.

Je prends le temps d'y réfléchir quelques secondes.

Je crois que je n'ai même pas de réponse clair.

Je sais juste que je les aime, que je les veux dans ma vie, mais est-ce suffisant ?

— Je... Je veux...

Les mots s'étranglent dans ma gorge. Je veux leur pardon. Leur amour...

Je me dis que non... Que Lalita a raison de me poser cette question. Que Nelly a raison de rester prudente.   

Mais une autre part de moi me hurle de me battre pour elles. De ne pas laisser cette conversation être la fin de tout ce qu'on a construit ensemble. 

Mon regard est brouillé de larmes qui n'attendent que de glisser pour libérer ma souffrance. Celui de Lalita également, et Nelly se retient mieux que nous.

— Je veux que vous restiez. Je veux... Je veux pouvoir être moi avec vous. Pas la version que je pensais que vous attendiez. Pas celle qui se cache parce qu'elle a peur. Je veux être honnête, même si ça veut dire qu'on doit tout recommencer à zéro. Parce que je vous aime, même si je ne l'ai pas montré comme il fallait.

Cette fois-ci, les larmes roulent sur mes joues, mais je ne les essuie pas.

Lalita reste silencieuse, je détourne les yeux vers Nelly, puis je leur dis :

— Je veux qu'on ait une chance de se reconstruire. Et si vous voulez tout savoir, je vais vous le montrer. Pas avec des mots, mais avec mes actions. Je vais prouver que je peux être meilleure, que je peux être honnête avec vous, même quand ça me fait peur. Parce que je sais maintenant que vous méritez ça. Vous avez toujours mérité ça. Et je suis désolée de ne pas vous l'avoir donné plus tôt.

Le silence qui suit est presque insupportable.

Je n'ose plus bouger en attendant une réponse, n'importe quoi qui pourrait me dire si j'ai encore une place dans leur vie. 

Lalita reste silencieuse, ses yeux plantés dans les miens comme si elle essayait de lire à travers moi, de décortiquer chaque mot que je viens de prononcer.

Mon cœur bat si fort que je dois inspirer plus fort pour bien respirer.

Puis je vois que Lalita détend légèrement ses épaules. Quelque chose change dans son regard et cette fois-ci sa voix est moins rude lorsqu'elle m'articule :

— Cassie, nous aussi on t'aime, même avec tes secrets, même avec tes failles. Mais tu dois comprendre que l'amour, ça va dans les deux sens. On ne peut pas te porter indéfiniment si tu ne nous laisses jamais te rejoindre. Si tu veux qu'on reste, alors laisse-nous entrer pour de vrai. Pas seulement dans la version de toi qui pense qu'on veut voir, mais dans tout ce que tu es. Même les parties que tu détestes.

Je sens ma gorge se nouer d'émotions plus douces.

— Je vous le promets. Je vous promets qu'il n'y aura plus de secret, plus de façade.

En disant ces mots, je ressens une chaleur inattendue s'éveiller dans ma poitrine.

Et ça me fait un bien que je n'aurais pas pu soupçonner.

Simultanément, je vois que la tension se brise, et des larmes dévalent sur le visage de Lalita.

— Viens là, Chula. Viens, m'invite-t-elle en me tirant vers elle.

Je n'hésite pas une seconde.

Je me glisse sur le canapé où nous sommes toutes les deux assises et me précipite dans ses bras. L'étreinte est immédiatement chaleureuse et réconfortante comme si on avait attendu ce moment toute notre vie. Ses bras m'enveloppent entièrement, et je sens son menton se poser doucement sur le sommet de ma tête.

Je ferme les yeux en me rappelant tout ce que j'avais oublié que j'aimais chez elle : cette chaleur, cette force tranquille qui apaise sans un mot. On se serre comme deux sœur qui croyaient s'être perdues.

— Toi aussi, Nel. Viens là.

Je rouvre les yeux, en sentant que Lalita ouvre un bras. Nelly se lève sans hésiter et je remarque qu'elle tente d'essuyer ses larmes qui l'assaillent. Elle nous rejoint et notre étreinte se complète... presque.

Il manque une Stardust.

Néanmoins, nous pleurons toutes les trois de soulagement.

— Tu m'as tellement manqué, chula... C'était horrible ces trois derniers mois. On a tellement de choses à se dire...

Je hoche la tête en me blottissant un peu plus contre elles. Elles m'ont énormément manqué à moi aussi.

— On a trop besoin de toi, Cassie, me signale Nelly en reniflant un peu. Mais cette fois, plus de distance entre nous, d'accord ?

Encore une fois j'acquiesce en laissant un petit sourire de joie m'échapper.

— Promis. Plus jamais, je murmure.

De nouveau, notre moment de paix est brusquement interrompu par le son aigu et inattendu de la sonnette qui retentit dans l'appartement. 











Ghost.





Le bourdonnement du néon défectueux qui pend du plafond du parking attire mon attention. Personne ne traine par ici. Les murs sont couverts de graffitis presque effacés.

Sous mon masque, mes inspirations sont brûlantes alors que je vérifie le contenu du chargeur de mon nouveau Tokarev.

— Franchement, Ghost, de toutes les soirées...

Je relève une seconde les yeux sur Neo qui enfonce sa cagoule sur son visage. Ses cheveux blonds cendrés dépassent légèrement mais Seiji lui cache une mèche derrière le tissus noir. Ses yeux vert foncé me fixent avec une pointe d'agacement.

— De toutes les soirées t'a choisie celle où j'étais le plus occupé.

— Qu'est-ce que tu avais à faire toi, le glouton de première, le taquine Seiji en sortant ses kunais.

Il fait glisser ses armes entre ses doigts. Lui aussi tout vêtu de noir, il à masqué seulement le bas de son visage. Son chignon est impeccablement plaqué et deux baguette y sont glissées.

— Je suis sur un gros projet tatouage, là.  

— J'crois pas que c'est l'heure pour se faire tatouer, ricane Seiji.  

Je les entends se chamailler derrière moi, mais je ne prends pas la peine de les calmer.

Mon cerveau est dans une sorte de déni. Je ne ressens absolument rien d'autre que l'urgence de cette mission. Je glisse mon arme dans mon pantalon et referme la porte de mon véhicule.

Il faut que ce soit fait aujourd'hui. Au moins, elle sera en sécurité quand je ne serais plus là pour la protéger.

— Ghost, je te parle !

De nouveau, je lève la tête vers Neo qui semble visiblement agacé que je l'ignore.

— Quoi, je lui demande brusquement.

— Comment ça quoi ? C'est quoi ton plan foireux de dernière minute ? Tu nous as à peine briefés. Tu penses vraiment que le stalker est dans le quartier ?

— Knight a pu remonter la piste jusqu'ici, je réplique d'un ton sec en commençant à avancer pour sortir du parking.

— T'as l'air encore plus tendu que d'habitude. Ça va, me demande Seiji en pressant le pas pour me rejoindre.

Je me contente de hocher la tête, mais Seiji ne se laisse pas berner. Je sens sa main attraper mon bras, m'arrêtant net. Mes yeux se baissent sur sa poigne avant de relever lentement la tête pour croiser son regard qui tente de me percer à jour.

— T'as pris ton traitement ?

Un frisson d'agacement me traverse. Je dégage mon bras d'un geste sec, coupant court à son interrogation :

— C'est pas le moment, là, Raven. On n'a pas une minute à perdre.

Seiji me toise tandis que je reprends ma marche.

— Ah ouais, t'es tendu, chef, constate Neo en me suivant.

Je n'ai pas une minute à perdre à me justifier.

Neo à raison. Mon cœur cogne contre ma poitrine, et sous mes gants en cuir, mes paumes sont moites. Je sens la sueur perler sur ma nuque, glissant lentement sous ma cagoule, mais je l'ignore. Je dois avancer.

Tout doit être terminé ce soir parce que je sais pertinemment ce qui m'attend une fois que cette mission sera terminée. Et je ne peux pas me rendre au Rendi avant d'avoir terminé ça.

Je ne sais même pas si j'en ressortirais.

— C'est quoi le plan ?

On quitte enfin le parking. L'air frais du quartier de Creekside se colle à la peau de mes bras. Les rues sont désertes à cette heure.

Sans m'arrêter je réponds à Seiji :

— Y'en a pas. On entre et on bute tout le beau monde.

— Depuis quand t'as pas de plan, toi ? me questionne-t-il incrédule.

— Depuis hier soir. On agit vite, on entre, on sort.

— Putain, Ghost ! soupir Seiji exaspéré. Arrête-toi deux minutes et fais un topo clair.

Je me retourne légèrement vers lui, d'autant plus agacé par ses putain de question :

— Y'a probablement le foutu stalker de Bennett dans cette putain de baraque. Et je vais lui faire sa fiesta ce soir. Qu'est-ce que je dois expliquer de plus ?

— T'as même pas pris le temps de faire du repérage d'abord ? Qu'est-ce que Knight t'a dit ?

— Qu'il y a un certain Dani Smith qui vit au 41 Creative Road. Il est au 3e étage, c'est tout ce dont j'avais besoin.

Seiji, frustré secoue la tête :

— On sait pas ce qu'il y a là-bas, petit con ! Et si c'était une des planques d'Orpheus et qu'on tombe sur un groupe armé, on n'aura pas l'air cons !

Cette fois-ci, au détour d'un bâtiment entouré d'échafaudage, je m'arrête brusquement. On manque de se rentrer dedans et mon regard noir le fusille.

— Hey ! Ne me casse pas les couilles maintenant, putain ! Si c'est un groupe, on les extermine. C'est tout.

— Mais Ghost, calme-toi, intervient Neo pour calmer le jeu. Raven a raison, qu'est-ce qui te prend ?

Je serre les dents, putain, j'aurais dû venir seul.

— Eh, rentrez chez vous. Je vais gérer. Vous me cassez les couilles.

Je fais un pas pour repartir, mais je sens la main de Seiji s'abattre sur mon épaule, et me faire revenir vers lui. Putain, je déteste quand il fait ça. C'est bien le seul d'ailleurs à être aussi tactile avec moi. Avant même d'y penser, je me retourne et le pousse violemment contre le mur le plus proche. 

Le choc traverse les traits de son visage :

— Mais t'es pas sérieux, kisama ! (enfoiré)

— J'ai pas le temps, là ! D'accord ? J'ai pas le temps !

— Prends ton putain de traitement ! Et tu vas te dépêcher d'expliquer ton plan foireux. T'es en train de déconner grave, là. Rien n'est prêt, et tu penses que c'est une bonne idée ? Sérieusement ?

Je m'entends cracher un « fais chier » en frottant mes paupières. Je suis épuisé. Je n'ai pas dormi de la nuit pour trouver cette piste avec Wayne. Le temps m'est compté avant que Benjamin n'ouvre sa grande gueule, c'est maintenant ou jamais.

Je fais claquer nerveusement mon Tokarev contre ma cuisse, en ne sachant pas par quoi commencer.

— Parle, mec. Sérieusement. Vous me stressez, s'inquiète Neo en nous regardant à tour de rôle.  

Je reste silencieux une seconde, puis je laisse échapper un long soupir avant d'avouer :

— Je suis dans la merde. Et pas qu'un peu.

Seiji fronce les sourcils.

— Ça, je l'ai remarqué. Quel genre de merde ?

— Le genre qui me coûtera la vie.

Le silence qui s'en suit est glacé. Neo et Seiji échangent un regard chargé d'incompréhension, avant de me fixer comme si j'avais perdu la tête :

— T'aime trop faire le dramaturge toi aussi, me taquine Neo.

Il veut rire, mais personne ne le suit dans son délire, et Seiji me demande plus sérieusement :

— Qu'est-ce que t'as fait ?

Je passe une main sur mon crâne. J'ai horreur de devoir m'expliquer pour mes fautes. Mais à quoi bon esquiver ? L'Ordre sera au courant dans les prochaines heures, ou si j'ai de la chance, les prochains jours, et tout explosera.

—  J'ai donné ma bague à Cassie.

Le silence qui suit est pire que ce que j'avais imaginé. Au début, personne ne parle. Je subis juste leur yeux sur moi. Au bout de ce qui me semble une éternité, c'est Seiji qui bouge le premier. Il laisse un ricanement lui échapper, presque hystérique.

— Tu rigoles, hein ?

Il me pousse légèrement le bras, comme pour me réveiller de ce qu'il pense être une mauvaise blague. Ce geste, aussi banal soit-il, me fout un sacré coup.

Je vois la peur dans ses yeux, dans ceux de Neo aussi.

Après elle... j'ai l'impression de laisser tout le monde tomber en ce moment.

Et j'aimerais pouvoir m'en contre foutre.

Comme j'aimais bien le faire avant.

Mais je n'y arrive plus.

— Dis-moi que tu plaisantes, Ghost, insiste Seiji d'une voix plus tendue cette fois-ci.

La vague de chaleur qui envahi ma poitrine me fait croiser les mains derrière ma nuque. Je lève les yeux vers le ciel noir en espérant que tout ça n'est qu'un foutu cauchemar dont je vais bientôt me réveiller.

Mais la réalité s'écrase sur moi et elle brutale.

Je l'aime. À m'en perdre. À m'enflammer. À m'oublier.

Et à prendre des risques si insensés que je me sens terriblement pathétique.

— Je peux pas croire que tu as donné ta bessa euh... ta bessa purjetchime ? lance Neo abasourdi.

Dans un autre contexte, je me serais foutue de sa gueule, et je l'aurais corrigé sur sa prononciation de besa e Përjetshme. Mais ce n'est clairement pas le moment.

Seiji, lui, baisse son masque, ses yeux sont agrandis par le choc. 

— Ghost...

— Je voulais qu'elle l'ait, je me justifie sèchement.

Hors de lui, Seiji s'avance dangereusement vers moi :

— Mais sois pas un petit con, putain ! Tu sais très bien ce que ça engage. Tu l'as donnée à la fille des Bennett en plus ! Mais bordel, Callahan, t'es un putain d'égoïste d'avoir fait ça ! Tu ne penses qu'à ta gueule !

Je ne peux même pas le contredire même si j'en meurs d'envie.

— Mais... si on ne dit rien... propose Neo le teint blanc. Si personne ne sait...

— Benjamin sait, je le coupe.

La réaction de Seiji est immédiate. Son poing s'écrase contre ma mâchoire avant que je ne puisse réagir. La douleur explose dans ma tête, et je titube de quelques pas, pris de choc, une main pressée contre ma mâchoire.

Putain... Il n'a pas fait ça, cet enfoiré ?

Il me faut une seconde pour assimiler, et sans attendre ma rage monte en flèche. Mon corps agit avant mon esprit. Avant même de réfléchir, je m'appuie sur un pied et lui envoie un coup de pied brutal dans le ventre.

Seiji recule en gémissant de douleur. Mais il n'en démord pas et revient à la charge vers moi. Je suis déjà prêt à l'accueillir comme il se doit mais c'est Neo qui revient Seiji :

— Vous déconnez ou quoi ?! hurle Neo en s'interposant entre nous avant qu'on puisse recommencer.

— Dégage, Blade ! grogne Seiji, son regard noir planté dans le mien.

— Hors de question ! Vous êtes sérieux, là ? Vous croyez que c'est le moment de vous foutre sur la gueule ?! Vous allez alerter tout le quartier avec vos conneries ! J'arrive même pas à croire que c'est moi qui doive être mature là !

Je fixe Seiji avec une colère brûlante.

C'est vrai que ce n'est pas le moment, putain !

— Et tu crois que ton père va laisser passer ça ? me hurle Seiji en me pointant du doigt. T'es complètement cinglé ! Dans les jours à venir, t'auras Bercen, Valter, et tout le conseil sur le dos, et contrairement à Benjamin, toi t'as cédé ta besa ! Tu sais que c'est une des règles inviolables ! Pourquoi tu as fait ça !

Ses propos me mettent presque hors de moi. Mon souffle est court, ma mâchoire me lance, mais je ne quitte pas Seiji des yeux. Il veut quoi de plus ? J'ai déjà tout foutu en l'air, qu'est-ce qu'il espère me tirer de plus ?

Putain, le goût métallique du sang dans ma bouche me rappelle que Seiji m'a vraiment frappé fort.

Enfoiré de merde !

— T'as foutu ta vie en l'air d'une façon tellement inconsciente ! Ça me rend fou, grommelle-t-il irrité.

Il recule en croisant les mains derrière sa tête, avec une expression désespérée.

J'avoue que moi aussi je flippe à l'heure actuelle.

J'ai vraiment pensé... que j'allais y arriver.

Mais maintenant ce que je crains le plus, c'est de ne plus pouvoir protéger Cassie après cette nuit. 

— J'ai vraiment pas le temps de débattre, Raven, je lui lâche froidement. J'en paierai les conséquences demain, mais là, je dois attraper ces fils de pute. Tu comprends ou pas ?

Seiji fait les cent pas, incapable de rester immobile. Puis il remonte son masque sur sa tête.

— On ne pourra rien faire si le Conseil décide de t'exécuter, putain !

Ses mots résonnent comme le dernier coup de poignard que je refusais de voir venir.

— Je sais ! Je sais, j'ai merdé sur toute la ligne, et j'ai compris ! Là, je n'ai pas besoin de leçon de morale ce soir ! Alors, vous êtes avec moi ou je fais ça seul ?

Le silence s'abat quelques longues secondes de plus. Seiji continue de marcher nerveusement, comme un lion en cage. Tandis que Neo, n'a étonnamment pas réagit tant que ça. Mais en le regardant, ses yeux vert foret me montrent qu'ils sont extrêmement déçus de moi.

— Fais chier, souffle Seiji.

Après son jurons, il ouvre la marche en se dirigeant rapidement vers l'adresse.

Je finis par le rejoindre en ajustant mon Tokarev dans ma main, tandis que Neo ferme la marche sans un mot de plus.

Nous arrivons dans la rue calme de l'adresse que Wayne m'a donnée. Les immeubles modernes, avec leurs façades en briques brunes et leurs balcons minimalistes dégagent une froideur qui me met mal à l'aise.

Instinctivement, nous nous mettons tous les trois en formation.

Je suis en tête. Neo, toujours à l'arrière, tandis que Seiji, au centre, surveille les angles morts.

On fonctionne toujours comme ça, et jusqu'à maintenant, ça nous a évité de finir en morceaux. 

Devant la porte d'entrée du hall, je scanne rapidement les environs.

Aucun mouvement suspect. 

Avec un simple regard, je leur indique d'entrer.

Dans le bâtiment, les couloirs sont déserts, d'un blanc cassé uniforme éclairés par une lumière artificielle un peu trop froide.

Mon Tokarev est prêt.

Rapidement, nous prenons les escaliers.

Plus on monte, moins j'ai l'impression de parvenir à respirer correctement. Le silence oppressant seulement dérangé par le bruit de nos pas m'oppresse.

Est-ce que c'est vraiment la fin.

La dernière mission.

La dernière fois que Cassie reçoit un message de ces putain de stalker ?

Mon cœur cogne si fort que j'ai l'impression qu'il veut sortir de ma cage thoracique.

On atteint enfin le troisième étage. 

Un bref coup d'œil vers Seiji et Neo qui sont toujours aussi attentifs.

Je pousse la porte, et nous débouchons dans un couloir étroit, éclairé par une lumière blafarde qui vacille au plafond.

Les murs sont aussi impersonnels et blanc que le hall de l'immeuble.

Il y a six portes alignées, toutes identiques, avec des numéros en métal cloué au centre.

Je balaye rapidement les plaques. Mon regard s'arrête sur la 33, celle qu'on cherche.

C'est l'appartement de ce fameux Dani Smith.

D'un geste de la main, je signale à Neo et Seiji que c'est ici, et de rester immobiles.

Mon regard se pose sur la porte. Pas de signes de pièges visibles, pas de bruits à l'intérieur.

Mais je sens que quelque chose ne va pas... Mon instinct me hurle que ce ne sera pas aussi simple. 

Je ne dis rien, et crochète la serrure avec le plus de discrétion possible.

La porte s'ouvre dans un grincement sinistre.

Directement, l'air à l'intérieur me prend les poumons. Il est stagnant et une forte odeur de poussière me prend les poumons.

La lumière du couloir est allumée...

Et elle projette une lueur pâle sur le sol qui révèle une pièce principale encombrée.

Mes palpitations cardiaques accélèrent lorsque je m'avance le premier, en jetant un regard circulaire dans la pièce.

L'appartement est étroit, sombre, et mal entretenu. Les murs sont couverts de papier peint jauni, et des piles de boîtes en carton jonchent le sol. Quelques meubles dépareillés s'entassent contre les murs : un canapé défoncé, une petite table basse recouverte de taches de café séché, et des étagères croulant sous toutes sortes d'objets.

Je fais un signe à Seiji et Neo. Ils entrent à leur tour, silencieusement. Neo referme doucement la porte derrière nous.

On avance prudemment. Le parquet grince sous mes baskets, mais je m'efforce de rester discret.

Seiji balaie l'espace du regard, son arme levée. Il ouvre un placard près de l'entrée. Rien. Des manteaux usés et un balai tordu tombent sur le sol.

— Y'a rien ici, marmonne-t-il à voix basse.

Mais moi, je sens qu'on n'a pas tout vu.

Je m'approche de l'étagère bancale. Mes yeux s'arrêtent sur une petite statuette en plastique.

Un petit fantôme souriant...

Mon cœur rate un battement.

Je l'ai déjà vu.

Je l'ai déjà vu chez Cassie ! Il était dans sa bibliothèque. Je m'en souviens.

Combien de fois ce fils de pute est entré dans sa chambre ?

Je me retiens de sursauter lorsque Neo me touche l'épaule. Je me retourne, et il me tend un journal local plié. Quand je le déplie, je constate qu'il y a un article qui parle justement du jour ou son stalker a affiché tous ses secrets et celle de ses copines sur un tableau vert d'Oxford. Mon regard se fixe sur la photo de Cassie. Sa tête est encerclée au stylo rouge. Des passages sont soulignés frénétiquement, entourés de griffonnages illisibles.

Mon estomac se noue.

— Putain... je murmure.

Seiji me regarde, intrigué. Je lui montre le journal. Son expression se ferme.

Je m'avance vers le couloir, j'ai l'impression que les murs vont s'écraser sur moi. J'arrive à peine à gérer les cognements de mon cœur à ce stade.

Je ressers mon Tokarev entre mes paumes moites, mon pouce glisse un instant sur la sécurité avant que je la repositionne instinctivement.

— Vous avez entendu ça ? chuchote Neo, tendu.

Je me fige instantanément, mes yeux s'ancrent aux siens. Neo s'est arrêté net dans la pièce de séjour attenante en levant la main pour nous signaler de ne plus bouger. Seiji, prépare ses kunais.

Quelques secondes passent sans que je ne capte aucun bruit.

Et là.

Un gémissement. Faible, étouffé. Je me tourne précipitamment vers la source du bruit au fond du couloir.

Une porte entrouverte laisse passer un filet de lumière rougeâtre.

Je coupe mon souffle, et mon corps se raidit. Mes jambes avancent presque mécaniquement, une après l'autre, comme si j'étais tiré vers cette porte par une force incontrôlable.

J'ai l'impression de soudainement ressentir la chaleur du désert.

Reste sur terre, Cal'.

Le gémissement se fait entendre à nouveau. Plus long cette fois, comme si on empêchait la personne de parler. Une sueur froide perle dans mon dos.

C'est le stalker ? Une victime ? Ou pire encore ?

Reste sur terre, Cal'.

Mon Tokarev rivé devant moi, l'index sur la détente. Mon canon pousse doucement la porte qui grince de façon si sinistre que ma tension dans ma poitrine atteint son paroxysme.

Et quand la porte s'ouvre totalement, mes yeux balayent la pièce et le tableau d'horreur qui se déroule devant moi me glace le sang.

La lumière rouge qui baigne l'endroit est saturée et agressive. J'ai l'impression d'être en enfer.

Au plafond, des cordes tendues supportent des photos suspendues, qui tournoient légèrement dans l'air lourd. En les analysant, ce que je découvre me retourne l'estomac.

Cassie. Partout. Cassie souriant, Cassie pensive, Cassie vulnérable, prise dans des moments qui n'auraient jamais dû être immortalisés. Cassie, et moi. Bordel, il y a aussi des photos de moi. Dans ma voiture. Chez elle. Près de chez moi.

Des moments où je croyais être seul, invulnérable. Mais ce malade était là, à nous observer, à tout capturer.

Il y a aussi ses copines, sa mère.

Tout le monde qui entoure Cassie.

— Le... putain... de... bordel... chuchote Seiji derrière-moi.

Je n'ai toujours pas bougé de devant la porte. Je vois sur une étagère, la petite peluche souris de Sherlock. Des sous-vêtements qui lui appartiennent. Des livres que je sais étaient dans sa bibliothèque.

Ma mâchoire se contracte, ma respiration s'accélère.

Ce n'est pas qu'un stalker. C'est une obsession pure, simple, dangereuse.

Soudainement l'odeur de la pièce me frappe. Même si je sens comme une odeur de sueur, je crois reconnaitre le parfum de Cassie. Il a surement dû en asperger partout ici.

Ce malade a capturé son essence, son intimité, et l'a enfermée ici, dans cette pièce horripilante.

Soudainement, mon regard est attiré vers un écran fixé sur un mur.

Des images de surveillance en direct. Plusieurs vidéos sont montrées simultanément. Le devant de la maison de Cassie. Sa putain de chambre. La caméra est certainement dissimulée dans sa bibliothèque. Et ce n'est pas tout.

Je vois Cassie, mais ce n'est pas chez elle. Une caméra est pointée sur un salon.

Je les vois toutes.

Ce taré est en train de les espionner, là, maintenant.

Je sursaute et nous nous tournons tous les trois simultanément lorsqu'un énième gémissement plus affirmé retentit derrière moi. Nos armes se rivent sur la source du bruit prête à tirer.

Mais nous nous stoppons tous en apercevant la silhouette, ligotée au radiateur, en sueur, le visage à moitié caché par un bâillon.

Mais...

C'est pas possible...

Alors que Neo et Seiji se précipitent vers le radiateur, mon téléphone vibre dans la poche arrière de mon jean.

En l'extirpant... Je vois plus d'une cinquantaine d'appel manqué de mon père. Mon cœur rate un battement.

Mais je sens le sol se dérober sous mes pieds en voyant le numéro de la clinique s'afficher à l'écran.











Cassie.





On se fige toutes les trois après la sonnerie.

Simultanément, nous essuyons nos visages mouillés de larmes. J'aimerais bien rire de la situation, mais nous nous tournons vers le couloir qui mène vers la porte d'entrée.

— C'est qui ? demande Lalita en fronçant les sourcils.

Nelly se lève, le visage plus sérieux :

— J'en ai aucune idée...

Nous regardons Nelly avancer vers la porte.

Lalita et moi échangeons un regard, et sans un mot, on se lève à notre tour en s'avançant légèrement dans le salon.

On observe Nelly déverrouiller et ouvrir la porte. 

Je ne vois pas tout de suite la personne...

Mais je l'entends d'abord.

— C... Cherry ? appelle Nelly.

Le choc me cloue sur place. Lalita et moi échangeons un autre regard, cette fois-ci chargé d'incompréhension et de surprise.

C'est pas possible ?

Cherry est venue ?

On avance toutes les deux rapidement dans le grand salon de façon presque synchronisés. Mais nous nous arrêtons toutes les deux, lorsque que Cherry et Nelly arrivent dans le salon.

Je reste figée, incapable de détourner les yeux d'elle. 

Plus de cheveux rouges flamboyants, plus de full face parfait, et de contour des lèvres rouge cerise.

Plus de mini-jupe. Juste un pantalon fluide et un top simple à manche longue noir.

Elle a mis ses lunettes. Pendant une seconde je ne suis même pas sûre de la reconnaitre, et la seule chose qui me confirme que c'est bien elle, c'est son ventre bien arrondi.

Je ressens un choc indescriptible, comme si j'avais été projetée dans une réalité parallèle.

Qu'est-ce qu'ils ont fait d'elle...

On dirait une version effacée d'elle-même.

— Cherry ? articule Lalita, un peu hésitante.

Cherry fait passer son regard sur chacune de nous.

Mais il n'est pas lumineux comme d'habitude. Elle est tellement distante, tellement froide, que ça me fait mal, littéralement.

— Je-je pense qu'on ferait mieux d'aller s'assoit, propose Lalita en regardant le ventre de Cherry.

On sent bien qu'elle arrive à terme. Je me rends compte que j'aurais peut-être dû attendre avant de lui dire de se déplacer parce que j'ai très peur de la voir accoucher maintenant.

Cherry tourne lentement la tête vers Lalita, ses yeux la dévisageant de haut en bas comme si elle la jaugeait, comme si Lalita n'était qu'un détail insignifiant.

La surprise me traverse, tandis que Lalita fronce les sourcils, et je vois que l'attitude Cherry l'a blessé. Nelly est assez mal à l'aise, je crois qu'on à toute du mal à s'y faire.

— Cassie, je t'écoute.

Sa voix froide me donne des frissons.

Je reviens sur terre en essayant de rassembler mes pensées. J'ai peur de dire quelque chose qui briserait encore plus notre amitié. Cherry pose une main sur son ventre.

— Euh... ça fait longtemps... Cherry. Je suis rassurée de voir que vous allez... bien tous les deux.

C'est maladroit, trop maladroit.

Je fais mention de son enfant et elle. J'aimerais tellement lui poser un million de question sur sa grossesse, mais sa froideur me plonge dans un gouffre d'hésitation.

— C'est tout ce que tu voulais me dire ?

— Cherry, l'interpelle Nelly, je pense vraiment qu'on devrait toutes s'assoir, et parler tranquillement.

— Arrêtez de me demander de m'assoir ! Je n'ai pas envie de m'installer, d'accord ? Alors j'attends juste de savoir ce que Cassie veut. Après, je rentre chez moi.

Sa brutalité nous frappe toutes les trois.

Je me sens de nouveau désemparée, parce que là j'ai l'impression que Cherry n'a pas qu'une simple colère envers moi. C'est plus profond que ça. J'ai l'impression qu'elle porte une rancune emplis de haine pour mes actes.

Son ton laisse un silence planer dans la pièce. Qui est vite comblé par Lalita :

— À quoi tu joues ? Je ne comprends pas ?

— Écoute, Cassie, tu n'as rien à dire finalement ? l'ignore-t-elle en me fixant.

— S-si, bien-sûr, mais c'est juste que...

Je déglutis difficilement, en sentant tous les regards braqués sur moi.

Putain Cassie !

Je sais que je dois parler, que je dois me battre pour réparer les choses. Mais ses mots, son regard noir, tout en elle me fait sentir que je vais échouer.

— Cherry je suis vraiment désolée, pour tout et-

— Je me suis déplacée pour un « je suis vraiment désolée » ? Ou je rêve ?

Wow. J'ai l'impression de me prendre des gifles à chaque paroles, mais je décide de ne pas me laisser démonter :

— Non, ce n'est pas tout... Mais laisse-moi parler. Tu es super agressive là.

— Et tu t'attendais à quoi venant de moi, exactement ? Que je te saute dans les bras, peut-être ?

— Je pensais qu'on pourrait parler sans se lancer des piques.

— Il n'y a rien à dire, Cassie. T'as fait la conne et je me suis retrouvée trois mois au Vietnam, dans une putain de situation, à cause de toi !

Elle s'est pointée du doigt en me hurlant dessus.

Je sens mes sourcils se hausser et je m'entends répéter doucement un « Faire la conne ».

Elle vient vraiment de me dire ça ?

Sur le coup, ça me blesse tellement que je ne sais pas quoi répondre.

— Mais qu'est-ce qui te prend, s'indigne Nelly.

— C'est toi qui joues les connes là ! s'écrit Lalita. Arrête de cassez les couilles, va t'assoir et parlez normalement. T'es devenue bête entre temps ou quoi ?

— C'est toi ou c'est moi qu'on à envoyer au Vietnam comme une malpropre, Lalita ? Quand vous aurez vécu un pour-cent de ce que j'ai vécu, vous pourrez l'ouvrir, pas avant, c'est clair ?

— Mais ta grossesse, t'allais la chier aux toilettes peut-être ?! Tu comptais pas avorter, alors tôt ou tard, ta bombe, tu l'aurais eue dans le cul avec ton aller simple pour le Vietnam ! Assieds-toi maintenant.

La colère de Lalita résonne dans le salon comme des orages. Mais Cherry et elles ont toujours eu cette dynamique ou aucune ne se laissait jamais faire, alors sans crier gare, elle lui crache :

— Va te faire foutre, Lalita !

— Et je t'emmerde, Cherry ! T'es venue pour quoi au final si tu prends même pas le temps d'exprimer les choses sans faire la garce ? 

— C'est bon, stop ! C'est bon ! j'interviens en essayant de me mettre entre elles.

Sans s'en rendre compte, Lalita et Cherry s'étaient rapprochées l'une de l'autre.

Je me sens presque essoufflée par ce qui se passe.

Mes doigts glissent de mon front à la longueur de mes cheveux et je tente de rassembler mes pensées.

Lalita rumine de son côté, le visage fermé, et Nelly, ne dit rien, mais ses yeux doux, sont pleins d'une inquiétude qu'elle ne tente même pas de cacher.

Et Cherry... Cherry est juste glaciale et pleine de rancune. J'ai l'impression qu'elle attende juste que je parle pour m'écraser avec ses mots.

— T'as rien à dire de plus, je suppose ? m'accuse-t-il en caressant son ventre.

Malgré la douleur qu'elle me provoque, je fonce et je lui dis :

— Si. J'ai envie de te dire que j'ai merdé. Que je me sens comme une merde de vous avoir toutes mises dans la merde. Et je veux réparer toute cette merde, je veux t'épauler dans ce bourbier, être là pour la naissance de ton enfant et la suite. Mais il faut que tu me laisses te le prouver, et pour ça va falloir que tu arrêtes de faire la peste envers moi et que tu me parles ! Reproche-moi ce que tu veux, autant que tu veux, tant que je peux au moins avoir de quoi m'excuser.

Un éclat de surprise traverse son visage. Elle ne s'attendait pas à ce que je sois aussi directe. Sans attendre, elle s'avance jusqu'à se planter juste devant moi.

Je ne suis pas sûre de déchiffrer son expression, ce n'est pas vraiment de la colère, c'est comme si... elle ne pouvait plus me voir en peinture. J'ai l'impression de la dégoutée.

Je préférais encore la rage de Lalita... ou la distance de Nelly... 

— Franchement, Cassie, t'as toujours été égoïste, lâche-t-elle avec une froideur qui me coupe le souffle. Tu te caches derrière ton air innocent, mais t'es incapable de voir au-delà de toi-même. Tu nous fais toujours porter le poids de tes conneries. Alors je ne vois pas comment tu vas m'aider dans ma merde !

Un nouveau coup de poing en pleine figure, mais je n'abandonne pas, je préfère encore ça :

— Cherry, je sais que j'ai fait une grosse erreur, mais je... je veux vraiment réparer tout ça. Je veux qu'on redevienne comme avant.

— Comme avant ? répète-t-elle, moqueuse.

Je vois dans ses yeux que j'ai brisé quelque chose. Je sens que la Cherry d'avant ne reviendra probablement jamais et ça, c'est ma sentence pour l'éternité.

— Et quoi, tu penses que ça efface ce que tu as fait ? Tu penses que je vais oublier que tu m'as détruite ? Que ton putain de journal intime m'a envoyée au Vietnam ? Que je me suis fait humilier dans ma propre famille sans y être préparée ? Qu'est-ce que tu me veux ?

Les larmes me montent aux yeux.

Je croise le regard de Lalita. Elle plisse les yeux, en fixant Cherry bizarrement.

Nelly finit par intervenir doucement :

— Je ne sais pas ce qui te prend, Cherry, mais c'est pas en lui parlant comme ça qu'on va guérir de ce qui s'est passé.

— Guérir ? Je ne veux plus guérir de quoi que ce soit ! rétorque Cherry avec un éclat de rage. Je me fous de vos excuses et de vos envies de tout reconstruire, d'accord ? Vous le faites pour vous, pour nettoyer vos consciences, pas pour moi !

— Qu'est-ce qu'ils t'ont fait au Vietnam pour que tu deviennes mauvaise comme ça ? s'emporte Lalita.

Cherry se tourne vers Lalita.

— Parce que tu crois que tu sais tout de moi, Lalita ? Vous avez toujours cru que j'étais là juste pour vous amuser, pour vous épauler quand ça vous arrangeait, mais jamais pour être vraiment votre amie. Vous m'avez toujours laissée à l'écart !

Son ton tranchant et ses accusations nous fige toutes les trois.

Le silence qui s'en suit est assourdissant. Je regarde Nelly, puis Lalita. Leur confusion reflète la mienne. Je n'arrive pas à croire ce que j'entends.

À l'écart ? Cherry, laissée à l'écart ? C'est absurde. Elle a toujours été la plus brillante, la plus flamboyante de nous toutes, jamais je n'aurais pu penser une seule seconde qu'elle se sentait à l'extérieur de notre bulle.

— Cherry... qu'est-ce que tu veux dire par là ? demandé-je d'une voix hésitante.

Elle se redresse, et expire profondément en nous toisant avec répulsion.

— Vous me faites pitié toutes les trois, lâche-t-elle avec une froideur glaçante. Et toi...

Son regard tombe sur moi, et c'est comme si l'air de la pièce était devenu glacial.

Quelque chose me dérange dans sa rage, sa façon de me regarder. Je sens des frissons me parcourir l'échine, et je n'arrive pas à mettre la main sur ce qui me perturbe. C'est comme si je regardais le reflet d'une personne, sans que ce soit elle.

J'ouvre les lèvres pour dire quelque chose, mais avant d'avoir pu finir d'articuler la première lettre, une douleur fulgurante me transperce le ventre.

Je ne comprends pas tout de suite.

Mon cerveau refuse d'assembler les morceaux. Tout ralentit, les sons deviennent sourds, comme si j'étais sous l'eau. Je baisse lentement les yeux et je vois... l'horreur.

Une main tient un couteau profondément planté dans mon abdomen. La chaleur de mon sang imbibe mes vêtements, la tache rouge et sombre qui s'étend à toute vitesse.

Une seconde passe, puis une deuxième avant que mon corps ressente cette douleur sinistre qui se repend dans l'ensemble de mon corps, et qui me coupe le souffle.

En relevant les yeux vers elle. Je comprends mieux maintenant...

J'articule :

— D... Diane.

Pourquoi ?

Elle retire son faux ventre en mousse qui tombe par terre.

Un cri perçant déchire le silence. C'est Lalita qui sans perdre une seule seconde s'élance vers Diane, la sœur jumelle de Cherry.

— ESPÈCE DE FOLLE ! hurle-t-elle. LÂCHE-LA !

Mais Diane réagit avant qu'elle ne l'atteigne. Sa main libre plonge dans son dos, et elle ressort une arme. D'un geste vif, elle la pointe sur Lalita, impassible. Son visage, reste calme.

— Un pas de plus, Lalita, et je te colle une balle entre les deux yeux, tu as compris, petite conne, dit-elle d'une voix dénuée d'émotion.

Lalita s'arrête net, et hurle de me laisser partir, mais elle est impuissante. Nelly recule instinctivement, cherchant son téléphone dans sa poche. L'espoir qu'elle appelle des secours meurt aussitôt lorsqu'une détonation fend l'air.

Une balle frappe le sol à quelques centimètres des pieds de Nelly qui se fige de terreur.

— Appelle les secours, et la prochaine elle est pour toi, la prévient Diane.

Je halète, mes pensées embrouillées.

Ma tête tourne, et je lutte pour rester consciente.

Diane... C'est Diane. Pas Cherry.

La réalisation s'infiltre dans mon esprit comme un poison.

Miroir, mon beau miroir...

Je sens mes jambes vaciller, et je pense que la seule raison pour laquelle je ne me suis pas encore effondré, c'est parce que cette lame est toujours plantée en moi. Je sais qu'il ne faut surtout pas qu'elle la retire, car je risque de faire une hémorragie.

Le petit rire cruel de Diane résonne doucement.

— Surprise... murmure-t-elle avec malice.

Je veux bouger, reculer, m'éloigner, mais mon corps ne m'obéit plus.

Sa main tient toujours le couteau enfoncé dans mon ventre.

— LÂCHE CETTE ARME, DIANE ! crie Lalita désespérée. T'ES COMPLÈTEMENT MALADE !

Diane hausse un sourcil.

— Diane, arrête ! gémit Nelly. On peut parler, d'accord ? Mais laisse-là, s'il te plaît !

Je ne tiens plus. Mes jambes cèdent, et je me sens m'étaler sur le sol. Lalita et Nelly se précipitent vers moi, avec prudence elles me tirent un peu plus loin de Diane qui nous tient en joug.

Ma douleur pulse dans mon ventre. C'est tellement atroce que je peux à peine respirer. Chaque mouvement, chaque souffle semble me déclencher une nouvelle vague de souffrance. Mais Lalita enleve son hoodie et exerce une pression légère sur ma plaie.

Le couteau est toujours profondément enfoncé dans mon ventre. Agenouillée autour de moi, le visage des filles sont déformés par la panique. Elles n'osent pas toucher ma plaie, et je me sens littéralement partir. La douleur sourde qui me déchire l'abdomen, m'irradie jusque dans mes jambes.

— Cassie, reste avec nous, murmure Nelly en tapotant mon visage, sa voix brisée par ses larmes. Regarde-moi, d'accord ? Regarde-moi !

Je veux répondre, mais les mots s'accrochent dans ma gorge, coincés par la douleur et la peur. Une chaleur poisseuse s'étale sur mes mains, et je n'ai pas besoin de les regarder pour savoir que c'est mon sang. Mes paupières sont si lourdes, comme si mon corps voulait simplement s'abandonner.

— TU ES COMPLETEMENT CINGLEE ! hurle Lalita à Diane, ses yeux emplis de rage et de désespoir. REGARDE CE QUE TU FAIS, DIANE ! ELLE EST EN TRAIN DE MOURIR ! PUTAIN, LAISSE-NOUS L'EMMENER À L'HOPITAL ! QU'EST-CE QU'ON T'AS FAIT POUR MERITER ÇA !

La voix de Diane me parvient, et elle nous annonce :

— Vous ne pouvez pas imaginer depuis combien de temps j'attendais ce moment. Vous m'avez toujours ignorée. Toujours mise de côté, comme si j'étais un poids mort, une erreur qu'on pouvait oublier. Cherry, la parfaite Cherry, celle que tout le monde aimait. Et moi, hein ? Moi, j'étais quoi pour vous ? Une ombre. Rien. Vous m'avez volé ma vie !

— Diane, ce n'est pas vrai ! hurle Nelly, ses sanglots déformant ses mots. On ne t'a jamais voulu de mal ! Ça s'est fait tout natu-

— TAIS-TOI ! rugit Diane avec le visage déformé de rage. Vous m'avez réduite à rien, toutes les trois. Et maintenant, je vais m'assurer que vous le payiez !

Elle sort un téléphone de sa poche, son arme toujours braquée sur nous, rapidement elle compose un numéro et porte le téléphone à son oreille.

— Tu peux venir. Tout est prêt, dit-elle calmement.

Mon cœur s'accélère, malgré la douleur qui me consume.

Qui ?

Qui est en train de venir ?

À travers le brouillard qu'il y a dans ma tête, j'entends des pas dans le couloir.

Quelqu'un approche.

La panique s'ajoute à ma souffrance.

Et puis une première silhouette familière apparait.

Mes yeux s'écarquillent, on sang se glace.

Je crois avoir atteint le sommet de l'horreur, une silhouette apparaît dans l'encadrement du couloir.

C'est le serveur du Starbucks.

Dani.

Mon cœur tambourine violemment, comme s'il voulait s'échapper de ma poitrine. La douleur dans mon ventre se mélange à une peur si viscérale que je me sens à la limite de l'évanouissement. Je ne sais plus quelle sensation prédomine.

À mes côtés, Nelly ne retient pas son hoquet de surprise. Ses yeux terrifiés sont grands ouverts. Quand à Lalita, elle a un mouvement de recul en le voyant apparaitre.

En voyant Dani approcher lentement, ses chaussures faisant craquer le parquet, le souvenir de son visage que j'ai croisé un soir à Marylebone, me fait froid dans le dos. Ses cheveux blonds cendrés tombent négligemment sur son front, et son regard noisette et dérangeant croise le mien. Un sourire se dessine sur ses lèvres.

J'ai l'impression d'être l'objet de tous ses désir, et je le ressens jusque dans mes os.

Ce regard me cloue sur place, il m'emprisonne. J'ai l'impression de n'exister qu'à travers son prisme déformé de moi.

— Ne t'approche pas ! prévient Nelly d'une voix tremblante en essayant de se redresser légèrement.

Un coup de feu explose dans l'air. Lalita et Nelly s'écrit, tandis que la détonation me fait sursauter malgré moi, ce qui m'envoie une onde de douleur dans mon ventre. Je sens Nelly se figer à côté de moi.

La balle s'est plantée dans le sol juste à côté d'elle.

C'est Diane qui a tiré, son arme dans notre direction. Je suis presque sûre d'apercevoir presque de la folie dans ses yeux :

— Je t'ai déjà dit de te taire Nelly, je ne rigole plus.

Dani laisse un léger ricanement lui échapper, il s'approche de nous avec un sourire narquois. Lalita fait jongler son regard paniqué de moi à lui, mais elle ne peut pas bouger car elle maintient son hoodies sur ma plaie pour contenir l'hémorragie.

— Doucement, chérie, intervient Dani. Ne gaspille pas les munitions, ça vient tout juste de commencer.

Diane se tourne vers lui, et son expression change immédiatement. Comme si le simple son de sa voix l'avait apaisée. J'ai l'impression qu'elle le regarde comme s'il était un être supérieur qu'elle vénérait.

— Excuse-moi, murmure-t-elle en baissant légèrement son arme.

Je n'arrive à lâcher des yeux le "serveur du Starbucks".

Callahan l'avait compris directement, lui... que toutes ses petites attentions n'avaient rien d'anodines.

Il s'approche de nous, et s'accroupit près de Lalita, qui respire difficilement, les mains moites de mon sang et tremblantes. Son visage est couvert de sueur, ses yeux noir effrayés figés sur lui.

Dani nous regarde à tour de rôle, puis un sourire perfide étire ses lèvres, puis il murmure d'une voix froide 

— Quatre ans, Cassie... J'ai attendu quatre ans pour te voir comme ça. Et tu n'imagines pas à quel point ça valait la peine.















Bonsoir bonsoir, bonsoir ! 🎃


Ça-va ? ☕️








IT'S TIIIME TO TAKE THE TEA : ☕️, je veux tout entendre, vos impressions, vos ressentis, vos théories, vos retours pour ce chapitre ? Dites-moi tout ! (Comme le chapitre précédent, je vais tout lire avec attention, je n'ai supprimé aucun commentaire au dernier, et aussi, comme vous étiez nombreuses à soupçonner Dani, ça ne m'étonne pas que, mais ne vous méprenez pas, l'histoire n'est pas terminé, j'attends de vous lire 😙)





Je me rappelle du jour ou quelqu'un avait dit Diane elle est suspecte, je voulais tellement bloquer la personne et toute sa famille ! 😖 Heureusement cette théorie n'a pas trop pris d'empleur parce que pardon ça allait gâcher tout mon moment !

Quoi qu'il en soit... Plus qu'un chapitre... 😇 !






BYE 🏍💨🪐 !



Stardust 🍓


𝚂𝚎𝚎 𝚢𝚘𝚞 𝚜𝚘𝚘𝚗 🕰...



xo, Azra. ✿



IG: azra.reed

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