𝟻𝟾. 𝚅𝚒𝚜𝚊𝚐𝚎 𝚍'𝚊𝚗𝚐𝚎.
Bonsoir, ça-va ? 🕰
(𝖣𝖾́𝗆𝖺𝗋𝗋𝖾𝗓 𝗅𝖺 𝗏𝗂𝖽𝖾𝗈 𝗉𝗈𝗎𝗋 𝗏𝗈𝗎𝗌 𝗉𝗅𝗈𝗇𝗀𝖾𝗓 𝖽𝖺𝗇𝗌 𝗅'𝖺𝗆𝖻𝗂𝖺𝗇𝖼𝖾)
"On connaît un homme à ce qu'il essaye de taire"
Oliver Herford
𝙰𝙲𝚃 𝟿.
👒 𝙹𝚄𝙸𝙽 / 𝙹𝚄𝙸𝙻𝙻𝙴𝚃.
𝟧𝟪. 𝖵𝗂𝗌𝖺𝗀𝖾 𝖽'𝖺𝗇𝗀𝖾.
Ghost.
Mes pas résonnent contre le sol en pavé.
Ça fait plus d'une semaine que Wayne et moi avons recoupé des informations sur cette foutue Toyota bleue. À partir des caméras de surveillance, on s'est bien rendu compte que malgré les détours, cette caisse disparaissait systématiquement lorsqu'elle pénétrait le secteur de Creekside.
Depuis ce matin, je suis sur le terrain. Wayne me suit depuis les caméras, mais ce genre de boulot, ça se fait mieux sur place, je rôde autour du coin où cette voiture a été vue pour la dernière fois.
En longeant le chemin envahi par la végétation, je tombe sur l'entrée d'un vieux tunnel en pierre usé par les années et recouvert de mousse. Les arbres environnants étendent leurs branches et me freinent presque le passage, mais je suis les rails qui s'enfoncent dans l'ouverture béante.
Mon œil est attiré par un vieux panneau cabossé et rouillé qui ne laisse deviner qu'un mot : « Yard ». Le bout de mes doigts se pose sur le relief de mon Tokarev sous mon pull.
Je commence à entendre une voix enrouée, jusqu'à ce que deux silhouettes se dessinent.
Deux clochards sont retranchés contre le mur. L'un des types est complètement HS, vautré sur une vieille chaise de camping pliée sous son poids, sa tête tombant mollement sur son épaule. Sa chemise est tachée d'une couleur jaunâtre. Ses pieds, nus et sales, dépassent d'un pantalon déchiré, traînant sur le sol jonché de canettes.
Le second sans-abri est plus éveillé, bien que son état ne soit pas meilleur.
Une casquette usée couvre ses cheveux collés par la sueur, et il porte un T-shirt tellement usé qu'il laisse voir sa peau sous des trous béants. Assis sur un vieux seau renversé, il tient une canette de bière entre ses doigts noirs de crasse.
Il tourne la tête vers moi, et remarque que j'approche.
Mes doigts réajustent mon masque noir sur mon visage, ma capuche enfoncée sur ma tête, je finis par m'arrêter devant le duo.
— J'aurais une petite question, commencé-je.
Le type à la canette me scrute, ses yeux plissés exprimant une méfiance viscérale. Il ne répond pas tout de suite, prenant une longue gorgée de sa bière comme pour me tester. L'autre, toujours avachi, ne réagit même pas.
— Par le plus grand des hasards, vous voyez souvent une Toyota bleue dans le coin ? dis-je d'un ton posé.
— On parle pas aux condés, grogne-t-il finalement.
Je retiens un ricanement sous mon masque.
— J'ai l'air d'être un putain de poulet à ton avis ?
Il me scrute un instant comme s'il évaluait la véracité de mes propos, mais j'ajoute :
— Je cherche juste une voiture.
Je sens qu'il calcule ses chances de tomber sur un flic ou non. Sa posture change légèrement sur son sceau.
— J'sais pas, lâche-t-il enfin en avalant la dernière gorgée de sa bière, t'as pas l'air net. Et on veut pas de problème.
— Ça, par contre, ça doit pas te poser de problème, j'suppose ? j'ajoute en glissant une main dans la poche de mon sweatshirt pour en extirper des billets.
Son regard s'attarde immédiatement sur l'argent, je fais claquer quelques billets entre mes doigts. Malgré sa méfiance je sais qu'il les veux.
— Ouais.. Peut-être que j'peux me souvenir d'un truc...
Je tends un billet, juste assez pour le mettre à portée de main, sa main s'approche pour le saisir, mais je recule au dernier moment et l'informe :
— T'as intérêt à me donner des infos en béton, sinon je te casse la gueule.
Ses sourcils se froncent de surprise. Il hésite encore, ses doigts encore tendus vers l'argent. Mais finalement, il cède et attrape le billet.
— T'sais, les voitures comme ça, elles traînent pas longtemps ici. Mais ouais... J'crois que j'ai déjà vu une caisse comme ça restée garée parfois. Une Toyota bleue.
Mon cœur accélère légèrement face à l'information.
— Où exactement ? je le presse d'un ton catégorique.
Il frotte ses mains sur son pantalon troué, en cherchant ses mots.
— Parfois elle stationne vers l'ancien dépôt... à Ashcroft Yard, là où il y a la gare abandonnée.
J'entends des crépitements dans mon oreillette, très vite la voix de Wayne me parvient :
— T'es à moins de 700 mètres d'Ashcroft Yard.
— T'as vu qui la conduisait ? je demande au sdf.
Il regarde autour de lui pour vérifier que personne ne traîne dans les environs, puis baisse instinctivement le ton. Son compagnon à moitié dans les vapes n'a toujours pas donné signe de vie.
— J'sais pas qui la conduit, murmure-t-il. Je sais juste qu'elle traîne souvent près de la vieille station de métro.
Il me pointe vaguement du doigt une direction à l'extrémité du point, inondée de broussailles.
— Suffit que t'avances un peu... Tu verras des vieux panneaux, des trucs pourris, avec des pneus brûlés. Y'a des junkies qui viennent parfois la nuit. Mais... c'est pas un endroit où traîner tu vois.
— Des types ? Combien ? je demande.
Il hausse les épaules avec nonchalance.
— Pas beaucoup. Deux, trois, max. Ils sont toujours discrets. C'est leur planque, c'est sûr.
Je lui tends un nouveau billet, qu'il saisit rapidement, comme s'il craignait que je change d'avis.
Je hoche la tête en m'éloignant :
— T'as entendu ça, Knight ?
— Je crois qu'on tient vraiment quelque chose cette fois-ci, de l'autre côté du tunnel, il y a une ancienne voie de service un peu plus loin, sur ta gauche.
Je hoche la tête, tout en balayant les alentours des yeux. Le secteur est complètement silencieux, presque oppressant. La végétation devient de plus en plus dense mais parfois des traces d'anciens rails rouillés qui s'enfoncent par endroit dans la terre montrent un chemin.
Je finis par discerner une cabine téléphonique oubliée par le temps.
— Ghost ?
Je place mon index sur mon oreillette.
— Ashcroft Yard est désaffectée depuis les années 70. Le terrain a été laissé à l'abandon pendant des décennies, mais attend...
J'entends les touches de son clavier résonner. Pendant ce temps, mes pas me mènent vers un grillage complètement rouillé, à moitié couché dans les hautes herbes.
Un panneau en acier y est attaché par des chaînes, et je lis écrit en gras :
« Ashcroft Yard. Site protégé. Accès interdit. »
— « Protégé », hein ? je souffle en faisant plier le grillage sous mon pied.
Wayne reprend, sa voix plus tendue cette fois.
— J'ai une mauvaise nouvelle.
Je m'arrête net en ressentant un foutu frisson au creux de mon échine.
— Quoi ?
— Le terrain a été racheté il y a deux mois. Par Orpheus Communication.
Mon cœur rate un battement.
Encore ces putain d'Orpheus.
Les fils de putes, putain !
— Orpheus Communication ? T'es sûr de toi ?!
— Malheureusement j'en suis certain, répond-il après un court silence. C'est listé sous une de leurs filiales, Orpheus Property Limited.
— Ça pue la merde cette histoire !
Ma main extirpe mon Tokarev sous mon pull qui commence à me donner atrocement chaud. Un long soupir m'échappe alors que je reprends ma marche à travers les touffes d'herbes sauvages.
Le terrain descend dans une légère pente, et quand j'arrive au bout, je vois l'entrée de la vieille gare. Les murs sont souillés de graffitis. J'aperçois des escalators mécaniques à l'arrêt, recouvert de mousse.
L'endroit semble s'être figé dans le temps.
Je resserre ma prise sur mon arme, et baisse la sécurité.
— Knight, je suis devant l'entrée, dis-je doucement dans l'oreillette.
— Je n'ai plus de visuel sur toi, et je n'ai pas trouvé d'accès dans la zone.
Je grimace. Bien sûr qu'il ne pourra pas m'assister visuellement.
— Tu penses que ces enfoirés sont là pour une petite fête en sous-terrain ? je lui lance avec une pointe d'ironie dans ma voix.
— Sois prudent. Et reste sérieux.
Un léger rire sans joie m'échappe.
— Oui, père.
Wayne ne répond pas à mon sarcasme.
Je commence à descendre les escaliers mécaniques, chacun de mes pas résonne de façon froide sous mon poids. Mon Tokarev en main est rivé droit devant moi.
Si Orpheus a vraiment investi dans cet endroit, c'est certainement pas pour en faire un parc d'attractions.
C'est quoi ce plan, putain...
En arrivant au bout des escaliers, j'ai l'impression d'atterrir dans un film d'horreur.
Je me retrouve dans un hall immense, figé dans une désolation déprimante. Le plafond est parsemé de fils électriques pendants, d'ampoules suspendues qui vacillent et de morceaux de plâtre effondrés. Les murs sont couverts de graffitis et de traces de suie, de saleté.
Des flaques d'eau stagnent sur le sol craquelé, d'ailleurs j'entends des gouttes d'eau s'étaler quelque part, mais à cause de l'écho, je suis incapable de situer où.
J'inspire profondément et sors ma lampe torche.
Le faisceau traverse l'obscurité et fait quelques pas avant qu'une vibration dans ma poche me fait m'arrêter. Ma curiosité prend le dessus, et je sors mon téléphone. Prudent, je jette quelques coups d'œil autour de moi avant de fixer mon écran :
« Microbe : Coucouu Cal'. »
« Microbe : Tu me manques trop. »
« Microbe : Je peux passer chez toi dans 1 h ? »
Un sourire imperceptible monte à mes lèvres malgré moi. Mais je l'efface rapidement en tapant rapidement une réponse :
« Pas chez moi. Je passe ce soir. »
J'appuie sur envoyer mais un message d'erreur s'affiche : message non délivré.
Pas de réseau. Bien évidemment...
Un putain de film d'horreur.
Je serre les dents, frustré, et range l'appareil dans ma poche.
— Don... nouvelles.
Je fronce les sourcils et ajuste mon oreillette d'un geste rapide.
— Je t'entends pas, mec. Répète.
Après un grésillement, sa voix revient, un peu plus clairement :
— Donne-moi des nouvelles.
— C'est juste glauque pour le moment. J'en ai mar-
Je pivote brusquement en entendant un bruit derrière moi. Ma lampe torche se lève vers la source, tandis que mon souffle se coupe.
— Qu'est-ce qu'il se passe ?
Des rats. Un groupe de trois ou quatre détalent à toute vitesse.
— Putain... je marmonne, en soufflant grossièrement. Y'a des rats. Je déteste les ambiances pareilles.
L'endroit semble désert... si on exclut ces putain de rats.
Qu'est-ce qu'Orpheus peut bien planquer ici ?
— J'vois pas comment une caisse pourrait entrer ici, j'informe Wayne en chuchotant.
— Je suis en train de recenser le nombre d'entrées. Pour le moment, j'en compte sept. Trois sont condamnées, il y en a certainement une qui laisserait passer le véhicule qu'on recherche.
— Génial...
Mes yeux s'adaptent de plus en plus à l'obscurité.
Mon plus grand rêve, là, maintenant tout de suite, c'est de retourner à cette merveilleuse soirée du 5 juillet. Qui s'est soldée par un réveil à 5 heures tapantes du matin pour aller récupérer une pilule du lendemain parce que j'ai été trop con pour penser à me protéger.
Je secoue la tête pour m'enlever son image de ma tête dans cet endroit glauque.
C'est pas le moment.
Mon pied s'enfonce dans une flaque d'eau stagnante, jusqu'à ce que je m'arrête net.
— Knight, je murmure à l'oreillette.
— Dis-moi.
Là, devant moi, à moitié dissimulée derrière des panneaux publicitaires effondrés, se trouve une voiture.
Une Toyota bleue. Immatriculé : LD21 HJN.
Mon cœur bat plus fort. J'étrangle le manche de mon Tokarev et observe en ayant l'impression de suffoquer son mon masque. La lumière de ma torche balaie le véhicule, révélant des détails familiers : la rayure profonde sur le capot qu'on a repéré sur les vidéos de caméra surveillance, et l'antenne cassée.
Pas de doute, c'est elle.
— Je l'ai trouvée.
— OK... Reste attentif.
Je suis sûr de sentir l'inquiétude dans le timbre de sa voix. Je m'approche du capot de la Toyota.
Encore chaud.
Pas brûlant, mais assez pour me dire que cette bagnole n'est pas là depuis longtemps...
Je tourne rapidement autour de moi pour vérifier les alentours, ma torche projette des ombres irrégulières.
Celui qui l'a déposée ici... est probablement encore dans le coin.
Une goutte de sueur glisse le long de ma tempe. Il fait une chaleur infernale sous ce pull. Mon rythme cardiaque augmente.
Il faut que j'agisse vite.
En quelques secondes, je crochète la serrure. La portière s'ouvre et je plante le faisceau sans l'habitacle.
L'intérieur de la voiture est ordinaire, presque décevant. Des sièges usés, un tableau de bord couvert de poussière... mais en fouillant sous les sièges, mon regard tombe sur un objet qui me fait l'effet d'une putain de grande claque en pleine gueule : un gobelet de Starbucks.
Je m'arrête net, et prends le gobelet entre mes doigts gantés.
— Ça doit être une plaisanterie... je chuchote entre mes dents.
— Tu as vu quelque chose ? me questionne Wayne.
— Il y-
Un bruit métallique retentit dans la gare et brise ce silence pesant.
Mes sens se mettent en alerte, je relève la tête d'un coup en pointant mon Tokarev et ma lampe torche vers la source du bruit.
— Ghost ?
— J'ai entendu un bruit, je chuchote inquiet. Je crois que je ne suis pas seul.
— Fais profil bas et sors d'ici.
Je ne lui réponds pas.
Mes pas précautionneux écrasent par moment des éclats de verre éparpillés. Mon attention est rivée sur un ancien tableau d'affichage couvert de vieilles publicités qui ne se sont pas encore décollées. J'ai l'impression que mon souffle résonne dans cet espace.
Une nouvelle sueur glisse sur mon cou, mais j'éteins ma lampe torche lorsque je suis sûr de voir une stature dissimulée dans l'ombre.
Elle est immobile, je sais qu'elle m'a vu.
Les muscles de mon corps se tendent.
Sable ?
Je m'arrête, et profite de l'obscurité pour baisser les yeux une fraction de seconde vers mes pieds. Le sol en béton s'est remplacé par des grains mouvants et doré.
C'est pas le moment, Cal'.
C'était quand la dernière fois que j'ai pris mon traitement ?
— Cal !
Je secoue la tête en entendant la voix de Wayne résonner dans mes oreilles.
Reste sur terre, Cal'.
J'essaye de reprendre mon souffle et m'imprègne de l'odeur de l'humidité et de la rouille qui stagne autour de moi.
T'es à Creekside, pas en mission dans un désert.
Je me force à avancer d'un pas, en rivant mon Tokarev devant moi.
— Je sais que t'es là, connard ! je lance d'une voix glaciale.
C'est là qu'il bouge. D'un coup, l'homme saisit une barre de fer posée à ses pieds et la balance dans ma direction. Je l'esquive de justesse, la barre s'écrase dans un fracas métallique à plusieurs mètres du sol derrière moi.
Pas le temps de réfléchir. Mon Tokarev se lève dans un mouvement fluide, mon index frôle la détente, prêt à tirer. Mais le coup ne part pas lorsque ma main se retrouve bloquée sous l'impact brutal de son corps qui s'écrase sur moi.
Le choc est féroce. Son épaule percute ma cage thoracique, ce qui me projette en arrière. Je sens mon dos heurter un pilier.
— Sors d'ici, Cal' ! Merde !
Je titube en ayant les échos de la voix presque terrifiée de Wayne. Mon arme glisse presque de ma main mais je resserre au dernier moment ma prise tout en esquivant in extremis un poing qui allait s'écraser au beau milieu de mon visage.
Il tente de me désarmer en taclant mon poignet, je n'en démords pas.
Décidément, ce petit fils de pute ne me laisse pas une seconde, mais j'ai vu pire et tenu bon devant bien plus balaise que ça.
Ça sera certainement pas aujourd'hui, petit connard !
L'adrénaline pulse dans mes veines.
D'un mouvement précis, mon genou percute son abdomen avec force. Son grognement me parvient comme la réponse à mes prières. Sans perdre une seconde, J'enchaîne une série de coups bien placés sur l'ensemble de son corps. Mes coudes et mes poings frappent son torse, ses côtes, et son visage avec une précision chirurgicale. Chaque impact lui arrache des gémissements rauques. Sa respiration se fait de plus en plus lourde, presque désespérée, et il se met à chanceler sous l'impact.
En quelques secondes, je l'ai au sol, plaqué contre le béton rugueux. Il grogne de douleur, la panique se transmet dans son corps alors que j'agrippe le bord de sa cagoule pour l'arracher.
Mais à l'instant où je tire sur le tissu, une violente douleur explose à l'arrière de mon crâne. Une chaîne, un tuyau, peut-être même une batte... Je n'en sais rien. Tout ce que je sais, c'est que mon Tokarev glisse de ma main, ma vision me fait voir des étoiles noires.
— Wayne...
Sa voix grésille faiblement dans mon oreillette, mais je ne parviens pas à la distinguer clairement.
Tout me semble lointain.
J'ai l'impression que je vais m'écouler à tout moment, mais je parviens à m'appuyer contre un pilier pour ne pas m'écrouler complètement.
Quand ma vision se stabilise légèrement, je vois deux silhouettes devant moi.
Celui que j'avais maîtrisé se tient courbé, et respire grossièrement. L'autre juste à côté dégage ce truc qui titille mon esprit, et m'inquiète fortement. Le canon de mon arme qu'elle tient dans sa main est rivé sur moi.
Je fais jongler mon regard de ce canon à lui.
Je me demande s'il va tirer.
Quand ?
J'essaye de deviner leur visage derrière leur cagoule, pour anticiper leur prochaine action, mais ma douleur dans mon crâne me donne l'impression qu'un camion m'est passé dessus. Je les distingue très mal.
Je reste immobile, la scène me paraît irréelle.
Je ne sais pas si bouger ou parler signera mon arrêt de mort.
Eux ne disent pas un seul mot.
Ce foutu silence m'angoisse.
— Cal' ! Qu'est-ce qu'il se passe ? Réponds !
De nouveau, c'est la voix angoissée de Wayne qui me ramène sur terre. Je serre les dents en m'empêchant de répondre.
Mais à ma grande surprise, les deux hommes échangent un regard rapide avant de s'éclipser à reculons vers la Toyota, en me tenant toujours en joug.
— Cal ! tonne Wayne dans mon oreillette.
Je gémis de douleur en plaçant mon index sur mon oreillette lorsque ces deux fils de putes s'engouffrent à toute vitesse dans la voiture.
— ... Ils sont deux...
Le moteur de la Toyota rugit dans l'immensité de cette gare abandonnée. Les pneus crissent tandis que les feux arrière de la voiture disparaissent dans un tunnel adjacent.
Je me sens obligée de m'accroupir à cause de l'impact que j'ai subi à la tête qui m'étourdit encore.
— Ils ont la bagnole... et mon arme...
— Mais qu'est-ce qui t'a pris, putain ! Je t'ai dit de partir !
— J'ai-
Ma voix s'essouffle.
Je fronce des sourcils en réalisant que c'est pas tous les jours que Wayne se laisse dicter par ses émotions.
D'habitude, il est l'incarnation même du calme et du contrôle. Mais là, je peux sentir son angoisse à travers chaque mot qu'il prononce.
Je m'apprêtais à répondre, à m'excuser peut-être, mais les mots restent coincés dans ma gorge. Je me redresse lentement en m'appuyant contre le pilier.
— Tout va bien, Wayne. Je touchais juste enfin du doigt ce putain de stalker, je lui explique doucement. Enfin... ces stalker. Parce qu'ils sont deux.
Je l'entends soupirer, il prend quelques secondes avant de me répondre puis il me dit :
— OK. À quoi tu penses ?
Mon esprit tourne à cent à l'heure.
Je revois ce petit détail qui me ronge et auquel je refuse de céder : ce gobelet du Starbucks vide.
Je connais qu'un connard qui bosse là-bas.
Ce foutu Dani, qui s'amusait à donner des cinnanom roll à Cassie, et la suivre à deux reprises déjà.
Je secoue légèrement la tête, comme pour chasser l'idée. Ça ne peut pas être lui. Parce que si c'est Dani... alors c'est aussi Silas. Et Silas est enfermé dans une clinique psychiatrique depuis laquelle il ne peut pas sortir.
Et à ma connaissance, Agon a eu trois fils.
Benjamin, Silas, et Carl.
Je ne connais aucun fantôme du nom de Dani Caine.
— Vérifie les caméras de sortie du secteur, essaye de les suivre, je lui lâche finalement. Je rentre.
Il faut que je retourne voir Silas...
✤
Cassie.
Je fixe mon téléphone dans le porte-gobelet.
Mes dents mâchouillent nerveusement l'intérieur de ma bouche.
Pourquoi il ne répond pas...
Mon message est noté comme lu, mais il reste dans réponse.
Ça m'inquiète, c'est vraiment pas son genre.
Il est sûrement juste occupé...
OK, mais ça ne calme pas la petite pointe d'inquiétude qui monte en moi.
Un klaxon virulent derrière moi me fait soudainement sursauter. Mes mains s'agrippent plus fermement au volant, et je rive mon regard sur le feu qui est passé au vert.
— Pardon ! je m'écris même si personne ne peut m'entendre, en appuyant maladroitement sur l'accélérateur.
Ma voiture file alors que mon cœur tambourine dans ma poitrine. Je ne suis toujours pas habituée à conduire toute seule.
En fait, c'est la première fois que je le fais sans Callahan à mes côtés pour ricaner gentiment à chacune de mes erreurs et me dire de vérifier mes angles mort.
Le lendemain du 5 juillet, j'ai eu l'agréable surprise d'obtenir cette pilule du lendemain sans laquelle je ne serai pas aussi sereine dix jours plus tard. Et... les clés d'une jolie Volkswagen toute blanche.
Les souvenirs du moment où il m'a tendu les clés restent gravées dans ma mémoire, et je ne peux pas m'empêcher de sourire en revoyant son air adorable et tout fier de lui.
Non mais sérieusement, quel petit copain offre une New Beetle à sa copine au bout de trois mois de relation.
En tout cas je ne vais pas m'en plaindre ! Je l'adore cette voiture !
Mon attention se recentre sur la route. Je commence à distinguer les rues familières du quartier de Callahan. Je m'engage dans la ruelle sous l'arche qui mène juste devant son pavillon.
Avec toute la délicatesse du monde, je me gare prudemment devant son garage.
Quand je coupe le moteur, une vague de fierté m'envahit. Je suis arrivée jusqu'ici toute seule, sans paniquer.
Je sors de la voiture, en prenant mon téléphone et mon sac. J'ai remis une mini-jupe en jean que je sais que Callahan adore, avec un petit top fluide écru noué au centre avec un petit cordon.
J'avoue... que j'ai failli venir sans culotte. Mais je me suis dit dans le cas où je ferais un accident de voiture, je n'aurais pas l'air idiote.
Demain, on a un rendez-vous chez la gynécologue pour vérifier que la pilule à bien fonctionner. Et le surlendemain, c'est les résultats des élections de ma mère...
Ce soir il y a un gala, et j'ai vraiment besoin de le voir avant la soirée et ce rendez-vous qui me stresse même si je sais bien que j'ai pris la pilule à temps.
Je m'apprête à grimper les escaliers extérieurs pour atteindre sa porte, mais en posant un pied sur la marche, je m'arrête net.
Je fronce les sourcils en distinguant un homme en haut des marches.
Un homme, grand, impeccablement dressé dans un costume crème qui semble avoir été cousu sur lui, sa chemise blanche est légèrement ouverte avec deux boutons défaits. Lorsqu'il rabat ses cheveux châtain cendré en arrière, je remarque sans le vouloir une chevalière que je suis sûre d'avoir déjà vue quelque part...
C'est celle des armoiries de Callahan.
Mes lèvres s'entrouvrent pour articuler quelque chose mais sous ses yeux noisette, je me terre au silence. Son expression passe par plusieurs émotions, il semble d'abord se questionner sérieusement sur mon cas, puis je le sens plus intrigué. Au final, une sorte d'amusement plisse ses paupières comme s'il venait d'être illuminé par une chose que j'ignore.
Quand ses lèvres s'étirent légèrement en un sourire en coin narquois, je me sens un peu destabilisée.
Je fronce les sourcils.
— Bonjour.
Sa voix grave me parvient comme un mauvais présage. Je retire mon pied de la marche.
— Euh... Bonjour... vous cherchez Callahan ?
Il incline légèrement la tête comme s'il jaugeait un peu ma question. Son sourire ne me paraît pas vraiment amical. En fait, je ne suis même pas sûre de réussir à bien le cerner.
Sans me répondre, il descend lentement les marches, en fourrant ses mains dans ses poches.
Je déglutis. L'ambiance me paraît vachement bizarre tout d'un coup. Ma main serre un peu plus mon téléphone et la lanière de mon sac à mon épaule.
— Callahan n'est pas chez lui. Tu le cherchais ? me questionne-t-il intrigué.
Il s'arrête en bas des escaliers. J'ai l'impression qu'il n'y a pas assez de distance entre nous, alors instinctivement je recule d'un pas.
Ses yeux clairs me scrutent comme s'il cherchait à me déchiffrer.
Je reste interdite. Tout en moi me hurle que la situation n'est absolument pas appropriée.
— Tu le cherchais, n'est-ce pas ? répète-t-il sur un ton plus froid, non sans enlever son sourire.
Je n'apprécie pas la façon dont il me parle. Comme s'il me connaissait mieux que moi-même.
— Excusez-moi... est-ce qu'on se connaît ?
Soudainement, il me présente sa paume et me lance :
— J'ai été impoli. Benjamin Caine. Je suis son cousin, et toi tu es... ?
Mon regard jongle de sa poigne tendue vers moi à ses yeux. Je suis un peu déconcertée. J'ai déjà entendu ce nom, un soir quand Callahan dormait avec moi, il l'avait appelé en pleine nuit, et Callahan n'avait pas l'air enchanté du tout de lui parler.
— Cassie, je réponds finalement sans serrer sa main.
Il la reprend et hoche la tête lentement, l'air amusé, comme si ma réponse confirmait quelque chose qu'il savait déjà.
— Ah... oui. « Cassie ». Intéressant...
— Excusez-moi, je vais y aller.
Son intonation me met mal à l'aise, mais je ne le montre pas. J'avance et m'apprête à monter les escaliers pour aller sonner moi-même chez Callahan, mais à peine ai-je avancé que son cousin fait un pas sur le côté ce qui me barre le passage.
C'est une plaisanterie ?
Mon cerveau peine à traiter la situation. Je fronce les sourcils en le toisant de haut en bas.
— T'es quoi... pour mon cher cousin ? Une amie ? Une... plus-qu'amie peut-être ?
Je ressens un frisson glacé qui grimpe le long de ma colonne vertébrale.
Il me fixe avec une intensité qui me met profondément mal à l'aise. Ses yeux noisette me scrutent et ses lèvres s'étirent lentement en un sourire qui n'a rien de chaleureux.
Je croise mes bras sur ma poitrine pour mettre un maximum de distance entre nous.
Son attitude me fait autant frissonner qu'elle m'arrache un satané sentiment de frustration. J'ai juste l'impression qu'il s'immisce un peu trop dans mon espace, et que lui répondre c'est tendre la perche à quelque chose que je suis sûre ne pas vouloir.
Je commence doucement à détester ce regard un peu méprisant qu'il a pour moi.
— Je ne voudrais pas vous manquer de respect, mais je préfère ne pas vous répondre, dis-je d'un ton que j'espère ferme.
Il éclate de rire. Le genre de rire léger mais clairement moqueur. Je me rends compte que ma voix à tremblé, ce qui m'agace encore plus.
Sur le coup, j'ai presque envie de lui dire d'aller se faire foutre, parce qu'il commence à sérieusement à m'angoisser.
— Mais dis-moi, Cassie, sais-tu vraiment à qui tu as affaire en venant ici ?
Je reste silencieuse et extrêmement mal à l'aise. Mais Benjamin continue, il se penche un peu vers moi :
— Parce que moi je pense que non.
Je déglutis en sentant son souffle s'abattre sur mon visage. Ça me glace, mon cœur semble tomber dans mon estomac, mais je ne veux pas lui montrer ma peur. Mais soudainement, son regard semble changer drastiquement. Je vois quelque chose de différent dans ses yeux. Comme un choc brutal.
Son regard glisse rapidement de mon visage à mon cou, et s'arrête comme s'il avait vu un fantôme.
Je ne comprends pas ce qu'il se passe.
Mais je claque sa main lorsqu'il l'a levée près de mon collier.
— Je peux savoir ce qui vous prend ?! m'écrié-je d'une voix plus ferme que prévu.
Instinctivement, mes doigts s'emmêlent à mon collier de perles où reposent le pendentif de ma grand-mère, et la bague de promesse que Callahan m'a offerte. Une colère s'immisce en moi.
— Laissez-moi passer maintenant !
Je ne peux plus rester là. Cet homme m'opresse, et tout chez lui me donne envie de fuir.
— Il n'est pas chez lui. Je te l'ai déjà dit pourtant, reprend Benjamin, sur un ton plus froid. Mais je suis bien curieux de savoir pourquoi tu as la besa e Përjetshme de Callahan autour de ton cou.
Je fronce les sourcils, totalement confuse. Je reconnais vaguement le mot besa, « promesse » que Callahan m'a expliquée une fois, mais le reste sonne comme un charabia sans nom... Je serre un peu plus la bague entre mes doigts comme pour la protéger.
Benjamin me présente son propre index. J'y vois un anneau similaire à celui de Callahan.
— Ces bagues appartiennent à notre famille, continue-t-il. Et je ne me souviens pas t'avoir déjà vue dans notre cercle. Alors, comment peux-tu avoir celle-là ?
Je redresse la tête, et le toise d'un regard noir. Une colère sourde monte en moi. Je ne pense vraiment pas que je doive discuter de ça avec lui. Je riposte un peu avec agressivité :
— Je ne sais pas, il faudrait que tu voies directement avec ton cousin, j'ose rétorquer.
Je vois l'amusement passer dans ses yeux :
— Je suis sûre que tu ne me répondrais pas comme ça si tu savais ce que ça représentait vraiment.
— Peu importe, ça ne me-
— Cette bague ne t'appartient pas, Cassie.
Son fichu sourire collé à son visage me donne envie de le lui arracher.
— Elle appartient à quelqu'un d'autre.
J'ai un mouvement de recul face à ses mots. Mes sourcils se froncent.
— T'as aucune putain d'idée d'avec qui tu fricotes toi, hein ? Et je ne pense pas non plus qu'il t'ait expliqué ce que cette bague signifie vraiment.
La moquerie dans sa voix me serre le cœur. Je me retiens de lui dire que je sais que c'est une bague sur laquelle il gravera le nom de sa femme, et qu'elle est gage d'un mariage qui durera probablement pour l'éternité...
Finalement, je ne suis même pas sûre de tout savoir. Ses propos me figent sur place et tout d'un coup, sa question me fait douter de l'étendue de mon savoir.
Il lève son anneau entre nous pour que je le regarde à nouveau.
— Cette bague, et celle que tu portes autour de ton cou ne sont pas des accessoires.
Son ton est plus dur maintenant.
— Notre famille a, disons... ses propres règles, ses propres coutumes, poursuit-il, plus sérieusement. Et elle n'aurait jamais dû sortir de notre cercle. Callahan n'avait aucun droit de te la donner. Cette bague est destinée à celle qui deviendra sa femme.
Au vu de nombre de conversation sur le mariage que Callahan et moi avons eu, j'ose espérer qu'il tienne sa promesse...
Mais Benjamin poursuit son discours toujours aussi rude, et me lâche :
— Et cette femme, crois-moi que ce n'est pas toi. Il y a une fille au sein de notre communauté à qui cette bague est destinée. Pour être on ne peut plus claire, sa promise s'appelle Hira. Albanaise, de bonne famille, jolie... Elle tout ce que tu ne seras jamais au sein de notre communauté.
Ses mots s'enfoncent comme un coup de couteau en plein cœur.
Je fais un pas en arrière, on aurait dit qu'on vient de m'arracher mon cœur et qu'en plus, on continue de le tordre pour en essorer tout le sang.
Je secoue la tête, en refusant d'écouter davantage.
— Si tu penses que je vais te croire sur parole, c'est mal-
— Appelle-le, me coupe-t-il en replongeant sa main dans sa poche. Et demande-lui qui est Hira Dervishi. Tu reviendras me dire si tu me crois finalement ou pas.
Je ne supporte pas la sensation que j'ai dans mon estomac. Je ne veux certainement pas y croire je préfère nier en bloc, et attendre de voir Callahan avant de prendre quelconque décision.
— P-pourquoi me dites-vous ça ? murmuré-je. Ça n'a aucun sens.
— Remercie-moi, Cassie, je viens de t'éviter une vie à te demander si tu seras un jour plus qu'une simple distraction pour mon cousin. Je sais qu'il sait y faire en matière de femme. Tu n'es pas la première à y avoir cru, tu ne seras pas la dernière non plus. Mais que tu lui donnes ton corps ou pas, tu ne seras jamais l'officielle.
Je sens des larmes me monter aux yeux mais je me retiens de craquer devant lui. Je ne veux surtout pas lui donner cette satisfaction Mes doigts sont figés sur cette bague qui soudainement semble me peser une tonne. Et ses yeux me fixent cette fois-ci avec cette lueur froide, presque dangereuse qui me provoque un frisson désagréable dans le dos.
— Il n'y aura pas de place pour toi dans sa vie. Pas maintenant, pas demain. Et si tu t'accroches trop à lui, tu vas souffrir. Ou pire... Un conseil lâche l'affaire.
Sans attendre, il me dépasse en frôlant son épaule contre la mienne ce qui me déstabilise.
J'ai eu l'impression que mes jambes allaient me lâcher. Mais je ne bouge pas.
Son cousin s'éloigne silencieusement et chacun de ses mots, ce nom, tourne en boucle dans ma tête. Mes oreilles sifflent.
Une promise... ?
Hira Dervishi ?
Une Albanaise de bonne famille ?
Jolie...
C'est quoi cette histoire ? Callahan ne m'a jamais expliqué ça. J'ai cru comprendre qu'il suivait certains codes, mais jamais d'une histoire de mariage déjà prévu...
Je baisse les yeux vers la bague autour de mon cou, mes doigts tremblent et j'ai envie que cette bague me hurle de m'offrir une réponse toute faite.
On aurait dit que le poids du monde s'abat sur mes épaules.
Je regarde mon téléphone dans ma main. Mon fond d'écran affiche la nouvelle photo que j'ai prise avec lui.
Le 6 juillet... Après qu'il m'ait offert ma nouvelle voiture, ont déjeuné sur ce ponton au bord du lac. Je ne compte pas le nombre de selfies que j'ai pris avec lui. J'étais euphorique, peut-être un peu trop.
Et il y en a une ou je grimace un peu en levant les yeux au ciel, la bouche en cœur, tandis que lui à ce regard...
Je ne l'avais même pas remarqué sur le moment. C'est qu'en rentrant chez moi, en triant les photos que j'ai vu.
Ses yeux bleu nuit sont posés sur moi, avec une intensité que je ne pensais même pas possible. Une douceur infinie enveloppe son visage, et quelque chose de tellement profond et beau qu'il m'a fallu plusieurs secondes avant de me rappeler de respirer à nouveau.
Il ne me regarde pas juste moi. Il voit à travers moi.
De l'amour, pur et brut. Et sur cette photo, je l'entends me murmurer « je t'aime » de la plus sincère des manières.
Je déverrouille mon téléphone et m'empresse de trouver son contact. Normalement, il me répond toujours.
Je laisse le combiné sonner.
— Réponds...
La tonalité résonne une fois.
Puis deux.
Puis... suffisamment pour que j'arrête de compter, et que je tombe sur sa messagerie.
« Le numéro que vous avez composé n'est pas joignable pour le moment. »
La déception qui me déchire le cœur laisse une larme glisser le long de ma joue.
✤
Blackheath.
22 heures.
Je ne suis pas allée au gala de ce soir avec ma mère.
Quand elle a compris que je refusais d'y aller, ça a rapidement dégénéré. Les mots ont fusé, les insultes aussi, jusqu'à ce qu'elle perde patience et qu'elle veuille encore me gifler. J'ai réussi à la faire sortir de ma chambre.
Quand est-ce que je ne déçois pas cette femme de toute façon ?
Je ne peux plus la supporter. Et elle encore moins depuis que je ne vais plus en cours.
Il faut vraiment que je parte d'ici...
Telle une loque dans mon lit, je fixe le petit lustre vintage accroché à mon plafond.
Callahan m'a finalement répondu.
Il était peut-être 20 heures passées.
J'ai eu le droit à un :
« Burri im : mon amour, je passe chez toi dès que je peux. »
« Burri im : më fal. më fal. më fal. »
J'ai répondu à aucun de ses messages.
J'ai trouvé que trois petits « je suis désolé » n'étaient pas suffisant face au silence radio horrible dans lequel il m'a plongé toute l'après-midi.
Ça fait bien 40 minutes qu'il m'envoie des messages pour me demander pardon, et que je ne lui réponds pas. Je ne comprends toujours pas pourquoi il ne m'a pas simplement rappelé.
Comme il le fait toujours.
Peut-être qu'il était avec elle en fin de compte...
Hira Dervishi...
Le temps semble s'être figé depuis que j'ai vu son cousin. Je me sens engourdie, comme si mon corps avait décidé de se dissocier de tout ce que je ressens. Je suis perdue.
Je ne veux pas y croire avant de lui avoir parlé.
Je sursaute lorsque mon téléphone vibre brusquement sur la table de chevet.
« Appel entrant : burri im. »
Un soupir m'échappe, je laisse le téléphone sonner en fixant son nom à l'écran avec douleur.
De nouveau il rappelle.
Mes paupières se ferment le temps de rassembler mes pensées. Je ne peux pas le punir sans explications...
Résignée, je m'éclaircis la voix et décroche enfin.
— Allô ?
Le vrombissement d'un moteur gronde immédiatement à l'autre bout du fil, suivi d'un bruit sourd comme si Callahan démarrait à toute vitesse.
— Bonsoir, microbe... Je sais... tu vas me tuer, me dit-il d'une voix grave.
Je ne dis rien. J'attends qu'il parle. Il sait qu'il a merdé, ça s'entend dans le poids de son silence.
— Seigneur... Je sens que tu m'en veux à en mourir là, continue-t-il, presque désespéré.
Je prends une longue inspiration pour calmer les battements de mon cœur et la douleur que j'ai au fond de moi.
— Écoute, Callahan... je suis épuisée. On parlera demain, d'accord ?
— Cassie, je ne sais pas dans quel monde je te laisse dormir en étant fâchée contre moi, mais ça ne risque pas d'arriver.
Si... ça peut peut-être arriver, parce que mon monde s'est effondré tout à l'heure, et je ne sais pas si tu vas pouvoir réparer ça.
— Je suis là dans 15 minutes, ne dors pas, s'il te plaît...
Sa voix douce me laisse bouche bée.
Je ne peux pas croire qu'un homme si doux me cache tant de choses. Je préfère rester silencieuse et attendre qu'il vienne avant de m'emporter.
— Raccroche, mon amour, murmure-t-il doucement. J'arrive.
Et avant que je puisse dire quoi que ce soit, je coupe la ligne.
✤
Son casque de moto sous le coude, Callahan retire lentement ses gants en cuir.
Ses yeux me scrutent attentivement, comme s'il cherchait à deviner ce que je ressens. Il pince les lèvres, très mal à l'aise, et je peux voir sur son visage qu'il se sent coupable.
— Bonsoir, microbe... murmure-t-il d'une voix basse.
Je reste immobile un instant, en le fixant sans un mot.
Mais je fronce les sourcils en remarquant sur sa pommette un léger bleu qui commence à apparaître.
Il s'est battu... ?
Le rythme de mon cœur accélère. Je tente de faire comme si je n'avais rien remarqué mais mes pensées se bousculent frénétiquement.
Est-ce qu'il a tabassé quelqu'un comme la dernière fois ?
C'est pour ça qu'il pouvait pas répondre.
Est-ce qu'il a tabassé quelqu'un pour elle... ?
Une partie de moi veut lui poser la question, mais l'autre hésite, terrifiée à l'idée d'entendre une réponse qui confirmerait mes pires craintes...
— Tu sais, t'étais pas obligé de venir maintenant... Il est tard, je dis doucement sans le regarder, en me décalant de la porte pour le laisser passer.
Callahan fronce légèrement les sourcils, mais ne dit rien. Il entre, referme la porte d'entrée derrière lui, et me suit dans la cuisine. Au même moment, Sherlock descend les escaliers en trottinant sur ses petites pattes.
Callahan se penche pour le ramasser et le tient contre lui en la cajolant tout en continuant à m'observer.
— Cassie... ?
Je me dirige vers l'îlot central, et glisse la planche en bois sur le comptoir avant de prendre un avocat.
Il repose Sherlock doucement au sol, puis ses pas résonnent contre le parquet alors qu'il s'approche.
Mon silence lui fait visiblement comprendre que quelque chose ne va pas, mais il ne me presse pas non plus.
Son parfum boisé envahit l'espace, j'ai juste envie d'en profiter un peu plus, mais je chasse tous nos beaux souvenirs alourdis par ma peine.
Sa main se pose délicatement sur ma taille, et un frisson incontrôlé parcourt ma peau. Je déteste l'idée que mon corps me trahisse, qu'il réponde toujours à sa simple présence, à un simple toucher, mais c'est un fait : Callahan et moi, ça a toujours été comme ça depuis le début.
Peu importe à quel point je veux lui résister, à quel point je m'efforce de garder mes distances, tout semble s'effondrer dès qu'il me touche.
C'est ridicule, mais une part de moi sait que je pourrais céder à chaque fois qu'il s'approche, qu'il murmure mon prénom, qu'il me regarde avec cette intensité.
Et cette faiblesse me terrifie autant qu'elle m'attire.
Je me reprends quand je vois soudainement son casque posé sur l'îlot.
Une vieille habitude qu'il n'a toujours pas lâchée.
— Aller microbe, murmure-t-il doucement, avec un sourire dans sa voix. Ne sois pas fâchée contre moi.
Je ne lui réponds pas. Je ne suis même plus sûre que je sois juste de la colère. Je me sens trahie...
Il me tourne doucement vers lui, ses mains encadrent mon visage avec une douceur presque désarmante. Avant que je ne puisse réagir, il pose un baiser rapide sur mes lèvres. Mais ce soir, ce geste tendre me provoque plus de désarroi que de chaleur.
Je reste figée, et il le sent. Ses yeux se plissent légèrement comme si mon attitude le blessait.
— Je suis sincèrement désolé pour aujourd'hui, Cassie... souffle-t-il enfin d'une voix emplie de sincérité.
Je détourne le regard, lui tourne le dos, et reprends la découpe de mon avocat. Callahan recule à peine. Il se place à côté de moi, et continue de me regarder en massant sa nuque nerveusement.
La lame glisse sur le fruit et je tente désespérément de ne pas céder à la vague d'émotions qui menace de me submerger.
— Je sais que t'es fâchée, dit-il doucement. Et mon excuse est nulle à chier, je le sais. Mais je pouvais vraiment pas répondre.
Il me glisse une mèche de mes cheveux derrière mon orielle. Je ne réagis pas, alors sa main chaude se pose sur mon avant-bras pour que je me tourne encore vers lui.
Mais je n'en fais rien, si je croise son regard maintenant, je crois que je vais exploser. J'ai passé toute l'après-midi à cogiter, à assembler chaque pièce du puzzle, et mon silence m'aide à maintenir un semblant de contrôle face à son visage qui me donne l'impression que le mensonge est inscrit dessus.
— Tu veux des toasts ? je demande d'une voix neutre.
Finalement, je me retourne et force un sourire qui disparaît presque instantanément.
Il arque un sourcil, déconcerté par le brusque changement de sujet.
— Des... hein ? Des toasts ? répète-t-il, comme si je venais de lui parler dans une langue étrangère.
Je hoche la tête et retourne à ma découpe.
— Avocat, saumon, fromage frais. Ça te va ou pas ?
Il se passe une main dans les cheveux, clairement perturbée.
— Attends, commence-t-il. Cassie, c'est quoi ce truc ? Sérieux, qu'est-ce qui se passe ? Tu me stresses à mort là.
Je prends une tranche de pain et la glisse dans le grille-pain, en feignant l'ignorance.
— Pourquoi tu ne pouvais pas répondre aujourd'hui ? je lui demande finalement d'une façon détachée.
Il pousse un soupir lourd et s'approche. Ses mains se posent sur mes épaules et il me tourne vers lui. Cette fois-ci je suis obligée de céder.
— J'avais un truc vraiment important à faire.
— Un truc ?
— C'est le boulot. Et puis... quand j'ai reçu ton message, j'avais plus de réseau.
Je plisse légèrement les yeux.
— Quand tu n'es pas mon garde du corps, qu'est-ce que tu fais exactement comme « boulot » ?
Il tique, juste une seconde, mais je l'ai vu.
Je sens une petite colère sourde bouillir en moi, mais je m'efforce de l'étouffer. Je ne peux pas perdre mon calme maintenant j'ai besoin de preuves avant de tout gâcher maintenant.
Mais finalement, il éclate d'un rire bref, avant de secouer la tête comme s'il n'arrivait pas à croire ce que je suis en train de lui demander.
— Où est-ce que tu veux en venir ?
— Je te demande juste comment tu occupes tes journées, dis-je en haussant les épaules, comme si ma question était totalement innocente.
— Parfois j'ai de la paperasse, parfois je suis sur le terrain. Pourquoi ?
Je m'arrête une seconde, mon regard s'attarde sur son visage. Le bleu sur sa pommette me saute aux yeux. Ça ne colle pas du tout avec sa réponse.
— C'est en allant « sur le terrain » que tu t'es fait ce bleu, je suppose ?
Un silence s'installe.
Il ne répond pas tout de suite. Je me tourne et termine de faire son toast avant de lui glisser l'assiette devant lui. Mais il ne la regarde même pas.
— Cassie. Si t'as un truc sur le cœur, lâche tout maintenant.
Je m'essuie les mains sur un torchon.
— Tu es sûr que tu n'as pas d'autres obligations ce soir ?
Il plisse les yeux, ses sourcils se fronçant davantage. Je vois ses doigts pincer nerveusement sa lèvre inférieure. Il essaie de me déchiffrer, mais je ne lui laisse aucune ouverture. Je veux juste avoir des réponses rien de plus.
— Quelles obligations ? Non. Pourquoi tu dis ça ? répond-il enfin avec une pointe d'agacement.
Je hausse les épaules et entame un second toast.
— Comme ça.
Il ne comprend plus rien, et ça se voit.
— Cassie, commence-t-il doucement. J'étais vraiment occupé toute la journée. Je suis désolé de ne pas t'avoir répondu avant.
Je secoue légèrement la tête, en terminant de couper un avocat.
— C'est pas ça le...
Je m'interromps, mordant ma lèvre pour m'empêcher de trop en dire.
— Ce n'est pas quoi ? Le problème c'est ça ? insiste-t-il d'un ton plus pressant. C'est quoi alors ?
Résignée, je me retourne enfin vers lui, prête à l'affronter j'encre mon regard dans ses iris bleu nuit.
— Callahan... Tu sais, j'ai réfléchi à un truc...
Il a clairement l'air tendu. Mais je continue sur ma lancée :
— Je me suis rendu compte que tu ne m'avais jamais vraiment parlé de ta famille.
Il fronce les sourcils, pris de court.
— Ouais... mais encore ?
— Je sais pas, dis m'en plus sur eux. J'ai rencontré ta mère, mais les autres... je n'ai aucune idée de qui ils sont.
Il pince les lèvres, et passe une main dans ses cheveux qu'il tire en arrière.
C'est un tic que je lui connais bien : il cherche ses mots.
— Qu'est-ce que tu veux savoir ? demande-t-il un peu sur la défensive.
— Ils diraient quoi de moi, par exemple ?
Je vois son regard se durcir légèrement. Derrière ses lèvres, sa langue passe sur ses dents, il hésite à me répondre, mais me dit finalement :
— Je suis perdu. Ça ne te ressemble pas ce que tu me fais là.
— Je stresse juste un peu à l'idée de savoir s'ils m'accepteraient, Callahan. Tu me parles de mariage depuis des mois, mais mis à part cette bague que tu m'as donnée, je n'ai aucune preuve que tu vas vraiment le faire.
— C'est ta copine Sadie qui t'a mis ces idées dans la tête ou quoi ? lance-t-il en essayant de plaisanter, mais sa voix sonne faux. Pour quelles raisons je me rétracterais ?
— Mais juste répond-moi ! je m'écrie soudainement en perdant patience. Pourquoi tu tournes toujours autour du pot ?!
Il fronce les sourcils, clairement déstabilisé par ma soudaine montée de ton.
— Cassie, qu'est-ce qui te prend là ?
Je n'arrive plus à contenir tout ce qui bouillonne en moi.
— Juste pour une fois, sois direct !
— Va falloir que tu m'expliques sincèrement ce qu'il se passe là. C'est quoi ces questions ? Je m'en fous de savoir s'ils t'acceptent ou pas. C'est notre couple ou le leur ? Je comprends pas.
— Notre couple... je murmure pour moi-même, avant de reprendre à voix haute. Donc, il ne m'accepterait pas ?
Il ouvre la bouche pour répondre, mais aucun son ne sort. Pendant plusieurs secondes, il hésite. Mais finalement, il se décide à me dire :
— Franchement ? Ils n'auront pas le choix, pourquoi cette question ?
Mon souffle se coupe brutalement, avant que je sente ma respiration s'accélérer.
— Même si je ne suis pas albanaise ? demandé-je d'une voix tremblante.
Il secoue légèrement la tête, en laissant un rire nerveux lui échapper.
— Wow... mais putain... sérieusement, tu as parlé avec qui ? me demande-t-il, comme si c'était impensable que ces doutes viennent de moi.
Je serre un peu plus le manche du couteau que j'ai dans la main.
—Tu veux bien répondre à mes foutues questions et arrêter de me faire passer pour une idiote qui ne sait pas réfléchir par elle-même.
Ses mâchoires se contractent, son sourire s'efface immédiatement. Il passe une main sur sa nuque, agacé, mais plus nerveux qu'en colère.
— OK, më fal, Cassie. Mais que tu sois albanaise ou pas, ça change rien pour moi.
— Pour toi, peut-être. Mais pour ta famille ? Tu m'avais dit que vous étiez assez... communautaires. Et que vous suivez des règles qui vous sont propres.
Cette fois-ci il croise les bras sur sa poitrine comme s'il cherchait à mettre de la distance entre nous. Je continue de le questionner :
— Quand tu m'as donné cette bague, dis-je en attrapant l'anneau du bout des doigts pour lui montrer la bague. Tu m'as dit que tu risquais ta vie en me la donnant. Qu'est-ce que ça signifie vraiment ?
J'ai l'impression qu'il devient blême. Pendant un moment, ses yeux me fuient. Mais il reprend très vite contenance et me dit :
— T'es autant en colère contre moi parce que je n'ai pas répondu à ton message et tes appels, Cassie ? Sois un peu sérieuse ? Tu vas pas tout remettre en cause entre nous pour ça, rassure-moi.
Ce n'est pas pour ça...
Quand il s'approche de moi, j'ai peur de faiblir. Son corps arrive toujours à faire céder le mien.
— Allez, Microbe, lâche-moi ce mauvais regard, murmure-t-il d'une voix douce en se penchant légèrement vers moi. Je suis vraiment, vraiment, vraiment désolé. Je peux te montrer le message, tu verras qu'il n'a pas été délivré. C'est tout.
Sa main se pose doucement sur ma côte. L'autre effleure légèrement mon bras, comme s'il cherchait à m'apaiser, à briser la distance. Son toucher me provoque encore des frissons malgré moi.
Ses lèvres s'approchent de ma nuque, lorsque son souffle brûlant m'effleure, mes yeux se ferment. Timidement je sens un baiser sur ma peau, un second plus ferme fait réagir mon corps avant même que ma tête ne réfléchisse.
Contre ma volonté, je revis les sensations du week-end de mon anniversaire. Ses mains explorant chaque centimètre de ma peau, ses mots doux à mon oreille et ce désir brut qu'il fait naître en moi...
Hira.
J'écarquille les yeux et reviens immédiatement sur terre.
Est-ce qu'il l'a déjà touché comme ça elle aussi ?
Un violent dégoût m'enveloppe et une douleur soude me revient comme un coup de poignard en plein cœur.
Je me dérobe et fais un pas de côté pour briser ce contact.
Putain, ne soit pas conne Cassie !
Je reprends ma planche en bois en mon avocat.
Il soupire de frustration, en se grattant la mâchoire mal à l'aise, son autre paume s'appuie sur sa hanche. Son regard est perdu entre un désarroi et comme une peine à l'idée de l'avoir recalé.
— J'ai besoin que tu me dises ce que je peux faire pour me faire pardonner... souffle-t-il. Ça devient très, très dur, petite peste. Et je veux pas que tu penses à ce genre de choses concernant ma famille.
Sa tentative pour alléger l'atmosphère tombe à plat.
À ce stade, j'ai fini de couper cet avocat en lamelle, mais je cherche à tout prix un moyen de m'occuper l'esprit.
— Ta famille sait pour nous ? Je veux dire... mis à part ta mère ?
L'ombre d'irritation qui traverse son regard me fait froid dans le dos une seconde.
— Non, pas encore, répond-il avec une légère méfiance.
Je repose lentement le couteau, mes doigts frôlent le rebord de la planche, et mon cœur se serre à sa réponse.
— Alors pourquoi tu m'appelles madame Caine et tu me promets le mariage de mes rêves, une maison et des enfants si tu ne fais rien pour honorer cette promesse ? Qu'est-ce que je suis pour toi au juste ? demandé-je d'une voix ébranlée par l'émotion.
Il se fige. J'ai l'impression de le mettre au pied du mur. Finalement, il parle enfin. Et sa voix est plus grave et sèche :
— J'espère que j'ai très mal entendu et que tu ne viens pas de me demander ce que tu représentes pour moi.
Je serre les dents, en sentant ma frustration monter.
— Pourquoi tu m'as donné cette bague ? je m'écrie.
Il inspire profondément, ses mâchoires se contractant.
— Mais parce que je t'aime peut-être ? Que je te veux toi ? Mais merde à la fin c'est quoi ces putain de question, Cassie ?! réplique-t-il d'une voix tranchante.
C'est du Callahan tout craché. Quand il est frustré, il s'énerve, même si à la base, c'est moi qui devrais être en colère.
— Donc, elle n'appartient à personne d'autre que moi ?
Je vois une grimace d'incompréhension déformer les traits de son visage.
— Non, Cassie. Elle t'appartient. Je te l'ai promis, et elle ne se reprend pas, tu le sais très bien !
Je hoche lentement la tête comme pour avaler les informations.
— Tu ne l'avais jamais promise à quelqu'un d'autre ?
Je ne lâche pas ses yeux pour chercher le moindre signe de doute.
Il fronce dangereusement les sourcils, son regard me transperce. Il avance d'un pas et prend mon visage entre ses mains, en me forçant à le regarder. Ses doigts sont fermes sur mes joues, mais sa chaleur me brûle presque.
— De quoi tu me parles ? demande-t-il tendu. De quoi tu me parles, putain !
— Tu n'as pas de fiancée ?
Il reste silencieux une fraction de seconde, ses yeux jonglent rapidement sur l'ensemble de mon visage, mais il finit par répondre d'une voix grave :
— Ma fiancée, elle est devant mes yeux.
Je déglutis difficilement, mes pensées se s'entrechoquent violemment.
C'est la première fois que je remarque le rictus qu'il fait quand il n'est pas sûr de lui.
Il ment.
Callahan me ment...
Je le sens rien que dans ses doigts qui pressent mes joues comme pour m'empêcher de partir et je peux voir qu'il est à la fois en colère et terrifié par ce qui se passe.
Une douleur sourde et brûlante s'étend dans ma poitrine, j'ai vraiment du mal à respirer.
— Tu es sûr de toi ? Il n'y a que moi ? je lui demande d'une voix fébrile que je veux garder neutre.
Déstabilisé, je vois son hésitation, même si elle ne dure qu'une seconde.
— Oui. Je suis sûr, finit-il par dire.
Je ne le lâche pas du regard.
Quelque chose se déchire en moi.
Une colère sourde, mêlée à une douleur si profonde que j'ai l'impression qu'elle m'étouffe.
Mon estomac se noue brutalement. Je prends une inspiration tremblante, mais ça ne suffit pas à calmer la chaleur désagréable envahie ma poitrine.
Il est donc capable de me mentir avec un visage si convaincant.
Le frisson glacial qui parcourt ma colonne vertébrale éveille mon dégoût.
Non seulement envers lui, mais envers moi-même.
Comment ai-je pu être aussi aveugle ?
Je lève ma main pour le repousser, mais elle tremble. Mes doigts effleurent à peine son torse.
— Tu arrives vraiment... à me mentir en me regardant droit dans les yeux... putain... Cal'... murmuré-je, plus pour moi que pour lui.
Il fronce les sourcils, inquiet, et reste figé, comme si mes mots venaient de l'assommer. Je vois qu'il évalue la situation de façon militaire. Je vois l'incompréhension, la peur, l'angoisse.
— Je comprends pas, Cassie.
— Hira.
Je le repousse vraiment cette fois-ci.
Ses yeux s'écarquillent en même temps qu'il se paralyse sur place et que son souffle soulève son torse frénétiquement.
Il ouvre la bouche, mais aucun son n'en sort.
J'ai envie de vomir, littéralement.
— Cas-
Je claque sa main lorsqu'il tente de m'atteindre.
— Ne me touche pas ! Le nom d'Hira te dit quelque chose je me trompe ? demandé-je, cette fois avec une voix plus sèche.
Il recule légèrement en croisant ses mains sur sa nuque, sa panique grandit sur les traits de son visage.
— Putain..., murmure-t-il finalement, avec un rire nerveux qu'il réprime tout aussitôt. Qui t'a—
— Non, Callahan ! Pas de mensonges, pas de blabla. Explique-moi qui est cette fille ?
— Putain c'est quoi ce délire ? Qui t'a parlé de ça ?! crache-t-il d'une voix forte.
— Donc elle existe bien, cette fille ?!
— C'est pas ce que tu crois, je m'en bats-
— Elle existe, oui ou non ? Merde, mais réponds-moi ! m'écrié-je en ouvrant les paumes de colère.
— Je m'en fous de cette fille, elle...
— OK. Sors de chez moi.
Mon calme me surprend moi-même. Je prends la planche en bois pour la déposer dans l'évier, mais j'entends :
— Attends, attends, Cassie !
Sa poigne m'agrippe le bras, je me libère immédiatement.
— Je t'ai dit de ne pas me toucher ! Sois tu m'expliques de façon claire et précise qui est cette fille pour toi, et je déciderai si ça m'intéresse de t'écouter. Sois tu sors de chez moi, immédiatement.
Son visage est tendu, comme s'il ne savait plus quoi faire.
— C'est personne pour moi, cette fille !
— Et moi je te demande qui est cette fille pour toi !
— PUTAIN ! Ça sort d'où ce truc ? Qui t'a parlé de ça ?! hurle-t-il en levant ses paumes à son tour.
— ON S'EN FOUT ! je hurle en le poussant encore. Je le sais maintenant, alors soit tu m'expliques, soit je veux que tu partes tout de suite !
Il plaque son poing devant sa bouche, son regard est partagé entre le choc et la panique.
— OK... OK, souffle-t-il en essayant de calmer la tension. Cassie, c'est... c'est juste compliqué.
« C'est compliqué » résonne comme un « je t'ai trompé ». Et la douleur est atroce. J'aurais aimé ne jamais entendre ces mots-là. Une boule dans ma gorge m'étrangle, et je sens toutes mes forces me quitter.
— Callahan, je fais un effort surhumain pour avoir ta version des faits, et toi, tu te fiches ouvertement de moi ?!
Il passe une main dans ses cheveux, et tire nerveusement dessus.
— J't'ai dit... j'ai une très grande famille. Enfin... famille... c'est comme un grand groupe, tu comprends ?
Je plisse les yeux, en essayant de comprendre où il veut en venir, mais mes nerfs sont à vif.
— Hein ? Comment ça ? Quel groupe ? craché-je. Pourquoi on m'a dit que ça — je montre la bague accrochée à mon cou — ça, tu n'avais pas le droit de me la donner, et qu'elle appartenait à cette fille à qui tu es promis !
Il blanchit instantanément. Sa main attrape mon visage en coupe. Il me fait reculer jusqu'à l'évier derrière moi et m'articule sèchement :
— Qui t'a parlé de ça ?
Sa voix tranchante et basse me fait froid dans le dos, mais je refuse de me laisser intimider.
— Ce n'est pas le sujet, putain ! Arrête d'essayer de détourner la conversation !
— Je vais te reposer la question encore UNE fois, Cassie : Qui ? T'as ? Parlé ? De ? Ça ?
Je me laisse m'emporter et le repoussant en lui criant :
— Ton putain de cousin ! Benjamin ! Il m'a tout avoué !
Ses lèvres se retroussent légèrement, mais ce n'est pas un sourire sincère. Non. C'est un mélange de choc et de cynisme, comme si ma réponse ne faisait que confirmer ce qu'il savait déjà.
Il secoue la tête en retenant un rire nerveux.
— Bien évidemment... Benjamin... souffle-t-il en se passant une main sur le visage, jusqu'à tracer sa mâchoire. Évidemment que ça vient de ce petit fils de pute...
Je le fixe, ma poitrine se soulève violemment sous l'effet de ma colère et de ma douleur.
Je m'attends à ce qu'il se justifie, mais au lieu de ça, il lève les yeux vers moi, et son regard s'adoucit un instant.
— Écoute, Microbe, Benjamin est... Benjamin. Ce mec sait exactement où frapper pour faire mal, et il adore semer la merde. Tu veux savoir pourquoi il t'a dit ça ? Parce qu'il savait que ça allait, te détruire, toi, et nous, par extension. C'est comme ça que cet enfoiré fonctionne.
Il avance d'un pas, mais je recule instinctivement, et lève la main pour l'arrêter.
— Non, reste là. Tu ne vas pas me convaincre que c'est lui le problème ! Parce qu'au final, cette fille existe vraiment, et c'est tes mensonges qui sont en train de nous détruire !
— Mais... reprend-il rapidement, elle ne compte pas. Pas pour moi. Ça n'a jamais eu d'importance, et ça n'en aura jamais. C'est... très compliqué, Cassie.
— Ça n'a pas d'importance ?! je hurle alors que mes larmes menacent de tomber. Callahan, c'est ta fiancée ! Ta putain de fiancée que tu m'as cachée ! Et tu veux me faire croire que ça n'a pas d'importance ? Et arrête de me dire que c'est compliqué comme si j'étais une gamine incapable de comprendre !
Il lève les mains, comme pour se défendre. Je vois sa détresse, et je vois bien qu'il ne sait plus quoi répondre.
Je n'arrive plus à respirer ni à me contenir. Tout ce que j'ai gardé pour moi éclate d'un coup, comme une digue qui cède.
— Tu savais que ça n'allait pas marcher entre nous ! Mais tu m'as menti, Callahan. Tu m'as fait croire qu'on avait un futur. Et moi, je t'ai cru !
Il tente de s'approcher encore, mais je recule immédiatement.
— Cassie putain ! Je peux te jurer que je ne veux pas de cette fille ! Cette histoire, c'est pas ma décision !
Un rire amer m'étrangle. Je n'arrive même pas à croire qu'on puisse avoir cette discussion.
— Je m'en fous, Callahan ! hurlé-je en le pointant du doigt. Tu savais depuis le début que cette discussion allait arriver ! Tu aurais pu me prévenir bien avant pour que je puisse savoir si j'ai envie de m'engager dans un truc pareil ou non ! Mais non, toi, t'as préféré me manipuler juste assez pour que je te cède tout ! Et maintenant, je découvre que tout ton cinéma, c'était un putain de mensonge !
Sa panique se retranscrit sur ses traits, et je ne lui laisse pas le temps de chercher plus d'excuses.
Mes doigts tremblent alors que je détache mon collier et arrache sa bague de promesse de son pendentif.
— Cassie.
Je la lui mets sèchement dans la paume.
— Sors d'ici, Callahan !
Il secoue la tête et refuse de bouger.
— Cassie, je ne peux pas te laisser nous faire ça.
Sa voix est blanche. Lui rendre sa bague c'est comme si je venais de le poignarder.
— Arrête de faire semblant qu'on a une chance toi et moi ! Ton cousin m'a dit que ta famille est super conservatrice, qu'ils n'accepteront jamais une non-Albanaise !
Je m'avance vers lui avec rage, et mon index se pointe sur son torse :
— Je t'avais dit, Callahan ! Je t'avais dit que j'avais l'impression que tu me cachais des choses ! Et t'a continué à garder le silence en pleine face juste pour m'avoir dans ton lit !
Je sens mes larmes monter, mais je m'efforce de les retenir. Je ne peux pas pleurer maintenant, mais les souvenirs du 5 juillet me reviennent en force. Les regrets se mélangent à l'amour dévastateur que je ressens pour lui et ça me déchire de l'intérieur.
Je le pousse encore, parce que c'est la seule chose qui m'empêche de ne pas devenir hystérique.
— Je t'ai donné ma putain de virginité, Callahan, merde ! On a même pris le risque que je tombe enceinte de toi ! Tout ça pour quoi ? Pour cette putain de bague en rhodium qui pendant tout ce temps était officiellement promise à une autre femme que moi ! COMMENT TU AS PU ?!
Il avance en tendant ses mains tremblantes vers moi. Je le repousse avec force, mais il ne veut pas s'éloigner, il arrive à saisir mes poignets malgré mes tentatives de me libérer.
— Cassie, pitié ! Il faut vraiment que tu me fasses confiance sur ce coup-là !
— Si tu voulais que je te fasse confiance, pourquoi tu ne me l'as jamais dit avant ?
Ma poitrine se soulève rapidement et chaque respiration étend une douleur qui me brûle l'intérieur.
— Je ne peux pas tout te dire maintenant, putain ! Il faut que tu m'écoutes et que tu me croies ! Oui, j'ai des obligations dans cette foutue famille, et mon modèle familial est assez spécial ! Tu n'as pas idée de ce qui se passe en interne et tout ce que je dois endosser ! Mais jamais cette fille n'entre dans l'équation entre toi et moi ! Et je m'en bats les couilles que tu ne sois pas albanaise !
Je secoue la tête, tout de même dégoûtée par ses mensonges. Je dégage violemment mes poignets de son emprise. La douleur dans ma poitrine devient insupportable, et mes mots sortent dans un souffle coupé :
— Bien-sûr que si qu'elle entre dans l'équation ! Tu m'as prise pour une conne, Callahan ! Tu m'as promis monts et merveilles, mis un tas d'étoiles dans les yeux, dit « je t'aime » en prenant ma virginité, en sachant pertinemment que tu n'étais pas totalement honnête, et tu penses que tes explications me suffisent ?! Que je vais me contenter de te faire confiance au nom de quoi exactement ?!
Callahan me fixe, ses yeux sont hantés par une peur désespérée qu'il n'essaie même plus de cache.
Pendant de longues secondes, il ne dit rien. Il a l'air... perdu. Un peu brisé. Je déteste le voir comme ça, mais ça n'apaise pas la douleur que j'ai dans ma poitrine.
— Je sais que...
Sa voix s'éteint. Alors il s'éclaircit la gorge et inspire profondément avant de reprendre :
— Je sais que j'ai merdé... encore. Mais, je t'en prie Cassie. Il faut que tu me fasses confiance.
Il essaie de me rendre sa bague de promesse mais je la refuse.
— Je veux juste que tu sortes de chez moi.
— Non, je ne t'abandonnerai pas comme ça.
— Tu penses avoir le choix ? je lui crache en le toisant.
— Je n'ai jamais voulu te faire de mal !
— Tu m'en a fait suffisamment en me mentant constamment !
— Mais je ne peux pas laisser un ange comme toi descendre en enfer avec moi, putain ! Alors oui, il y a des choses que je ne pourrais pas te dire maintenant mais je te pro-
— Je ne veux plus entendre tes foutues promesses, je ne te fais plus confiance !
Il semble flancher sous mes paroles, comme si physiquement, elle l'atteignait.
— Cassie, s'il te plaît...
— Tu ne peux pas me demander ça, Callahan. Tu n'as pas le droit de me demander de te faire confiance les yeux fermés sans que je sache dans quoi je m'embarque. Tu m'as bercée d'illusions, en sachant pertinemment que tu n'aurais jamais pu me faire entrer dans ton « organisation familiale ». Tu savais que tu avais déjà une promise, que toutes ces histoires sont dangereuses au point où tu m'as demandé si je fuirais avec toi ! T'entends à quel point c'est idiot !
Je détourne le regard vers les grandes fenêtres, je ne sais même pas comment j'ai réussi à retenir mes larmes jusqu'à maintenant parce que ma douleur dans le ventre est tout bonnement une torture irréelle.
— Tu sais qui je suis, Cassie, me dit-il d'une voix rouillée. Et je n'ai pas besoin que tu voies d'autres versions que celle que je suis quand je suis avec toi. Ne nous fais pas ça, putain, n'agis pas impulsivement !
Je secoue la tête, en fermant les yeux pour ne plus entendre ses supplications.
— Ça fait un an, Callahan. Un an qu'à chaque fois que je te donne des parties de moi, tu me présentes une facette de toi que je ne suis pas en mesure d'assumer. Une facette qui me détruit littéralement.
— Dis pas ça... murmure-t-il d'un ton suppliant en levant ses mains hésitantes près de mon visage. C'est vrai... J'ai pas été à 100 % honnête... repend-il d'une voix rauque. OK, il y a des choses que je préfère enfouir, mais un truc est sûr, je suis désespérément amoureux de toi, Cassie. Ça, c'est vrai, et je veux que tu t'accroches juste à ça.
Il dépose ses paumes brûlantes sur mes joues, et me regarde avec une telle tristesse que j'ai peur que ça me fasse presque tout oublier.
— Non...
J'entends que ça lui coupe le souffle.
Je viens de briser son cœur et à cet instant, sa douleur est mienne.
Son regard se fragmente un peu, et il lui faut plusieurs secondes pour reprendre sa respiration :
— Non, Callahan, je ne m'accrocherai pas à des sentiments, articulé-je d'une voix tremblante. J'ai déjà donné, et j'ai fini avec les côtes cassées dans un hôpital... Je ne prendrai pas le risque de tomber par amour sans savoir à qui j'ai affaire.
Cette fois-ci, mes larmes glissent sur mes joues sans que je ne les contrôle. Mes propres paroles m'oppressent douloureusement.
Je me déteste de lui dire tout ça, mais il n'est pas prêt à tout me dire, et je ne suis pas prête à tout perdre aveuglément.
— Tu me dis que tu m'aimes, mais qu'est-ce que tu aimes chez moi exactement ? Ma naïveté ? Mon silence ? Ma docilité ? Quand on aime, on est honnête. Quand on aime, on ne cache pas qu'on a une fiancée dans l'ombre. Quand on aime, on ne brise pas la confiance de l'autre. C'est pas ça, l'amour selon toi ?
— Si... murmure-t-il en caressant mes larmes de ses pouces.
— Quelles chances on a tous les deux ? Soit honnête ?
Ma voix tremble. Et là, il baisse la tête pour fuir mon regard. Ce simple geste me fracasse, et semble ouvrir la terre sous mes pieds et nous fait tomber dans un gouffre de souffrance qui m'arrache un petit hoquet de douleur.
J'ai compris.
On n'en a aucune...
Et il le savait.
Depuis le début...
Mes doigts s'accrochent au comptoir derrière moi pour m'éviter de m'effondrer.
Malgré mes repousses, une part de moi avait presque espoir qu'il me répondrait tout de suite qu'on avait nos chances.
— Tu savais... hein... Tu le savais que ça ne marcherait jamais entre nous...
Il pince les lèvres, son regard toujours perdu au niveau de ma poitrine. Il semble sincèrement brisé, je dirais même que ses épaules affaissées sous le poids de mes accusations. Plusieurs fois, je sens bien qu'il cherche ses mots.
— Réponds-moi ! je hurle presque.
Il lève un instant les yeux, juste assez pour croiser mon regard. Et dans ses prunelles, je vois tout. La culpabilité. La peur. La souffrance.
Ça me tellement fait mal que j'essaye de respirer correctement.
Et à cet instant je me demande comment j'ai pu croire que ça serait aussi simple entre lui et moi ?
Tout ce que je voulais, c'était être son petit tout. Être une part de lui qui ne le quitterait jamais. Ressentir à jamais cette émotion douce et intense à chaque fois qu'il me regarde.
Mais tout ce qu'on a construit ne s'est basé que sur des tissus de mensonges et un avenir qu'il savait impossible !
Un souffle brisé m'échappe :
— Je t'ai tout donné... j'articule d'une voix brisée. Je t'aurais tout donné... Un foyer, mon affection, des enfants, mon amour... Tout ce que tu m'aurais demandé, pour ton bonheur je l'aurais fait...
Son visage se décompose littéralement sous mes yeux. Mes paroles le brisent.
— Je suis désolé de tout ruiner, et je suis désolé de ne pas pouvoir être celui dont tu rêves maintenant.
Ses mots chuchoté, au lieu de m'apaiser, décuplent ma colère que je ne sais plus comment contenir.
Je le pousse en laissant un hurlement de douleur m'échapper. Il recule de quelques pas, légèrement choqués. Et je fonce encore sur lui en le poussant une seconde fois.
— Quand tu as tabassé Taylor, on a passé toute une soirée à se disputer pour cette même raison ! PUTAIN, JE T'AVAIS DIT QUE J'AVAIS PEUR, QUE JE NE SAVAIS RIEN DE TOI !
C'est la première fois que Callahan est aussi silencieux. D'habitude lorsqu'on a des disputes, il ne me laisse jamais sans réponses, mais cette fois-ci c'est différent. C'est comme s'il se retenait de parler pour éviter d'aggraver son cas.
— Qu'est-ce que tu me caches encore qui risque de retourner mon monde comme aujourd'hui ? Avec tes blessures, ta violence, tes secrets ! Je suis sûre qu'il y a PIRE que juste une fiancée !
Le silence qui suit est suffocant. Je l'observe, en attendant une réponse, mais rien ne vient. Il baisse encore les yeux une seconde, et son regard brisé me fait comprendre qu'il n'a rien à dire qui pourrait réparer tout ça.
Mon cœur est en miette.
Mes larmes glissent jusque dans ma gorge et cette fois-ci, je lui murmure à bout de force :
— Pars, maintenant... Callahan. Je ne veux plus rien savoir.
Il ne bouge pas immédiatement.
— Je ruine vraiment toujours tout avec toi...
Ss mots s'écrasent sur mon cœur. Il a un petit sourire inondé de tristesse et de douceur. J'ai l'impression qu'il s'excuse silencieusement mais qu'il sait que le dire n'y changera rien.
Je le fixe, comme si ça allait effacer tout ce qui vient de se passer.
J'entends soudainement un petit bruit métallique sur l'évier de la cuisine. Je baisse les yeux et constate qu'il a de nouveau déposé sa bague.
— Shqiptarët vdesin dhe Besën nuk e shkelin... me murmure-t-il doucement.
Un Albanais préférerait mourir plutôt que de violer la besa.
Je me perds dans la contemplation du rhodium. En apercevant son nom gravé à l'intérieur.
Callahan Michael Caine, et à côté, il devrait figurer un nom.
Cassie Sophia Bennett...
Ou,
Hira Dervishi ?
Je sais déjà que ça ne sera pas le mien.
— Ose ti ose kerkush hiq. (Toi, ou personne d'autre) Même si tu ne veux pas qu'il y ait de fin heureuse pour toi et moi, moi j'y croirais jusqu'au bout, murmure-t-il d'une voix si basse qu'elle se mélange presque dans le silence. Et je ne changerai pas d'avis. Je serai toujours là. Et même quand tu ne me verras pas, je resterai ton petit fantôme.
Ces mots achèvent ce qu'il reste de mon cœur.
Mon souffle s'accélère, chaque inspiration me brûle, et je fais tout pour rester debout.
Je récupère sa bague qui pendant des mois à fait gage d'amour et de promesse.
Mais elle ne représente qu'un putain de mensonge à présent.
Ma main saisit son poignet et je lui ouvre sa paume dans laquelle je laisse tomber le rhodium, même s'il paraît réticent, je ne lui laisse pas le choix et referme sa main.
— Pars.
Il me regarde dévasté.
Je mets de la distance entre nous.
Sa vulnérabilité est criante sur son visage.
— S'il te plaît... Callahan... va-t'en.
Quand il fait un premier pas en arrière, j'ai la sensation qu'on arrache partiellement une partie de mon âme. Le deuxième me fait encore plus mal que le précédent. Et le troisième me fait perdre la raison.
Son expression me transperce de la pire des façons. C'est plus qu'un adieu. Il me regarde comme si c'était la dernière image qu'il voulait garder de moi, comme s'il essayait désespérément de graver chaque détail, chaque ombre dans sa mémoire.
Je détourne le regard la première, incapable de soutenir cette intensité.
C'est trop pour moi...
Je ferme les yeux en l'entendant reprendre son casque, et ses baskets frôler mon parquet jusqu'à entendre la porte d'entrée se refermer doucement derrière lui.
Le silence me fait suffoquer. Je reste debout un instant, incapable de bouger.
Tout en moi hurle que c'est irréel ce qui vient de se passer, que ce n'est pas possible, mais la réalité me rattrape.
Callahan et Cassie c'est terminé.
Mes jambes tremblent sous le poids de mes émotions, et je finis par m'effondrer sur le sol de ma cuisine.
Mon souffle erratique m'empêche de respirer correctement. À ce moment j'aimerais juste qu'il revienne et qu'on oublie tout, mais je sais que je ne peux pas me bercer d'illusions dans un amour qui sonne faux.
Mais tout de même... Je me demande si j'ai pris la bonne décision ?
Cette question tourne en boucle dans ma tête.
Une partie de moi voudrait croire que oui, que c'était nécessaire, que je devais me sauver avant de tomber de haut. Mais une autre... Une autre me murmure que j'ai peut-être tout gâché.
Que j'aurais pu essayer de mieux comprendre...
Cassie il ne te dirait rien de toute façon.
Je renifle bruyamment, en essayant de reprendre mon souffle.
Je revois son visage, sa tristesse déchirante.
Je pensais avoir rencontré l'amour de ma vie...
Je me suis trompé. C'était juste l'amour d'une saison.
L'amour de mon automne.
Je me recroqueville sur moi-même, mes bras serrés autour de mes genoux. Mais aucune étreinte ne comble celle que Callahan m'offrait. Je ressens notre rupture jusque dans mes os.
Il a un visage d'ange, mais son cœur est certainement plus sombre qu'il me fait croire...
Et peut-être que parfois, il vaut mieux briser son propre cœur pour sauver son âme.
✤
Bonsoir bonsoir, bonsoir ! 🎃
Ça-va ? ☕️
IT'S TIIIME TO TAKE THE TEA : ☕️, je veux tout entendre, vos impressions, vos ressentis, vos théories, vos retours pour ce chapitre ? Dites-moi tout ! (Je vais tout lire avec attention, je vous vous voyez plus votre commentaire c'est que je l'ai supprimé MDRR)
Bon... 😙... Euh... voilà quoi, il fallait bien qu'elle sache... 😬 Désolée !
Il reste... 2 chapitres 🫥 BYE ! (J'ai hâte désolée, juste pour avoir vos réactions MDR)
BYE 🏍💨🪐 !
Stardust 🍓
𝚂𝚎𝚎 𝚢𝚘𝚞 𝚜𝚘𝚘𝚗 🕰...
xo, Azra. ✿
IG: azra.reed
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top