𝟻𝟻. 𝚕𝚎́𝚐𝚎̀𝚛𝚎 𝚕𝚞𝚎𝚞𝚛 𝚍'𝚎𝚜𝚙𝚘𝚒𝚛.

Bonsoir, ça-va ? 🕰



(𝖣𝖾́𝗆𝖺𝗋𝗋𝖾𝗓 𝗅𝖺 𝗏𝗂𝖽𝖾𝗈 𝗉𝗈𝗎𝗋 𝗏𝗈𝗎𝗌 𝗉𝗅𝗈𝗇𝗀𝖾𝗓 𝖽𝖺𝗇𝗌 𝗅'𝖺𝗆𝖻𝗂𝖺𝗇𝖼𝖾)



"L'espoir est la foi qui tend sa main dans l'obscurité."
George Iles.



𝙰𝙲𝚃 𝟾.

🌻 𝙰𝚟𝚛𝚒𝚕 / 𝙼𝚊𝚒.



𝟧𝟧. 𝗅𝖾́𝗀𝖾̀𝗋𝖾 𝗅𝗎𝖾𝗎𝗋 𝖽'𝖾𝗌𝗉𝗈𝗂𝗋.



Cassie.



Je me réveille dans un lit qui n'est pas le mien.

Mes paupières sont lourdes, mes membres engourdis, et quand j'ouvre les yeux, le plafond au-dessus de moi me semble étranger.

Il est blanc, je ne le reconnais pas tout de suite. Pendant une seconde, j'essaie de me rappeler où je suis, mais ma tête me fait si mal que je dois refermer les yeux pour tenter de me concentrer. C'est comme si mon crâne menaçait d'exploser à tout moment et j'ai bien l'impression que chaque battement de mon cœur résonne jusque dans mon ventre.

Je tente de tourner la tête, juste un peu, pour comprendre cet endroit, mais un vertige me prend.

Je sens la pièce tourner autour de moi, j'ai la sensation de tomber du ciel indéfiniment. C'est juste horrible à vivre, mes doigts agrippent aux draps.

Je cligne de nouveau des yeux et je parviens finalement à regarder vers la fenêtre.

Il fait nuit.

Le ciel est si sombre, si intense, que j'ai l'impression qu'il m'engloutit, moi, et tout ce que je représente.

Je fixe la nuit, et je sens son regard sur moi. Cette sensation d'immensité me submerge, je m'y perds pendant de longues secondes, noyées dans ce vide.

Je ne pense à rien d'autre.

Juste ce ciel noir et vide.

Puis, comme une vague violente, les souvenirs me frappent brutalement !

Nelly, Cherry, Lalita !

Mon estomac se retourne, la nausée monte, je me redresse d'un coup en plaçant ma paume devant ma bouche. Je parviens à retenir ces remontées acides, mais mes larmes commencent déjà à couler sans que je ne puisse les retenir. Elles brûlent mes joues, mais la douleur dans ma tête est pire.

Les souvenirs sont pires.

Tout le monde sait !

Tous mes secrets, ceux de mes amies, exposées à la fac !

Je revois cette centaine de paires d'yeux rivés sur moi.

Les photos de mon intimité placardées sur ce tableau vert.

J'entends les murmures, et je me sens déchanter.

Ça fait combien de temps que je dors ? Je dois absolument contacter les filles !

Je ne peux pas les laisser comme ça.

Je respire de plus en plus vite. Mon cœur s'emballe. Je suffoque sous la panique et le désespoir.

Je ne sais même plus si c'est à cause de la honte ou de la culpabilité, mais cette migraine me tue. Il faut que je sorte d'ici !

Je remarque que je porte un short de sport trop grand qui n'est pas le mien, et un t-shirt bien trop large. Je sais que ce sont les vêtements de Callahan, je reconnais son odeur. Et c'est à cet instant que je me rends compte que je suis dans son lit. Un frisson froid me fait légèrement trembler. Mes yeux se posent sur un gilet au pied du lit. Sans réfléchir, je l'attrape et l'enfile avant de le serrer contre moi.

L'urgence de la situation m'incite à me lever et sortir d'ici.

J'ouvre doucement la porte, mais je me fige lorsque des voix d'hommes me parviennent depuis le salon. Une vague de stress m'envahit instantanément.

Callahan n'est pas seul.

Mon cœur se met à battre plus fort, une nouvelle panique sourde monte en moi.

Je reste au seuil de la porte en tendant l'oreille pour capter la conversation.

— Je ne sais pas, Cal'... J'ai fouillé, et je n'ai plus de contact avec elle pour le moment, dit une voix masculine.

Cette voix... Je suis sûre de la reconnaître, mais je n'arrive pas à placer un visage dessus tout de suite.

Puis une autre voix prend le relais, un peu moins rauque :

— Mais t'as rien pu tirer du type ? Tu sais, celui que tu as tu-

— Neo.

Cette fois-ci, je reconnais immédiatement ce timbre.

C'est Callahan, et sa voix glaciale. Je frémis en comprenant qu'il est certainement accompagné de ses amis.

— Mais quoi ? Elle dort, non ? reprend Neo.

— Je n'ai rien pu tirer de ce type. Et sois pas con, et ne dis pas ce mot alors qu'elle est chez moi, rétorque Callahan d'une voix toujours aussi ferme.

Je fronce les sourcils, me demandant de quel "mot" il parle.

Ça m'interpelle, mais en vérité, je n'ai pas l'énergie pour m'attarder là-dessus pour le moment.

J'ai autre chose de plus urgent à gérer. J'ai besoin de mon téléphone, il faut que je contacte les filles. J'ai besoin de m'expliquer, de m'excuser, juste d'entendre leur voix...

Même si je sais que mes mots ne répareront jamais ce qui s'est passé. Je veux au moins qu'elles sachent que je suis sincèrement désolée...

Mes mains tremblent tandis que je descends lentement les marches.

Et au bout d'un moment, en arrivant à mi-chemin, leur conversation s'éteint brutalement lorsqu'ils me voient. Je m'arrête à mon tour, et le silence est lourd.

Quatre paires d'yeux se rivent sur moi. Je vois dans chacun d'entre eux que personne n'ose parler.

Je sens les larmes monter à nouveau. Je fixe Callahan, qui se tient debout, les poings enfoncés dans le dossier de son canapé. Son visage est sombre, mais ses yeux... ses yeux trahissent une immense tristesse pour moi.

Quand Neo se redresse alors qu'il était affalé sur le canapé, mon regard jongle de lui à Wayne qui reste figé non loin de Callahan, les bras croisés. Seiji, lui, est assis par terre, adossé contre le mur de la cheminée, une balle de tennis en main.

Leur regard braqué sur moi me met un peu mal à l'aise, j'essaye de renifler pour retenir mes larmes, mais certaines glissent tout de même sur les joues.

— Bonj-b-bonsoir..., balbutié-je.

Ils me répondent tous en chœur, mais leurs voix sont teintées de pitié. Je me sens tellement misérable de paraître aussi faible.

Je détourne les yeux pour me raccrocher à ceux de Callahan.

Il se redresse doucement, ses yeux tristes m'enveloppent, et je me sens un peu moins seule.

— On t'a réveillée ? me demande-t-il doucement.

Sa voix est tellement douce que ça fait me fait presque mal au cœur.

Je secoue la tête. J'ai un nœud dans la gorge, il faut que je me concentre sur ce que je suis venue chercher : mon téléphone... Je dois contacter les Stardust.

— Je... je peux avoir m-mon téléphone... ? demandé-je d'une voix brisée.

Il semble réfléchir une seconde avant d'enfoncer sa main dans sa poche et d'en sortir son téléphone. Quand il s'approche de moi lentement, je descends les dernières marches.

Callahan arrive devant moi, et je tends la main, pour récupérer mon téléphone mais il hésite.

Il le tient toujours fermement, ne le lâche pas, et son regard est soudainement inquiet.

— Qu'est-ce que tu veux faire ? me demande-t-il, la voix un peu tendue.

Je déglutis difficilement.

— Je veux appeler mes copines...

Il y a un silence.

Le genre de silence qui pèse, le genre qui augmente mon angoisse de façon si significative que j'ai l'impression que mes jambes vont me lâcher à tout moment.

— Cassie... souffle-t-il doucement.

Je ne comprends pas, et lève les sourcils.

Pourquoi ne me donne-t-il pas mon téléphone ?

Il le tient toujours. Moi aussi je le tiens, mais je sens bien qu'il ne veut pas me le céder.

Mon estomac se tord, la boule que j'ai dans la gorge me donne la sensation de m'étouffer. J'ai plus qu'horreur du malaise qui est en train de grandir en moi et en balayant la pièce du regard, je remarque les visages fermés des amis de Callahan.

Il y a quelque chose.

Il s'est passé quelque chose de grave.

Quelque chose qu'on ne me dit pas. Je sens mes mains trembler subitement en regardant de nouveau Callahan.

— Je... je peux récupérer mon téléphone ? Callahan ?

Ma voix est à peine un murmure à ce stade.

— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de les appeler maintenant, me dit-il calmement, mais avec un sérieux qui me fait extrêmement peur.

— P-pourquoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

La panique s'empare de moi, je me sens dévoré de l'intérieur et mes larmes coulent de plus belle.

Je respire très mal tout d'un coup et tout devient flou autour de moi.

Qu'est-ce qu'il essaie de me dire ?

Pourquoi ?

Pourquoi je ne peux pas leur parler ?

Je ne comprends plus rien, et j'ai besoin de comprendre !

— Écoute, Cassie, je pense que pour le moment, tu devrais t'éloigner de tout ça, te reposer, et laisser la situation s'apaiser un peu.

— Dis-moi ce qui se passe ! Je t'en prie !

Callahan lance un regard bref et inquiet à ses amis. Je me paralyse. Un millier de scénarios défilent dans ma tête. Les pires d'entre eux. J'imagine l'irréparable, et c'est pire que tout. Callahan se gratte la nuque, nerveux. Il finit par reprendre mon téléphone, et je suffoque entre mes sanglots.

Mon cœur s'emballe à l'idée que quelque chose soit arrivé à l'une d'elles.

Je lance des regards désespérés aux autres pour chercher des réponses.

Seiji évite mon regard, Neo se frotte la mâchoire avec une expression tendue, et Wayne... Wayne, qui d'habitude à l'air imperturbable a l'air épuisé, je dirais même qu'on aurait dit qu'il est triste.

— Callahan, dis-moi ! m'écrié-je presque hystérique en m'agrippant à son t-shirt.

— Cherry a pris un vol pour le Vietnam ce matin... commence-t-il.

Je reste figée, mes oreilles bourdonnent, mais il continue.

— Lalita... Lalita a subi un tel choc émotionnel qu'elle est hospitalisée et sous sédatif pour le moment... Personne ne peut lui rendre visite. Et Nelly est en garde à vue... pour la disparition inquiétante de sa mère.

Le monde s'effondre sous mes pieds.

Mes jambes ne me soutiennent plus. Je me sens tomber, mais Callahan me rattrape de justesse.

Tout devient blanc autour de moi.

Je n'entends plus rien, mes oreilles sifflent, je suffoque.

Chaque mot, chaque phrase résonne en moi comme un écho lointain et déformé, c'est insupportable.

J'ai l'impression d'être dans un cauchemar. Que tout ça est faux, et qu'on va bientôt me réveiller pour me dire que c'est juste un mauvais rêve.

Cherry... Lalita... Nelly...

J'ai tout détruit.

Mon putain de stalker a tout détruit.

Callahan essaie de me ramener à la réalité, de me dire quelque chose, mais je ne l'entends plus.

Je ne ressens plus rien, à part cette envie... Cette envie de disparaître, de mourir à tout jamais pour ne plus faire de mal à personne.

Mon monde vient de s'écrouler, pour la énième fois, et je ne sais plus comment vivre avec ça.



𝙵𝙸𝙽 𝙰𝙲𝚃 𝟾.

🌻 𝙰𝚟𝚛𝚒𝚕 / 𝙼𝚊𝚒.






𝙰𝙲𝚃 𝟿.

👒 𝙹𝚄𝙸𝙽 / 𝙹𝚄𝙸𝙻𝙻𝙴𝚃.



Ghost.



J'ai le regard perdu dans le vide.

Le seul bruit qui se fait entendre dans la salle de réunion du MI6 est les touches que Wayne tapote sur son ordinateur. Penché au-dessus du bureau ovale, il est concentré à configurer son ordinateur pour projeter les images sur le grand écran.

Non loin de moi, sur ma gauche, Neo est adossé au mur, les bras croisés. Assis juste un siège devant moi, Seiji reste immobile et silencieux, son index collé devant ses lèvres, son air sérieux crispe les traits de son visage.

Et de l'autre côté de la table, près de l'écran, Stan observe la scène sans dire un mot de plus. Sa paume soutient sa tête.

Mon esprit est ailleurs.

Je retourne mon téléphone. J'ai encore changé mon fond d'écran en mettant la photo qu'elle a mise sur le site où elle a posté son histoire.

J'ai fini de la lire d'ailleurs...

Je vois bien qu'elle s'est inspirée de nous pour ses protagonistes.

J'ai envie de sourire à cette pensée, mais je repense à l'appel qu'on a eu juste avant la réunion. On n'est pas resté très longtemps au téléphone, elle voulait raccrocher, elle m'a juste dit qu'elle était « fatiguée ».

Ce simple mot me hante.

Ça fait une semaine qu'elle est « fatiguée ».

Elle n'est plus retournée en cours.

Honnêtement, je ne suis pas surpris... je ne sais pas si un jour elle parviendra à remettre les pieds dans un établissement.

Elle a vécu trop d'horreur là-bas.

Ce fils de pute est en train de lui pourrir la vie, putain !

Et je n'ai toujours pas été en mesure de mettre la main sur lui. Je n'arrive même pas à comprendre comment, quand, il a pu s'introduire chez sans éveiller le moindre soupçon ?

Soudainement, je lève les yeux vers l'écran plat accroché au mur. Plusieurs images de la Toyota bleue qui a suivi Cassie et ses amies à plusieurs reprises s'affichent. Je reconnais Parks Road, c'est la rue juste en face d'Oxdord ou j'attends toujours Cassie lorsque je viens la chercher après les cours.

Je m'enfonce encore plus sur ma chaise en observant avec une pointe de rage que le type s'est garé pile là où je l'attends avec ma moto.

Je sais qu'il m'observe aussi...

Qu'il est presque en compétition avec moi au vu des messages qu'il lui a déjà envoyés.

Tout ce que je ne sais pas, c'est qui est cet enfoiré ?

— OK, voici les dernières images de la Toyota bleue, commence Wayne en montrant l'écran. On a un visuel de la voiture qui a été repérée non loin d'Oxford.

Stan se penche un peu en avant, ses bras se croisent sur son torse.

— Et tu as pu suivre d'où elle venait ? demande-t-il calmement.

Wayne arbore une moue légèrement frustrée :

— On a pu la suivre un moment, oui. Ma dernière piste s'arrête à Westminster, après ça, je perds sa trace.

Il fait défiler une nouvelle série d'images.

— On n'a plus rien après ? s'étonne Neo en décroisant les bras. Comment c'est possible ? C'est quand même Westminster, y'a des caméras partout là-bas.

Wayne soupire, visiblement lui aussi agacé par la situation.

— Oui, c'est ce que je pense aussi, mais elle disparaît dans une zone avec peu de couvertures, comme pour Creekside. Ce type connaît très bien la ville, et il est aussi à la page en ce qui concerne les caméras fonctionnelles des quartiers par lesquelles il passe.

Stan hoche la tête. Moi je ne dis rien. Nous fixons juste l'écran.

— Qu'est-ce qu'il foutait à Westminster, questionne Seiji.

— Ça aussi c'est une question à laquelle je ne peux répondre.

Seiji s'accoude à la table en réfléchissant quelques secondes avant de poursuivre en pointant l'écran du doigt :

— Ça ne fait que compliquer les choses. Parce qu'aux dernières nouvelles, on avait perdu cette Toyota dans le quartier de Creekside. Mais finalement ce type à peut-être un autre planque ? Il doit y avoir un point de départ plus précis, quelque chose qu'on rate.

Creekside. Westminster. Pourquoi ces trajets ? Qu'est-ce qu'il y a dans ces villes ?

Wayne acquiesce et se penche vers son ordinateur pour faire défiler d'autres images. Il remet celles où l'ont peu apercevoir la Toyota devant Oxford.

— J'ai réussi à avoir la vidéo des caméras de surveillance du jour ou le stalker s'est introduit à Oxford.

Mes paumes se croisent devant ma bouche, j'ajuste ma capuche sur ma tête. Je n'avais pas envie de faire l'effort de m'habiller autrement qu'en sweatshirt et jogging aujourd'hui.

Sur l'écran, une silhouette toute de noir vêtue sort de la Toyota.

En voyant la source des cauchemars de mon amour, une brutale colère me fait grincer des dents.

L'image est granuleuse, la lumière faible, mais on voit distinctement la personne se déplacer rapidement. Il tient son sac à dos à la main, sa capuche recouvre sa tête, et un masque dissimule son visage.

C'est impossible de l'identifier.

Mes yeux se plissent en le regardant s'infiltrer dans l'établissement.

Putain... qui est cet enfoiré ? Pourquoi il passe autant inaperçu ? Comment il peut nous filer entre les doigts comme ça ?

Le fait que ce type ait tout planifié, qu'il soit presque intouchable, ça me fait frôler la folie.

Les rues sont désertes, il est encore tôt. Il se déplace rapidement, en jetant des regards furtifs autour de lui. Je suis sa trace jusqu'à ce qu'il s'engouffre dans un des couloirs de l'établissement.

— C'est à ce moment-là qu'il a collé les photos, dit Wayne, visiblement frustré. Mais sans caméra active dans l'amphi, on ne peut pas voir ce qu'il a fait là-dedans.

Pendant que l'image s'arrête, Neo brise le silence en faisant un récapitulatif.

— Pas très grand, mince, on sait qu'il est blanc, mais c'est tout ce qu'on a.

Seiji acquiesce et ajoute :

— Le truc qui m'interpelle moi, c'est qu'il a l'air vraiment méthodique, je suis prêt à parier qu'il est habitué à ce genre de manœuvre.

Je continue de fixer l'écran, sur la dernière image de lui s'engouffrant dans les couloirs. Son regard hagard, il a peur de se faire prendre... mais il est assez confiant pour prendre un tel risque...

Mon cerveau tourne à mille à l'heure. Cette silhouette me nargue. Je tente de comprendre, de deviner.

Est-ce que je connais cette personne ?

Est-ce quelqu'un de l'Ordre ?

Un élève d'Oxford ?

— Putain, je souffle dans ma barbe en serrant les dents.

Stan me regarde, son air est concentré, et nous savons tous les deux que nous n'avons pas les réponses à la question de qui est ce fils de pute.

— Il ressort pas moins de cinq minutes plus tard, poursuit Wayne. Il est efficace, et la suite, vous la connaissez, le véhicule disparaît sur la route qui mène près de Westminster.

— On doit faire le lien entre Creekside et Westminster, dit Stan. Il y a quelque chose qui pousse ce type à faire ces allers-retours. Pourquoi revenir à Westminster après être passé à Oxford ? Pourquoi ne pas revenir à la planque de Creekside ?

Je réfléchis à voix haute :

— Creekside est plutôt excentré, c'est pas très loin de quelques zones résidentielles discrètes. Westminster est en plein centre de tout. Pourquoi un stalker qui cherche à se faire discret ferait ce trajet ?

Wayne prend une profonde inspiration et me répond :

— C'est ça le truc. On n'a pas assez de données pour comprendre pourquoi il fait ces allers-retours. Mais comme dit, il faut vraiment qu'on mette la main sur cette voiture pour trouver ce type.

Je me penche en avant, mes doigts tapotent nerveusement la table.

Tout ça ne fait aucun sens.

Oxford, Creekside, Westminster... ça semble totalement aléatoire.

Et pourtant, chaque mouvement semble minutieusement calculé. Il a quelque chose à creuser là-dedans...

— Il y a forcément quelque chose dans ces quartiers qui le motive, dis-je enfin.

Neo hoche la tête.

— Un mec qui fait des allers-retours comme ça n'est pas juste un amateur. Il connaît ces zones. Il sait comment éviter les caméras. Il est bien trop organisé.

On acquiesce tous en silence.

— J'ai un autre problème...

Je relève la tête vers Wayne à son annonce. Son ton grave me fait froncer les sourcils.

— Même si la voiture disparaît sur Westminster... J'ai réussi à capter ses images de vidéo de surveillance.

Wayne manipule l'écran, il effectue quelques clics pour ouvrir une nouvelle fenêtre.

Il montre une série de vidéos capturées par les caméras de surveillance.

Un homme, répondant au signalement du stalker, sortant de la station de train Richmond.

Je remarque tout de suite qu'il n'a plus son sac à dos,

— Je pense que c'est le même type... Il a abandonné la voiture quelque part dans le secteur de Westminster, et j'ai... enfin... Lyloe a réussi à l'intercepter sortant à Richmond.

L'atmosphère dans la pièce se tend encore davantage.

Là, je suis complètement perdu.

— Comment ça ? demande Neo, se redressant un peu. Ce mec est un magicien ou quoi ? À quoi il joue ?

— Je sais juste qu'il est bon, répond Wayne. Très bon.

Seiji fronce les sourcils.

— Pourquoi aller jusqu'à Westminster... pour revenir à Richmond ensuite, ça n'a aucun sens, c'est au moins 40 minutes de route ?

— Il se distance sûrement de son lieu de résidence, précise Stan.

Je remarque tout de suite un détail frappant. Il n'a plus son sac à dos.

Où est-ce qu'il est passé ?

— Attends, attends, intervient Neo, se rapprochant de l'écran. Remets les images de Westminster, juste avant qu'il ne disparaisse. Comment vous l'avez retrouvé à Richmond ?

Wayne hoche la tête et fait défiler les images. On voit à nouveau la silhouette sombre du stalker, sortant d'un train dans Westminster. Wayne continue de parler, expliquant comment ils ont réussi à le suivre.

— On a perdu sa trace dans Westminster après qu'il ait laissé la voiture. Lyloe a travaillé sur un périmètre, et on a calculé qu'il aurait pu l'abandonner dans un rayon de 15 minutes autour du quartier où elle a été vue pour la dernière fois, répond-il calmement.

— OK, donc la voiture est planquée quelque part dans ce périmètre, continue Neo, en examinant attentivement l'écran. Mais après ça, comment avez-vous su qu'il serait à Richmond ?

Wayne en clique sur une autre vidéo.

— On a réussi à l'intercepter marchant dans la ville, jusqu'à aller à la station de St James.

Je regarde le doigt de Wayne pointer l'image à l'écran.

Une sorte d'angoisse me prend en plein ventre.

Ce n'est plus seulement un jeu de chat et de souris.

C'est plus gros.

Beaucoup plus gros que juste un putain de stalker.

— Et là, regardez bien, poursuit Wayne en appuyant sur pause. Il ressort 40 minutes plus tard... à Richmond.

L'image du stalker à Richmond apparaît à l'écran.

Seiji s'avance un peu avec sa chaise et plisse les yeux, son regard fixe la silhouette.

— Il n'a plus son sac ? remarque-t-il calmement. Et regardez sa démarche... Il marche bizarrement. Il a l'air moins alerte, non ?

Neo passe une main dans ses cheveux.

— Donc il sort de la voiture à Westminster, se planque dans un coin une quinzaine de minutes, pour ressortir à Richmond 40 minutes plus tard. Qu'est-ce qu'il y a là-bas ? demande-t-il.

Stan, interviens :

— Il s'est débarrassé de son sac en chemin. Wayne, est-ce que tu as passé la zone au peigne fin ? Ratisser les environs pour voir si on a pu retrouver le sac ou des indices qu'il aurait laissés derrière lui ?

Tandis que Wayne lui répond en lui expliquant qu'il n'a jamais retrouvé ce sac.

Chaque muscle de mon corps est tendu.

Je n'arrive pas à m'enlever de ma tête le pourquoi ?

Pourquoi ce type fait tout ça ?

Je ne peux pas m'empêcher d'imaginer le pire.

Qu'est-ce qu'il lui cherche ?

— Remontre-moi les images de Richmond encore une fois, je rouspète, incapable de contenir mon anxiété.

Wayne remet la vidéo en marche. Le stalker marche dans les rues de Richmond, d'un pas lent, presque trop détendu pour quelqu'un qui vient de foutre le bordel à Oxford.

Ce gars arrive à se volatiliser à chaque fois, il sait exactement ce qu'il fait.

Ce n'est pas un amateur.

— Vous pensez qu'il travaille seul ? demande Neo, l'air plus sérieux cette fois.

Sa question jette un froid dans la pièce. L'idée commençait justement à germer dans ma tête...

Wayne hésite, tapote l'écran du bout de son stylo.

— Je me suis posé la question... peut-être que ces deux arrêts, à Westminster, puis à Richmond, ne sont pas juste des points de fuite... Peut-être que...

Il laisse la phrase en suspens. Je fronce les sourcils.

— Peut-être qu'il y en a deux, souffle Seiji.

Encore une fois, j'ai l'impression que la pièce se referme brutalement sur moi. Ma respiration se coupe soudainement.

Deux ?

J'ai toujours repoussé cette idée, je l'ai volontairement enterrée dans un coin de ma tête parce que je ne pouvais pas m'y faire.

Mais maintenant que Seiji l'a énoncée à haute voix, c'est comme si ce cauchemar prenait vie.

Deux hommes, deux silhouettes qui se relaient, qui se couvrent l'un l'autre...

Neo se redresse, complètement, son visage se durcit :

— Attends... tu penses qu'on est en train de suivre deux types différents depuis le début ? demande-t-il, incrédule.

- Ça expliquerait pourquoi il est presque impossible à tracer, dit Wayne en hochant la tête. Richmond et Westminster, c'est à l'opposé. Mais avec deux personnes, ça devient faisable. Ils peuvent se couvrir mutuellement.

Wayne affiche à nouveau la carte de Londres sur l'écran, mettant en évidence les trajets.

— Ils sont deux... répète Stan en secouant la tête, comme s'il essayait de digérer l'information.

— Putain, ils jouent avec nous depuis le début ! lâche Neo.

— Si c'est vrai, continue Seiji, il faut qu'on trouve leur lien.

Alors que tout le monde dans la salle de réunion continue de débattre sur cette nouvelle possibilité qui vient d'être énoncée.

Mon regard se fixe sur Richmond affiché à l'écran.

Sans comprendre tout de suite pourquoi, mon cœur rate un battement.

Richmond.

Ce quartier... Ça ne peut pas être une simple coïncidence.

Je me concentre sur ce point précis, la gorge serrée.

Non... ça ne peut pas être ça...

Mais mon esprit commence à me torturer, et je ne peux plus m'en détacher.

Il est enfermé là-bas depuis des années, ça n'a aucun sens.

Je fais tout pour ne rien laisser transparaître. J'essaie de garder le contrôle, mais mon esprit ne cesse de revenir à Richmond.

Mais pourquoi ce stalker irait là-bas ?

Pourquoi ce quartier précisément ?

Je me fais un peu d'air en secouant mon sweatshirt. On aurait dit que la pièce s'est rétrécie.

Cette histoire est en train de prendre une tournure plus que désagréable et oppressante.

Il ne peut pas sortir d'ici.

— ...et ça fait sens. Le dernier message que le stalker a envoyé à Cassie provenait de ce secteur. Il y a un lien entre eux et cet endroit.

Je reviens sur terre, et me redresse sur ma chaise en me refocalisant sur la conversation. Seiji me fixe, je le questionne du regard en me rendant compte que je m'étais totalement détaché du débat :

— La clinique ? m'interpelle-t-il.

Un silence tombe. Tous les regards se tournent vers moi.

Je comprends vite que tout le monde a eu la même pensée que moi.

— La clinique psychiatrique, de ton cousin, répète Seiji. Silas. Elle est bien à Richmond, non ?

Un silence tombe à nouveau, il me paraît bien plus lourd cette fois. Mais je secoue la tête :

— Silas ne peut pas sortir de cette clinique. Wayne, tu as vu tout le dispositif de sécurité qu'il fallait pour entrer et sortir, c'est physiquement impossible qu'il sorte.

— Mais s'ils sont deux, m'explique Stan. Peut-être que ce n'est pas lui, mais son complice.

— Sauf que Silas n'a pas de frère jumeau. Et il est enfermé là-bas depuis trop longtemps pour avoir eu le temps de mettre en place un plan qui viserait Cassie Bennett. C'est impossible.

— C'est clair que ça relèverait presque de la science-fiction à ce stade, prononce Seiji.

Putain !

Cassie est déjà au bord du désespoir, et je ne peux pas lier mon cousin à toutes ces histoires.

Comment il aurait fait ?

Depuis le temps qu'il est enfermé, il aurait prévu ça depuis l'adolescence ? Pourquoi ? Et qu'est-ce que Cassie à avoir avec lui ? Qu'est-ce qui l'a amené à elle ?

Stan se redresse sur sa chaise en regardant l'heure sur sa montre. Il referme le bouton de sa chemise et rassemble tous les documents qu'il avait laissés sur le bureau ovale. Il plante ses yeux dans les miens et me dit :

— J'ai une autre réunion, dans 10 minutes, mais Cal', ce n'est pas un plan improvisé. Ça fait des années qu'ils s'amusent, et Cassie n'est pas le dernier maillon de leur jeu.

Une part de moi en est convaincue aussi.

— Peu importe qui ils sont, il faut que je choppe ce salopard, je lance frustré.

— Vérifie encore la clinique, me suggère Stan. Et même si ça paraît fou, tu ne dois pas te fermer avec l'idée qu'il y en a peut-être deux.

— Il finira bien par se planter, articule Neo.

Wayne hoche la tête, Stan quitte rapidement la pièce en nous saluant.

Je ne veux pas attendre que ce type se plante. En attendant, Cassie n'est pas en paix. Et je ne peux pas laisser ça durer plus longtemps.

Alors que je m'apprêtais à me lever, mon téléphone vibre dans la poche de mon sweatshirt, je l'extirpe, et voit un message :

« Microbe : Je n'arrive pas à dormir. »

Je me lève d'un coup, en tapant une réponse rapide sans même réfléchir :

« J'arrive. Attends-moi. »

En même temps, j'en profite pour envoyer un message à mon père :

« Il faut que je te voie cette semaine. »

— Wayne, je compte sur toi pour trouver cette Toyota, lancé-je en commençant à quitter la pièce.

Je quitte la MI6, avec le cœur battant à mille à l'heure.

Si cette voiture nous mène à une piste concrète, alors ce stalker n'est plus très loin.

Et j'ose espérer toute cette histoire n'a rien à voir avec mon cousin...

J'ai l'impression de devenir fou...





Cassie.



Il s'est encore écoulé une journée pendant laquelle j'ai encore moisi dans mon lit.

Le soleil ne perce plus à travers les rideaux. Il fait nuit noire, et mes insomnies m'empêchent de fermer l'œil depuis des semaines.

Je revis en boucle cette journée de fin mai et ça me donne toujours autant la nausée.

Un énième coup de grâce qui est parvenu à me faire me demander pourquoi j'avais tant besoin d'être éprouvée dans cette vie ?

À qui est-ce que j'ai fait autant de mal pour subir autant ?

Qu'est-ce que je dois encore apprendre ?

Parce que j'atteins mes limites.

Je me retourne dans mon lit. Sherlock s'amuse avec sa petite peluche en forme de souris, Molly. Je l'observe quelques longues secondes en ayant juste envie d'être aussi insouciante que lui...

Je tiens mon téléphone entre mes mains. J'ai l'impression de peser une tonne, mon corps bouge à peine, je me sens épuisée et pourtant je n'ai rien fait de ma journée.

Finalement, je déverrouille mon téléphone, mes doigts tremblants retournent pour la centième fois dans notre groupe.

Mon petit havre de paix qui a lui aussi pourri.

Il n'y a plus de Winx Club. Plus de Stardust. Plus de rituel.

Je défile la conversation. Il n'y a que mes messages qui restent tous sans réponses.

Aucune des filles ne les reçoit.

Je clique sur la photo de profil. Celles qu'on a prises toutes les quatre au restaurant juste avant que nous apprenions que Nelly avait des secrets elle aussi...

Mes larmes commencent à glisser sur mes joues... J'arrive à peine à imaginer le calvaire qu'elles doivent subir à cause de ce que mes mots posés sur un carnet leur ont fait.

J'ai peur pour elles.

Mes doigts tapent rapidement les mêmes messages :

« Cas Noisette : pardonnez-moi... »

Je sanglote déjà. Elles me manquent terriblement... Je voudrais tout recommencer...

« Cas Noisette : Répondez-moi, s'il vous plaît... »

Le silence est pire que tout.

Chaque minute sans réponse creuse un peu plus le gouffre dans mon âme.

Je les ai trahies. Je le sais.

Et je ne sais pas comment revenir en arrière.

C'est comme si tout était irréparable.

Et même si je recolle les morceaux, les cicatrices ne s'en iront jamais.

« Cas Noisette : Je n'aurais jamais pensé que ça puisse aller aussi loin, s'il vous plaît... »

« Cas Noisette : Je regrette, il faut que vous me croyiez. »

Mon cœur bat si vite. Je me sens submergée par la douleur que leur silence me fait.

« Cas Noisette : Je ferai tout pour que vous me pardonniez, je suis tellement désolée... »

Je repose le téléphone à côté de moi, avec le souffle court.

Mon esprit est tellement embrouillé que j'ai l'impression que cette chambre sera mon tombeau.

Puis, j'entends des clés tourner dans la serrure de la porte d'entrée.

C'est ma mère. Elle rentre plus tôt aujourd'hui. Mon corps se tend en anticipant déjà ce qui va venir.

Une autre confrontation, une autre série de reproches que je ne suis pas capable d'affronter.

Le bruit de ses talons résonne dans la maison. L'entendre amplifie mon anxiété. J'ai envie de faire claquer mon élastique contre mon poignet, mais c'est Callahan qui l'a...

Rien qu'à la façon dont elle jette les clés sur l'îlot de la cuisine, je sens déjà qu'elle est énervée. Je crois l'entendre soupirer d'ici.

Puis soudainement mon corps se paralyse sur mes draps lorsque sa voix perce le silence :

— Cassie, tu es encore au lit !?

J'essaye de me cacher sous ma couverture. Mon cœur tambourine jusque dans son ventre.

— Ça fait des semaines maintenant ! s'exclame-t-elle.

Je ferme les yeux, comme si ça pouvait me protéger de ses mots.

Mais comme à chaque fois, il me plonge dans un terrible désespoir, je me sens acculée par son manque de soutien.

Quand elle commence à monter les escaliers, je rêve de parvenir à me lever, pour faire semblant de faire quelque chose, lui donner l'impression que je n'ai pas flemmardé toute la journée. Mais c'est physiquement impossible pour moi de bouger plus que ça.

Un stresse me donne envie de pleurer lorsque j'entends ses talons sur le seuil de ma porte. Je me prépare mentalement à la nouvelle vague de reproche qui approche. La porte s'ouvre dans un fracas. Je sursaute en serrant les poings sous ma couverture, ma respiration s'accélère en voyant les iris gris de ma mère qui me refroidissent par leur manque d'empathie pour moi.

— Ça fait des semaines, Cassie, des semaines que tu es comme ça ! Tu crois que tout le monde peut se permettre de s'effondrer comme ça ? Nous avons tous des problèmes, mais tu n'essaies même pas ! Tu laisses tout le monde s'inquiéter pour toi, et tu restes là, enfermée dans cette chambre !

Chaque mot est comme un coup de poignard, mais je ne peux pas réagir.

J'ai vraiment pensé à un moment que je pouvais la vaincre.

Je me suis trompée.

Je ne gagne jamais.

Je reste immobile dans mon lit.

— Tu ne peux pas continuer comme ça, me lâche-t-elle avec colère. Je comprends que tu sois bouleversée, mais cela ne peut pas être une excuse pour abandonner tout le reste de ta vie !

Je devrais lui répondre, lui dire quelque chose, mais les mots ne viennent pas.

Rien ne vient.

Je suis fatiguée.

Tellement fatiguée.

Je sens son regard sur moi et sa frustration qui monte.

— Je suis fatiguée, Cassie, continue-t-elle. Fatiguée de rentrer à la maison et de te trouver exactement au même endroit. Tu dois faire des efforts. Tu dois au moins essayer !

Je serre ma couverture un peu plus fort autour de moi.

J'ai assez essayé comme ça.

Je ne pleure même plus. Mes yeux sont secs, vidés.

Tout me semble distant, comme si je flottais au-dessus de la situation. Impuissante, je suis incapable de la changer.

Mes paupières sont si lourdes que je ferme les yeux, je crois entendre ma mère me dire quelque chose.

Je ne sais même plus.

Les minutes passent, je ne sais pas combien.

Peut-être des heures.

Le silence s'installe à nouveau dans la maison.

Je ne veux plus rien entendre, ce monde tourne sans moi depuis bien longtemps. Et j'aurais dû arrêter de tourner avec lui quand papa est parti.





Je me réveille en sursaut, en entendant Sherlock miauler.

Mon cœur tambourine violemment dans ma poitrine.

La porte de ma chambre s'ouvre doucement, et je vois la tête de Callahan dépasser.

J'ai l'impression de revenir sur terre tout d'un coup.

— Bonsoir, zemër...

Il entre et prend soin de refermer doucement la porte derrière lui. Dans sa voix, son regard, je vois bien qu'il s'inquiète tellement pour moi. Et ça me fait vachement du mal de lui infliger ça.

J'allais lui répondre, alors qu'il dépose un sachet en plastique sur mon bureau, mais mon téléphone vibre. Je m'empresse de regarder ma notification :

« Sadie : Coucou Princesse. J'aimerais vraiment venir te voir si tu te sens prête. Juste pour être là, pas besoin de parler. »

Une petite lueur d'espoir s'allume dans mon cœur en voyant son message. Mais elle meurt tout aussi vite en constatant que les filles ne m'ont toujours pas répondu...

Je tourne la tête en voyant que Callahan a ouvert la fenêtre de ma chambre pour laisser l'air frais entrer. J'ai envie de lui dire non en resserrant ma couverture plus près de moi. Mais je ne dis rien.

Il se penche pour ramasser ma pile de pyjamas que j'ai laissé traîner au pied de mon lit.

Je le regarde plier soigneusement mes affaires, et les remettre dans mon armoire.

Sans un mot de plus, il s'avance vers mon bureau, et prend la pile de livres que j'ai éparpillés partout dans ma chambre. J'en ai laissé certain par terre, et Bargain sur ma table de chevet. Ses bras englobent tous mes livres, et il les range dans ma bibliothèque en respectant bien la déclinaison de couleur que j'avais déjà faite...

Enfermée dans ma propre tête. Je n'arrive même pas à lui dire quoi que ce soit.

Quand il finit de tout ranger, il s'approche de mon lit avec un regard doux et peiné. J'avoue que son affection m'enveloppe d'un truc qui me fait du bien, et qui me donne l'impression d'être importante pour quelqu'un.

Il s'accroupit à mon chevet. Je remarque qu'il est vêtu d'un sweatshirt.

Le même qu'il m'a donné, avec le petit drapeau de l'Albanie imprimé dessus.

On se fixe quelques secondes. Sa paume passe avec tendresse dans mes cheveux. Et doucement, il me murmure :

— J'ai apporté du byrek.

Je sais déjà que je ne veux pas manger.

Je veux dire non, mes yeux sont lourds de fatigue, mais je me sens soudainement réveillé lorsqu'il se redresse en enlevant la couverture sur moi. J'essaye de protester en l'attrapant mais il parvient à me l'enlever.

— Viens-là.

Avec patience, il me tire par les bras et m'incite à m'asseoir avant de me pousser à me lever.

Je me retrouve dans ses bras en ayant l'impression que mes jambes sont en coton.

Il me soulève et je m'agrippe à lui comme à une bouée de sauvetage.

Sa main me caresse le dos.

— Je suis là... microbe.

Mes paupières se ferment. Dans ses bras chauds, c'est vrai que j'ai cette sensation qu'il me protège du reste du monde tant qu'il est là.

Je le sais. Je le vois, je sens sa tendresse, mais je suis tellement épuisée, émotionnellement et physiquement que j'arrive à peine à savourer ce moment.

Puis je sens qu'il se met à marcher. Il me porte hors de ma chambre. J'ai le réflexe de jeter un coup d'œil vers le salon en me demandant où est ma mère, mais je ne vois ni ses clés ni son sac. Elle n'est pas là. Et j'espère qu'elle est ressortie.

Callahan m'emmène dans ma salle de bain, et me dépose dans ma baignoire.

Je le regarde, un peu perdue, avant de comprendre ce qu'il me propose : une douche.

Je n'en ai pas pris depuis deux jours. Je baisse les yeux, soudain consciente de l'état dans lequel je suis.

Sans même me poser plus de questions, je commence à déboutonner la chemise de mon pyjama. Callahan ne regarde même pas mon corps, ses yeux sont uniquement fixés sur mon visage.

Il me tend sa main en attendant que je lui donne mes vêtements sales.

Une fois dévêtue, je ne ressens ni honte ni gêne devant lui. Il prend mes vêtements et les dépose dans le bac à linge.

— Assieds-toi, me dit-il doucement en revenant vers moi.

Je m'exécute sans protester.

Il s'accroupit devant la baignoire, bouche le fond et laisse l'eau couler. Il choisit une température que je trouve parfaite. Comme s'il savait exactement ce dont j'avais besoin.

— Je reviens, m'informe-t-il en se redressant.

Je hoche la tête et le regarde sortir de la salle de bain.

Alors que l'eau monte autour de moi, je finis par fermer la vanne d'eau au bout de quelques minutes.

Je joue un peu avec l'eau, perdu dans mes pensées.

— Ça te va, ceux-là ?

Je sursaute presque en me rendant compte que Callahan est revenu. Il me présente un pyjama imprimé nœud rose, et des sous-vêtements.

Je hoche la tête alors qu'il dépose mes vêtements sur le couvercle de mon bac à linge.

Je le vois s'asseoir sur le rebord de ma baignoire, près de moi. Il a enlevé son pull. Et instinctivement je cherche sa main pour enrouler mon index autour de l'élastique qu'il a autour du poignet.

Doucement, il se penche vers moi pour déposer ses lèvres sur le haut de mon crâne.

Son attention me fait du bien.

Il reste silencieux. Il est juste là, à côté de moi, sans rien dire, il me laisse respirer. Je ne sens pas la pression de parler.

Je crois que pour le moment, c'est tout ce dont j'ai besoin.

Je crois... parce qu'au bout d'un moment, je finis par briser le silence en première.

— Ma... mère est là ?

Il secoue la tête négativement.

— J'ai crocheté ta serrure.

Je lève les sourcils.

Je sais qu'il essaye de me faire sourire avec sa remarque, même si je n'y parviens pas.

Ressentir juste ce vide immense me torture de l'intérieur. Je rêve perdu dans la beauté de ses iris bleu nuit.

J'aimerais m'y perdre éternellement...

Oublier ce ciel sombre qui me rend triste, et le remplacer par sa couleur. Parce qu'elle me fait toujours du bien. Sa paume virile traverse mes cheveux, je ferme les yeux un moment en profitant de son toucher.

J'aime bien la bulle qu'il crée pour moi quand il est là.

Et puis, sans prévenir, mes larmes commencent à couler.

— Laisse-toi aller, mon amour.

Mes sanglots me prennent pour la centième fois de la journée.

— Pourquoi ça ne s'arrête pas de faire mal ? Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter tout ça... ? je murmure d'une voix briser.

Callahan continue de me caresser les cheveux.

Il me regarde avec compassion, et je vois que ça lui fait mal de me voir comme ça, qu'il aimerait que ma douleur s'arrête, mais il ne dit rien tout de suite.

— Est-ce qu'il y a vraiment une explication, Cassie ?

Je fronce les sourcils, surprise par la question.

Il continue, d'une voix calme, presque hésitante, comme s'il cherchait ses mots pour ne pas me brusquer :

— Je veux dire... parfois, on passe notre temps à essayer de comprendre pourquoi ça nous arrive, pourquoi ça fait si mal. Mais est-ce qu'il y a toujours une réponse ? Je ne sais pas. Peut-être que la vraie question, c'est pas ce qu'on a fait de mal, mais comment on réagit quand ces trucs-là nous tombent dessus.

Je l'écoute attentivement.

Une partie de moi rejette immédiatement cette idée.

Moi j'ai besoin de savoir pourquoi.

J'ai besoin de comprendre ce que j'ai fait pour que tout devienne si... chaotique.

Mais... une autre partie de moi comprend très bien ce qu'il veut dire...

C'est vrai, peut-être que je ne saurais jamais le « pourquoi ».

— Parfois, il n'y a pas de logique, continue Callahan. Les choses arrivent, et c'est tellement injuste, je sais. Mais la question, c'est : qu'est-ce qu'on fait après ? Comment est-ce qu'on avance, même quand on a l'impression que nos épreuves sont de véritable torture à porter ?

Il marque une pause, je vois que son regard se perd dans le vide, ses doigts se figent dans mes cheveux.

Pendant quelques secondes, je l'observe en me rendant compte que ce n'est pas la première fois qu'il fait ça. Son autre main posée nonchalamment sur sa cuisse commence à tapoter des sonorités à un rythme régulier.

Tap-tap-tap.

TAP-TAP-TAP.

Tap-tap-tap.

Je pose ma main sur sa cuisse :

— Cal' ?

Il sursaute presque. Et baisse rapidement ses yeux écarquillés sur moi.

— Me fäl...

Je secoue la tête en le fixant un peu inquiète. J'ouvre la bouche pour lui demander si tout va bien, mais il ne me laisse pas le temps et me dit :

— Il ne faut pas que tu portes ton chagrin toute seule.

Son regard est planté dans le mien.

En l'écoutant, je me rends compte qu'il ne m'offre aucune solution magique ou romancée de mon chagrin. Il me donne juste l'idée qu'il n'y a pas toujours de réponse, et que ce n'est pas de ma faute si je ne comprends pas tout et que je me sente perdue.

Je baisse les yeux la première, en sentant toujours son affection glisser dans mes cheveux. Mes bras se croisent sur sa cuisse. Je veux me blottir contre lui pour chercher ce réconfort que je suis incapable de me donner.

Que ce soit sa chaleur, son odeur familière, son toucher, son regard... tout en lui m'apaise un peu.

Du moins suffisamment pour un peu quitter le chaos dans ma tête.

Je me laisse un peu sangloter.

— Tu... tu penses qu'elles vont me pardonner ?

— Ce sont tes sœurs, non ?

Je relève les yeux sur lui en reniflant, puis j'acquiesce.

— Elles te pardonneront, laisse-leur du temps. Pour le moment, elles gèrent leur souffrance.

De nouveau je hoche faiblement la tête.

— J'ai peur que ça prenne des années... quand mon père est parti, j'ai mis du temps à lui pardonner son acte. Je ne suis même pas sûre de l'avoir fait à cent pour cent...

— Ça prend du temps... de pardonner. Surtout un parent.

Il marque une pause, je sens que sa voix est plus basse, et qu'il se perd un peu dans ses pensées :

- Mais avance, malgré la douleur. C'est déjà ça de gagner. Tu sais que tes amies t'aiment, ça ne disparaîtra pas comme ça. Alors même si tu auras l'impression que ça va durer des années, c'est le temps que ça prendra pour laisser place au pardon, et à la guérison.

Ces mots se collent à mon cœur et me touchent de la meilleure des façons.

Je me redresse doucement et pose mes lèvres contre les siennes.

Callahan m'observe, il semble un peu surpris. Mais il comprend que c'est ma façon de lui dire merci.

Merci d'être là.

Après ce petit moment d'intimité, je décide de me laver.

Je sais que mon calvaire va être long... Ce n'est que je début de la guérison, mais cette fois-ci, je ne veux plus négliger les personnes qui sont là pour moi.

Malgré mon désespoir, je ne suis pas toute seule.

Je prends une douche assez longue. Callahan reste avec moi appuyé contre le vasque de mon lavabo, il m'explique comment les marchés boursiers fonctionnent. Je sens qu'il s'y connaît vraiment bien en finance, et je sais aussi qu'il le fait pour que je pense à autre chose.

Je me lave les cheveux, le visage, et quand je termine je me brosse encore les dents.

Callahan me sèche les cheveux, avant de les brosser lentement, et il finit par me faire une natte.

À ce moment, en me sentant toute fraîche, j'ai l'impression de renaître un peu.

On retourne ensemble dans ma chambre, et je constate tout de suite qu'il a changé mes draps.

Son geste me donne sincèrement envie de pleurer.

Quand nous entrons dans mon lit, Sherlock saute doucement sur nous, avant de venir se blottir entre nous.

Callahan nous entoure moi et mon chat de ses bras chauds. À cet instant j'ai l'impression que mon corps a été modelé pour correspondre au sien.

Je n'ai jamais envie de quitter ce cocon de douceur.

À cet instant, il représente ma paix, et me redonne un nouveau souffle.

Je respire, le temps d'une soirée.

— Naten ë mire, zemër.

Je ferme déjà les yeux...

Pour le moment, ce n'est pas grave si tu ne comprends pas tout Cassie...





10 juin.
Blackheath, Londres.



Affalée dans mon lit, j'ai calé mon téléphone contre ventre de Sherlock qui s'est installé confortablement devant.

Il est presque 16 heures.

Ça doit bien faire une heure que Callahan et moi sommes en FaceTime. On ne parle pas forcément tout le temps.

Je n'en ai pas vraiment la force, et il m'a dit qu'il voulait juste que je reste avec lui pendant qu'il « retape sa vieille Chevy »

Mon regard se perd sur sa silhouette.

Un cure-dent coincé entre ses lèvres, il le mâchouille distraitement, complètement absorbé par ce qu'il fait. Au milieu de son garage, il a déposé son téléphone sur un tabouret pour que je le voie bien.

Sa concentration se reflète sur ses sourcils légèrement froncés. Quelques mèches de ses cheveux lui collent au front à cause de sa sueur. Vêtu d'un débardeur blanc, et de gants de travail sur les mains, il est en train de dévisser quelque chose dans le moteur de la voiture.

Je déglutis discrètement en constatant que chaque mouvement fuit luire un peu les muscles de ses bras.

Ses joues sont un peu rouges à cause de l'effort.

La mécanique, ça n'a jamais été mon truc, mais le voir comme ça, dans son élément, ça ne me déplaît pas du tout.

Soudainement, il soulève une grosse pièce de métal. Je fixe la scène en constatant ses épaules larges, et son débardeur qui lui colle au torse par endroit, soulignant ses abdos. Et malgré moi, mes yeux se baissent sous sa ceinture. Un frisson brûlant me parcourt l'échine en repensant à notre dernier moment d'intimité.

Je suis prise par la honte à l'idée que tout le monde dans mon quartier sache que lui et moi avons été intimes.

Je détourne le regard en caressant la gorge de Sherlock qui se met à ronronner.

— Je vais changer le carburateur, microbe, me lance-t-il, en essuyant son front avec son bras.

Son sourire éclatant lui donne un air tout innocent. Ça ce voit qu'il adore ce qu'il est en train de faire. Il arrive à me tirer un tout petit rictus.

— Je ne sais pas ce que c'est un carburateur, chuchoté-je faiblement.

— C'est la pièce que je viens d'enlever. Ça permet de doser l'air et l'essence qui entre dans le moteur. Et s'il est mal réglé, la voiture peut caler ou consommer beaucoup plus d'essence.

— Hmm...

Ses fossettes qui creusent ses joues lorsqu'il me sourit me font du bien.

J'ai sincèrement envie de m'intéresser à ce qu'il fait mais mes pensées sont absorbées par mes amies.

Je ne peux pas m'empêcher de me sentir vide.

Callahan commence à m'expliquer qu'il va nettoyer le système d'échappement qui est foutu, en travaillant sur le moteur. Je l'écoute attentivement, je sais qu'il me parle pour que je pense à autre chose.

Ce matin, enfin, à minuit, j'ai envoyé un message à Nelly...

On est le 10 juin, c'est son anniversaire...

Je n'ai pas pu m'en empêcher.

Il fallait que je lui dise quelque chose, même si je sais que je devrais leur laisser un peu d'espace pour les laisser guérir.

On avait tout prévu pour son anniversaire. On allait le célébrer chez moi. J'ai un stock de ballon beige fourré dans un des tiroirs de mon armoire que je n'utiliserais jamais. Je lui avais trouvé un collier en or des pendentifs en quartz rose et aventurine... Je sais qu'elle aurait aimé ce cadeau...

Je n'ai même pas eu la force d'aller chercher la pièce montée au citron et au miel qu'on lui avait commandé... Elle prend toujours le même, depuis qu'on est toute petite.

C'était censé être parfait, mais tout est tombé à l'eau, et à cause de moi, on ne fêtera pas ensemble ses 20 ans...

Je ne sais même pas si elle a lu mon message.

Et ça me tue tellement que des larmes commencent à menacer de couler.

— ... changer l'huile.

Je reviens sur terre happée par la voix de Callahan.

Je le vois replacer son cure-dent de l'autre côté de sa bouche. Son air concentré le rend absolument adorable.

- Qu'est-ce que tu m'as dit ? je lui demande.

Il tourne la tête vers moi, et d'un geste de la main il me fait comprendre qu'il n'a rien dit de spéciale, il s'approche du téléphone et se penche. Soudainement il approche son visage en poussant ses lèvres en cœur et fait mine de m'embrasser à travers le combiné.

Sans me contrôler, un petit rire désespéré par son jeu m'échappe.

— Ah ! J'ai enfin le droit à un petit rire ! s'exclame-t-il en en collant presque ses lèvres contre la caméra. T'es belle, mon amour !

Son compliment me frappe en plein cœur, je ressens sa sincérité et toute l'innocence qui se dégage de ces mots.

À la seconde où cette chaleur réconfortante me traverse, je veux tout de suite la tuer avec ma culpabilité.

Mon sourire fane, et je me demande comment je peux oser rire ? M'accorder le droit de me sentir heureuse dans mon couple alors que j'ai détruit la vie de mes amies.

Rongée de l'intérieur, je pince les lèvres pour contenir ce ressentiment sinistre que j'ai dans le ventre.

Je baisse les yeux, incapable de soutenir son regard à travers l'écran.

— Hey...

Sa voix pleine de douceur me rappelle à lui.

— Je sais que c'est vraiment dur pour toi, et t'as le droit de tomber, mais je ne te lâcherais pas. Je te veux avec toutes tes cicatrices, zemër. N'ait pas honte, c'est toi et moi contre ce monde.

Je renifle envahi par ce bonheur qui illumine de nouveau mon cœur.

À ce moment de ma vie, mon amour pour lui est la seule lumière de ma vie. J'ai l'impression qu'au milieu de ce chaos, il est la dernière chose positive qui me reste.

Il me voit moi, et toutes les parties que je veux faire brûler en enfer. Et malgré tout, il me choisit encore et encore.

La sensation apaisante qui m'envahit me fait doucement sourire malgré moi.

— Je t'aime, je chuchote doucement.

Un petit silence doux s'installe entre nous. Un grand sourire pousse ses pommettes.

— Të dua, mon amour.

Je soupçonne déjà que ça veut dire « je t'aime » car non seulement il l'avait dit à sa mère à l'hôpital, et je le vois aussi dans sa façon de me regarder. Je n'ai aucun doute sur la sincérité de son amour juste parce que ses iris m'admirent comme si j'étais la plus belle pierre précieuse du monde.

— Un peu de patience, ça va s'arranger. Prends le temps durant ses vacances, et l'année prochaine, tu recommenceras, tu verras.

Je hoche la tête en me laissant bercer par cette idée, j'ai vraiment envie d'y croire même si j'ai peur qu'elle ne se réalise jamais.

— Oui, je...

Je m'arrête net en entendant la porte de l'entrée claquer, je me tourne précipitamment en m'appuyant sur mon coude :

— Cassie, qu'est-ce qu'il se passe ? me demande Callahan en prenant son téléphone dans ses mains.

Je reconnais les claquements significatifs des talons de ma mère. Et le même rituel, elle balance son sac et ses clés sur l'îlot de la cuisine.

— Cassie !? s'exclame la voix criarde de ma mère.

Mon cœur se serre, une nouvelle vague d'appréhension me submerge aussitôt. Quand j'entends ses pas dans les escaliers, je me tourne rapidement vers mon téléphone :

— Cal, désolée, je raccroche, ma mère est là.

— D'accord, zemër. Rappelle-moi après, d'accord ?

— Oui.

Je raccroche rapidement.

Je m'en veux presque immédiatement d'avoir coupé aussi court à la discussion, et mon nœud dans mon ventre s'amplifie en l'entendant approcher. Je me cache sous ma couverture en prenant Sherlock avec moi.

Encore une fois, la porte claque lorsqu'elle l'ouvre brusquement.

— Tu n'en as pas marre, non mais sérieusement !

Je l'entends soupirer bruyamment. Je ne sors pas de ma cachette, mais ses pas se mènent dans le fond de ma chambre, et je comprends qu'elle ouvre la fenêtre.

Ce besoin de contrôler mon environnement m'ajoute une pression supplémentaire, je pousse la couverture pour passer ma tête et la regarder.

Son regard se porte sur le chaos qui règne autour de moi, sur les vêtements éparpillés, les livres ouverts, les bouteilles d'eau qui s'accumulent sur ma table de chevet.

Je sens son mépris sans même qu'elle ait besoin de parler.

Tout, dans son expression, dans la manière dont ses lèvres se serrent et dont ses yeux se plissent, me crie que je suis son plus grand échec.

— Tu avais un examen, aujourd'hui, me crache-t-elle sèchement.

Je ne réponds rien.

J'ai déjà trop honte, trop de culpabilité qui me ronge de l'intérieur.

L'idée d'avoir raté un autre examen s'ajoute au poids que je porte sur mes épaules.

Mon avenir se désintègre sous mes yeux, mais je n'ai plus la force de me battre pour ça.

Une part de moi a presque envie de m'excuser, lui promettre de faire mieux, mais honnêtement j'en suis incapable.

— Tu as raté tous tes examens, Cassie, me reproche-t-elle d'une voix encore plus dure et en se rapprochant de mon lit. T'es en train de foutre en l'air toute ton année ! Ton avenir !

Elle essaye de tirer ma couverture, mais je fais pression dessus en lui lançant un regard noir pour qu'elle n'ose pas plus.

Son geste agit comme un coup de poing en plein visage. Elle s'impose dans ma chambre, elle me juge, me critique, ouvre ma fenêtre, et maintenant elle me touche ?

Je fronce les sourcils en sentant un mélange entre la honte et la colère me prendre.

Elle ne comprend rien !

Pas une seule seconde elle ne voit à quel point je souffre, à quel point chaque jour est une torture pour moi !

Je suis déjà à terre, et ses reproches incessants ne font que m'enfoncer encore plus ! Quand est-ce qu'elle va voir que je lutte contre moi-même pour rester en vie !

— Tu vas tout perdre si tu continues comme ça !

— Je m'en fous, maman, j'ai assez perdu comme ça ! je lui crache sans me contrôler.

À ma réplique, ma mère se redresse, les yeux écarquillés, choqués par mon explosion.

Mais je commence à la connaître maintenant. Peu importe mes réponses, rien ne la fait jamais reculer. J'ai toujours l'impression qu'elle a ce besoin vicieux de toujours me remettre à ma place. Comme si son bonheur passait d'abord par l'idée de m'avoir humilié d'abord.

Elle tire de sa poche une feuille qu'elle déplie rapidement. Ses mouvements sont brusques et frustrés. Le papier froissé en main, elle me le présente brutalement en le collant presque à mon visage.

Je cligne des yeux, réalisant que c'est un article de journal de ma ville.

Mon estomac se noue instantanément, j'ai une nausée qui me prend. Je n'ai même pas besoin de lire pour savoir ce que c'est. Écrit noir sur blanc, l'incident humiliant qu'on a vécu deux semaines auparavant est là.

J'arrive à lire quelques mots cruels et accusateurs qui me jugent et me condamnent.

Je détourne les yeux en sentant mes larmes et ma honte monter en moi.

L'article m'accuse d'être une "fille légère", et par extension, il insinue que mes amies le sont aussi. Ce n'est pas seulement moi qui suis salie, mais elles aussi.

Et le magazine ose même remettre en question la capacité de mon illustre mère à devenir Premier ministre à cause de "mon éducation" douteuse.

L'attaque est vicieuse, sûrement orchestrée par un de ses concurrents.

— Tu as de la chance... commence-t-elle amère.

Je déglutis en redoutant la suite :

— Heureusement pour toi, ce n'est qu'un petit journal local de la ville, continue-t-elle avec dureté. Mais tu peux être sûre que tout Blackheath l'a lu. Ça, je n'en doute pas une seconde.

Elle fait une pause, mais elle n'en a pas terminé avec moi :

— J'ai dû payer une fortune pour arrêter la production, pour que ce torchon ne se répande pas davantage ! Crois-moi, ils ont sauté sur l'occasion pour en faire un scandale bien plus grand, mais j'ai dû utiliser tous mes contacts pour limiter les dégâts !

Je sens mon cœur se serrer.

Non seulement je me noie dans ma propre honte, mais maintenant je comprends que j'ai encore une fois jeté de l'huile sur le feu pour ma mère, que mes erreurs rejaillissent toujours sur elle.

— Et toi, me souffle-t-elle avec un léger dans la voix et le regard. Toi, tu restes là, allongée toute la journée, sans te rendre compte des conséquences de tes actions. Je ne pourrai pas toujours être là pour nettoyer derrière toi, Cassie.

— Arrête ! criai-je soudain, sentant la colère éclater en moi. Juste... arrête !

Je la vois se raidir à mon cri. Ses lèvres se pincent encore plus sous sa frustration.

Pourquoi elle ne peut pas juste me comprendre ?

— Arrêter quoi !? rétorque-t-elle d'un ton sec. C'est mon devoir de m'assurer que tu ne gâches pas ta vie à cause de tous les incidents que tu accumules depuis des années !

Mon désespoir s'empare de moi, des larmes jaillissent de mes yeux, et je tire la couverture de moi en me redressant.

Je n'en peux plus, je ne veux plus entendre ça.

— Sors de ma chambre ! criai-je plus fort encore.

Elle se fige, ses yeux s'élargissent un instant et sa bouche reste ouverte, visiblement indignée. Mais au lieu de calmer le jeu, elle durcit encore plus son ton.

— Ne me fais pas passer pour la méchante, Cassie. C'est toi qui t'enfermes, qui refuses de te battre comme à chaque fois ! Tu crois que la vie est facile pour qui que ce soit !?

Elle veut que je sois forte ?

Mais c'est elle qui a pris soin de briser chaque pilier en moi qui aurait pu me faire tenir debout dans l'adversité. Je me lève et lui fais face, elle a presque un mouvement de recul lorsque je plante mes yeux dans les siens.

— Je suis faible à cause de toi. Dégage de ma chambre ! aboyé-je d'une voix tremblante de colère, en pointant la porte du doigt.

— Tu ne sais rien de... commence-t-elle, mais je ne la laisse même pas finir.

Sans réfléchir, je m'approche d'elle, mes paumes s'écrasent sur ses épaules, et je la pousse fermement vers la porte.

Ses yeux sont écarquillés par le choc, je comprends vite qu'elle réalise qu'elle ne me reconnaît pas, mais ma colère me fait vaciller.

Je ne peux pas encaisser ses reproches. Pas aujourd'hui. Alors malgré ses tentatives de me repousser et de rouspéter, je ne lui donne aucune chance, et je la pousse en dehors de ma chambre.

Sa stupeur est carrément palpable.

Choquée, elle recule.

Sans lui accorder un dernier regard, je claque violemment la porte avec une telle force que le bruit semble faire trembler les murs.

— ET NE REVIENS PAS ! je hurle.

Je reste debout là, le souffle court, les mains tremblantes, les joues inondés de larmes.

Il me faut plusieurs minutes avant de me précipiter vers ma fenêtre et de la refermer d'un geste brusque.

Sans attendre, je retourne dans mon lit, et j'attrape Sherlock qui m'observait depuis tout ce temps. Je le serre contre moi, son corps chaud contre le mien me donne un semblant de réconfort, mais pas assez pour chasser la rage qui bouillonne en moi.

Il faut qu'elle apprenne à se taire !

Alors que je tremble de rage.

Mon téléphone vibre soudainement.

Je le saisis en me rappelant que Callahan m'avait demandé de le rappeler.

Sauf qu'en voyant la notification, mon cœur rate un battement.

Je me redresse en sursaut, les yeux écarquillés par la surprise et le choc. Je n'arrive pas à croire ce que je vois.

Je relis en boucle.

« Nelly The Witch : merci, Cassie. »

« Nelly The Witch : je ne peux pas te répondre pour le moment. Je suis désolée. »

Je reste figée un instant, incapable de croire ce que je vois.

Nelly... elle a répondu.

Elle a répondu à mon message pour son anniversaire. Et m'a même donné une raison d'avoir encore de l'espoir...

Mon cœur bat si fort que j'ai l'impression qu'il va sortir de ma poitrine.

Les larmes me montent aux yeux, mais cette fois, ce ne sont pas des larmes de tristesse. Je pleure, mais de soulagement.

D'un peu de bonheur.

Mes sanglots me secouent brutalement.

J'avais juste besoin d'une légère lueur d'espoir.











Bonsoir bonsoir, bonsoir ! 🎃

Ça-va ? ☕️





J'avais envie de pousser un petit coup de gueule pour les personnes qui me disent que je néglige ou que je bâcle Ghost parce que les chapitres sont court, mais j'ai trop la flemme en fait, pardon ! En tout cas les filles qui comprennent pourquoi je suis moins active, arigato ! 😖



IT'S TIIIME TO TAKE THE TEA : ☕️, je veux tout entendre, vos impressions, vos ressentis, vos théories, vos retours pour ce chapitre ? Dites-moi tout !


Donc là, on est à j-13... de la sortie de Valentina... Je- bye 🫠 ! (#JeSuisEnPanique !)




BYE 🏍💨🪐 !


Stardust 🍓


𝚂𝚎𝚎 𝚢𝚘𝚞 𝚜𝚘𝚘𝚗 🕰...



xo, Azra. ✿



IG: azra.reed

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