𝟻𝟹. 𝙷𝚘𝚠 𝚝𝚘 𝚕𝚘𝚟𝚎.
Bonsoir, ça-va ? 🕰
(Vous pouvez pas savoir comment GHOST m'a MAN-QUÉ !)
(𝖣𝖾́𝗆𝖺𝗋𝗋𝖾𝗓 𝗅𝖺 𝗏𝗂𝖽𝖾𝗈 𝗉𝗈𝗎𝗋 𝗏𝗈𝗎𝗌 𝗉𝗅𝗈𝗇𝗀𝖾𝗓 𝖽𝖺𝗇𝗌 𝗅'𝖺𝗆𝖻𝗂𝖺𝗇𝖼𝖾)
"L'amour ne meurt jamais de mort naturelle. Il meurt d'aveuglement, d'erreurs et de trahisons. Il meurt par lassitude, il dépérit et se ternit. "
Anais Nin
𝙰𝙲𝚃 𝟾.
🌻 𝙰𝚟𝚛𝚒𝚕 / 𝙼𝚊𝚒.
𝟧𝟥. 𝖧𝗈𝗐 𝗍𝗈 𝗅𝗈𝗏𝖾.
Cassie.
Je m'éveille doucement.
Blottie contre Callahan qui m'étreint de ses bras autour de ma tête. Comme à chaque fois, je meurs de chaud.
Il dort encore. Son visage est d'un calme absolu. Le voir comme ça m'attendrit instantanément. Quand il sommeil, il n'a plus cet aspect légèrement "dangereux" et vif que je peux parfois percevoir dans son regard.
Au bout d'un moment, j'arrive discrètement à me libérer de ses bras. Je me penche vers lui, et sans me retenir, je passe doucement mes doigts dans ses cheveux sombres, repousse quelques mèches rebelles, puis je dépose un baiser léger sur sa joue.
Il ne bouge pas, plongé dans son sommeil profond.
Je prends un moment pour l'observer.
Je dois me retenir pour ne pas céder à l'envie de mordre ses joues parce que je le trouve absolument adorable.
Ses cheveux ne sont pas si noirs que je le pensais... Ils sont châtain très foncé.
Je joue avec ses mèches douces.
Cet homme est le mien, depuis hier soir...
Mon cœur me fait promettre que ça a commencé hier, et ça se terminera jusqu'à ce que la mort nous sépare.
Un petit sourire pousse mes joues. Je me tourne vers la table de nuit ou je prends mon téléphone.
Il est 9 heures du matin, on est samedi.
Je constate que j'ai une série de notifications — des appels manqués et des messages de ma mère. Je décide de tous les supprimer et de l'ignorer pour le moment. Je n'ai pas envie de me briser le cœur alors qu'il est en paix.
En revanche, je me redresse sur le lit, et avec un petit sourire espiègle, je prends une photo de Callahan endormi. Une paume se cale devant ma bouche pour m'empêcher d'exploser de rire.
Sans attendre, je mets cette photo en comme photo de profil pour lui dans mon téléphone et j'ajoute un petit soleil à côté de son nom ; burri im.
Je dépose un dernier baiser sur sa joue, puis prudemment, je me glisse hors du lit, en faisant attention de ne pas le réveiller.
Je file rapidement à la salle de bain pour soulager mon envie pressante, puis je fais ma toilette.
Une fois terminé, je descends dans la cuisine.
Son appartement en plein jour décuple les sentiments que j'ai pour lui. C'est impeccable, ça sent le frais, il est à son image.
J'ouvre le réfrigérateur et l'inspecte : lait, yaourts natures, saucisses, une corbeille de fruits frais, du fromage que je ne connais pas. Je prends la boîte et lis, "kaçkavall" c'est sûrement albanais.
Je jette un coup d'œil au congélateur : il lui reste un stock de poulet, et je vois des framboises congelées.
Une idée me traverse l'esprit : j'ai une folle envie de faire un pique-nique.
Tu n'es même pas sûre qu'il soit libre aujourd'hui...
J'hésite une seconde à préparer quoi que ce soit, mais je me dis que s'il ne peut pas, il pourra toujours conserver la nourriture.
Motivée par cette pensée, je commence à rassembler ce qu'il me faut.
Je m'affaire dans sa cuisine, j'assemble des brochettes de tomates cerises et de fromage kaçkavall, je prépare des club sandwiches variés, et j'ai même le temps de faire des buns au poulet.
Pour le dessert, je me décide pour des cupcakes à la framboise. Pendant que les gâteaux gonflent dans le four, je prépare du çaj que je verse dans un thermos pour qu'il garde sa chaleur.
J'hésite à faire des pop-corn, mais je me rétracte en craignant que ça en fasse trop.
— Cassie ?
Je relève la tête vers l'étage en entendant la voix de Callahan porter depuis sa chambre.
En empilant les Tupperwares de mes préparations dans le sac de pique-niques, je lui réponds d'une voix forte :
— Je suis dans la cuisine ! Tu peux venir ?
Je tapote l'écran de mon téléphone et constate qu'il est déjà presque 11 heures.
Je l'entends aller dans la salle de bain, alors que je finis de tout mettre dans le sac.
Quelques secondes plus tard, je vois que la silhouette de Callahan apparaît dans l'escalier. Il bâille largement, ses cheveux sont en bataille et ses yeux semblent à peine éveillés.
Mais quand il me sourit, ça provoque immédiatement le mien.
— Coucou, Cal', tu as bien dormi ?
— Ça fait un an que je ne me suis pas réveillé aussi tard. Je veux dormir dans tes seins toute ma vie, me dit-il avec un ton mi-sérieux, mi-amusé en s'approchant de la cuisine.
Je ris, secouant la tête devant son exagération.
— Je t'ai même pas senti partir, prononce-t-il.
À peine arrivé devant moi, il pose doucement ses lèvres sur mon front.
— Qu'est-ce que tu fais ? m'interroge-t-il curieux.
Il ouvre le sac, et inspecte les Tupperwares en m'interrogeant du regard :
— Est-ce que ça te dit qu'on fasse un pique-nique ?
Ses sourcils se haussent, et il commence à regarder tout ce que j'ai préparé. Son sourire émerveillé éclaire son visage :
— Tu viens de faire tout ça ?
Son regard oscille entre les préparations et moi.
Je hoche la tête, contente de son enthousiasme.
— Zemër... souffle-t-il en s'approchant de moi pour m'enlacer.
Mes bras s'enroulent autour de son torse, et il m'embrasse légèrement sur la bouche, une fois, deux fois, un baiser après l'autre, jusqu'à ce que mon sourire devienne aussi large que le sien et que je me mette à rire.
— Merci, mon amour, bien sûr que ça me dit de pique-niquer avec ma femme.
Je me suis sentie sautiller de joie sans me contrôler, et je lui demande :
— Tu n'avais rien de prévu, hein ?
— En tout cas, si j'avais quelque chose à faire, c'est annulé. Que personne ne m'appelle aujourd'hui !
Son rire déclenche le mien.
— T'avais pris des vêtements ? me demande-t-il.
Je hoche la tête.
— On se change, et on y va ? me propose-t-il. Le parc de Saint James's ça te va ?
— OK, c'est parfait !
Mon excitation fait vibrer ma voix. Il ne me lâche pas du regard, et l'intensité dans ses yeux me fait fondre. Mais je me liquéfie lorsqu'il me murmure :
— Hier soir aussi t'as dit que j'étais parfait.
Un cri d'indignation m'échappe, en même temps que mon visage s'empourpre immédiatement en voyant les images de la veille défiler dans mon esprit. Il affiche un sourire malicieux en coin et je veux le pousser pour échapper à son étreinte mais ses bras me retiennent près de lui.
— Je dois aller me maquiller, je proteste en essayant de fuir.
— Tu ne veux pas me le redire ? me taquine-t-il.
— Non, sans façon, hier je n'étais pas dans mon état normal !
J'arrive à me défaire de lui, et il explose de rire en me regardant sortir de la cuisine.
— T'étais bien bavarde quand j'avais ma langue entre tes cuisses en tout cas, petite peste !
Je pousse encore un cri étouffé, et je deviens encore plus rouge.
— Je ne peux pas te répondre là !
Je m'empresse de monter à l'étage, derrière moi, je l'entends rire dans la cuisine. J'avoue que moi aussi, malgré mon embarras, je retiens mon hilarité.
✤
Ghost.
Je me gare à proximité du parc. J'ai à peine le temps de mettre le frein à main que Cassie pousse déjà sa portière pour sortir.
— Hep hep hep, je l'interpelle un sourire espiègle sur le visage.
En réalité, je cherche juste un prétexte pour prolonger tous nos moments, pour la taquiner un peu plus et entendre la musique de son rire.
— Q-quoi ? me demande-t-elle en se tournant vers moi, la main sur la poignée.
— Tu lâches tout de suite cette portière.
Elle me regarde, perplexe. Je coupe le contact et sors de la voiture et sors.
Je prends tout mon temps pour contourner le véhicule, en ajustant mes lunettes de soleil sur mon nez, et en mâchouillant mon cure-dent avec nonchalance.
J'arrive devant sa porte et l'ouvre lentement. Mes avant-bras s'appuient sur le haut de la porte.
— Si tu ouvres encore ta portière toute seule, Sophia, on va devoir avoir une petite discussion toi et moi, je la préviens sur un ton amusé.
Cassie éclate de rire :
— Oh pardon ! Je ne le referais plus, burri im.
À mon tour, un rire m'échappe. Chaque fois qu'elle utilise ce terme, je sens que mon cœur s'emballe de fierté.
J'adore qu'elle me voie comme ça.
— Ouais... je préfère ça. Sois patiente, Sophia, je suis un Albanais, j'ai des valeurs et je tiens à ce que ma femme en profite.
C'est à moitié en plaisantant, à moitié sérieux que je lui tends la main pour l'aider à sortir. Amusée, ses doigts s'emmêlent au mien. Elle sort de la voiture, et j'avise sa tenue avec approbation.
Toujours, aussi classe ma bourgeoise.
Un petit polo blanc à manche courte, un short de la même couleur élégant, accompagnés d'une fine ceinture Hermès noire. Ses petites tennis et le bandeau noir dans ses cheveux complètent sa tenue.
Et j'adore toujours autant quand elle met des bandeaux dans ses cheveux.
Le ciel est d'un bleu éclatant aujourd'hui, pas un nuage à l'horizon. Le printemps s'est installé, le soleil est brûlant, je ressens chaque rayon caresser ma peau.
En me menant vers le coffre de la voiture, les éclats de rires d'enfants percent l'air et résonnent jusqu'à nous.
Je récupère le sac de pique-nique en faisant passer la bandoulière au-dessus de ma tête. Je prends aussi le sac des boissons.
— Il fait tellement chaud, m'interpelle Cassie en prenant son sac de créateur et son livre qu'elle avait laissé sur les sièges arrière.
Elle claque la portière.
— Tu as pris la salade de pastèque et de melon, non ? Ça va nous rafraîchir.
— Oui, heureusement, me dit-elle en secouant sa main devant son visage pour se faire de l'air.
Sa voix douce s'infiltre dans mes oreilles alors que nous nous enfonçons dans le parc. Je n'aurais jamais pu soupçonner qu'un jour, j'affirmerais qu'entendre une femme — cette femme, m'expliquer qu'elle est désolée d'avoir utilisé toutes mes framboises congelées pour en faire des muffins soit si intéressantes.
C'est cette vie que je veux.
Me sentir fier de la voir marcher à mes côtés, son livre serré sous son bras.
Mes yeux se perdent sur son visage. Sur ses lèvres brillantes de gloss. J'admire l'effet de la lumière du soleil qui rend ses yeux gris clair. Ses cheveux doux caressent ses bras parsemés de quelques grains de beauté. Et je revois son corps nu qu'elle m'a partagé hier. J'entends les murmures de son plaisir, je revis toutes ces sensations et ces sentiments qui me confirment toujours un peu plus, qu'elle est l'évidence que je ne pensais jamais avoir.
— On peut s'asseoir là ?
Sa voix me coupe de mes pensées, Cassie me pointe du doigt un endroit idyllique près de l'étang.
Des saules pleureurs bordent la rive, leurs branches s'inclinent gracieusement vers l'eau.
— Parfait.
Ma main trouve instinctivement sa nuque.
Je sais que ce geste l'a fait frissonner à chaque fois.
Je nous avance vers l'endroit qu'elle a choisi. Et on s'installe en déployant une nappe avec des motifs traditionnels albanais que ma grand-mère m'a faite il y a quelques années de ça.
Cassie s'assoit et retire ses chaussures pour se mettre à l'aise, je fais de même.
Elle ouvre le sac, et commence à organiser notre repas. Je l'observe faire, en sortant un thermos du sac des boissons.
— T'as mis quoi dans le thermos ? je lui demande.
— Ah, j'ai fait du çaj, comme tu m'as montré hier. Je me suis dit que tu en voudrais peut-être, me répond-elle en continuant à sortir les aliments de leur emballage.
Je la fixe une seconde, elle ne fait même pas attention à moi, trop concentrée sur sa tâche.
La perfection.
Un petit rire m'échappe.
—Tu peux enlever ton gloss maintenant ou pas ?
— Quoi, pourquoi ?
Elle me fixe en levant un sourcil.
Ça, c'est sexy.
— Je veux ta bouche. Immédiatement.
— Quoi, ah non, ça ne va pas être possible du coup, désolée Cal'. Peut-être quand on rentrera, m'explique-t-elle en continuant à déballer les mini-sandwichs.
Appuyé sur mon coude, un nouveau rire involontaire m'échappe.
Je la fixe en réalisant que cette fille est folle, et qu'elle va très probablement me rendre fou par la même occasion.
— Elle est malade cette femme !
Je m'approche d'elle pour la tirer plus près de moi. Elle s'écrit pour que je la lâche et je m'assois en l'allongeant à moitié sur mes cuisses. Elle se met à rire :
— Pitié ! J'ai mis cinq minutes à faire le contour de mes lèvres !
— Je suis désolé, mais là, je m'en fous de ton contour, j'ai besoin de ta bouche maintenant.
— Cal' ! Pitié ! me supplie-t-elle en plaquant ses mains entre elles.
Son hilarité provoque la mienne, elle secoue la tête dans l'espoir de me fuir, mais ma paume se pose sur sa bouche pour essuyer un peu ce gloss. Ses petits cris mêlés à notre amusement m'incitent à déposer mes lèvres sur les siennes une bonne dizaine de fois. Elle tente de me repousser, à moitié exaspérée et morte de rire.
— Mais tu es insupportable comme mec !
— Hep hep hep, à qui tu parles là, je la taquine en plaçant ma paume sur sa bouche.
Elle me mord doucement la main, je la retire choqué en riant.
— Tout le monde va nous regarder, se plaint-elle en vérifiant autour d'elle.
— Je m'en bats les couilles des gens moi !
— Pas moi ! Laisse-moi partir !
Elle tente de s'échapper, mais je la retiens juste assez longtemps pour lui donner un autre baiser rapide avant de finalement la laisser s'en aller.
— Tu es très chiant ! soupire-t-elle en arrangeant son bandeau sur sa tête.
— Oui, oui, hier j'étais parfait en tout cas.
Elle pousse mon épaule, en rougissant. Je ricane en remontant mes lunettes de soleil pour les caler dans mes cheveux.
Je m'allonge sur le ventre et m'appuie sur mes coudes. En face de moi, Cassie a dressé les plateaux de sa nourriture. Des brochettes de tomates cerises et de kaçkavall, des club sandwiches, des buns.
Je prends un bun et croque dedans.
— Alors t'aime bien ?
Je tourne la tête vers elle, le goût fond sur ma langue et je hoche la tête en savourant la mie moelleuse, et le poulet bien assaisonné. Je ne sais pas ce qu'elle a foutu dedans, mais chaque bouchée me donne déjà envie de me resservir.
Elle me sourit en prenant un club sandwich. Elle croise les jambes en tailleur, et alors que j'allais commencer à lui demander la recette, j'entends un cri devant moi :
— C'est terminé, Reginald ! T'as compris ? Ter-mi-né !
Je relève les yeux, une femme, visiblement révoltée se dépêche de longer le chemin qui mène vers la sortie du parc.
— Mais putain, j'ai rien fait avec elle ! Bébé, faut que tu me croies !
Le rouquin, apparemment nommé « Reginald », tente de suivre la femme qui marche à grands pas.
— Pourquoi tu as supprimé tes messages avec elle alors ?
Elle se retourne brusquement, visiblement en colère.
— Putain, Sylvia, c'est elle qui m'harcèle ! Elle est folle ! Je m'en fous d'elle moi !
Cassie baisse les yeux vers moi, un peu surprise et embarrassée pour eux, elle pince les lèvres en levant rapidement les sourcils.
— Le mec s'appelle Reginald, à partir de là, c'était sûr que ça allait mal se passer, je lui lance, un sourire en coin.
Cassie éclate de rire, sans pouvoir se retenir. Mais en s'en rendant compte, elle couvre sa bouche de sa main.
— Non, ça ne se pas de dire ça !
Ouais, en attendant, elle contient encore son rire.
Et moi je ne me retiens pas pour céder à l'hilarité.
Je croque dans mon bun, et lui dit :
— C'est pas mon problème, c'est aux parents de bien choisir le nom de leurs gosses.
— Mais peut-être qu'ils trouvaient le prénom beau.
— Qu'est-ce que tu trouves de beau dans Reginald toi ?
— Bah... je pense que ça doit être un héritage familial, peut-être que le grand-père portait ce nom. Ils s'appellent comment tes grands-parents par exemple ?
— Adrian et Zana, et les tiens ?
— Mon grand-père Eugene, et ma grand-mère Bertha.
Je ne retiens pas mon petit rire :
— On ne suivra pas cette tradition pour nos enfants, ça, c'est clair et net.
Elle me pousse encore l'épaule en levant les yeux au ciel.
En goûtant un de ses club sandwichs, et en l'écoutant me détailler son achat de sa nouvelle coque de téléphone qu'elle a personnalisé elle-même avec la tête de son putain de vampire, je me rends compte que je passe une des après-midi les plus paisibles de ma vie.
Nous continuons à manger tranquillement, en riant et en discutant de tout et de rien. De sujet aussi banals que le temps, nos passions, ou comment elle a chaud quand elle dort avec moi parce que j'ai tendance à l'enrouler autour de mes bras.
Et lorsque je me sers le çaj que Cassie a préparé, je ne peux m'empêcher de la complimenter.
Elle a vraiment un petit don pour la cuisine, il est comme je lui ai montré hier. Si ce n'est pas mieux...
L'après-midi se déroule dans la paix.
Au bout d'un moment, j'ai croisé les bras et reposé ma tête dessus. J'enchaîne les faras (graine de tournesol) tandis que Cassie s'absorbe un moment dans son livre.
Je la fixe, isolée dans son monde de pages blanches et de mille mots.
Ses cheveux flottent parfois emportés par la brise. Je constate bien les émotions qui la traversent à mesure qu'elle tourne les pages. Parfois elle pince les lèvres, parfois elle rougit un peu, ou alors sa petite fossette se révèle lorsqu'elle se retient de rire.
— C'est 'Bargain' que tu lis ? je lui demande en croquant dans un fara.
Elle relève soudainement la tête vers moi. Ses joues se teintent d'un peu plus de rose.
Elle hoche la tête.
— Il se passe quoi dans la scène que tu lis là ?
— Rien pour le moment, il est blessé et il n'y a qu'elle dans la maison...
Mon sourire s'élargit.
— Une vraie petite coquine, toi.
Cassie rit doucement. Je me déplace alors pour me rapprocher d'elle et lui prend son livre des mains, puis je l'incite à décroiser les jambes pour qu'elle les allonge. Elle le fait et je laisse ma tête reposer sur ses cuisses. Une fois installé confortablement, microbe pose sa main sur mon pectoral.
J'ouvre son livre à la page ou elle était :
— Alors, qu'avons-nous là...
Je m'éclaircis la voix de façon exagérée :
— « Haletant, son arcade sourcilière saignait. Mais lorsque ses yeux entrèrent dans les miens, un frisson incontrôlable me parcourut l'échine et— »
— Cal' !
Elle me tire le bouquin des mains et le referme rapidement avant que je puisse continuer.
— Tu n'es vraiment pas obligé de lire à voix haute !
J'éclate de rire.
— Mais quoi ? Je peux pas savoir comment elle va s'occuper de lui ?
— Non, ça ira finalement.
Je ris, avant de lui demander :
— D'ailleurs, pourquoi tu n'écris pas ta propre romance, puisque t'adores ça ?
Microbe dégluti. Je vois d'ici que ses joues deviennent complètement rouges. Je l'observe, amusé par sa réaction.
— Quoi ?
— Bah... en fait, j'en ai déjà écrit une, m'avoue-t-elle en me fixant comme pour guetter ma réaction.
Je lève les sourcils, sincèrement intrigué à l'idée de découvrir ce monde qu'elle a créé.
— Je peux la lire ?
Cassie commence à jouer avec ses cheveux, elle hésite, visiblement nerveuse.
— Euh... comment dire... murmure-t-elle.
Je souris :
— Le protagoniste s'appelle Callahan, c'est ça ?
Le bout de ses doigts tapote nerveusement mon pectoral, je la fixe.
— Non c'est pas ça.
— Lâche le morceau, microbe, je veux la lire.
— Mais pourquoi tu voudrais lire ça ? me demande-t-elle incrédule.
— Et pourquoi pas tiens ?
— Tu ne vas pas te moquer de moi... ?
Je sens une petite appréhension dans sa voix.
— Cassie, je pense qu'on a dépassé ce stade depuis un bon moment maintenant.
— Bon, OK, OK... mais si tu la lis, tu pourras me donner ton avis ? Constructif, hein.
Elle mordille sa lèvre inférieure.
— Déjà, j'ai presque fini le tome 2 de ton livre préféré là, on doit en parler, mais oui, ne t'inquiète pas.
Elle me guette quelques secondes pour attester de mon sérieux, puis elle me présente sa paume :
— Donne-moi ton téléphone.
Je lève un sourcil, mais je fourre ma main dans ma poche et l'extirpe, je le déverrouille et lui donne.
Elle manipule mon appareil quelques minutes, avant de me présenter l'écran. Une nouvelle application orange avec un "w" s'affiche.
— Je l'ai posté sur ce site, m'explique-t-elle doucement. Mon histoire c'est '818' et mon nom d'utilisateur c'est Sophia Saturne.
Un grand sourire étire mes lèvres. Je commence à naviguer sur l'application pour trouver son livre. Je lis le résumé un petit sourire en coin, et Cassie pose sa main sur ma bouche, embarrassée. Je la retire en gardant son poignet entre mes doigts.
— Casey et Caitleen ?
Je la regarde avec un large sourire en levant un sourcil. Elle attrape ma mâchoire avec sa main, et me dit :
— Tu ne le dis à personne, hein ? Personne ne sait que j'ai écrit cette histoire.
Ses yeux me scrutent, je laisse un rire léger m'échapper.
— Ne t'en fais pas, zemër.
Alors qu'elle laisse sa main douce posée sur ma gorge, je lui lâche :
— Et c'est quoi cette photo de profil là ?
— Quoi ? Qu'est-ce qu'elle a ?
— Je veux cette photo.
— Ah ! sourit-elle. Euh, il faut que je la retrouve, je te l'enverrai ce soir.
— Merci bien, mon amour. Hmm, tes petites lèvres roses là, j'adore.
Elle met soudainement sa main sur sa bouche, je sursaute presque de surprise, et elle me souffle un « Chut à la fin ! » qui ne fait que renforcer mon rire. Cassie se joint à moi.
Après un petit moment, nous nous calmons tous les deux. Et elle commence à caresser mes cheveux. Immédiatement, je sens les traits de mon visage se détendre sous ses doigts.
Ce geste est une véritable thérapie pour moi.
J'adore quand ma mère le fait, et sous les mains de mon microbe, mes paupières deviennent lourdes en quelques secondes, l'envie de dormir m'enveloppe doucement. Mes yeux se ferment et je la laisse m'apaiser.
Je me sens plonger dans sa douceur. J'ai la bien la sensation de planer, et si elle continue, il ne me faudra pas longtemps avant de m'endormir.
— Ah oui, Callahan ?
— Hm ?
Au son de mon murmure, ses cuisses se contractent subtilement.
— Je voulais te demander si tu te souviens que je t'avais dit que j'avais le permis mais pas de voiture ?
— Ouais, pourquoi ? je réponds, les yeux toujours fermés, bercé par ses caresses.
— Je voudrais bien me trouver une petite voiture. Pas trop puissante pour m'habituer, parce que ça fait un an que je n'ai plus conduit.
— Une 90 chevaux, quelque chose comme ça ? Je pense que ça serait bien. Je peux te trouver ça.
— Une toute blanche si possible... Et une automatique, s'il-te-plaît.
Je ris légèrement en répétant doucement "Une toute blanche, automatique".
— Tu as des modèles en tête ou tu me laisses t'en trouver ?
Mes yeux sont toujours clos, mais je l'entends murmurer un "hmm..."
— Je pensais à une Fiat, tu en penses quoi ?
Je pèse rapidement le pour et le contre, et je lui dis :
— Objectivement, c'est une bonne petite voiture de ville, j'ai envie de te dire. Mais je te recommanderais plus une Volkswagen. C'est plus fiable.
— Oh, OK, alors, va pour une Volkswagen.
— Il y a la New Beetle, elle t'irait bien en plus, je suggère.
— Est-ce que c'est celle qui ressemble un peu à une coccinelle ?
— C'est ça, le week-end prochain, on ira chez le concessionnaire.
— Je veux bien, merci Callahan, me dit-elle avec un sourire dans la voix.
Ce n'est que lorsque je sens un baiser délicat se poser sur mon front que j'ouvre un œil pour la regarder, un sourire étire mes lèvres.
— Je peux avoir ta bouche ou pas ?
Cassie jette un coup d'œil rapide autour de nous, et voyant qu'il n'y a pas beaucoup de monde, elle m'embrasse rapidement.
Mon cœur bat un peu plus fort, et je ferme de nouveau les yeux, en savourant la sensation de ses doigts glissant dans mes cheveux.
— Princesse ?
Cette voix me dit quelque chose.
Je rouvre un œil, curieux, et à deux ou trois mètres, j'avise la silhouette de la fille du 707.
Barbie.
À côté d'elle, une blonde aux cheveux coupés en carré, et aux yeux marron nous fixe.
— Oh ! S-Sadie ? Ça fait super longtemps !
Sadie baisse les yeux vers moi et me salue d'un signe de tête. Je réponds d'un hochement équivalent avec une expression neutre.
Je ne pense pas du tout qu'elle me reconnaisse, étant donné que je ne vais jamais au 707 sans mon masque.
Sadie Lynch...
Ou la fille qui a presque causé la perte de mon cousin...
Et qui semble faire le même effet à Seiji.
Cassie rougie instantanément, clairement embarrassée.
Sadie rit doucement :
— Je ne te croise plus dans les toilettes du fond.
— Oui, désolée je ne vais plus dans ceux-là, lui répond Cassie.
— Ne t'excuse pas, comment tu vas ?
J'ai déjà hâte que la discussion finisse parce que mon microbe a arrêté de me caresser les cheveux et j'en ai marre.
Néanmoins, je reste silencieux et observe l'échange. Je prends le temps d'analyser la blonde. Je ne sais pas qui c'est et je ne l'ai jamais vu avant. Je me demande aussi à quel moment Cassie s'est liée d'amitié avec Barbie.
Je pensais que son groupe se limitait à Lalita, Cherry et Nelly.
Cassie et Sadie papotent comme de vieilles amies, leurs rires fusent parfois.
— Ah ! lance Sadie. Je te présente mon amie, Nina. Nina, Cassie, la fille trop mignonne dont je t'avais parlé.
— Salut, enchantée de te rencontrer, lui répond Nina en agitant sa main pour la saluer.
Cassie lui répond timidement avec son traditionnel "Bonjour" et toute la politesse qui s'ensuit.
Mais alors qu'elles entament une petite discussion, le nom de 'Nina' fait soudainement écho dans ma tête.
Nina... c'était aussi le prénom de la fille avec qui Neo s'était trouvé mêlé, ce qui avait failli nous causer des problèmes avec Dimitrov Tsarine.
Je me mets à la fixer, j'enregistre son portant dans ma tête avec l'intention d'aller discuter de tout ça avec Neo.
— ...on se fera un truc un de ces quatre, OK ?
Je sors de mes pensées suite à la proposition de Sadie.
— Oui, avec plaisir ! lui répond microbe avec enthousiasme.
Elles se saluent enfin, et quand les filles s'éloignent, mon attention se reporte sur Cassie qui cueille une pâquerette. Ses joues sont toujours un peu roses. Je me retiens de sourire en comprenant que Sadie l'impressionne très probablement.
Cassie se met à chantonner doucement en enfonçant la fleur dans mes cheveux.
— Cassie, j'espère pour toi que tu n'es pas en train de foutre des pâquerettes dans mes cheveux depuis tout à l'heure ? Pitié ? Seigneur ?
Elle éclate soudainement de rire.
— Ça te rend trop mignon. Regarde, j'ai pris une photo, me dit-elle en me montrant son téléphone.
Je vois une photo de moi, mes yeux fermés, un air paisible sur le visage, et mes cheveux parsemés de pâquerettes.
— Oh, la fête que je vais te faire à toi, tu n'es pas prête, répliqué-je en la fixant.
Son hilarité sincère plisse tellement ses paupières que je ne vois presque plus la couleur de ses yeux. À force, je ne peux pas m'empêcher de rire légèrement à mon tour. Elle glisse sa main dans mes cheveux et retire les fleurs en essayant de se calmer.
— Tu vas me tuer un de ces quatre, murmuré-je en la scrutant attentivement.
— Mais non... je te jure que ça te rendait adorable.
Je lève rapidement les sourcils et me positionne confortablement sur ses cuisses. Je ferme les yeux et lui demande :
— Touche-moi encore les cheveux, ju lutem (s'il te plaît).
Sans attendre, elle recommence à passer ses mains dans mes cheveux.
— J'adore tes cheveux... ils sont tellement doux et épais.
Je ricane doucement en sentant mon cœur chauffer, comme à chaque fois qu'elle me complimente.
— Et si tu savais ce que je me suis imaginé faire avec cette natte, tu—
— Cal', stop ! Stop, par pitié !
Je savais qu'elle allait réagir comme ça. Je suis déjà en train de rire, mais j'en profite pour lui dire plus sérieusement :
— Ne sois pas si timide avec moi.
— En fait... non, c'est pas que je suis timide avec toi... enfin, je le suis beaucoup moins, mais je n'ose pas être aussi à l'aise.
— Hier, t'étais bien à l'aise. C'est avec moi que tu peux oser justement.
Elle ne répond pas, mais même les yeux fermés, je sais qu'elle rougit.
— Tu es en train de rougir, microbe.
— Mais n-non, pas du tout !
J'ouvre un œil, et j'ai la confirmation visuelle devant moi : elle est toute rouge.
Je ris doucement et referme mon œil, alors qu'elle continue de me caresser les cheveux.
— Qu'est-ce qui te met autant mal à l'aise ?
Elle ne répond pas immédiatement, on dirait qu'elle se perd dans ma chevelure. Mais cette question est restée en suspens durant tous ces mots, et je suis vraiment curieux de comprendre ce qui lui fait autant peur de se laisser être elle-même.
— Je ne sais pas trop... j'ai toujours l'impression d'être ridicule... finit-elle par avouer, d'une voix basse.
— Pourquoi ? Qu'est-ce qui te rendrait si ridicule ?
— Parce que je bégaye, et je rougis facilement et je perds tous mes moyens quand quelque chose m'impressionne un peu. C'est comme si je n'arrivais plus à réfléchir correctement, mon cerveau me lâche. Je ne sais plus quoi répondre, et j'ai juste envie de me cacher quand ça m'arrive. Du coup j'évite au maximum les moments qui pourraient me mettre dans cette situation.
Je hoche la tête en avalant les informations qu'elle me donne, et je comprends mieux.
— Quand tu me réponds là, tu ne bégayes pas, non ?
— Non, c'est vrai...
— Pourquoi à ton avis ?
— Je ne sais pas...
— Parce que tu ne laisses pas tes émotions prendre le dessus. Je t'ai déjà dit que si tu arrives à segmenter ta tête et ton cœur, tu reprendras le contrôle sur toi. Peu importe ce que tu ressens, ça ne doit pas submerger l'argumentaire que tu as en tête. Et même si tu es gênée, ce n'est pas une raison pour avoir honte de toi. Ça arrive à tout le monde.
— Oh... murmure-t-elle en passant doucement ses doigts sur mon visage. Mais toi je ne t'ai jamais vu gêné.
— Si je l'ai déjà été, mais je ne te le montre pas forcément. Quoi que, parfois si, je te le montre, mais ce n'est pas pour autant que je ne me laisse submerger ou impressionner par cette émotion. Tu comprends ?
Je l'entends me murmurer un "hm, hm". La douceur de sa main parcourt les traits de mon visage. Je suis pris de frissons profonds lorsqu'elle voyage sur mes sourcils, l'arrête de mon nez, mes lèvres, ma mâchoire...
J'inspire profondément.
— Tu as toujours réponse à tous mes malheurs... ça m'aide beaucoup ce que tu me dis, merci.
Sa voix douce me l'a murmuré.
Un sourire incontrôlé s'élargit. J'ouvre les yeux en ayant cette putain de sensation d'être son superhéros. Et je ne veux pas perdre ni sa confiance ni ce rôle à ses yeux.
En la regardant, j'ai cette impulsion dans la poitrine qui m'incite à la protéger envers et contre tout.
— Je serais ta force et ton ombre, microbe. Quand tu marches, dis-toi que tu n'es jamais seule.
Ses yeux brillent légèrement. L'émotion est si pure que mon aveu d'amour reste suspendu à mes lèvres. Elle scrute encore les environs, puis se penche vers moi, et de déposer un baiser doux sur mes lèvres.
— Je te crois, me murmure-t-elle tendrement.
J'ai moins de trois mois pour nous sortir de ça...
Mon cœur a déjà fait son choix. Le choix c'est Cassie, mais je ne peux pas non plus agir impulsivement.
J'ai juste trois mois.
— Dis, Cassie...
Elle incline légèrement la tête pour m'interroger.
À quel point tu me suivrais si je te le demandais... ?
Je réalise qu'on se fixe depuis de longues secondes.
La question meurt derrière mes lèvres. Je crains que la poser amène trop de questions auxquelles je ne suis pas en mesure de répondre.
Je secoue un peu la tête, et souris. Et puis l'envie d'approfondir un peu la conversation me vient.
— J'ai envie de savoir un truc.
— Quoi ?
— Comment tu vois les choses dans le mariage ?
La question semble un peu la prendre au dépourvu. Mais je sens que c'est le moment d'en parler.
— Qu'est-ce que tu veux dire par là ? me demande-t-elle.
— Je parle de l'organisation du foyer. Je veux avoir ta vision des choses là-dessus.
— Ah ! Hmm...
Ses yeux se perdent un peu dans le vide le temps qu'elle y réfléchisse, et puis elle me dit :
— Pendant longtemps, j'ai pensé que je voulais suivre la même route que mes parents, ma mère s'occupait de moi, elle m'accompagnait à tous mes cours de danse classique, et mon père rentrait tous les soirs. J'étais tellement contente de le retrouver à chaque fois...
Elle marque une pause, comme à chaque fois qu'elle parle de son père, je peux voir la douleur associée à cette perte. Son regard se charge d'une telle peine qu'elle ne peut pas le cacher :
— Mais maintenant, je n'en sais rien, quand mon père est parti, ça a tout chamboulé... parfois les routines sont brisées brutalement. Je crois que je ne voudrais pas être juste "une femme au foyer", j'aimerais rester une "une femme" à part entière, alors même si je veux pouvoir m'occuper de ma maison, mais je veux avoir une activité à côté, je veux garder mes passions, je veux pouvoir sentir que je ne sers pas qu'au foyer... Tu vois ce que je veux dire ?
Je hoche la tête, compréhensif.
— Et quelle activité tu voudrais faire ?
À ma question son visage s'illumine :
— Mon rêve serait de devenir écrivaine...
Pourquoi j'ai posé la question.
Je m'en doutais.
Un petit rire doux m'échappe et je lui dis :
— On va faire en sorte que tu le deviennes, je lui réponds sans hésiter.
Je sursaute presque lorsque je sens la main de Cassie me saisir le visage. Elle presse mes joues au point de pousser ma bouche en forme de cœur. Et sans que je m'y attende, elle m'embrasse tout le visage une bonne quinzaine de fois :
— Désolée ! me dit-elle entre deux baisers, avec un petit rire. Mais je fais une crise de mignonnerie, tu es trop mignon. Désolée !
Ses lèvres s'écrasent sur ma peau alors que je cède à un rire sincère.
Ça doit être une des premières fois qu'elle se laisse autant aller avec moi. Je la regarde me couvrir de baisers avec le cœur qui me brûle à l'idée de la voir se libérer.
Quand elle me donne un dernier bisou sur la bouche, je regrette presque que ça ne dure pas plus longtemps.
— Et toi ? Comment tu vois les choses ? me demande-t-elle en laissant sa paume sur ma mâchoire comme si de rien n'était.
— Alors, commencé-je en riant. Déjà, si je pouvais avoir plus d'élan d'amour comme ce que tu viens de faire, ça ne serait pas de refus.
Elle hoche la tête, amusée.
— Mais sinon, moi je vois les choses comme ça ; c'est du 50/50. Je bosse, tu dépenses. Tu es une star, je suis ton fan. C'est aussi simple que ça.
Son hilarité se poursuit, elle secoue la tête dans un faux agacement :
— Non, mais dis-moi sérieusement, insiste-t-elle.
— Je suis très sérieux, répliqué-je avec un rire. Bon, pour être honnête, la chose sur laquelle je pense qu'on va sûrement avoir une discussion, c'est que moi, je voudrais un gosse la première ou la deuxième année de mariage, mais c'est pas moi qui le porte donc ça sera à toi de me dire ce que tu en penses. Après, je vois les choses comme ça : je gère toutes les dépenses, tu gères le foyer. Et je ne suis pas en train de te dire de te plier en quatre pour faire le ménage ou me faire à manger tous les soirs. Ce que je veux dire, c'est que j'achète une maison, et c'est toi qui en fais un foyer.
Cassie lève les sourcils, un peu surprise et clairement touchée par mon discours.
— C'est beau ce que tu dis, elle murmure, une lueur de respect dans ses yeux.
Je souris, et sans pouvoir me retenir, je poursuis en lui avouant :
— Je suis convaincu que la femme est le pilier au sein d'une famille. J'ai senti la différence, quand ma mère est tombée malade... sans elle, c'était juste une maison avec quatre murs... plus de chaleur, plus ces bonnes odeurs, plus de vie.
Une boule à la gorge remonte sans que je ne la contrôle. Mon cœur se serre.
Je n'avais pas anticipé de plonger dans les souvenirs de ma mère aujourd'hui.
Cassie me regarde, avec une expression se teinté d'inquiétude :
— Qu'est-ce qu'elle a ta maman... ?
— Un cancer... de l'utérus, je lâche avec une pointe d'amertume.
Je m'éclaircis la voix en ayant cette satanée sensation qu'on me déchire le cœur à main nue comme à chaque fois que je pense à ma mère.
— Ça fait plus d'une dizaine d'années qu'elle se bat contre ce truc. Mais... c'est sa dernière année... je ne sais pas pourquoi, je sens qu'elle va partir bientôt.
Je regarde le ciel bleu.
Pas un nuage à l'horizon.
Je me perds dans cette imaginant qu'elle sera bientôt là-haut... Que je guetterais les étoiles en espérant qu'elle soit l'une d'entre elles. Qu'elle veillera sur moi, mon père...
Le sentiment me pèse tellement qu'il me faut quelques secondes avant de recommencer à parler.
J'ai envie de partager cette facette de moi avec Cassie, parce qu'elle est celle qui m'a conditionné le plus aujourd'hui. Je n'aurais pas été Callahan Michael Caine, sans l'influence de ma mère. J'aurais été quelqu'un d'autre...
Une goutte chaude sur ma joue me prend par surprise. En avisant le ciel, je sais qu'il ne pleut pas, et je suis brutalement ramené sur terre en plongeant mon regard sur Cassie.
Son visage est déformé par la tristesse et des larmes silencieuses sillonnent ses joues.
— Putain, më fal, Cassie, je ne cherchais pas à te rendre triste, prononcé-je rapidement en m'appuyant sur mon coude pour lui faire face.
— Non ! Désolée, c'est moi, je ne devrais pas. Je suis sincèrement désolée pour ta maman, Callahan. Je ne savais pas...
Sa détresse souffle la mienne. Je déteste la voir comme ça, entendre sa voix brisé ça me fait toujours une sensation que je ne veux pas sentir.
De la douleur.
J'essuie ses larmes sur ses joues :
— Ne pleure pas, tout va bien, zemër.
Elle renifle doucement en se calmant :
— Tu-tu veux me parler d'elle. Tu peux le faire quand tu veux, tu sais. Tu n'es pas obligé de tout garder pour toi...
Je lui offre un petit sourire.
Elle m'incite à m'allonger de nouveau sur ses cuisses. Ma tête se repose dessus, et elle me caresse la joue en reniflant discrètement.
En admirant encore le ciel, je suis heureux de sentir que sa présence me réconforte.
Et je préfère les orages.
Je capture son regard, et m'y plonge profondément pour sentir tous ses ouragans se saccager le cœur, me faire ressentir des choses qui dépasse mes déchirures et qui me donnent espoir.
— Elle s'appelle Sibel Rose.
Le nom de maman entre mes lèvres me renvoie à autant de douceur que de douleur...
Cassie lève légèrement les sourcils, en hochant la tête pour me signifier qu'elle m'écoute attentivement :
— Ça veut dire prophétesse, je lui explique, une petite pointe de fierté dans la voix.
— C'est vraiment magnifique.
Je souris légèrement
— C'est vrai que c'est beau...
Je marque une petite pause, avant de me confier finalement :
— Elle m'a longtemps pris dans ses bras, jusqu'à ce que j'apprenne son cancer et que... la tristesse et la peur que j'ai ressenties à ce moment m'ont fait la rejeter.
Je serre la mâchoire. Mes regrets me prennent à la gorge.
Cassie passe ses mains dans mes cheveux en me laissant l'espace pour diriger ce que j'avoue.
— Je la voyais déjà morte. Alors à quoi bon... je me suis tellement éloigné d'elle à ce moment-là. J'étais en colère comme si elle avait choisi cette maladie. J'étais un putain de petit con !
Mon amertume me frustre.
— Parfois... j'ai l'impression qu'elle a tenu aussi longtemps pour que je lui revienne, parce que depuis que je ne la lâche plus, je sens qu'elle se laisse partir, qu'elle s'affaiblit de jour en jour. Comme si elle était rassurée de savoir que j'allais bien...
Cassie pince les lèvres, pour retenir les larmes qui s'accumulent dans ses yeux, en caressant mon visage.
— Je n'arrive toujours pas à accepter ce putain de cancer, et ça me donne toujours autant de migraine d'y penser, je continue frustré.
Respirer profondément ne suffit pas à apaiser la tension qui s'accumule à chaque pensée de sa maladie.
— En fait, je crois que je suis en colère contre ce truc. Il me rend impuissant, il attaque ma mère de l'intérieur, et je ne peux pas lui arracher ce monstre qui la ronge. Je ne peux rien faire d'autre que de la regarder mourir sous mes yeux.
— Je suis désolée... vraiment désolée, Callahan... me murmure Cassie d'une voix chargée de compassion.
Elle arrange doucement mes cheveux, et je la regarde. À ce moment, je reconnais l'importance d'avoir trouvé ce que je cherchais toutes ces années...
Un foyer pour y laisser mon cœur. Des mains chaudes pour le tenir, le soutenir, le laver, le considérer, l'apaiser...
À cet instant, je suis sincèrement reconnaissant pour sa présence et son empathie.
Et c'est la sienne que je veux. Personne n'aurait pu accueillir mon histoire comme elle, du moins... c'est sa réaction qui me fait le plus de bien.
Alors je cherche à alléger un peu l'atmosphère, et je me lance dans un souvenir :
— Ma mère... elle... elle faisait le meilleur tavë kosi. On lui demandait toujours de cuisiner quand notre famille se réunissait, personne ne pouvait concurrencer la boss.
— Elle aime cuisiner alors ? me demande Cassie en essuyant les larmes qui perlent doucement sur ses joues.
— Ouais, et comme toi, elle aime lire tes trucs à l'eau de rose, si tu veux tout savoir. Mon père en a marre !
Je me laisse rire, et elle me sourit tristement.
— Je vois pas ce que vous trouvez d'intéressant à lire avec ces types, plaisanté-je.
— Tu peux pas comprendre, elle rétorque avec un petit sourire malicieux.
— C'est clair que je ne comprends pas, tu ne devrais être fan que de moi !
Je feins l'indignation, et ça provoque un rire plus profond chez elle.
— Mais je le suis !
Je hausse les sourcils, surpris, j'avoue que je ne m'attendais pas à cette réponse. Un mélange de joie et d'excitation fulmine dans mon ventre, je me retiens de ne pas sauter sur sa bouche.
— Q-quoi ?
— Bah... c'est toi que j'ai choisi non... ? me répond-elle un peu confuse.
Je me redresse, submergé par un élan de passion, en la fixant intensément.
Je ne résiste pas à l'envie de capturer ses lèvres avec les miennes. Surprise, elle m'attrape par le t-shirt. Le baiser s'intensifie, mais entre deux respirations, elle me chuchote timidement :
— Cal', on est dans un parc...
— Fait chier, j'ai envie de toi, microbe.
Elle baisse les yeux sur mes lèvres et me murmure.
— Pas maintenant...
Un frisson torride me serre l'estomac. En exagérant ma réaction, je retombe sur le dos, en soufflant :
— Seigneur, aide-moi, pitié !
Mes paumes se lèvent vers le ciel, et Cassie éclate de rire.
— Tu es incorrigible.
— Je suis amoureux.
Elle me tapote doucement le ventre comme pour me faire comprendre que ça va aller. Je me laisse rire doucement, avant de me redresser sur mes coudes pour la regarder.
Soudainement, une idée germe dans mon esprit. Et je lui demande spontanément :
— Je voudrais que tu m'accompagnes quelque part...
La question la surprend visiblement.
— Où ça ?
Je m'assois et passe nerveusement une main sur ma mâchoire.
— Quelque part...
Mes réponses sont évasives, mais je crains de revenir sur ma décision impulsive.
Et finalement, elle me prouve encore la confiance qu'elle m'accorde en hochant simplement la tête. J'acquiesce à mon tour, et nous commençons à ranger nos affaires rapidement. Le soleil commençait déjà à se baisser à l'horizon, annonçant la fin de l'après-midi.
Main dans la main, nous retournons à la voiture en quelques minutes. Sur le trajet, mon cœur s'angoisse un peu de nervosité. Ma main repose sur la cuisse de Cassie, je caresse doucement sa peau. Elle regarde par sa fenêtre en tenant mon poignet, sans me poser plus de questions.
Après une trentaine de minutes, j'arrive sur le parking de la clinique spécialisée.
Le bâtiment moderne mais austère me provoque d'ores et déjà une chaleur dans la tête, éveillant ainsi mes migraines comme à chaque fois que je viens ici.
Quand je mets le frein à main, Cassie se tourne vers moi avec un regard interrogateur. Je vois à ses traits qu'elle a une légère appréhension. Mais je l'incite à sortir de la voiture en même temps que moi. Je prends sa main lorsque nous traversons le parking vers l'entrée de la clinique.
C'est dangereux... très dangereux ce que je fais, mais je ne la lâche pas, même quand les portes coulissantes glissent devant moi. Et qu'à peine avons-nous franchi le seuil, que je tombe nez à nez avec Marigona.
— Callahan !?
L'infirmière qui s'occupe de ma mère m'accueille avec énergie, un large sourire sur les lèvres, ses crocs couinent alors qu'elle s'approche de moi pour me faire la bise.
— Ça va, Marigona, tu ne veux pas changer de crocs toi, je plaisante en les pointant du doigt.
— C'est comme ça que tu parles à une femme qui a le double de ton âge !
Elle se laisse rire, avant de se tourner vers Cassie en inclinant la tête, agréablement surprise :
— Kush është, Callahan ? (Qui est-ce, Callahan ?)
Cassie me regarde perdue, mais je rétorque avec un léger sourire en coin :
— Tu es trop curieuse à mon goût.
Marigona plisse légèrement les yeux, amusée. Elle n'insiste pas en revanche, elle tend la main à Cassie et lui dit :
— Moi, c'est Marigona, enchantée !
— C-Cassie, je suis enchantée aussi, lui répond-elle en serrant sa main en retour.
— C'est mignon comme toi. Elle est adorable, complimente Marigona ce qui fait encore plus rougir Cassie qui la remercie timidement. A është shqiptare ? (Elle est albanaise ?)
— Jo, angleze. (Non, anglaise)
Marigona lève un sourcil, en me lançant un regard légèrement réprobateur dans ma direction, comme une grande-sœur qui me met en garde, mais je choisis de l'ignorer. Cassie lève les yeux vers moi, toujours aussi perdue.
— A po fle mami ? (Ma mère dort ?)
— Jo, më ndiq, me répond Marigona en se dirigeant vers les couloirs. (Non, suis-moi.)
Nous suivons Marigona, et je ne lâche pas la main de Cassie.
Marigona commence à me parler. Elle m'explique en albanais que ce n'était pas une journée facile pour ma mère. Apparemment, elle aurait beaucoup vomi ce matin. Ses nouvelles me retournent l'estomac. Elle me dit également que mon père est passé et il vient tout juste de partir, il y a à peine une heure.
J'ai frôlé la catastrophe d'une heure.
Mon cœur s'accélère à l'idée d'avoir presque croisé mon père, et je me rends compte que je serre un peu trop fort la main de Cassie. Je desserre la pression.
Je stresse.
Quand nous arrivons devant la porte de la chambre de ma mère, je sens déjà un fond de migraine monter. Mon anxiété décuple, sachant que chaque visite pourrait être l'une des dernières.
Marigona frappe doucement à la porte avant d'annoncer notre présence. La voix familière de ma mère nous invite à entrer avec un « entrez » qui me fait toujours le même effet...
La tristesse qu'un jour je ne l'entendais plus.
— J'ai une belle visite pour toi, Sibel, déclare Marigona en ouvrant la porte.
À peine la porte s'est ouverte que l'expression de la surprise se peint sur le visage de ma mère en me voyant.
— Dieilli im, (mon soleil) murmure-t-elle sur un ton soulagé.
Ses yeux brillent presque de larmes. Je sens qu'elle attendait ma venue aujourd'hui. Elle ouvre les bras pour m'accueillir, et alors que je m'avance vers elle en tenant toujours la main de Cassie, je remarque son regard glisser de moi à microbe avec curiosité.
— Përshëndetje nënë. (Bonjour maman)
Je la serre très fort de mon bras libre en déposant un baiser sur son front. L'odeur de désinfectant s'enfonce dans mes poumons comme à chaque fois. Grâce aux fleurs fraîches que mon père lui a apporté, j'arrive à me focaliser sur autre chose que le parfum stérile de la chambre.
— Jam shumë e lumtur që të shoh sot, dieilli im, me murmure-t-elle en m'embrassant la joue émue. (Je suis tellement heureuse de te voir aujourd'hui, mon soleil)
J'avise son livre sur ses cuisses alors que je plonge ma tête dans mon cou. Sa paume caresse doucement mon dos.
Je ferme les yeux.
La main chaude de Cassie dans la mienne me garde sur terre.
Au bout d'un moment, je me détache de ma mère. Elle lance quelque regard curieux et intrigué vers microbe, mais je lui demande d'abord ce qui s'est passé ce matin. Comme toujours, maman essaye de me rassurer en me disant que tout va bien...
Et c'est la pire chose qu'elle puisse me dire.
C'est littéralement la chose qui me tue intérieurement de l'entendre me dire que tout va bien, alors qu'elle meurt à petit feu...
Je la fixe alors qu'elle m'explique en Albanais les dernières nouvelles. Sa maigreur m'affecte à un point désespérant. Ce foulard qui couvre son crâne, ces cernes, sa pâleur, sa faiblesse...
Je reviens un peu sur terre lorsqu'elle referme son livre "Orgueil et préjugés", qu'elle dépose sur sa table de chevet. Rien qu'au petit sourire en coin qui tire ses lèvres sèches, je sais déjà ce qu'elle va me dire :
— Tu ne me la présentes pas ?
Elle pose son regard sur Cassie qui presse plus fermement sa main dans la mienne. Je vois une forte appréhension sur son visage alors qu'elle fixe ma mère et moi, elle est visiblement intimidée. Ses joues s'empourprent brutalement, et je ne la lâche pas pour lui offrir mon soutien.
— C'est Microbe, nënë. (Maman)
Cassie entrouvre la bouche, choquée, elle se retient de me reprendre devant ma mère en écarquillant les yeux. Je lutte pour contenir mon envie d'éclater de rire devant sa réaction.
Ma mère lève un sourcil amusé en observant Cassie.
— B-bonjour madame, balbutie Cassie avec respect.
Ma mère lui offre un sourire compassion et bienveillance qui adoucit ses traits fatigués et l'accueille d'un signe de la main, l'invitant à se rapprocher.
Face à sa nervosité, Cassie ne bouge pas, alors je la tire doucement par la main pour l'encourager à y aller.
Ma mère lui ouvre les bras.
Cassie s'avance, et elle plonge timidement dans ses bras.
— Bonjour, ma fille, murmure ma mère avec une douceur qui emplit la pièce en lui caressant le dos.
À ces mots, je ressens une décharge de bonheur parcourir mes veines.
La vue de ma mère acceptant Cassie dans ses bras comme si elle faisait déjà partie de la famille, c'est plus que je ne pouvais espérer. Ça me confirme tout. C'est ce petit bout de femme que j'ai cherché toute ma vie. L'évidence qui s'aligne à tout ce que je suis, et tout ce que je veux être.
Mon cœur bat plus fort, plus qu'heureux de cette image.
Ça me donne de l'espoir... Si maman l'accepte... peut-être... qu'elle pourrait tenter de convaincre mon père de donner sa bénédiction.
— Tu es très timide, n'est-ce pas ? lui demande ma mère en se séparant d'elle sans lâcher ses bras.
Cassie hoche la tête, visiblement gênée par l'attention.
— Il ne faut pas. Je crois que je commence à en savoir assez sur toi, à chaque fois qu'il vient ici, il me parle de toi.
Ma mère me fait un petit clin d'œil complice qui me fait rire. Alors que Cassie me jette un regard furtif pour en savoir plus, je lance à ma mère :
— Donc tu ne sais pas parler albanais quand il faut révéler mes secrets ?
Ma plaisanterie détend l'atmosphère, car microbe sourit amusée, et ma mère se met à rire.
Malheureusement, elle est très vite submergée par une quinte de toux brutale qui l'interrompt dans sa joie. Je m'avance vers ma mère en passant nerveusement ma main sur mon visage. Elle place une paume sur sa poitrine, et l'autre devant sa bouche. Et j'observe la scène...
Impuissant.
Ce n'est pas la première fois.
Ça ne sera pas la dernière.
Et un jour, elle toussera une dernière fois.
Et ça la tuera...
Cassie, touché par la souffrance de ma mère se retient de craquer, je peux voir que ses yeux ont un peu rougit.
— Më... Excusez-moi, murmure ma mère en essayant de nous rassurer tous les deux.
Mon cœur se serre face à la réalité de sa condition.
— Tu veux que j'aille te chercher un verre d'eau ?
Je sais aussi que l'eau ne changera rien.
— J'ai bu toute la journée, je ne peux plus rien avaler, réplique-t-elle avec un sourire fatigué mais sincère.
Ma mère s'éclaircit la voix. Elle reporte de nouveau son attention vers Cassie, et lui demande avec un sourire :
— Alors, quel est ton nom ?
— Je m'appelle Cassie.
Microbe fixe ma mère avec attention.
Mais c'est le regard de ma mère qui me fait mordre l'intérieur de ma bouche. Mon cœur palpite brutalement.
Mais elle ne dit rien.
— C'est adorable, lui dit-elle finalement.
Cassie, encouragée par le sourire de ma mère, se détend un peu.
Elle tapote doucement le lit à ses côtés, invitant Cassie à s'asseoir plus près.
Microbe s'approche alors et s'assoit timidement sur le rebord du lit.
Je me tiens juste derrière elle, en observant les deux femmes les plus importantes dans ma vie se rapprocher.
— J'espère que tu n'as pas trop peur des foules, parce qu'on a une très grande famille, plaisante ma mère avec un rire chaleureux.
Cassie se tourne légèrement vers moi, légèrement amusée.
— Je veux dire, si tu es prête à te marier avec mon fils, il faudra t'attendre à ce que la salle soit pleine à craquer. Tu n'es pas albanaise, je me trompe ?
— Non, je suis anglaise.
Sans me contrôler, je commence à jouer avec les cheveux de Cassie, en écoutant leur échange. Mes doigts glissent dans sa longueur.
— On a quelques coutumes qui sortent un peu du lot, rit ma mère avec une étincelle malicieuse dans les yeux.
— J'avoue que pour le moment, je connais juste le tavë kosi, le pasul, et quelques pas de danse et la musique Valle Kosovare.
Ma mère me regarde en laissant un nouveau rire lui échapper :
— Tu lui as appris la danse ?
Je pince mes lèvres en retenant mon rire. J'hoche la tête sous leurs rires amusés.
— Et bien, si tu veux tout savoir, lors d'un mariage, il va devoir tirer en l'air avec un fusil.
Cassie fait jongler son regard curieux de moi, à ma mère :
— Je n'ai jamais entendu parler de ça.
— C'est un signe de célébration. Certains hommes de la famille seront vêtus en costumes traditionnels à l'arrivée de la mariée chez son mari. Disons que ça marque un peu le début de cette nouvelle vie. C'est une façon aussi de montrer sa fierté d'avoir marié la femme qu'on aime, lui détaille ma mère.
— J'imagine bien Cal'—Callahan faire ça, rit Cassie. Il est tellement fier de sa culture que je commence à l'apprendre petit à petit.
Je ne me rends même pas compte d'à quel point je lui partage tout ce qui me définit, et mon pays est probablement le premier pilier qui constitue ma personne. Je retiens un rire en l'écoutant, en continuant de jouer avec ses cheveux, tandis que ma mère lui dit :
— Callahan, c'est le pire. Lui, et son cousin Dasar, il faut les voir ensemble, ils pourraient te parler de l'Albanie pendant des heures.
— Tu agis comme si tu n'étais pas pire que moi avec ton dingue de mari, je rétorque, un sourire en coin.
Ma mère ricane, ce qui provoque le rire de tout le monde dans la chambre :
— Arrête de parler de ton père comme ça !
— Il est dingue ton mari, nënë. (Maman)
Cassie me regarde avec de gros yeux amusés.
Ma mère secoue la tête en levant les yeux au ciel dans un faux agacement.
— Bon, c'est vrai que son père n'est pas mieux. Tu seras calée sur tout ce qu'il y a à savoir en un temps record.
— J'ai vraiment envie de le visiter maintenant, lui répond microbe.
— Ne t'en fais pas, je pense que tu vas y retourner souvent, hëna ime.
Cassie semble perdue un instant, je me penche légèrement vers elle.
— Ça veut dire 'ma lune'.
— Oh, d'accord. Et bien... j'avoue que j'ai hâte, murmure Cassie.
Ma mère la regarde, intriguée mais avec douceur. Au bout de quelques secondes, elle finit par lui avouer :
— Je sais que Callahan va me dire que je dévoile tous ses secrets, mais je suis agréablement surprise de te rencontrer aujourd'hui. Je me suis toujours demandé qui mon fils me présenterait, et étrangement, tu es différente de ce à quoi je m'attendais, mais j'ai l'impression que tu complètes mon fils d'une manière si naturelle. Je te trouve parfaite pour lui.
Mon bonheur à l'entente de ses mots explose à l'intérieur de moi. Je me fais violence en me focalisant sur les cheveux de Cassie pour ne pas trop laisser mes émotions se voir.
Microbe semble tout aussi touchée par les paroles de ma mère. Elle ne trouve pas les mots pour répondre, et je peux voir qu'elle rougit.
— Je ne te connais pas encore très bien, mais tu as ce je-ne-sais-quoi qui me fait comprendre ce qu'il voit en toi. Je ne pourrais même pas l'expliquer. Tu surpasses tout ce que j'aurais pu espérer pour lui.
— M-merci... enfin... merci... bafouille Cassie émue, en cherchant mon regard.
Je lui souris, et dépose un baiser sur le haut du crâne de microbe.
Je pense que ma mère a compris que c'est cette femme que je veux.
Et je suis incapable de retenir mon affection.
Elle nous observe avec tendresse, jusqu'à ce que les conversations se poursuivent tout naturellement. Les sujets passent de ma culture, aux études de Cassie, puis je ne sais comment, elles arrivent à parler de leur passion, pour la cuisine, et sans surprise : la lecture.
Orgueil et Préjugé devient le sujet principal au point où je me retrouve carrément exclu de la discussion. Je finis par m'asseoir sur le fauteuil où je les observe, rêvant d'un monde où, je n'ai jamais fait partie de l'Ordre.
Un monde où mes mains ne sont pas couvertes de sang.
Un monde où je n'ai plus aucun secret pour mon amour...
Un monde ou maman n'est plus malade, et qu'elle ait encore la chance de rencontrer ses petits-enfants.
Un monde de rêve.
Nous passons une bonne heure ou deux ensembles.
À en juger leur discussion, il est évident que Cassie et ma mère s'entendent à merveille.
Quand il est l'heure de partir, Cassie enlace chaleureusement ma mère dans une grande étreinte. Je vois une émotion nouvelle dans les yeux de ma mère. Comme si elle se retenait de pleurer. J'ai la sensation qu'elle a compris que cette fois-ci, j'avais bien trouvé la source de mon bonheur, et qu'elle aurait voulu vivre plus longtemps pour m'accompagner.
Je sais déjà qu'elle ne sera pas présente à mon mariage...
Je sais qu'elle ne verra jamais mes enfants.
Et je sais que son absence m'enlèvera une partie de moi qui ne se comblera jamais.
La boule à la gorge, je me rapproche de ma mère à mon tour, et l'étreins en lui donnant des baisers sur les joues.
— Kthehu të më vizitosh, dieilli im... mirë ? Me të. (Reviens me voir, mon soleil... d'accord ? Avec elle.)
Elle me l'a chuchoté si bas, d'une voix légèrement tremblante.
J'ai dégluti difficilement en acquiesçant, ces mots ont résonné comme des adieux déchirants.
C'est ce que je déteste le plus lorsque je vais voir ma mère.
Partir.
— Do të kthehem, e premtuar. (Je reviendrais, promis.)
Ma mère essuie une larme rebelle, qui semble glisser sur mon cœur comme de l'acide.
Avant de partir, je donne un dernier baiser sur le front de ma mère.
Je sens d'ores et déjà mon crâne chauffer.
— Të dua, nënë. (Je t'aime, maman.)
— Të dua, biri im. (Je t'aime, mon fils.)
Nos mains se séparent douloureusement. J'ai l'impression que ma gorge se serre et me coupe le souffle. Cassie la salue une dernière fois, et je ne quitte pas ma mère des yeux jusqu'à ce que nous dépassions la porte.
Et que je la referme sur les traits doux, et malades de maman.
✤
Il est tard, mes phares éclairent la rue devant moi. Je tourne lentement à une intersection.
Maman m'a semblé vraiment faible aujourd'hui.
Je devrais peut-être y retourner la voir, avec mon père.
Et si je lui en parlais... là, maintenant.
L'Ordre risque de me mettre sur la sellette comme Benjamin.
Je devrais peut-être attendre que Margaret gagne les élections avant de risquer la vie de Cassie comme ça.
Et puis, on pourrait me retirer cette mission, si mon grand-père l'apprenait. Il compte trop sur moi pour me laisser être distrait.
Je peux... fuir ?
Demandez à Cassie de vivre une vie recluse ? Tout abandonner derrière elle ? Sa vie, ses amies, ses repères ? La plonger dans la peur qu'un jour, les exécuteurs nous retrouvent... ? Je sais qu'elle ne mérite pas cette vie, et ce n'est pas non plus ce que j'ai prévu pour elle.
Quitter l'Ordre, c'est signer son arrêt de mort.
— Ça va ?
Je tourne précipitamment la tête vers Cassie. Sa voix me ramène sur terre, et je lui réponds rapidement, un léger sourire en coin :
— Ça va, zemër.
— Ta mère est adorable, et vraiment drôle, je l'ai trop aimée, m'avoue-t-elle avec enthousiasme.
Mon sourire s'élargit.
— Ça me rend heureux de savoir que tu l'as rencontré. Et crois-moi que ça lui a fait plaisir aussi.
— À moi aussi. Et, si tu veux... je pourrais venir avec toi des fois quand tu iras la voir. Enfin, je ne veux pas m'imposer, mais n'hésite pas...
Son offre m'enchante beaucoup plus qu'elle ne pourrait l'imaginer.
— Ça me ferait vraiment plaisir, zemër, je réponds sincèrement.
Elle me sourit, et détourne le regard vers la route. Nous arrivons à sa maison, et je me gare doucement devant son portail.
Cassie détache sa ceinture et regarde la bâtisse plongée dans le noir.
— Ma mère n'est pas rentrée... murmure-t-elle doucement.
Je sais qu'elle n'aime pas être seule chez elle.
Elle se tourne vers moi, avant que je n'aie le temps de lui proposer quoi que ce soit, ses yeux cherchent les miens.
— Est-ce que... tu veux dormir avec moi ce soir ?
Sa voix est un peu hésitante.
— Tu sais que je ne dirais jamais non, mon amour.
Demain c'est dimanche, je n'ai aucune obligation urgente.
Et quoi qu'il arrive, j'allais lui proposer moi-même de rester.
Je fais marche arrière, et garde ma voiture plus loin sur le trottoir.
✤
Bonsoir bonsoir, bonsoir ! 🎃
Ça-va ? ☕️
REEE !
Je voulais vraiment pas coupé ici, à la base ce chapitre était beaucoup plus long mais franchement j'avais pas le choix, je bloque grave sur la scène qui suit, du coup c'est mieux je mets fin à la torture et je réfléchis à comment je vais l'écrire 😬 !
Ça me manque trop d'être active sur Ghost je vous promet je souffreeee trop avec Valentina 😭 ! Qu'on me libère de cette réécriture y'a quoi ?
D'ailleurs demain dernier jour 🫣... Après Valentina s'en va de la plateforme... Mais je reviens vite avec la nouvelle version que je posterais le 1er septembre ! 😙
Bon quoi qu'il en soit :
IT'S TIIIME TO TAKE THE TEA : ☕️, je veux tout entendre, vos impressions, vos ressentis, vos théories, vos retours pour ce chapitre ? Dites-moi tout ! (En vrai il y a pas trop de théories là 🤣 !)
Ce chapitre je l'ai écrit ça date, ça m'a fait du bien de me plonger dans un mood d'amour et d'eau fraiche parce que faut voir Preto et Valentina comment ils sont en ennemis to lovers qui veulent pas lover c'est trop de pression MDR !
Bon, à la revoyure, je préfère prévenir, je ne sais pas quand la suite viendra 😬 !
BYE 🏍💨🪐 !
Stardust 🍓
𝚂𝚎𝚎 𝚢𝚘𝚞 𝚜𝚘𝚘𝚗 🕰...
xo, Azra. ✿
IG: azra.reed
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