𝟺𝟿. 𝙻𝚊𝚕𝚒𝚝𝚊 𝙿𝚎𝚛𝚎𝚣.
On est le 5 Juillet, on souhaite un joyeux anniversaire à ma fille d'amour, Casbaby ! 🌷
Bonsoir, ça-va ? 🕰
(𝖣𝖾́𝗆𝖺𝗋𝗋𝖾𝗓 𝗅𝖺 𝗏𝗂𝖽𝖾𝗈 𝗉𝗈𝗎𝗋 𝗏𝗈𝗎𝗌 𝗉𝗅𝗈𝗇𝗀𝖾𝗓 𝖽𝖺𝗇𝗌 𝗅'𝖺𝗆𝖻𝗂𝖺𝗇𝖼𝖾)
"Le secret pour s'en sortir avec un mensonge, c'est d'y croire de toutes ses forces. C'est d'autant plus vrai lorsqu'on se ment à soi-même que lorsqu'on ment aux autres."
Elizabeth Bear
𝙰𝙲𝚃 𝟽.
🌷 𝙼 𝚊 𝚛 𝚜.
𝟦𝟫. 𝖫𝖺𝗅𝗂𝗍𝖺 𝖯𝖾𝗋𝖾𝗓.
Cassie.
Je me réveille en sursaut en laissant un petit cri d'horreur m'échapper.
Mon cœur bat à la chamade et résonne dans l'intégralité de mon corps. Je tente de reprendre mon souffle en me sentant trempée de sueur.
Ma paume sur ma poitrine, je déglutis difficilement.
Le même cauchemar effrayant qui me hante chaque année à la même date...
Je pousse ma couette de sur mes cuisses, car elle me fait mourir de chaud. Mon geste réveille Sherlock qui relève la tête vers moi. Il semble ressentir mon angoisse et il s'approche doucement pour appuyer son museau contre mon nez.
Ma paume quitte mon cœur pour glisser sur son pelage doux.
En me calmant, je ressens immédiatement la fraîcheur qui règne dans ma chambre. Mon regard porte vers ma fenêtre. À l'extérieur, une pluie fine tombe. Le son mélodieux des gouttes frappant contre ma vitre m'apaise un instant.
Malgré la nuit noire, je sens que l'hiver commence à s'en aller, les arbres se parent de nouvelles feuilles.
Ma main glisse sur mon front qui me paraît brûlant et humide, j'expire un bon coup avant de me tourner vers ma table de chevet.
Je tapote sur l'écran pour qu'il s'allume :
« Dix-sept mars. »
C'est le jour de la Saint-Patrick.
Après le trois septembre, le jour de la mort de mon père, le dix-sept mars représente pour moi ma deuxième journée de l'horreur...
Mes souvenirs m'assaillent, une nausée me prend, je donnerais tout pour oublier cette journée. Faire comme si elle n'était jamais arrivée...
Alors que j'allais me rallonger, je constate que j'ai la notification d'un message. Je frotte mes yeux, et saisis mon téléphone.
C'est un message de Lalita.
Envoyé il y a deux minutes.
Je fronce légèrement les sourcils, en sortant les pieds de mon lit. Sherlock retourne dormir, et je déverrouille mon téléphone en cliquant sur le message :
« Lalita from Euphoria : Tu le savais. »
Mon cœur se serre brutalement à la lecture de ces trois mots affichés. Une vague de stress me fait me lever de mon lit. Je me sens bouillir de l'intérieur.
Cette simple phrase me fait me poser un milliard de questions... Soit, elle parle de Nelly, soit de Cherry...
Mes mains se mettent à trembler, et j'hésite sur la manière de répondre.
Je ne veux pas mentir à Lalita, et j'ai peur de ce que ma réponse pourrait déclencher.
Je sens une douleur sourde me comprimer l'estomac, à cause de cette anxiété qui m'empoisonne les veines.
Finalement, je tape une réponse, mes doigts hésitent sur l'écran mais je ne peux pas la laisser comme ça.
« Lalita, qu'est-ce qu'il se passe ? »
Je retiens mon souffle en attendant.
Je suis tétanisée à l'idée que mes secrets puissent changer quoi que ce soit à notre relation. Je fixe mon écran, et mords mes lèvres face à son silence. La tension devient insupportable, et je fais les cent pas dans ma chambre.
Rien ne me calme, alors je décide de l'appeler.
Le téléphone sonne longuement.
— Pitié... je chuchote désespérée. Réponds-moi...
La tonalité résonne comme le bruit de mes cauchemars.
Mon cœur palpite violemment, tandis que je pince nerveusement la peau de ma gorge.
Mais finalement, ma tension se relâche légèrement lorsqu'elle décroche.
Je n'entends rien au début... Le silence me pèse. Mais je rassemble mon courage et je lui murmure, incertaine :
— Lalita...
— Quand est-ce qu'elle t'a dit qu'elle était enceinte ? me demande-t-elle directement.
Je déglutis en essayant de rassembler mes pensées qui s'agitent brusquement :
— Le... le mois dernier, avoué-je lourdement.
— Elle est enceinte de combien de mois ?
Je ressens dans sa voix que ma réponse la blesse. Elle me parle avec impatience, avec une peine qu'elle ne contient pas.
— Je... eum...
— J'ai juste besoin d'une réponse.
Mon stress monte en flèche.
Maintenant, j'ai peur de trahir Cherry en dévoilant des secrets qui ne sont pas les miens. Je me paralyse, mon estomac se retourne dans mon ventre :
— Lalita, on pourrait se voir demain et en parler...
— Elle est enceinte de combien, Cassie ? insiste Lalita avec plus de détermination.
Ma gorge se serre davantage, ma voix tremble :
— Je... ne voudrais pas parler à sa place... Lalita, je suis déso—
— Elle a toujours nié ! me coupe Lalita d'une voix tremblante et froide.
Le poids de ses mots m'écrase. J'ai senti que son souffle était haché par des sanglots étouffés qui me transpercent le cœur.
Lalita ne pleure jamais.
Jamais...
Je suis tiraillée entre mon amitié pour Cherry et mon intégrité morale face à Lalita.
Mon désespoir me donne envie de pleurer, et je me déteste sur le moment.
— Je le savais, putain ! Elle m'a toujours dit qu'il n'y avait rien ! me crache-t-elle avec un mélange de colère et de peine.
Sa détresse me fait du mal. Je déglutis en essayant de réfléchir à des mots justes qui pourrait essayer de l'apaiser, mais j'ai la sensation que peu importe ce que je dirais, rien ne pourra la réconforter...
— Je pense qu'elle n'était pas prête... à nous l'avouer... je murmure doucement en espérant adoucir le moment.
— Ce fils de pute l'a mise enceinte, et je suis persuadée qu'il l'a fait exprès ! Cherry n'aurait jamais été aussi conne de tomber enceinte maintenant ! On a dix-neuf ans, ses parents vont la massacrer ! Elle vient de commencer ses études supérieures, merde !
Je sens que Lalita explose. Ses mots jaillissent comme des cris de rage et de désespoir qui lui viennent tout droit du cœur.
Et ce soir, plus que je jamais, je suis sûre de pourquoi ça lui fait aussi mal...
Je reste muette un instant.
C'est vrai...
Cherry elle-même m'a confié que pourtant, ils s'étaient protégés.
Alors... qu'est-ce qui s'est passé... pour qu'elle tombe enceinte ?
— Lalita, on ne peut plus rien faire maintenant... on devra juste être là pour elle, pour l'aider quand elle avouera tout à ses parents, ça risque d'être vraiment dur pour elle...
Ce sont les seuls mots qui me viennent. En même temps, mon cerveau tourne à mille à l'heure sur les circonstances de la grossesse de Cherry, mais à côté de ça, je me dis qu'à quoi bon trouver des failles, tout ce qu'on peut faire pour le moment, c'est d'être là pour elle.
Je n'obtiens pas tout de suite une réponse. Il y a un long silence au bout du fil. Un silence lourd qui me décuple mes angoisses. J'entends les reniflements discrets de Lalita et je me demande si j'ai mal répondu...
Je me sens comme une merde en ayant l'impression d'être incapable de rassurer Lalita dans ce qu'elle vit.
Et au final, sa réponse me glace le sang :
— Tu as raison. Je ne pourrais plus rien pour elle.
Sa voix est froide, résignée.
Et je me retrouve seule avec moi-même lorsqu'elle raccroche brusquement.
— Lalita !?
Je reste figée, le téléphone encore à l'oreille, le silence de la ligne résonne en moi comme un présage funeste.
Une sensation de froid glacial me saisit dans l'entièreté de mon corps. J'ai le nœud de ma gorge qui se serre plus encore. Et mon anxiété se transforme en une peur viscérale et abyssale. Le genre de terreur qu'on ne vit que rarement dans sa vie. Le genre qui donne l'impression d'être attachée au rail d'un train, et de le voir arriver à toute vitesse, en sachant pertinemment qu'on ne pourra rien faire pour éviter qu'il nous éventre.
Je rappelle immédiatement Lalita, mais je tombe directement sur sa messagerie.
— NON ! m'étranglé-je en la rappelant.
Mais la tonalité de la messagerie vibre dans mon oreille, chaque bip renforce la terreur qui m'envahit.
Mon esprit tourne à plein régime et j'envisage les pires scénarios.
« Tu as raison. Je ne pourrais plus rien pour elle. »
Cette dernière phrase fait battre mon cœur à tout rompre, mes mains tremblent, je sors de ma chambre en éclatant en sanglot. En me précipitant dans mes escaliers, je la rappelle encore.
Messagerie.
— Lalita, s'il te plaît, rappelle-moi ! lancé-je désespérée.
Mes larmes me brouillent ma vision. Je suis terrorisée, et mes pieds s'enfoncent dans mes Ugg. À l'arrache, j'enfile la première veste que je trouve à l'entrée et empoigne mes clés dans mes mains.
Ne fais pas ça !
Par pitié, Lalita, ne fait pas ça !
Sa détresse m'a paru si criante, qu'elle a transpercé quelque chose en moi.
Elle m'a rappelé la mienne.
Je m'élance hors de chez moi, mes pieds frappent le sol avec une urgence croissante, je tourne rapidement dans la rue.
Le seul lieu qui me vient en tête est le même qu'il y a quatre ans.
Quand moi aussi j'étais dans cet état.
Mes chaussures s'écrasent sur le bitume mouillé, en courant, je peux peut-être arriver en une bonne quinzaine de minutes. Mon souffle se disperse dans le froid de la nuit. J'ai l'impression que les rues de mon quartier sont interminables à mesure que je me rapproche du lieu qui me donne des cauchemars.
Le ciel crache une pluie fine qui s'accroche à mes cheveux et humidifie mon visage, elles se mêlent aux larmes qui coulent déjà abondamment sur mes joues.
Je cours aussi vite que mes jambes le permettent. Les lumières des lampadaires sont faibles, j'ai l'impression d'être entourée d'ombres, j'ai peur, mais je ne peux pas m'arrêter de courir dans la nuit.
J'appelle Lalita encore et encore.
Mais je tombe toujours sur sa messagerie qui me délivre une voix automatique, et froide qui me glace le sang à chaque écoute.
— Pitié, réponds-moi ! m'écriée-je dans la rue. Je t'en prie !
Au bout de plusieurs minutes, je reconnais cette rue maudite.
Les bâtiments qui bordent le chemin sont parfois des façades de briques vieilles et sombres, parfois des petits immeubles modernes de trois ou quatre étages.
Au milieu de la rue déserte, un chat s'échappe d'une poubelle, ses yeux brillants capturent la lumière avant de disparaître dans une ruelle sombre.
Mais je ne m'éternise pas, et m'engouffre dans la ruelle qui a son extrémité, me présente le pont de Greenwich qui se dessine au loin.
Là où tout avait failli basculer pour moi il y a quatre ans.
J'ai la sensation de perdre mon cœur quand je vois au loin, une silhouette froide et austère qui se dessine dans le noir.
Mon cœur se serre en la voyant assise sur le rebord du pont, ses jambes se balancent dangereusement au-dessus du vide. J'ai des images morbides qui me font imaginer son corps s'élancer dans le vide avant de s'écraser violemment dans le court d'eau à ses pieds. Un gémissement d'horreur m'échappe.
Je décuple la cadence et m'empresse de prendre les escaliers qui mènent au pont. Je monte les escaliers deux par deux, poussée par l'urgence de la situation.
Je n'ai plus qu'un seul but, de la ramener loin du bord.
Je franchis la dernière marche, et il ne me reste plus qu'à longer le pont pour arriver à son niveau. J'ai horreur de l'image que je vois.
À cette hauteur, si elle saute, ça sera fatal.
Mon souffle se coupe, je n'ose pas l'appeler de peur qu'elle ait un mouvement brusque et qu'elle tombe. Plus je m'approche, essoufflée, plus j'ai l'impression de m'approcher d'un désastre.
Mes Ugg glissent légèrement sur les pavés mouillés. À mesure que je réduit la distance, je peux voir son profil, inondé de larmes et de pluie. Ses yeux fixent l'horizon, sans aucune émotion.
Elle est là, physiquement.
Mentalement... elle semble déjà dans l'autre monde.
J'avale les quelques mètres qu'il me reste, je respire à peine, mes poumons me brûlent, mais j'ignore ma douleur et je ne la lâche pas du regard.
Je ne veux pas revivre ce jour désastreux.
Je ne veux pas qu'elle fasse cette bêtise !
J'arrive tout près d'elle, sans réfléchir, poussée par un instinct primitif de la protéger, je l'attrape brutalement par les épaules, la tire vers moi en la faisant tomber à la renverse sur le trottoir.
Lalita pousse un cri de peur, surprise par mon assaut.
Elle se débat en ne voyant pas que c'est moi :
— Lalita ! criai-je.
Je me positionne à califourchon sur elle, mon regard fixé dans le sien, mes mains agrippent ses épaules. Je me sens bouleversée entre la colère et la terreur, et sans me contrôler, je lui hurle :
— QU'EST-CE QUE TU ALLAIS FAIRE !?
La puissance de mon cri me fait mal à la gorge. Ses yeux s'écarquillent d'horreur en me reconnaissant, et toutes les deux nos respirons difficilement.
Je me sens si impuissante face à ce qui l'a poussé à faire ça, et je réalise en même temps le drame qu'on vient d'éviter de justesse.
Je sens mes larmes couler plus abondamment sur mes joues, et s'écraser sur son visage.
Lalita essaye de formuler des phrases, mais elle n'y parvient pas, alors je lui lance :
— TU N'AS PAS LE DROIT DE FAIRE ÇA ! TU N'AS PAS LE DROIT !
L'écho de ma peine se perd dans le vent qui siffle.
Lalita redouble de sanglots.
Et le poids de ces émotions fortes m'écrase à mon tour, mes larmes deviennent des torrents de douleur, qui se déchirent le chagrin et soulagement.
Mon amie semble prise de lourds remords et elle se redresse pour me prend dans ses bras, au point ou ça m'étrangle presque. J'entends sa voix tremblante me répéter inlassablement des excuses. "Lo siento," (Je suis désolée)
Assise sur ce sol mouillé, je ne la lâche pas. J'ai l'impression qu'elle va partir en fumée si je desserre mon emprise. Nos pleurs résonnent dans la nuit, et j'ai le cœur brisé, autant qu'elle.
— Tu n'as pas le droit... Tu m'as sauvé la vie... tu n'as pas le droit... balbutié-je, entrecoupée par mes sanglots.
Lentement, Lalita se détache. Je ressens presque une terreur à l'idée que cette étreinte cesse, mais ses mains délicates essuient mes larmes qui semblent inépuisables :
— Je suis désolée, chula (ma mignonne). Je suis tellement désolée. Pardonne-moi.
— Pourquoi !? Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi es-tu là... ?
Je suis tellement prise de confusion. Ma peur se mêle à mon angoisse, je n'aurais jamais pu penser que ça allait aussi mal pour elle au point d'en arriver à vouloir... se tuer.
Et pour réponse, elle hésite et baisse les yeux. Je m'accroche à ses bras, refusant de la lâcher. Je cherche ses iris noirs qui m'ont toujours fait tant de bien, mais ce soir, je les sens si livides et froides :
— Je ne pouvais pas rester chez moi ce soir...
— Pourquoi ? insisté-je en sentant l'inquiétude serrer mon cœur.
Elle met un moment à répondre, son visage marqué par une douleur profonde, ses yeux se remplissant de larmes encore plus amères et dévastatrices :
— Mon-mon oncle va rester chez moi... pendant un mois.
Elle a pratiquement vomi cette phrase, et le mot « oncle » s'est teinté d'un tel dégoût, que j'ai eu l'impression que le prononcer lui a coûté cher.
Je ne sais pas pourquoi, mais cette simple phrase me frappe avec la force d'un coup de poing. Je ressens le dégoût de Lalita au plus profond de mes tripes comme si c'était le mien.
— Lalita ? l'appelé-je doucement avec une forte crainte dans la voix.
Tout d'un coup, mon amie ne semble plus parvenir à contrôler ses émotions. Son souffle devient erratique, elle se met à trembler et je sens qu'elle se met à faire une violente crise d'angoisse. Je tente de garder mon calme. Son corps s'agite pris de spasmes irréguliers. Je me rapproche d'elle, en prenant ses mains :
— Respire tout doucement, Lalita, il faut que tu respires doucement. Tu peux faire ça pour moi ?
Ma voix est douce, mais surtout chargée d'une peine immense.
J'ai bien l'impression qu'elle porte sur elle le poids d'un fardeau émotionnel dévastateur.
J'ai rarement vu Lalita aussi désemparée. Sa détresse m'atteint physiquement. Je prends de grandes inspirations en soufflant pour qu'elle suive mon rythme.
— Respire avec moi, tout doucement, Lalita.
Mon amie hoche la tête faiblement, ses yeux brouillés de larmes sont fixés sur moi comme si je représentais son seul ancrage sur terre à cet instant. J'espère que mon semblant de calme la touche.
— Je suis là, tout va bien, respire... je lui murmure.
J'ai l'impression que sa crise d'angoisse s'atténue doucement.
— C'est bien, tu vas y arriver, fais comme moi.
J'inspire profondément, et Lalita a un moment de latente, mais elle arrive à m'imiter. Quand je souffle, elle me suit, et je reprends ce processus plusieurs fois pour qu'elle arrive à calquer le rythme de sa respiration sur le mien.
Peu à peu, son état se stabilise doucement.
Elle arrive à reprendre un souffle plus ou moins normal, alors doucement, je l'attire vers moi. Sa tête repose sur ma poitrine, et je la laisse évacuer ses larmes bruyantes sans jugements. Mes bras l'entourent et j'essaye de lui murmurer des paroles apaisantes pour qu'elle sache que je suis là.
Le sol est froid, la pluie nous humidifie, on frissonne toutes les deux, mais je ne veux pas bouger.
Tout ce qui compte à ce moment, c'est Lalita.
Ses sanglots intenses me donnent la sensation qu'ils sont miens. Je la berce doucement en posant ma tête sur le sommet de la sienne. J'accueille ses peines en essayant de prendre tout ce que je peux sur moi.
Au bout d'un moment, sa voix légèrement rauque me confie-t-elle entre deux sanglots :
— Je suis désolée de t'avoir fait revenir ici....
— Tu m'appelles, je viens, Lalita, peu importe où tu es. Ne t'excuse pas pour ça, je réplique doucement.
Je sens que ses paumes se resserrent encore plus autour de ma veste.
Un nouveau silence s'installe, je me rends compte que je n'arrête pas de pleurer moi aussi. Nos respirations sont haletantes, et mon cœur tambourine si violemment que j'ai l'impression que le monde entier l'entend :
— Qu'est-ce qui se passe... ? je lui demande tendrement.
Elle prend quelques secondes avant de se décider à me répondre. Je continue de nous bercer à même ce sol, mais finalement son murmure brisé et douleur me dit :
— Je veux juste... que tout s'arrête.
Je pince mes lèvres, mon estomac tombe dans mon ventre.
Lalita n'a pas besoin de dire plus pour que je comprenne qu'elle veut mettre fin à ses jours...
Son aveu me détruit de l'intérieur.
Autant que je suis rassurée qu'elle ne le garde pas pour elle.
Je prends ces mots comme une lettre ouverte d'un appel à l'aide.
Elle veut être sauvée.
Et je veux lui tendre la main.
— Parle-moi... je l'encourage en caressant doucement son dos pour l'apaiser.
— Apprendre la grossesse de Cherry ce soir... c'était la goutte de trop.
Je retiens mon souffle. Je n'ose pas imaginer l'état de son cœur... et ce soir plus que jamais, je comprends bien le sous-entendu vis-à-vis de Cherry... Je ne m'en cache plus, et cette fois-ci, je lui demande :
— Tu... l'aimes, c'est ça ?
Lalita déglutit difficilement, et ses larmes redoublent alors qu'elle hoche la tête en silence.
J'ai bien l'impression que mon monde se brise en même temps que le sien...
Si j'étais assez sûre des sentiments de Lalita... Concernant Cherry, je reste dubitative... C'est vrai que j'ai pu surprendre des regards entre elles... Mais ce n'est pas assez pour confirmer quoi que ce soit.
Et Cherry à l'air de s'est rabiboché avec McMiller...
— Je déteste tellement les hommes... cet hijo de puta me l'a pris ! s'étrangle Lalita sur ces mots emplis de rage et de désespoir.
À ce moment, tout ce que je peux faire, c'est la serrer plus fort, lui montrer qu'elle n'est pas toute seule.
— Je suis désolée... lui soufflé-je en sachant que ça ne l'apaisera malheureusement pas.
— Pourquoi il fallait que ça tombe sur elle... pourquoi elle a fait ça ?
— Je ne sais pas, Lalita... je ne sais pas...
Je me sens impuissante et pleine de tristesse...
— Il va lui gâcher la vie. Ses parents vont la tuer quand ils l'apprendront, ils vont l'envoyer directement au Vietnam pour que personne ne voie son ventre, j'en suis sûre ! Et je ne sais pas ce qu'ils lui feront là-bas !
Ces mots me tombent dessus comme des coups de poignard.
Une boule d'angoisse se forme dans ma gorge.
Cherry risque gros.
Sa grossesse va provoquer un tremblement de terre qui peut détruire tout sur son passage. J'ai peur de la perdre tout d'un coup, et j'ai l'impression que ce soit, Nelly, Cherry, ou Lalita, nous avons toutes les quatre des choses à perdre.
Le genre de choses qui pourrait de fissurer les fondations de notre petit groupe...
Mon cœur se resserre. Je ne veux pas qu'il nous arrive quoi que ce soit...
Je veux qu'on reste les Stardust, jusqu'à la fin de nos vies...
— Parfois... je me dis qu'on devrait partir de cette ville, toutes les quatre... Je suis sûre qu'on se débrouillerait à merveille ensemble.
La pensée m'a échappé. Je me revois le trois septembre dans cette gare, prête à les abandonner toutes les trois à cause de mes peurs et mes traumatismes.
Aujourd'hui... je ne veux plus me cacher derrière aucune excuse. Je veux qu'on guérisse toutes !
Lalita émet un petit rire, amer et triste.
— J'y pense aussi... J'aimerais tellement... tellement rejoindre mi abuelita au Mexique, et ne jamais revenir... mais... c'est là-bas qu'il vit.
Le il est sorti avec le même dégoût que lorsqu'elle a parlé de son oncle. J'ai ressenti sa peur et répulsion.
Doucement, je la décolle de moi, et mes paumes se posent sur son visage. Je l'incite à me regarder. Son joli visage fort de caractère et de bonté me guette. J'ai des palpitations inquiétantes, et j'ai des échos de Lalita et sa haine des hommes qui m'incite à lui dire :
— Tu parles... de ton... oncle ?
Malgré la douceur dans ma voix, mes mains tremblent. Le mot « oncle » à l'air de résonner comme une insulte aux yeux de Lalita. Son visage se déforme d'horreur, elle fuit mon regard une seconde avant de me fixer de nouveau. Puis elle hoche la tête.
Je ne réponds rien, mais je veux lui faire comprendre qu'elle peut se confier, maintenant, alors mes pouces caressent doucement ses joues. Sa peur et sa douleur se lisent à même ses traits, j'ai même la sensation de l'entendre m'appeler à l'aide.
À cet instant, je sens que je vais devoir m'armer pour accueillir son témoignage avec le plus de force possible.
— Il... m'a violé, Cassie...
Mon souffle se coupe face à ces mots qui m'empoisonnent. Elle m'a encore vomi ces mots avec un tel déchirement que j'ai vu en direct son visage se tordre d'horreur.
Je m'interdis de baisser les yeux et de l'abandonner.
Le poids de la révélation de Lalita me fait chanceler comme si j'étais soudainement privée de gravité. Comme si cette terre n'avait jamais eu de soleil. Mon cœur se transperce comme le sien l'est depuis je ne peux déterminer depuis combien de temps.
Tout s'emboîte en moi...
Lalita se sent souillée.
Et son dégoût l'a dégoûté des hommes.
Elle est terrorisée.
Je déglutis :
— Je suis là, Lalita, articulé-je doucement en tentant d'essuyer ses larmes qui reviennent toujours plus abondamment.
Je pleure en silence, parce que ma peine n'est rien face à son fardeau qui la torture depuis trop longtemps.
— Tout le monde dans ma famille sait ce qu'il m'a fait, TOUT LE MONDE !
Son cri horrifié déchire la nuit.
Elle m'a confié ça en balançant son index accusateur devant nous. Je hoche la tête, impuissante, pour lui faire comprendre que je l'écoute.
Personne... ne devrait jamais vivre ça.
Personne.
— Mon père, ma mère, mes tantes... TOUT LE MONDE SAIT QUE C'EST UN PUTAIN DE PÉDOPHILE ! Et personne, PERSONNE, ne m'a jamais protégé parce que cet hijo de puta est celui qui a sorti notre famille de la pauvreté ! Mon viol ne valait RIEN face aux millions de livres sterling que ce BÂTARD générait !
L'accusation est terrible. Et à chaque mot prononcé, j'ai l'impression qu'elle se lâche autant que ça l'a démolie un peu plus.
En dehors du viol, il y a cette trahison familiale.
Et maintenant c'est la colère constante de Lalita que je comprends mieux.
Pourquoi elle est cette boule de flamme qui ne cesse de brûler. Pourquoi elle pourrait raser d'un revers de la main toute paix pour se laisser s'exploser. Parce qu'elle garde trop de rage et haine en elle pour ne jamais avoir été entendue.
Elle ne leur pardonne pas cette douleur, et cette rancœur lui donne toute sa fureur.
Je sens mon estomac se tordre, une violente nausée monte en moi face à l'injustice de sa situation. Je ressens une colère brusque me révolter de l'intérieur. La première chose qui me vient en tête c'est d'en parler à Callahan, parce qu'une part de moi est sûre qu'il pourrait la venger.
— Parle-moi encore, dis-moi tout ce qui te hante, lui murmuré-je en caressant toujours ses joues humides.
— Après tout ce temps au Mexique, ce PENDEJO D'ARTURO PEREZ a besoin de "passer quelque temps" à Londres pour ses affaires de merde ! Et MES parents lui ont ouvert les portes de CHEZ NOUS ! Il va vivre un mois avec mes petits frères et sœurs et moi ? DANS LA MÊME PUTAIN DE MAISON !? GABRIELLA A HUIT ANS ! J'ai peur qu'il la touche comme il me l'a fait à moi au même âge ! J'AVAIS JUSTE HUIT ANS ! ET PERSONNE N'A VOULU M'ÉCOUTER ! JE NE VEUX PAS QU'IL LA TOUCHE !
Mes larmes me détruisent. Ses aveux construisent une tombe qui enterre une partie de moi que je sais que je ne récupérerais jamais.
Je prends ses cicatrices comme les miennes, et j'embrasse sa colère, sa peine, sa douleur. Je la laisse crier dans la rue déserte, parce que j'ai besoin qu'elle fasse comprendre au monde qu'elle a mal.
Je veux qu'elle ait le plus d'espace possible pour que sa souffrance puisse être entendue au moins une fois.
— Je te crois, articulé-je doucement. Moi, je te crois.
Je ressens une telle haine envers ses parents tout d'un coup.
Ils ont failli à leur devoir de la protéger !
— Je ne savais pas... Lalita, je suis tellement désolée... tellement désolée... Pardonne-moi de ne pas l'avoir vu avant.
Elle éclate en sanglots et mes larmes coulent sur mes joues sans retenue. Chacune transporte cette peine que mon amie vient de me partager. Ma poitrine est serrée, la douleur y est si forte que je me demande par moments comment continuer à respirer ? Je me demande avec quelle force elle est parvenue à tenir debout, sans jamais flancher ?
Ce soir, elle me paraît si brisée, comme un miroir qu'on aurait laissé tomber, et rien ne comblera ses fissures. Je me mets d'ores et déjà à penser à des façons de les reboucher, mais je me sens anéantie en sachant que je ne pourrais que maintenir temporairement ses plaies.
Dans ses iris sombres, je réalise que je suis égoïste.
Moi qui pensais être submergée par mes secrets et mes problèmes.
Mes amies qui se sont toujours efforcées de faire passer mon confort avant le leur souffraient aussi en silence... Elles portent de fardeaux que je peine à imaginer. Et je me dis que je devrais être beaucoup plus présente pour elles...
Callahan me l'a dit, j'ai trois amies en or, qui feraient tout pour moi, et c'est à peine si elles connaissent le quart de ma vie.
Je voudrais être l'amie dont elles ont besoin, tout comme elles le sont pour moi.
— Je ne sais plus quoi faire. Je veux juste prendre Gaby et Moises avec moi et fuir loin d'ici. Et... tout à l'heure, j'ai appelé Cherry, j'avais juste besoin de la voir juste dix minutes parce que savoir que ce... ce violeur va traîner chez moi me donne la nausée. J'avais besoin de réconfort, et à ce moment-là, elle représentait tout ce dont j'avais besoin. Je ne me suis pas contrôlée, je l'ai prise dans mes bras, et là, j'ai senti son ventre, putain !
Les mots de Lalita s'étranglent dans un sanglot encore plus déchirant.
On aurait dit que la grossesse de Cherry a été le coup de massue de trop...
Son désespoir se ressent sur son visage qui passe du dégoût à une tristesse provoqué par un chagrin d'amour.
— C'ÉTAIT TROP ! s'écrit-elle douloureusement. Je me suis disputée avec elle au final et quand elle m'a affirmé qu'elle aimait cet HIJO DE PUTA de McMiller DE MERDE ! C'était trop pour moi ! Je ne pouvais plus en entendre plus, alors je suis venue ici, et ça fait des heures que j'ai juste envie que tous mes cauchemars cessent ! Je ne me plains JAMAIS, mais en repensant à toute ma vie, je la trouve TROP INJUSTE ! Je suis une salope dans ma famille depuis que la femme de mon oncle a réussi à me faire passer pour une allumeuse en disant que moi, MOI, une gamine de huit ans a chauffé son mari !? Plus personne ne me croit, à part mi abuelita, personne ne m'a jamais cru ! Et j'apprends que la femme que j'aime depuis qu'on a six ans ne ressent pas les mêmes choses pour moi ! JE N'AI RIEN FAIT POUR MÉRITER AUTANT D'ACHARNEMENT !
Son calvaire quotidien me transperce. Je n'arrive pas à arrêter de pleurer, et mon cœur supporte à peine la peine qui la hante.
— Je ne veux plus entendre de la vaisselle se briser parce que mes parents préfèrent s'entretuer plutôt que de divorcer parce QU'IL Y A TROP D'ARGENT EN JEU. Je ne veux plus avoir à éduquer mes petits frères et sœurs parce que PERSONNE ne s'en occupe si je ne suis pas là ! Je ne veux plus subir les paroles dénigrantes de mon père parce que je représente un échec pour lui parce que j'aime les filles, et qu'il ne m'a plus JAMAIS vue comme sa petite fille après que SON PUTAIN de frère a ABUSÉ de moi comme si je l'avais cherché ! Je ne veux pas voir ce porc traîner dans ma maison, à côté de Gabriella et Moises ! Je veux que tout s'arrête, j'ai besoin que ça cesse, Cassie, je n'en peux plus !
Je la prends dans mes bras, nos corps tremblent sous le poids de nos pleurs.
— Il faut que tu dénonces ce monstre ! je lance ma voix éraillée par l'émotion.
— Je ne peux pas faire ça, ça détruirait toute notre famille, réplique Lalita avec une peur palpable.
— Non, c'est toi que c'est en train de détruire ! Avant de toucher à ta famille, prends tes frères et sœurs, et pars en dénonçant ce type ! Je viendrai avec toi au poste de police ! Je témoignerais contre lui ! Je t'assisterais dans toutes tes démarches !
Lalita renifle, ses larmes mouillent plus encore la chemise de mon pyjama.
— J'ai trop peur de prendre ce risque... Mon oncle est puissant, il trouverait des avocats en béton qui me feraient passer pour une salope !
— Moi, j'ai peur pour toi, et ta sœur. Il faut qu'il aille en prison pour ce qu'il t'a fait ! Ma mère aussi est puissante ! On pourrait essayer de se battre contre lui ! On doit essayer !
Mon ton est ferme, déterminé, même si à l'intérieur j'avoue être terrifiée, mais je pense que le premier pas vers la guérissons serait qu'elle obtienne justice.
— On risque de tout perdre. Comment je pourrais m'occuper de Moises et Gaby ? sa voix est faible est brisée par l'incertitude.
— Moi, j'ai des économies, je pourrais t'aider !
Elle me dit non de la tête pour refuser mon offre :
— Tu en as besoin plus que moi !
Je me sens désespérer, Lalita a trop peur de sauter ce pas. Mais je sais que j'ai assez pour l'aider elle et ses frères et sœur.
— Je ne me sens pas prête à porter plainte contre... lui. Je n'y arriverais pas.
Sa voix est faible, tremblante. Je sens qu'elle est terrorisée par ce type.
— Je resterai avec toi tout le long, il faut que tu gagnes cette bataille ! C'est ce que tu m'as dit la dernière fois qu'on s'est retrouvée sur ce pont ! Tu m'as dit de gagner et je suis encore en vie parce que tu m'as redonné un peu d'espoir !
Lalita me fixe à la suite de mon discours déterminé. Elle est un peu perdue, ses yeux cherchent quelque chose en moi.
Puis elle détourne le regard vers un point sur le pont, là où les graffitis colorent encore le béton, les mêmes qu'il y a quatre ans. J'ai l'impression qu'elle se perd dans les souvenirs de cette nuit du dix-sept mars. Moi aussi je m'en rappelle comme mon cauchemar.
Des frissons hérissent mes poils. J'ai l'impression de ressentir le cuir de la voiture de frère de Taylor, Ross, comme si j'y étais encore assise. Il l'avait garé juste là, à quelques mètres de nous...
Je m'entends encore dire à mon ex-petit ami : "Je veux que tu supprimes les photos..."
Et j'entends encore Taylor me dire : "J'supprimerai pas ces photos, et crois-moi, si tu veux qu'on arrête, tu vas me le payer."
Je ne veux pas penser à ce qui s'est passé par la suite. Je ressens encore les sensations qui me hantent jusqu'à aujourd'hui. Ce coin couvert de graffitis a été le théâtre d'une violence dont je ne veux pas me souvenir.
Je me rappelle encore avoir demandé à Lalita de me laisser me jeter par-dessus ce pont.
Et à ce moment, c'est elle qui m'a dit de me battre.
— Je ne te laisserai pas tomber, c'est hors de question ! Tu m'as sauvé la vie, Lali', je ne te laisserai pas mourir, je lui affirme.
Lalita plonge à nouveau dans mes bras. Ses sanglots ne se calment pas, les miens non plus. Je veux plus la lâcher, et j'espère sincèrement que cette étreinte lui redonne espoir comme les mots qu'elle m'a dits ce soir de mars...
J'espère que nos larmes laveront un peu le sang de nos cicatrices. J'espère qu'un peu de mon soutien lui donnera encore plus de force. Et j'espère qu'elle sait que je ne la laisserais plus jamais affronter ses démons toute seule.
Le moment est écrasant. Je me sens épuisée, physiquement et émotionnellement. Et je prends aussi en compte le fait que la guerre contre son agresseur ne fait que commencer. Mais malgré cette fatigue, je m'en prête à marcher main dans la main avec elle pour qu'elle obtienne justice.
Soudain, un son choqué m'échappe, lorsque mon regard est attiré par une voiture sombre qui s'est arrêtée sur le pont.
À une quinzaine de mètres de nous.
Je fronce les sourcils...
Cette voiture n'était pas là lorsque nous sommes arrivées.
Je sens une confusion et une peur croissante monter en moi.
Je fixe ce véhicule en resserrant Lalita dans mes bras.
Mais je sursaute lorsque les phares de la voiture s'allument, perforant soudainement l'obscurité.
— Cassie ? me demande Lalita en se décollant légèrement de moi.
Je pointe de mon index tremblant l'endroit où est garée cette voiture.
— Qu'est-ce que... murmure Lalita en fronçant les sourcils. T'ES QUI PENDEJO !? QU'EST-CE QUE TU REGARDES !?
— Lalita ! m'écriée-je en tirant sur son bras pour qu'elle ne le provoque pas davantage.
Tout un tas de scénarios macabre me prend.
Et si... C'était mon stalker ?
Le danger de la situation me crispe violemment l'estomac, je n'arrive pas à distinguer le conducteur à cause des phares et la noirceur de la nuit. Lalita aussi essaye de discerner le type, sauf que soudainement, le ronronnement de son moteur brise le silence qui nous enveloppait.
Il vient de démarrer !
— Lève-toi ! hurlé-je en me redressant moi-même et en l'emportant avec moi.
Dans un élan de panique, nous sommes debout en une fraction de seconde. On s'échange un regard bref, sans un mot, on comprend qu'il faut fuir sans regarder en arrière.
Nous nous mettons à courir le long du pont de Greenwich, mais la voiture commence à accélérer en nous suivant. Le bruit rugissant est tel un monstre de métal qui menace de nous écraser.
— Dépêche-toi, Lalita ! m'écriée-je en ne lâchant pas sa main.
Nos gémissements de terreur, et nos regards par-dessus nos épaules ralentissent notre course. Le véhicule change même de file et roule à contre-sens pour se rapprocher dangereusement de nous.
— VITE ! hurlé-je en la tirant.
Nos semelles écrasent le bitume glissant, et à bout de souffle, nous parvenons au dernier moment à nous échapper vers les escaliers du pont. Nos jambes se propulsent à cause de la peur. Je trébuche dans les escaliers, Lalita me redresse en une seule seconde et nous arrivons en bas de la rue. Nous courrons sous le pont pour rejoindre la ville, et nous voyons la voiture effectuer une marche arrière rapide pour atteindre le même niveau que nous.
Sauf que nous arrivons devant un arrêt de bus qui se présente comme un sauveur dans la nuit.
Par miracle, un bus s'approche et nous faisons des gestes terrorisés pour qu'il s'arrête devant nous.
Sans une seconde d'hésitation, nous nous engouffrons à l'intérieur, et à travers la fenêtre embuée, je vois la voiture continuer son chemin sur le pont. Mais c'est trop tard, le temps qu'elle rejoigne l'avenue principale, le bus s'éloigne déjà.
— C'était quoi ça ? s'écrit Lalita sa voix tremblante d'adrénaline et de confusion.
Je me retiens à une barre, tremblante. À l'intérieur du bus, les quelques passagers semblent totalement indifférents à notre détresse. On sent bien que c'est probablement le dernier bus de la soirée et les gens ont d'autres problèmes à gérer que deux gamines qui se sont jetées sur ce bus pour fuir.
J'essaye de reprendre mon souffle, le cœur encore lourd des battements précipités de mon l'angoisse.
— Je... sais pas... j'ai eu tellement peur, articulé-je à Lalita qui essuie les derniers vestiges de ses larmes.
Elle se laisse tomber sur la place assise juste à côté de nous, et moi, je jette un œil aux arrêts affichés.
Mon regard essaye d'en trouver un que je connais qui pourrait nous arrêter près de chez moi.
Trafalgar Street.
Regent Street / St james's.
Mes yeux glissent...
Jusqu'à Marylebone.
Mon cœur rate presque un battement.
— Joder (putain), où est-ce que ce bus va, merde ! marmonne Lalita en se penchant un peu pour suivre les arrêts.
Mes lèvres s'entrouvrent.
J'hésite une seconde. Je sens déjà que ça ne va pas du tout plaire à Callahan, mais ce soir, nous n'avions pas le choix toutes les deux.
Alors finalement je lui dis :
— On peut s'arrêter à Marylebone...
— Je ne suis jamais allée dans ce quartier, comment on revient vers chez nous de là-bas.
Je secoue la tête :
— Non, on ne revient pas... en fait... je pourrais demander à... Callahan de nous déposer chez moi toutes les deux. Tu dors à la maison.
Je plonge mon regard dans le sien.
Elle semble prendre une seconde pour mesurer mes propos, et puis elle me lâche :
— Il vit là-bas ce—
Lalita s'interrompt. Elle détourne finalement le regard et inspire profondément avant de laisser un air résigné me faire comprendre qu'elle sait qu'on n'a pas un millier de solutions non plus.
J'avoue que sa réaction me surprend. Mais je n'ajoute pas de commentaire en m'asseyant à côté d'elle.
Elle pose sa tête sur mon épaule.
— Merci, chula... me murmure-t-elle doucement. Merci...
À mon tour, je pose ma tête sur la sienne. Je sens la fraîcheur de la pluie encore dans nos cheveux, et je ne réponds rien.
Elle n'a pas à me remercier.
Le bus continue son trajet à travers les rues plongées dans le noir.
Mon cœur tambourine encore à cause de tous ses aveux, et de ce qu'on vient de vivre.
Jusqu'à ce que la voix automatique du bus crache deux fois : MARYLEBONE.
— C'est là, Lalita, viens.
Elle se redresse un peu dans un sursaut, et je me rends compte qu'elle tombe de fatigue.
Le bus s'arrête à notre arrêt.
Le froid se colle à nos peaux, et nos vêtements humides n'arrangent rien. On se met à trembloter toutes les deux en passant nos bras dessus bras dessous. Je commence à marcher dans les rues sombres d'Albany Street.
— Tu sais où c'est ? me demande Lalita en regardant prudemment autour de nous.
— Oui, je me souviens du trajet.
— Ah... T'es déjà venue chez lui ?
Son regard curieux se pose sur moi alors que je me sens rougir malgré le froid qui mord nos joues.
Je pince les lèvres, cherchant les mots justes, je viens de me cramer toute seule.
— Je ne vais pas te gronder si c'est le cas, Cassie.
Face à ses mots, je décide de hocher la tête.
— Le soir après qu'on soit allées au restaurant, on s'est disputé avec ma mère, et je ne voulais pas rester chez moi... Il est venu me chercher.
Lalita acquiesce à son tour.
Elle ne dit rien pendant plusieurs minutes, alors que je nous guide dans la rue. Mais finalement elle me demande :
— Est-ce qu'il est bon envers toi ?
Pendant un instant, seul le bruit de nos pas résonne dans l'obscurité. J'avoue que sa question me surprend un peu. Mais je n'ai pas envie de garder le secret, alors je lui dis :
— Oui... Il m'apaise beaucoup.
Lalita me fixe longuement. Comme si elle essayait de déceler le vrai du faux.
— Je ne veux pas qu'il te fasse du mal.
— Je sais que tu t'inquiètes... mais il m'a promis qu'il ne m'en fera pas.
— Je ne crois aucune promesse faite par un homme. Et je veux que tu restes prudente avec lui.
Son ton sérieux et ferme me fait déglutir, je me sens un peu stresser.
Une part de moi comprend si bien sa méfiance. Je prends en compte son avis, mais je veux sincèrement croire en ses promesses. Je ne veux pas que ma peur m'empêche d'essayer quelque chose avec lui.
— Et ne tombe pas enceinte de lui maintenant, ajoute-t-elle avec un brin de sarcasme, teinté de sérieux.
Je souris faiblement. Son sourire est triste. Elle a peur pour moi, mais j'ai bien l'impression qu'elle tente de masquer ses inquiétudes, et qu'elle vient de me dire qu'elle me fait confiance sur ce coup-là.
— Ne t'inquiète pas... ce n'est pas prévu pour le moment, tenté-je de la rassurer.
Elle hoche la tête. Et nous continuons d'avancer ensemble.
Je finis par tourner le long d'une longue allée.
— C'est par là, dis-je en reconnaissant les lieux.
Je me souviens que sa voiture était passée par ici, le bâtiment orange sous l'arche marque l'entrée de la zone pavillonnaire où habite Callahan.
Nous traversons la rue déserte. Chaque pas fait grandir mon appréhension.
Je suis sûre qu'il va s'énerver de me voir dehors à cette heure.
Quand nous passons sous l'arche, je vois au loin sa maison-appartement.
Je guide Lalita pour qu'elle monte les escaliers extérieurs qui mènent à sa porte d'entrée.
Une fois devant. Je me fige un peu. Une vague de stresse monte en moi :
— Tu penses que... c'est pas une bonne idée ? me murmure Lalita en scrutant mon visage.
— Si ! C'est juste-enfin... rien.
Je presse la sonnette quelques secondes en ayant la sensation que mon estomac se retourne dans mon ventre. Je ressers le bras de Lalita, dans l'espoir de trouver un pilier.
Il est minuit passé, il pleut, et je réalise que nous allons sûrement le déranger...
Ma jambe tremble en attendant.
Si ça se trouve, il n'est même pas chez lui...
Alors que je m'apprêtais à resonner.
J'entends des pas derrière la porte.
Je fixe le judas, et en même temps que la clé claque dans la serrure j'entends une voix grave marmonner :
— Pitié, Seigneur, j'espère que c'est une paralysie du sommeil !
Lalita et moi nous crispions simultanément, comme deux fugitives sur le point d'être découvertes.
La porte s'ouvre d'abord de moitié, et Callahan passe sa tête, visiblement il vient de se réveiller. Il semble totalement déboussolé en me voyant moi et ma copine. Son visage passe par une centaine d'émotions en faisant jongler son regard de moi à Lalita.
— Putain, lâche-t-il surpris et désemparé, en ouvrant sa porte plus grand. C'est quoi ce bordel ?
Je baisse les yeux une seconde sur le torse nu de Callahan. Il est seulement vêtu d'un short de pyjama et son regard sévère me toise :
— D-désolée, mais c'était une urgence ! je bafouille troublée.
— Entrez, dépêchez-vous, nous presse en se décalant pour nous faire de la place pour entrer.
Malgré son visage ensommeillé, son regard est bien pesant sur nous. Je déglutis, tandis que Lalita essaye de ne pas le toiser. Elle serre mon bras, elle se méfie de lui. Callahan aussi la fixe avant de claquer la porte derrière nous, et de déposer son arme sur une petite étagère près de l'entrée.
En voyant ça, Lalita nous fait brusquement reculer en le fixant avec inquiétude :
— C'est plutôt moi qui devrais flipper en voyant ta tête, calme-toi. Enlevez vos chaussures, ordonne Callahan.
Nous nous échangeons un regard comme pour confirmer qu'on le fait bien toutes les deux, puis nous nous exécutons sans protester en retirant nos chaussures et nos manteaux trempés.
D'un geste autoritaire, il nous fait signe de nous diriger vers le salon.
Lalita et moi nous nous hâtons.
J'ai l'impression de me faire gronder par un professeur et nous arrivons devant le canapé.
Callahan allume une lampe et nous indique de nous asseoir toujours sur le même ton sec et autoritaire.
Lalita et moi nous asseyons en même temps, sans nous lâcher, nos bras restent entrelacés.
On se retourne néanmoins pour suivre les mouvements de Callahan.
Je culpabilise déjà pour la fatigue qui tire ses traits. Il se mène dans sa cuisine l'arme en main. Je sens que Lalita se crispe un peu, mais il la range dans un tiroir discret.
C'est quand il plante son regard dans les nôtres que nous nous détournons toutes les deux le regard pour fixer l'écran plat devant nous, comme deux délinquantes qui s'apprêtent à subir un sermon.
Callahan vient vers nous, il reste debout à quelques pas devant nous, sa table basse nous sépare de lui. Sans détour, il nous dit de façon claire et directe :
— Vous avez deux minutes pour me donner une explication qui tienne la route de pourquoi je vous ai chez moi à une heure du matin.
Lalita commence à parler :
— T'es pas obligé de parler sur ce—
— Hey ! Je suis très sérieux là, la coupe-t-il sur un ton impérieux en la transperçant d'un regard impitoyable. Si tu penses que je vais m'amuser à te lancer des piques à cette heure, c'est très mal me connaître. Je répète, qu'est-ce que vous foutez là ?
Lalita et moi cherchons mutuellement du soutient dans le regard qu'on se lance. Elle semble réticente à parler. Alors je prends une grande inspiration et je me lance en improvisant une réponse :
— En fait-on... on a juste... on a tardé. Et après on a eu l'impression qu'une voiture nous suivait donc on a couru, jusqu'à un arrêt de bus et j'ai vu qu'il passait par ici...
— Il va falloir que tu sois plus claire que ça. Vous avez tardé où ? Pourquoi vous êtes en pyjama, et pourquoi ils sont sales et mouillés ? Qu'est-ce que vous faisiez dehors à cette heure ?
Son regard est si perçant que je me sens stressée d'autant plus :
— On-on a—
Lalita m'interrompt et lance :
— C'est de ma faute, j'étais dehors, et elle m'a rejoint...
Je sens le regret dans sa voix est basse.
Nous échangeons un nouveau regard.
Callahan n'est pas dupe, il cherche visiblement à cerner la véracité de notre histoire.
— Et pour nos pyjamas... Il a plu, murmure Lalita.
— Et c'est quoi cette histoire de voiture ?
Je sens qu'il sait qu'il y a plus, mais qu'il fait le choix de ne pas pousser les investigations.
— On était... en train de... parler, et une voiture noire s'est stationnée près de nous ? Elle était noire, hein, Lali' ?
Je me tourne vers Lalita pour chercher une confirmation.
— Bleu marine, je dirais, rectifie Lalita, son regard me croise brièvement le mien avant de se poser de nouveau sur Callahan.
— Quel genre ? I
— Ça m'avait l'air d'être une Toyota, je crois, je n'en suis pas sûre.
— Le conducteur ? La plaque ?
— Je n'ai pas pu distinguer son visage, et je n'ai pas eu le temps de regarder la plaque, avoue Lalita.
— Moi non plus, j'ajoute d'une voix timide.
— Vous étiez où exactement ? lâche Callahan sur un ton agacé.
— Euh...
Je cherche une réponse qui pourrait le convaincre, mais finalement Lalita lui dit :
— Sur le pont du tunnel de Greenwich.
— Et, putain, qu'est-ce que vous foutiez là ? L'exaspération perce sa voix et déforme les traits de son visage, me faisant déglutir.
— On... parlait juste, je réponds faiblement.
— Est-ce que tu penses que c'est une heure pour parler sur un pont, Cassie ? En pyjama, sous la pluie, tu me prends pour un con ?
Je pince mes lèvres, prise au dépourvue :
— Je ne te prends pas pour un con, mais—
— T'es pas obligé de lui parler comme ça, me défend Lalita en haussant un peu le ton. Je t'ai dit que c'était de ma faute !
Callahan nous toise toutes les deux pendant un bon moment.
Rien qu'à sa tête, je sais qu'il n'est clairement d'humeur à en discuter davantage. Il finit par expirer bruyamment en passant nerveusement une main sur son visage, visiblement agacé par la situation et notre imprudence.
— OK, Cassie, viens deux minutes, dit-il finalement, me faisant signe de la main pour que je me lève.
— Euh... articulé-je en laissant mon regard hésitant vaciller entre Lalita et Callahan. Mais où ça ?
— Monte juste avec moi prendre des vêtements de rechange.
Son ton est plus un ordre, qu'une requête.
— OK, mais après je redescends, je réponds.
Ma réponse ne semble pas le satisfaire du tout, et ça me confirme que j'ai bien fait de lui signaler mon intention de retourner auprès de Lalita.
Il la toise comme si avait l'impression d'avoir perdu une guerre entre elle et lui.
Il hoche la tête, et m'invite à le suivre.
— Je reviens, Lali. Désolée...
Mon amie hoche doucement la tête, et je me sens déjà assaillie par un d'un sentiment de culpabilité de la laisser seule quelques minutes.
Alors que je marche, je sens la paume accaparante de Callahan posséder ma nuque. J'entrouvre les lèvres prises de surprise avant de les pincer rapidement, et un frisson que j'aurais préféré ne pas ressentir à ce moment-là me submerge sournoisement.
Je préfère me taire, et Callahan me guide rapidement à l'étage, et alors que nous entrons dans sa chambre, je note le désordre de son lit, signe qu'il s'est réveillé soudainement, mais mes yeux s'écarquillent en voyant "Bargain", le nouveau livre que j'ai acheté, posé sur sa table de chevet.
Il l'a vraiment... acheté... ?
Une sourde excitation se réveille en moi. Je tente de la dissiper alors qu'il m'entraîne vers son dressing et nous enferme tous les deux à l'intérieur.
— Je t'ai dit quoi la dernière fois ? commence Callahan d'une voix basse et sérieuse.
Je me dégage de sa main sur ma nuque et lui lance :
— Callahan, je suis désolée, mais ce n'est vraiment pas le bon soir pour qu'on se dispute...
— Mais qu'est-ce que tu foutais dehors à cette heure, putain ? Je déteste quand tu fais ça !
Son ton monte un peu, je sens la frustration dans ses accusations :
— Elle avait ... besoin de moi.
Je maintiens son regard, espérant qu'il comprendra que ma loyauté envers mes amis est non négociable, même face à son inquiétude.
Il me fixe, et pendant plusieurs longues secondes, le silence s'installe entre nous. Ses iris bleus voyagent partout sur mon visage, j'ai la sensation qu'il me passe au scanner.
Mes impressions se confirment lorsqu'il murmure presque involontairement :
— T'as pleuré.
J'ai l'impression qu'il a parlé sans s'en rendre compte.
Je commence à ne plus être prise autant au dépourvue, Callahan à ce don de savoir quand quelque chose ne va pas, surtout quand il s'agit de larmes. Sans un mot, il tend la main pour essuyer mes joues, comme si des larmes y restaient encore accrochées.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? me demande-t-il sur un ton plus doux cette fois-ci.
— C'est... un peu privé, enfin ça ne me concerne pas directement... Et elle ne m'a pas autorisé à te le dire... Désolée.
Même si l'envie de tout lui dire me démange, je préfère garder ce secret pour moi.
Callahan me fixe encore. Je ne sais pas ce qu'il lit en moi, mais je sens qu'il en tire des conclusions rien qu'à la façon qu'il a de me regarder :
— Je veux que tu m'appelles, quand tu sors tard comme ça.
— En fait, je suis sortie précipitamment. Je n'y ai pas pensé...
— Ça doit être un réflexe, Cassie. Je ne peux pas te protéger si je ne sais pas où tu es.
Il prononce ces mots un peu durement, mais je sens l'inquiétude dans son ton.
Je déglutis, et hoche la tête.
— Je ne voulais pas t'inquiéter, je murmure doucement.
— Je préfère être inquiet en sachant ce qui se passe, que te voir débarquer comme ça, Cassie. Je t'ai déjà dit de ne plus refaire ça.
— Désolée... je n'ai pas réfléchi...
Un silence s'installe entre nous après mes mots chuchotés.
Alors que Callahan digère ce que je viens de lui dire, je me perds sur son visage. Sa beauté me prend un peu de court, entre ses mèches rebelles qui lui tombent négligemment sur son front, et ce côté vulnérable qu'il à cause de ses traits légèrement marqués par le sommeil.
Je le trouve adorable, et ça éveille mon désir...
Mon regard se baisse malencontreusement sur son torse musclé...
La vue de sa peau tatouée de son bras droit qui s'étend jusqu'à son pectoral m'envoie une vague de chaleur à travers le corps. Sa force physique me provoque un tas d'envies sauvage.
Je frissonne...
Une forte culpabilité me prend, non seulement parce que j'ai débarqué chez lui sans prévenir, mais qu'en plus, je me permets de le zieuter après cette soirée plus que renversante qu'on vient de vivre.
Alors que je relève les yeux pour m'enlever ses idées de la tête, son regard est rivé sur moi, et lui aussi me détaille de la tête aux pieds. Je me sens capturé par son regard intense, et c'est pire encore quand il fixe mes lèvres en mordant légèrement les siennes.
Cette tension que j'essaye d'ignorer monte violemment.
Callahan pince la peau de son menton, je sens qu'il hésite intérieurement entre l'idée de céder à ses désirs, ou rester civilisé...
Mais finalement, il me lâche sans détour :
— Je peux avoir ta bouche ou pas ?
Le sentiment qui m'envahit est inexplicable. En inspirant, mes frissons se glissent entre mes cuisses. Et je connais la réponse avant même de l'avoir articulé.
Je me sens réconfortée de l'avoir près de moi, et sa présence me fait un bien fou. Et puis mes sentiments me rappellent Lalita et toutes ses confessions, et la douleur déchirante que je ressens me donne la sensation d'être un monstre.
Je trouve déjà que ça fait trop longtemps que je suis là, alors je lui dis :
— Oui, mais juste un petit bisou.
C'est le meilleur compris que j'ai trouvé.
Callahan laisse échapper un petit rire avant de se pencher vers moi et de presser doucement ses lèvres contre les miennes.
À la seconde où je le sens, son toucher me donne l'impression de vivre.
Un frisson dévastateur traverse mon corps.
J'avais dit juste un petit bisou, je sens déjà que ça ne sera pas suffisant...
Sur le coup, mon monde se résume à ce que ses lèvres me provoquent, et j'ai déjà fermé les yeux en sentant ce baiser doux. Ses frôlements humides sont si tendres que je me sens me perdre dans sa fougue.
Alors que le baiser s'intensifie, mon cœur accélère d'autant plus lorsque je sens la main de Callahan glisser sur ma nuque, pour approfondir notre étreinte.
Callahan m'embrasse avec passion, le genre qui vous fait oublier le monde autour. Des vagues de plaisir qui se propagent en moi, me faisant me faisant presque gémir.
Soudainement, son autre bras s'entoure fermement autour de mon dos et me soulève avec une facilité déconcertante. Mes cuisses se croisent instinctivement autour de ses hanches, puis je sens mes fesses se poser sur le comptoir au milieu de son dressing.
La situation escalade rapidement. Ses mains commencent à déboutonner ma chemise de pyjama. Moi-même, mes paumes explorent son dos gonflé de muscles qui ne fait qu'augmenter mon excitation.
Ses baisers descendent vers mon cou, par réflexe je resserre mes bras et mes cuisses autour de lui en me laissant m'emporter par la chaleur du moment.
Le goût de sa bouche m'enivre et ça me pousse à en vouloir toujours plus, à me presser encore plus près de lui. L'odeur de sa peau, c'est le paradis, un mélange de savon et des légères notes boisées de son parfum, qui me remplit les poumons, me faisant frissonner.
Quand il termine de déboutonner ma chemise, je me rappelle que je n'ai rien en dessous, et dans la précipitation, je mets fin à ce baiser en resserrant mon pyjama sur mes atouts.
Callahan s'arrête net, ses yeux fixés sur moi alors que je m'empresse de refermer les boutons de ma chemise.
Rouge de honte.
Lalita est en bas. Qu'est-ce que je fous !?
— On ne peut pas... je lui dis en me sentant déchirée entre la honte et cette excitation qui ne me quitte pas.
Il hoche la tête en comprenant, mais il insiste quand même d'une voix douce :
— Dors avec moi.
Je pince les lèvres :
— Je ne veux pas laisser Lalita toute seule.
— Je ne veux pas que ma femme dorme sur mon canapé, répond-il au tac au tac.
— Ce n'est pas grave ça... je lui murmure en caressant doucement sa joue avec un léger sourire.
Il ne me répond rien... mais en revanche, son regard est empli d'une telle intensité que j'ai la sensation qu'elle me traverse l'âme. Je me sens tout d'un coup très intimidité par la façon qu'il a de m'emmener avec lui dans cet univers bleu foncé. Et malgré ça, je n'arrive pas à détourner les yeux.
Mon cœur me hurle qu'il comprend le sien.
Et je suis sûre que cet échange n'est réservé qu'à moi, exclusivement.
On aurait dit qu'il voit au-delà de moi, il me voit moi, et tout ce que je porte en moi, allant de mes joies à mes craintes, mes espoirs et mes rêves.
Honnêtement, sur le coup, il me donne une force que j'avais besoin de ressentir ce soir.
Je me sens chérie, admirée, et incroyablement précieuse à ses yeux.
J'adore cette sensation, sentir que nos cœurs enroulent silencieusement, sans un mot, on se comprend. Nos mondes fusionnent, pour laisser ce soleil tourner autour de la lune. Il m'éclaire, me donne la lumière dont j'ai besoin pour me faire briller encore plus que lui.
Il scelle ces émotions par un baiser tendre qu'il dépose doucement sur mon front. Je ferme les yeux le temps d'accueillir sa douceur en moi.
— Viens-là, m'ordonne-t-il il me faisant descendre du comptoir, ce qui me provoque une nuée de nouveaux frissons.
Cherry, tu as raison, son petit ton autoritaire me fait mouiller...
Il se tourne pour rassembler des vêtements pour nous deux : deux t-shirts et des shorts. Puis, dans une autre armoire, il prend aussi des draps, prépare une grosse couette en y mettant une housse, et ajoute deux coussins.
Après avoir tout arrangé, il me dit de sortir. Je lui chuchote un « merci » discret, et il ne me répond que d'un simple hochement de tête.
En sortant de sa chambre, juste avant de descendre les escaliers, Callahan me retient discrètement par le bras :
— Attends, me dit-il.
Je me tourne perplexe. Il tient tout le linge dans ses bras, mais malgré ça, il se penche vers moi et m'embrasse à nouveau, avec toujours autant de douceur. Ses lèvres se collent aux miennes trois fois.
J'ai l'impression qu'il en veut plus, et que ces baisers ne sont pas assez pour lui ce soir.
Même si elle ne peut pas nous voir d'ici, j'ai peur que Lalita nous surprenne, alors d'un regard, je lui fais comprendre qu'il faut qu'on arrête. Il hoche la tête en faisant passer sa langue sur ses lèvres. Je pince les miennes pour calmer la tension qui est en train de me faire rougir.
Nous descendons les escaliers. Lalita se lève du canapé en me voyant, son regard me scrute comme si elle voulait s'assurer que tout va bien. Je lui offre un sourire rassurant. Elle semble se détendre, et Callahan s'active autour du canapé. Il le tire pour le transformer en lit qui est suffisamment grand pour nous accueillir toutes les deux.
On le regarde installer le drap.
À ce moment, je me rends compte que je le fixe comme une groupie.
Je m'imagine comme dans ce tableau qu'il a peint pour nous.
Mariés.
Dans une maison rien qu'à lui et moi, et le savoir aussi organisé me rassure déjà. Je n'aurais pas à le supplier de mettre ses caleçons dans le panier à linge.
— Il y a une salle de bain là, dit-il d'une voix rauque en désignant le bout du couloir. Avec tout ce dont vous avez besoin, si jamais.
Lalita et moi hochons la tête.
Puis, il y a une pause. Callahan fait glisser son regard vers moi.
J'ai l'impression qu'il hésite à dire quelque chose de plus, mais finalement il recule et nous tourne le dos.
Je ne peux pas m'empêcher de lui lancer :
— Bonne nuit, Cal', merci.
Callahan tourne la tête vers moi avec un petit sourire et répond dans un murmure :
— Naten ë mire, zemër.
Il disparaît à l'étage.
Mon cœur surchauffe.
J'avoue que ces quatre mots me mettent du baume au cœur.
Je me tourne vers Lalita qui fixe toujours cet escalier maintenant vide :
— Il est de quelle origine ?
— C'est un Albanais, je lui réponds.
Lalita acquiesce.
Il nous faut quelques minutes pour faire une dernière toilette du soir, et se changer dans la salle de bain qu'il nous a indiqué.
Une fois chose faite, nous nous glissons sous les draps du canapé-lit qu'il a préparé pour nous.
Instinctivement, nous nous blottissons l'une contre l'autre.
On cherche mutuellement du réconfort après une soirée qui nous a toutes les deux ébranlées.
Dans les bras chauds de Lalita, après plusieurs minutes de silence, mon amie brise le silence, sa voix est teintée de remords :
— Lo siento... j'ai... je ne sais même pas comment j'ai pu en arriver là... Lo siento, chula. (Je suis désolée, ma mignonne.)
— Je ne veux pas que tu abandonnes... je lui murmure en retour, en glissant une des mèches de ses cheveux noirs derrière son oreille.
Lalita déglutit, ses yeux brillent d'une douleur qu'elle a trop longtemps contenue en elle.
Ma main se déplace sur sa joue que je caresse avec tendresse :
— Je n'aurais jamais pu soupçonner ce que tu as vécu... je suis désolée que tu aies eu à vivre avec cette souffrance toute seule pendant onze ans...
Mon empathie me déchire le cœur. Je m'en veux de l'avoir laissé endurer ces épreuves sans avoir eu aucune main tendue.
Je peux voir l'émotion monter en Lalita. Ses traits s'adoucissent sous mes mots. Je dois avouer que je ressens une petite joie à l'idée qu'ils lui fassent un peu de bien :
— Je n'en aurais jamais parlé si tu n'étais pas venue ce soir... Tu étais là, au bon moment. D'ailleurs, je suis choquée que tu aies deviné aussi vite ou je me trouvais.
— On est le dix-sept mars... Je me suis réveillée en sursaut juste avant que tu m'envoies un message. Je pense que toutes les deux ont à un attachement macabre à ce lieu... J'ai réagi instinctivement... On aurait dit qu'une force m'a guidé vers toi ce soir.
Lalita enroule ses doigts autour de son chapelet doré qui entoure son cou, avant de s'allonger sur le dos. Elle déglutit en restant pensive, le regard rivé sur le plafond. J'ai l'impression d'entendre son cerveau ressasser toute cette soirée.
Soudainement, elle me lance :
— Il est blindé ton garde du corps, putain !
Sa pointe d'humour rend ce moment plus léger. Je me contente de la regarder avec un petit sourire discret et admiratif.
En parcourant son aura puissante et mystérieuse, je ne peux pas m'empêcher d'être happée par sa beauté. Ses longs cils noirs accentuent son regard intense. J'ai toujours cette impression que son expression représente exactement l'expression « le calme avant la tempête. »
Je cheveux lisses et brillants lui tombent en cascades sur ses épaules.
Je la trouve tellement charismatique, captivante.
C'est peut-être étrange à dire, mais il y a une part d'elle qui me rappelle beaucoup Callahan.
Et Lalita Vanessa Perez est aussi la fille qui m'a sauvé la vie.
Alors je comprends si bien la lutte qu'elle a eu à affronter ce soir...
— Ce pendejo se la pète trop ! lâche-t-elle en regardant sa maison.
Elle fait deux doigts d'honneur en direction des escaliers, et j'attrape ses mains en laissant un petit rire involontaire m'échapper.
J'arrive à peine à croire qu'on en arrive à se détendre...
Même si je sais qu'elle fait comme elle l'a toujours fait.
Être forte.
— Tu n'as pas besoin d'être forte pour moi, Lalita. Tu as le droit de travers les enfers et me montrer que tu as mal. Ça ne changera jamais le regard que j'ai pour toi.
Mon amie déglutit. Je tiens toujours une de ses mains. Et elle n'ose pas tourner la tête vers moi.
Apprendre qu'elle a été abusée si jeune, et porter ce fardeau toute seule tout ce temps... C'est presque insoutenable de penser à sa douleur.
Sa force me transperce. Une part de moi me dit qu'elle l'a été pour nous tout ce temps, et qu'elle n'a presque jamais rien laissé paraître.
— Quand tu te battras contre ce monstre... Parce qu'on va se battre, Lalita, je serai là. Je veux être là. Et on ne le laissera pas gagner, je lui dis déterminée.
Lalita se tourne vers moi, un sourire triste mais reconnaissant étire légèrement ses lèvres.
— Tu es comme ma grande sœur, Lali'. Je t'ai toujours admirée pour ta force, et je suis encore plus impressionnée maintenant que je connais tout ce que tu endures en silence.
Sincèrement, je la trouve incroyable... une part de moi est si fière de pouvoir l'appeler mon amie.
— Et tu sais, continué-je, c'est toi notre pilier. Que ce soit, Cherry, Nelly, ou moi, on sait instinctivement qu'en cas de problème, c'est vers toi qu'on se tournerait... J'espère pouvoir être aussi une source d'apaisement pour toi, et que tu saches que tu pourras toujours te tourner vers moi pour tout et n'importe quoi.
Lalita laisse couler des larmes silencieusement, chaque goutte est pour moi un reflet de la douleur qu'elle porte en elle.
Elle commence à pleurer, les sanglots secouent doucement son corps, et instinctivement, je me blottis dans ses bras, mes propres larmes se mélangeant aux siennes. Elle me serre si fort, comme si elle tentait de se raccrocher à quelque chose de solide dans un monde qui semble s'effondrer autour d'elle.
Nous restons enlacées toutes les deux, dans ce silence seulement entrecoupé par nos larmes. Les minutes se transforment en une heure. Une heure où on ne laisse à rien d'autre que notre chagrin. Elle se donne le droit de craquer et d'assumer d'avoir mal, pour mieux guérir... Je l'espère un jour.
Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé, mais au bout d'un moment, la respiration de Lalita devient plus régulière. Elle a fini par s'endormir dans mes bras.
Je tente de la rejoindre dans les bras de morphée, mais rien n'y fait, le sommeil ne vient pas et pourtant je suis épuisée... Je suis tourmentée par mille pensées.
Un mélange de frustration, d'impuissance face à mon incapacité à effacer ses souffrances me prend aux tripes.
Qu'est-ce que je pourrais bien faire pour l'aider ?
Je peux lui donner de l'argent, et l'aider à trouver un logement assez grand pour elle et ses petits frères et sœurs. Ma mère a des contacts, après tout.
Chaque idée tourne et retourne dans mon esprit, mais aucune ne semble suffisante pour soulager la lourdeur de son cœur.
J'ai une haine viscérale pour l'homme qui l'a touché, et sur le coup, elle surplombe toutes mes valeurs. Je revois la violence de Callahan détruire Taylor.
Je secoue la tête pour chasser ces idées noires.
Mais je suis soudainement attiré par un mouvement vers les escaliers. Mon cœur s'arrête un instant. Rapidement, je me redresse sur mes coudes.
Ma tension redescend lorsque je constate que c'est Callahan qui s'approche de moi, avec la discrétion d'un fantôme.
Je l'interroge du regard en jonglant de Lalita, pour m'assurer qu'elle ne se réveille pas, à lui qui arrive à mon niveau, il me chuchote tout doucement :
— J'arrive pas à dormir en sachant que t'es à la maison. Dors avec moi.
Sur le coup, je trouve sa demande si douce et désespérée qu'elle en devient adorable. Je fronce les sourcils en pinçant mes lèvres pour retenir un petit rire.
Je me tourne vers Lalita, je ne veux pas la laisser seule.
— Non, Cal', c'est mieux que je reste ici, je lui murmure en retour, ma voix est à peine audible.
Sans attendre mon accord, Callahan retire délicatement la couverture qui m'enveloppe.
— Callahan, l'appelé-je en me rendant compte qu'il a décidé d'en faire qu'à sa tête.
Il se penche vers moi en chuchotant encore plus bas tout en prenant mes bras pour m'aider à me redresser.
— S'il te plaît, microbe, elle dort. Viens avec moi.
— Oui, mais—
— Pitié, elle dort. Et t'inquiète, si cette— si elle se réveille, tu reviens avec elle.
Je n'ai même pas le temps de protester, il me porte déjà.
Et quand mon cœur cogne le sien... je suis noyée par sa présence rassurante. Mon corps ne lui résiste plus, j'avais besoin de lui à ce moment-là... Au fond de moi, je me sens aussi coupable que je suis heureuse qu'il soit venu...
En silence, je passe mes bras autour de son cou, et mes cuisses s'agrippent à sa taille. Je me sens en sécurité collé à sa peau.
Il monte les escaliers avec moi, et arrive rapidement dans sa chambre, où il referme doucement la porte derrière nous. Callahan me dépose délicatement sur son lit encore chaud.
Je m'enfonce dedans et quand il monte à son tour, ses yeux se plissent et il me demande avec tendresse :
— Qu'est-ce qui te rend triste comme ça ?
Je relève la tête pour le regarder.
Une vive émotion monte en moi. J'ai encore envie de pleurer en ressassant chaque parole de Lalita.
Mais je finis par secouer la tête.
— Tu ne veux pas m'en parler ?
— En fait... ça ne me concerne pas moi... directement.
Callahan reste silencieux un moment, son regard sur moi est patient et compréhensif.
Il finit par hocher la tête, et il s'enfonce enfin dans le lit. Sans attendre, ses bras protecteurs m'attirent contre son torse. Le même regarde intense que tout à l'heure me fait plonger en lui, et me donne le refuge dont j'avais besoin.
— Je veux retourner auprès d'elle avant qu'elle se réveille... lui murmuré-je d'une voix basse.
Sa tête me fait vite comprendre qu'il n'est pas trop d'accord, mais j'insiste en le fixant, et il finit par hocher la tête. Il tend le bras vers son téléphone. Je le vois manipuler l'application réveil pour le mettre à six heures du matin avant de déposer l'appareil sur sa table de chevet et se tourner vers moi.
J'adore quand il me serre plus près de lui.
Sa grande main se met à me caresser doucement les traits de mon visage.
J'ai l'impression qu'il m'observe comme un petit garçon qui admire une femme.
Mes paumes glissent sur ses côtes douces. La sensation de toucher sa peau me met en extase. J'en veux plus, mais pas ce soir.
— Désolée de t'avoir réveillé... chuchotée-je.
Je crois voir un micro-sourire affaisser légèrement ses fossettes :
— Réveille-moi, mon amour, ça ne me dérange pas quand c'est toi.
Mon cœur devient tout chaud. Je suis bercée par la caresse de ses doigts sur mon visage.
Et dans la tranquillité de ses gestes et ses yeux, je trouve la paix qu'il me manquait.
Et ça m'encourage à lui donner un peu plus de moi, de mon cœur et mes secrets.
Je me sens prête à lui avouer quelque chose que j'avais gardé en moi tout ce temps :
— Je peux te confier quelque chose... ?
Ses yeux qu'il avait perdus sur mon visage trouvent rapidement les miens :
— Dis-moi.
— Il y a quatre ans... Taylor, il ne voulait pas qu'on arrête.
Je lâche la bombe, la mâchoire de Callahan se serre instantanément et je vois son visage se durcir légèrement.
— Arrêter quoi ?
Je sens la rage dans sa voix qu'il tente de contrôler. Mais elle ne me fait plus peur maintenant.
— La relation. Je ne voulais plus continuer, parce qu'il devenait... enfin... j'avais l'impression qu'il voulait juste coucher avec moi, et quand je lui ai cédé ces photos, je sentais que quelque chose n'allait plus. J'ai essayé de me voiler la face, mais je me suis rendu compte qu'il me faisait chanter... À cause de ça, je l'ai laissé me...
Le visage de Callahan s'assombrit à vue d'œil, ses sourcils se froncent et créent une ombre inquiétante sur ses yeux. Il décolle même légèrement sa tête de l'oreiller pour avoir un meilleur visuel de mon visage, je sens qu'il lutte pour contenir sa rage. Il m'attend et je sens que ses yeux m'invitent à parler :
— Je l'ai laissé me toucher la poitrine, et il m'a demandé de le... enfin, de lui caresser l'entrejambe... même si... on était habillé, maintenant je me rends compte que je ne voulais pas le faire.
Le poids des mots semble libérer une partie de ma douleur, mais la cicatrice reste tout de même présente.
Callahan respire plus fort. Son souffle brûlant s'étale sur moi. Sa paume dans mon dos se fait plus accaparante, comme s'il voulait me témoigner sa protection, sa compassion, et son empathie pour ma douleur, malgré la fureur fulgurante que je vois traverser ses traits.
J'essaye de rester forte en me souvenant douloureusement de ce qui s'est passé ce soir, et je ne veux plus porter ce fardeau toute seule :
— Je pensais vraiment être amoureuse de lui, et encore aujourd'hui, je me rends compte que c'était... juste de la dépendance affective. J'étais juste heureuse d'avoir un peu d'attention... mon père me manquait, je n'ai pas réussi à partir avant...
À quinze ans... j'étais désespérée... De devenir une femme sans un père.
Sans cette validation masculine que je pensais allait me donner enfin plus d'estime de moi.
Callahan ne dit rien pour le moment, il me serre juste très fort contre lui pour me dire qu'il est là. Et son étreinte me fait le plus grand des biens. J'ai l'impression qu'elle me protège de tous les maux de ce monde.
Et je me rends compte que j'ai craqué, quand il essuie doucement les larmes qui coulent librement sur mes joues.
Je renifle en essayant de rassembler mes pensées pour continuer à parler et lui confier ce que même Lalita ne sait pas.
— Il m'avait invité chez lui, le soir où... on s'est touché. Je l'ai laissé faire parce que j'avais peur qu'il montre mes photos à ma mère, ça aurait fait un scandale dans la presse. Mais il en voulait plus, et ça m'a fait paniquer, je ne voulais pas...
Callahan à la mâchoire contractée, je sens qu'il bouillonne intérieurement.
Je reprends mon souffle, en me sentant tout de même suffisamment en sécurité pour revivre ce traumatisme sans que ça me provoque de violentes crises d'angoisses, ou que la peur de Taylor me submerge.
La présence de Callahan est beaucoup plus forte que lui.
— Je l'ai repoussé. Mais... à vrai dire, ce n'était pas la première fois... qu'il se montrait physiquement agressif envers moi... il m'avait déjà poussé... ou insulté violemment, même devant tout le monde, dans la rue... mais je revenais toujours quand il s'excusait... J'étais tellement idiote.
— Tu étais sous emprise, ce n'est pas de l'idiotie, zemër.
Mes lèvres tremblent alors que mes larmes deviennent plus abondantes après qu'il ait prononcé ses mots.
Je hoche la tête parce qu'avoir quelqu'un d'autre qui reconnaît que je n'étais pas en mesure de déceler le vrai du faux me fait un bien terrassant. Et ça m'encourage à continuer :
— Il était tellement en colère qu'il s'est mis à me pousser dans sa chambre en me hurlant dessus. J'ai trébuché, et je me suis cogné la tête.
Je touche instinctivement l'endroit de mon crâne ou a subi l'impact. La sensation horripilante de la douleur que j'ai ressentie à ce moment me donne des frissons de dégoûts, vite effacés par les mains de Callahan qui me caresse le bras.
— Il a eu peur quand je suis tombée, parce que je saignais un peu. Alors il s'est excusé comme jamais il l'avait fait avant. J'y ai presque cru, il m'a dit qu'il changerait, qu'il allait bien s'occuper de moi à présent, qu'il était allé trop loin. Mais la soirée était déjà trop pour moi, alors je lui ai juste dit que j'allais rentrer et y réfléchir... Il n'a pas voulu que je reparte seule, alors on a pris la voiture de son grand frère, et au début, je pensais qu'il allait m'accompagner chez moi, mais finalement, il s'est arrêté sur le pont de Greenwich...
Mon souffle se coupe un instant.
Ma gorge se serre.
— Il m'a dit : 'tous les couples le font, pourquoi pas nous'. J'avais un mal à la tête atroce, mais tout ce qu'il voulait c'était qu'on se dispute parce qu'il était frustré que je ne couche pas avec lui. À ce moment, je pensais que je n'étais juste pas prête, mais la vérité c'est que chaque parcelle de mon corps me hurlait que je ne voulais juste pas lui donner ma virginité. Pas à lui...
Le pouce de Callahan me fait rester sur terre alors qu'il caresse ma joue. Mon regard jongle de ses yeux aux tatouages sur son torse. Parfois le bout de mon index trace les lignes de l'aigle qui y est tatoué sur son pectoral pour me distraire de ces souvenirs accablants qui me submergent.
— Callahan... J'ai... j'ai voulu partir, il m'a attrapé le poignet je l'ai repoussé tellement fort que ça l'a énervé et il m'a mis un coup de poing en pleine tête.
Mes sanglots se décuplent. Je vois la langue de Callahan pousser l'intérieur de sa bouche en signe de nervosité. Son regard m'effraie un peu, mais je sais qu'il ne m'ait pas adressé, il est pour celui qui m'a fait du mal.
Je ne ressens rien dans sa façon de me toucher et son regard livide qu'il veut faire quelque chose pour me protéger contre le mal qu'on m'a fait.
— J'ai réussi à sortir de sa voiture, et j'ai appelé Lalita parce qu'elle n'habite pas si loin. Mais... Taylor s'est déchaîné sur moi, Cal'... je n'ai jamais eu aussi mal de ma vie... J'ai eu tellement mal...
Je marque une pause pour essayer de fuir ces sensations dans mon corps.
Je m'accroche juste aux mains de Callahan sur moi qui me rassurent en m'enveloppent, me faisant sentir que Taylor n'est pas là, et personne ne me fait du mal :
— Lalita est arrivée tellement vite et elle s'est battue contre lui. J'étais impressionnée par sa rage. Elle... Elle s'est déchaînée si violemment, elle avait du sang du visage, je ne l'ai pas reconnu à ce moment, et... Elle l'avait presque bien amoché mais... mais on n'était pas assez fortes... il a repris le dessus.
Je déglutis en l'ayant en travers de la gorge.
Ce soir-là... sa force face à la nôtre a scellé notre destin.
Peu importe à quel point Lalita était enragée, Taylor est plus grand, plus musclé que nous deux réunies. Et j'étais si mal en point, que je ne pouvais même pas l'aider à se défendre.
— Taylor l'a massacré à son tour, et après, il est revenu à la charge sur moi. Et tu sais ce qu'elle a fait... ?
J'éclate en sanglots en sentant mon cœur se serrer brutalement.
— Elle-elle s'est jetée sur moi pour qu'il la frappe elle, plutôt que moi. Elle s'est jetée sur moi Callahan !
Ma respiration est hachée à cause de mes larmes. Mon corps tremble, je hoquette en ayant la sensation de ressentir ce que j'ai ressenti il y a quatre ans. La pression du corps de Lalita sur moi qui prenait sur elle tous les coups.
— Chut... calme-toi, zemër, me murmure-t-il en déposant ses lèvres sur mon front et en caressant l'arrière de mon crâne pour me rassurer.
— J-j'avais quand même mal, malgré son corps sur-sur le mien, balbutié-je. A-alors à chaque fois que j'y pense, je n'arrive pas à me rendre compte de la douleur qu-qu'elle a ressentie, juste pour me protéger m-moi...
— C'est fini, maintenant, c'est fini... respire, je suis là.
Je renifle en tentant de digérer ce que je suis en train de lui dire :
— Ça-ça a duré... tellement longtemps... et je-je ne pouvais rien faire... Je voulais juste mourir. Je ne sais même pas comment on a fait pour rentrer ce soir-là, parce que le lendemain, je me suis réveillée à l'hôpital, avec une côte cassée, et Lalita aussi. Et ma mère m'a demandé de mentir à la police parce qu'elle ne voulait pas que j'avoue que des photos de nues de moi étaient en possession de Taylor, elle avait trop peur que ça fuite dans la presse.
Je vois la douleur déformer les traits de son visage. Savoir que je n'ai eu aucun soutient de ma mère semble lui faire d'autant plus de mal que toute cette violence physique. Tout d'un coup, il expire bruyamment, secoue la tête en signe de frustration impuissante, et il me serre encore plus fort dans ses bras.
Je le sens me couvrir de sa couverture qui sent son parfum, et je me blottis contre son torse, avec la sensation d'avoir trouvé mon paradis sur terre. La cadence de son cœur me calme légèrement.
Je n'ai plus rien à ajouter.
Il sait tout maintenant.
Et mon Dieu... j'ai l'impression de ne plus porter cette douleur toute seule.
Doucement, il me murmure à l'oreille :
— Tu es en sécurité, maintenant.
Ces simples me donnent du baume au cœur.
Je crois en lui, en sa protection
— Dors en paix, mon amour. Tout va bien, continue-t-il alors que sa paume caresse doucement l'arrière de mon crâne. Tout va bien, je suis là.
Ses baisers sur mon front et ses caresses dans mes cheveux m'apaisent, me bercent vers un sommeil que je n'espérais plus atteindre. Lentement, je ferme mes paupières lourdes en me laissant emporter par la sécurité de ses bras forts, et le son de sa respiration régulière qui m'accompagne dans mon sommeil.
Les images de ce dix-sept mars s'essoufflent.
Je n'ai pas envie d'y penser... Je m'imagine, comme il me l'a dit...
Dans sa cuisine, en train de lui faire des cinnamon rolls pour tous ses anniversaires.
Je me vois, m'envoler pour l'Albanie... juste pour découvrir les paysages de son pays, et les membres de sa famille.
Un petit frisson me donne envie de sourire, en l'imaginant plein de suie, en train de « retaper » un moteur comme il le dit.
Je m'imagine, sous lui, le laisser me faire tout ce que son corps désirera, et lui céder le droit de me faire autant d'enfants qu'il voudra.
Et avec eux, je nous tirerais dans une librairie où je trouverais un nouveau personnage de mafia fictif qu'il pourra jalouser parce que j'aurais encore développé un crush pour quelques lignes noires sur du papier blanc.
En six mois, sa présence a détruit les chaînes de mes pires peurs.
Il a creusé, et il a mis la lumière sur mon cœur.
Et ce cœur a envie de lui hurler, trois mots, sept lettres...
Je t'aime, Callahan.
✤
Bonsoir bonsoir, bonsoir ! 🎃
Ça-va ? ☕️
(Je suis censée faire un Margaret Talk, mais le chapitre est tellement long que j'ai trop la flemme j'avoue MDR mais j'y reviendrais plus tard 😤 !)
IT'S TIIIME TO TAKE THE TEA : ☕️, je veux tout entendre, vos impressions, vos ressentis, vos théories, vos retours pour ce chapitre ? Dites-moi tout !
Moi je vous le dis comme c'est, ce chapitre... j'étais pas bien quand je l'ai écrit. 🥲 Il m'a fait trop mal au cœur, et j'espère que maintenant certaines pourront mieux comprendre pourquoi Lalita est aussi aigri, et pourquoi elle a aussi peur pour Cassie 🥲...
(Not Callahan qui laisse Lalita dormir chez lui, mon fils il a trop glop up MDR)
Et ma scène préféré c'est quand il va récupérer sa Cassie parce qu'il peut pas dormir MDR 😂 il est tellement insupportaux ce gosse !
Bon en tout cas, c'est l'anniversaire de ma petite princesse d'amour 😭, comment je l'aime, c'est trop dingue. Je me lasse pas de Ghost 😮💨 ! (En vrai je dois sortir j'arrive pas à bien rédiger la NDA MDR)
Bon j'y vais bisous, bye ! ❤️
BYE 🏍💨🪐 !
Stardust 🍓
𝚂𝚎𝚎 𝚢𝚘𝚞 𝚜𝚘𝚘𝚗 🕰...
xo, Azra. ✿
IG: azra.reed
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