𝟺𝟽. 𝙲𝚎𝚛𝚒𝚜𝚎𝚜.

Bonsoir, ça-va ? 🕰






(𝖣𝖾́𝗆𝖺𝗋𝗋𝖾𝗓 𝗅𝖺 𝗏𝗂𝖽𝖾𝗈 𝗉𝗈𝗎𝗋 𝗏𝗈𝗎𝗌 𝗉𝗅𝗈𝗇𝗀𝖾𝗓 𝖽𝖺𝗇𝗌 𝗅'𝖺𝗆𝖻𝗂𝖺𝗇𝖼𝖾)



"Les meilleures et les plus belles choses du monde ne peuvent être vues ni même touchées. Elles doivent êtres ressenties avec le cœur."
Helen Keller





𝙰 𝙲 𝚃  𝟼.

📻  𝙵 𝚎́ 𝚟 𝚛 𝚒 𝚎 𝚛.






𝟦𝟩. 𝖢𝖾𝗋𝗂𝗌𝖾𝗌.








Cassie.








— Alors, vous pensez tous survivre aux examens de fin d'année ?

— Moi, m'sieur, je mise sur un douze !

Je tourne la tête vers Tommy, un élève de ma classe. Il se balance sur sa chaise, un sourire malicieux sur les lèvres.

— Douze, seulement ? s'étonne monsieur McMiller en haussant les sourcils.

Notre professeur d'économie est assis sur le bord de son bureau. Sa jambe se balance nonchalamment, et il fait tourner son stylo entre ses doigts.

— Moi je pense que grâce à vous, on peut viser un p'tit quinze ! lance un autre élève.

Le rire charmeur de McMiller résonne dans la salle de classe. Il continue de répondre aux spéculations sur les notes, la classe devient un véritable brouhaha.

Mais je me sens complètement détachée de ce qui se passe autour de moi.

Cherry à ma gauche est concentrée sur les échanges de notre prof et la classe. Nelly à ma droite s'empresse de prendre les dernières notes qu'elle a manquées du cours en regardant l'écran de mon ordinateur. Et Lalita s'est penchée, sous sa table, elle est au téléphone avec son père depuis dix minutes je sens que la conversation n'a rien d'agréable du tout.

Ma main se lève vers mon collier alors que je m'accoude sur ma table.

J'ai juste envie de rentrer chez moi... Réfléchir à tout ça...

Mes doigts s'emmêlent autour de cette bague. Je laisse mon index glisser dedans. Et un profond frisson me parcourt la colonne vertébrale.

« Tu comptes fuir à chaque fois que tu stresses. »

Mon cœur palpite, je mords l'intérieur de ma bouche.

Je vois sa violence, je vois sa douceur.

Je ne suis même plus sûre de quoi j'ai peur.

— ...Les exposés vont arriver très vite, alors j'ai formé des g...

Mon regard se perd sur monsieur McMiller qui tapote la paume de sa main avec son stylo en continuant de parler.

Je suis tellement perdue dans mes pensées que j'entends juste soupir collectif mécontent de mes camarades de classe. Je ne sais même pas ce qu'il a dit, mais je suis sûre que son annonce va nous rajouter encore plus de travail.

« Cette bague ne se reprend pas. À part le jour où je graverais mon nom avec le tien dessus. »

À quel point... il dit vrai ?

Mon cœur accélère encore plus. Les questions que je me pose m'angoissent. Je ne suis même pas vraiment sûre d'avoir le droit de penser qu'il un jour il m'épouserait vraiment.

Est-ce que tu voudrais l'épouser toi déjà ?

Mes dents mordent nerveusement mes lèvres.

Une vague de sensation dévastatrice s'agrippe autour de ma poitrine. Le sentiment est si puissant qu'il me renverse complètement. Non seulement je suis incapable de déterminer le moment ou mon cœur s'est transformé à ce point, et en plus, je ne me souviens même pas avoir un jour ressenti autant d'émotion pour un autre être humain. Je dois presque reprendre mon souffle pour réaliser à quel point son souvenir me prend aux tripes, m'exalte autant qu'il me fait du bien...

Au fond de moi... la réponse est hurlante.

J'ai presque envie de souffler ces trois lettres au bout de mes lèvres, mais j'étouffe tout ce que j'ai dans la poitrine, parce que plus le temps passe, et moins je veux ressentir ça.

Je ne veux pas prendre ce risque.

Je ne veux pas souffrir à cause d'un homme encore une fois.

Et un truc en moi me dit que si je pensais avoir eu mal avec Taylor, je connaîtrais le vrai goût de la souffrance avec Callahan.

Taylor m'a profondément blessé, mais Callahan... Il me déchirerait l'âme si je le laissais entrer dans ma vie.

Je déglutis difficilement.

Je n'avais pas envie de lui rendre cette bague jeudi dernier, mais j'ai eu tellement peur que j'ai agi impulsivement.

Est-ce qu'il est souvent incontrôlable comme ça ?

Qu'est-ce qu'il peut cacher d'autre que juste... des poings violent dans le visage ?

— Cassie ?

La voix de Cherry me sort brusquement de mes pensées. Je me tourne vers elle, la bulle de son chewing-gum cerise éclate devant moi et tous les sons environnants me reviennent comme une claque au visage, le clavier de Nelly, et les perles de ses bracelets qui s'entrechoquent, la conversation de Lalita discutant toujours avec son père, et monsieur McMiller qui tente de calmer la classe.

— Ce week-end, je serai seule chez moi. Ce sera parfait pour qu'on travaille sur notre exposé, tu en penses quoi ma chérie ?

Je fronce un peu les sourcils en l'interrogeant du regard ?

— L'exposé ?

Cherry rit doucement en commençant à ranger ses affaires.

— T'as rien écouté, c'est ça ? McMiller nous a mises ensemble pour l'exposé de fin d'année. Et comme je suis seule chez moi ce week-end, j'ai pensé qu'on pourrait le terminer ce samedi ?

Je lui rends son sourire et hoche la tête en essayant de me reconnecter un peu à la réalité de la salle de classe. En vrai je suis contente d'être avec elle sur cet exposé.

— Oui, ça me va. Merci, Cherry, répliqué-je avec un petit sourire.

Je commence à ranger mes affaires moi aussi.

Mais mon esprit est toujours accroché à cette bague et au nom qui est gravé dessus.

Callahan Michael Caine.

J'ai peur de tomber entre tes mains... et que je n'en guérisse jamais.














Samedi.





— C'est juste ici.

Je pointe du doigt la porte de la résidence de chez Cherry, et le taxi ralenti. Rapidement, je fouille dans mon portefeuille pour payer la course, et il me remercie d'un hochement de tête.

Je glisse de la voiture en réajustant mon sac sur mon épaule. L'air frais du matin se colle à mon nez, un léger frisson me parcourt.

Je marche le long de la rue étroite, jusqu'à la porte d'entrée de sa résidence en tirant légèrement les manches de mon manteau pour me protéger du froid.

Le quartier de Cherry est tranquille, paisible et silencieux. Bordée de maisons allant du blanc au crème, de style géorgien avec de grandes fenêtres et des balcons en fer forgé, typiques de St James.

J'arrive devant la porte du bâtiment 11, et je sonne.

Il n'est que dix heures du matin, mais elle m'a invité pour qu'on prenne le petit-déjeuner ensemble.

Je n'attends pas beaucoup de temps.

La serrure claque dans la porte, sauf que ce n'est pas Cherry qui me l'ouvre.

— Oh ! Bonjour Diane.

— Cassie, ça faisait longtemps que je ne t'avais pas revu.

Diane s'approche de moi pour me faire la bise et m'invite à entrer avec un petit sourire. 

La sœur jumelle de Cherry est à l'antipode d'elle.

Pas de teinture rouge, des lunettes, et un air beaucoup plus réservé.

Son visage délicat est entouré par de longs cheveux extrêmement noirs brillants, et lisses. Ils lui tombent en cascade sur son dos jusqu'à sa taille. Elle referme doucement la porte derrière moi avec politesse.

— Ma sœur arrive, me précise Diane en me guidant dans la maison. Alors, tu vas bien ?

Je la suis en admirant la danse harmonieuse de ses longs cheveux qui se balancent. Vêtue simplement d'un t-shirt blanc, et d'un pantalon de pyjama gris. En attendant ma réponse, ses iris sombres plongent dans les miennes.

— Oui, ça va plutôt bien, merci. Et toi ? Comment se passent tes cours ?

Diane est à Cambridge, en biochimie.

Elle commence à engager une conversation banale, surtout axée sur les études. C'est vrai que les quelques fois où elle et moi avons pu discuter, les discussions ne sont jamais allées plus loin que ce qui se passe dans nos cursus respectifs.

En longeant les couloirs de leur demeure aux accents vietnamiens, nous passons devant un petit autel bouddhiste. Et je repense au fait que Diane ne s'est jamais vraiment intégrée à notre groupe d'amis. Petite elle s'invitait parfois avec nous, mais elle et Cherry étaient tellement différentes que tout était source de conflit, et ça devenait souvent une compétition. Rien ne marchait jamais vraiment entre elles et inconsciemment elle s'est isolée...

Alors que nous arrivons dans la cuisine, l'influence vietnamienne est toujours là, je détaille rapidement les étagères garnies de bols en céramique, avant de voir la gouvernante de la famille, madame An.

Un sourire pousse mes lèvres lorsqu'elle me voit. De taille moyenne, ses cheveux noirs sont tirés en un chignon net. Elle est vêtue d'une tunique traditionnelle vietnamienne, un áo dài, vert de jade, simple et élégant. Elle hoche respectueusement la tête pour me saluer avec un petit sourire doux, et je lui dis timidement bonjour. Ça faisait aussi des années que je ne l'avais pas revu.

À cause de la barrière de la langue, je n'ai jamais pu vraiment discuter avec elle, mais je sais que son rôle a dépassé largement celui d'une simple employée. Cherry m'a toujours dit que c'est elle qui maintenait une certaine harmonie dans leur maison, qui est d'ailleurs toujours impeccable.

Elle travaille avec les Tran depuis que Cherry et Diane sont nés.

— Ma chérie !

Je me tourne précipitamment vers la porte d'entrée de la cuisine.

Cherry m'accueille avec un grand sourire, et me serre fortement dans ses bras en nous secouant toutes les deux. Un petit rire joyeux m'échappe fasse à son excitation de me voir.

— Je suis désolée, j'étais aux chiottes quand tu as sonné !

— C'est pas grave, je ris doucement.

Mon amie se décolle de moi, et je constate tout de suite son pull universitaire over size, et son legging noir. Il n'y a pas une once de maquillage sur sa peau. Une pince maintient à peine la densité de ses cheveux rouges et aujourd'hui, elle ne porte pas ses lentilles, mais ses lunettes rectangulaires sont posées sur le bout de son nez.

Un sourire s'étire sur mes lèvres, c'est rare de la voir comme ça, et je la trouve quand même tellement jolie.

— Aller vient on va manger ! m'invite-t-elle en me tirant une chaise autour de la table au milieu de la cuisine. Oh, Thuy, tu nous as fait du bánh cuốn !

Cherry s'installe à quelques places de Diane, assise en bout de table, en prenant des baguettes et se rue sur les rouleaux de riz farcis avec de la viande hachée et des champignons. Madame An lui pose une assiette devant elle, et Cherry dévore son bánh cuốn en complimentant madame An en vietnamien.

Je commence à bien connaître certaines spécialités vietnamiennes grâce à Cherry qui nous partage toujours ses plats. J'en prends un moi aussi en me souvenant que personne ne fait mieux les rouleaux farcis que madame An.

— Mange ce que tu veux, ma chérie ! On a une grosse journée, j'ai commencé à regarder notre sujet, ça s'annonce corsé !

Elle ricane, et sa gouvernante nous dépose toutes les droits du Phở Gà devant nous. Une soupe de nouilles servie avec du bouillon de poulet.

J'avoue que je me lèche les lèvres devant le parfum de la soupe, et j'ai assez faim aujourd'hui pour m'attaquer au plat.

Tandis que Cherry parle un peu avec madame An, Diane reste en retrait. Malgré les quelques sourires polis qu'elle me lance lorsque nos regards se croisent, elle a déjà sorti son téléphone portable et mange calmement, sans trop participer à la conversation entre madame An et Cherry.

J'ai envie de lui dire quelque chose pour essayer de ne pas la laisser dans son coin, mais je n'ose pas, par peur de la déranger.

— T'as vu ce qui s'est passé avec Taylor, me lance Cherry en mangeant un nem.

Un frisson glacial me parcourt l'échine.

Je prends à mon tour un nem que je porte à mes lèvres pour fuir le contact visuel avec Cherry.

— Il est hospitalisé depuis le début de la semaine, deux côtes et la mâchoire cassées, ils ont même dû lui retirer des dents. Il est vraiment mal en point, apparemment, il s'est fait agresser.

Madame An quitte la cuisine, pour aller vaquer à ses occupations, et mon cœur rate un battement.

Deux côtes et la mâchoire cassées...

Il lui a fait ça en quelques secondes.

J'ai l'impression que je suis incapable de mâcher correctement ce nem, et ma culpabilité et mon inconfort me submergent violemment.

Je sais qui est derrière cet incident...

J'essaye d'avaler ma nourriture avec un grand verre d'eau, et Cherry poursuit :

— C'est de la folie ! Mais après, ce type est tellement mauvais que ça allait forcément finir par lui retomber dessus. Je veux vraiment féliciter celui qui lui a fait ça.

Je me contente d'acquiescer faiblement :

— Oui, c'est... vraiment triste...

— Triste ? grimace Cherry en mangeant un bánh mì. C'est bien fait, oui ! J'espère qu'il arrêtera d'harceler les gens après ça ! Je ne pouvais plus me voir ses putain de chemises Ralph Lauren !

Je n'ai pas le temps de répondre quoi que ce soit, car au même moment, Diane se lève doucement, et elle nous dit :

— Je vais monter dans ma chambre.

Je hoche la tête, en lui murmurant un "À plus tard" et Diane quittes la cuisine, nous laissant Cherry et moi seule.

Diane a à peine dépassé la porte, que Cherry fronce les sourcils en me fixant. La bouche pleine, elle me demande :

— Cassie, t'es sûre que ça va ? Tu n'as presque rien mangé...

Je tente un sourire rassurant pour essayer de masquer mon malaise.

— Oui, ne t'inquiète pas !

Je prends un rouleau de printemps et je sens qu'elle me guette en plissant légèrement les yeux.

— Hmm... ouais.

— Quoi ? je la questionne en tentant un nouveau sourire.

Elle ne me répond pas tout de suite, son dos s'enfonce sur le dossier de sa chaise, et j'entends le rythme régulier de son ongle manucuré de rouge claquer contre la table en bois.

À ce stade sa suspicion aurait presque pu me faire sourire. Mais elle me lance :

— Bon, c'est comment alors ? me demande-t-elle soudainement.

J'incline la tête en terminant d'avaler mon rouleau de printemps, un peu perplexe. Je ne comprends pas sa question.

— Callahan et toi ? insiste-t-elle.

Ma première réaction est de rougir.

Je me sens déjà idiote pour ça, et au lieu de garder en tête le fait que ça fait quelques jours que c'est froid entre nous, je nous revois sur son lit quand il me pinçait les seins et me suçait le cou.

Une vive chaleur me fait baisser les yeux sur ma soupe.

— Ah... ? me sourit malicieusement Cherry. J'ai posé la bonne question on dirait.

— Non, c'est... euh, ça va !

Tu n'es tellement pas crédible, Cassie, pitié.

— Ça va... à quel point ?

Ma gorge se noue un peu. J'essaye de fuir en terminant ma soupe, mais la cuillère stagne dans le bouillon. Mes émotions deviennent de véritable montagne russe, maintenant je revois notre dernier échange, et ça me serre le cœur...

— Bien, soufflé-je incapable de mentir plus que ça.

— Ne me prends pas pour une conne, t'as fait une de ses têtes !

— Mais non, pas du tout !

— Cassie, qu'est-ce qui se passe ?

Je sens qu'elle ne va pas lâcher le morceau cette fois-ci, et moi je me sens rougir et avoir l'estomac de plus en plus noué.

— Cassie... ?

Sans me contrôler, mon surplus d'émotion me fait abandonner. Mon dos se plaque contre le dossier de ma chaise, et je me sens submergée par une immense tristesse. Sans vraiment comprendre pourquoi, mes larmes commencent à couler abondamment sur mes joues, et je me cache en plaçant mes poings sur mes paupières.

— Oooh, ma chérie d'amour, qu'est-ce qu'il se passe ?

Cherry se lève de sa chaise pour rapidement s'asseoir sur la chaise à côté de moi. Je sens qu'elle m'enlace et ma tête se glisse sur sa poitrine. Sa paume rassurante me caresse le bras. 

Mes pleurs me font réaliser que je retenais en moi une immense pression.

— Je suis désolée...

Ma voix est un peu étouffée par mes sanglots.

— Oh ! Mais n'importe quoi, me dit-elle me nous décollant l'une de l'autre pour essuyer mes larmes avec la manche de son pull. Ne t'excuse pas ! Et tu vas tout de suite me dire ce qu'il se passe ?

Je renifle en essuyant à mon tour les larmes qui glissent sans mon contrôle. Après une grande inspiration, j'essaye de rassembler toutes mes pensées pour tenir un discours cohérent.

— En fait... c'est juste que... Il est juste... trop.

La paume de Cherry me caresse doucement le dos, son regard empli d'empathie ne me quitte pas :

— Qu'est-ce que t'entends par trop ?

— Il est trop intense.

Je ne suis même pas sûre de ce que j'entends par là.

Mais je sais que mon cœur le ressent de cette façon-là.

C'est puissant, déstabilisant, inattendu...

— Intense ? Est-ce que c'est une mauvaise chose pour toi ? Tu sens que tu ne peux pas l'encaisser ?

Je renifle, réfléchissant à sa question.

Le problème ce n'est même pas que je pense ne pas pouvoir encaisser son intensité...

Je crois qu'au contraire, quand je suis avec lui, tout semble tellement parfait que je n'ai rien à « encaisser ». C'est naturel, facile, parfait.

Cherry replie une jambe en attendant ma réponse, son regard intense plongé dans le mien, et je finis par lui dire :

— Non... ce n'est pas une mauvaise chose... Et je ne veux pas le dire dans ce sens-là... en fait je... je...

— Prends ton temps, me rassure-t-elle doucement en me glissant une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.

— C'est juste que je ne sais pas gérer ça. Je ne sais pas comment gérer un homme comme lui.

— Alors, déjà ma chérie, je t'arrête tout de suite. Toi, tu n'as rien à 'gérer'. Tu n'es pas sa mère, et crois-moi qu'un type comme lui ne cherche pas non plus à ce qu'on le gère. Tant qu'il est bon avec toi, laisse-le te guider.

— Oui, mais—

Ma phrase meurt sur mes lèvres. J'allais répondre sans même avoir pris le temps de bien prendre en compte les mots de Cherry.

Il me faut quelques secondes pour réaliser qu'en un sens, Cherry a raison.

Je ne devrais pas avoir à "gérer" Callahan... mais plutôt apprendre à le comprendre... Sans que ça me perde bien sûr.

— Mais si je me laisse guider par lui, je ne sais pas où il va m'emmener... je murmure en la regardant.

— Et ça te fait peur ?

Je hoche la tête. Je me sens terrifiée par cette idée. Surtout quand les images de Callahan battant Taylor ressurgissant dans mon esprit.

J'ai le réflexe d'atteindre mon poignet pour faire claquer mon élastique, mais encore une fois, je me rends compte que ça fait des mois que je ne me suis plus fait du mal avec ça.

C'est lui qui a pris cette souffrance avec lui.

— C'est lui qui a... tabassé Taylor... avoué-je.

Cherry écarquille les yeux :

— C'est lui !

Je n'ai même pas le temps de lui répondre qu'elle éclate de rire.

Ça me provoque presque un petit rire, que j'efface vite en me souvenant de ce soir-là.

— J'aime tellement cet homme ! s'exclame-t-elle en levant les mains au ciel. On en en pouvait plus de ce sale connard ! Putain, il l'a mas-sa-cré !

Son rire ne cesse de résonner dans la cuisine.

— Cherry... c'était vraiment pas drôle... tu l'aurais vu, je ne l'ai pas reconnu. C'était... effrayant.

— J'ai envie de te dire, Taylor nous casse les pieds depuis quatre ans, un jour ça allait bien lui retomber dessus. Et malheureusement, sa punition a été Callahan. Aïe et bien fait !

— Je sais qu'il le méritait un peu... mais...

Cherry me guette, et elle me lance :

— Ça t'a fait douter de lui ?

— Rien ne me garantit qu'un jour il ne perde pas le contrôle sur moi.

— Il s'est déjà montré violent envers toi ?

Je vois la lueur d'inquiétude dans ses yeux et je m'empresse de secouer négativement la tête :

— Parfois, il est un peu... autoritaire, mais... c'est jamais méchant.

— Ah, oui ! C'est rien ça, t'inquiète pas, il sait que ça te fait mouiller, petite coquine !

Elle éclate de rire, tandis que mon visage me brûle :

— Cherry ! Ça ne me fait pas—

— Quand il te lance des petits ordres, jure-moi que ça ne te fait ni chaud ni froid ?

Je ferme la bouche.

Rien que de repenser à ses « viens-là » autoritaire ou quand il met sa paume autour de ma nuque me provoque de lourds frissons.

— C'est bien ce que je pensais, cachottier, ricane-t-elle.

Mon visage se noie de rouge. Elle a totalement raison.

— Bon, bon, se calme-t-elle et en prenant une expression un peu plus sérieuse. Je n'ai pas envie de le défendre vis-à-vis de ce qu'il a fait à Taylor, parce que c'est d'abord ton ressenti qui compte, mais s'il s'est acharné sur lui, j'ai envie de croire que c'était pour une bonne raison. Il aurait pu le faire un million de fois depuis le début de l'année, il a choisi ce moment. Et ma main à couper qu'il a dû se dire, je dois défendre ma petite chérie coûte que coûte. Mais je reste persuadé qu'il n'oserait jamais te toucher, toi.

— Sauf qu'il ne peut pas tabasser des gens comme ça.

— Mais la preuve que si, et Taylor ne recommencera plus jamais de sa vie à te faire chier, j'en suis sûre maintenant !

Son ton est presque triomphant.

Je mordille un peu l'intérieur de ma bouche en pesant les pour et les contre. Je reste quand même réticente à sa violence, même s'il est vrai que grâce à elle, il vient de m'enlever une de mes plus grosses angoisses de ma vie qui me hantait depuis quatre ans.

Je sens soudainement un poids en moins sur mes épaules. Mon regard se perd un peu dans le vide.

— Je ne veux plus qu'il refasse ça... murmuré-je finalement.

— Malheureusement, je pense surtout que c'est le genre de mec qui serait prêt à tout pour défendre sa copine.

— Mais je ne suis pas sa copine.

— Ah bon ? Alors, c'est quoi cette bague d'homme que t'as glissée dans ton collier ?

Son regard se rive sur mon cou, par réflexe, je plaque ma main contre le pendentif pour cacher la bague. Cherry sourit légèrement, avec un air de 'je-sais-déjà-tout' dans ses yeux.

— Je l'ai vu depuis jeudi, ça sert à rien de la cacher.

— Je... c'est pas-enfin...

— C'est la sienne, donc ?

Je ne réponds rien, mais je comprends vite qu'elle n'a même pas besoin de ma confirmation.

— Il te l'a donnée ?

Cherry prend l'anneau entre ses doigts et la manipule avant de s'avancer un peu vers moi pour la décortiquer de plus près.

— Callahan Michael Caine, murmure-t-elle en découvrant l'inscription à l'intérieur. Putain, elle est gravée ! Et il te l'a donnée ? Sérieux, j'ai jamais vu quelqu'un qui se voilait la face autant que toi !

Son petit rire me fait rougir encore plus. Cherry laisse tomber la bague sur mon cou, et c'est moi qui la saisis entre mes doigts.

Et même quand tu ne me vois pas, je serais toujours ton petit fantôme...

— Tu devrais lui parler de tes peurs, je pense, me dit-elle.

— Je lui ai dit mais... mais il ne veut pas m'en dire plus sur lui, donc ça m'angoisse encore plus.

— Laisse-lui du temps. T'es pas la personne la plus causante de Londres non plus, et je pense même que s'il a attendu aussi longtemps avant d'exploser la gueule de Taylor c'est parce que toi aussi tu as traîné pour tout lui dire. Donc ça serait injuste de ta part de lui exiger des réponses immédiatement quand lui il te laisse du temps pour te confier sans te faire culpabiliser.

Ses mots me frappent de plein fouet.

C'est vrai que Callahan me laisse toujours tout le temps dont j'ai besoin pour me confier. Et même s'il s'énerve quand il sait que je lui cache quelque chose, il ne me laisse jamais culpabiliser trop longtemps...

En soi, il a toujours respecté mes silences, mon espace.

— J'ai trop peur... avoué-je.

— De lui ? Ou d'assumer que tu pourrais aimer un homme qui pourrait fracasser un homme à mains nues ? Parce que je vois comment il est avec toi quand il vient te chercher après les cours, et rien qu'à la façon dont il te sourit, ou l'attention avec laquelle il te met ton casque sur la tête, je sais qu'il ne lèverait jamais la main sur toi. Je pense même que si tu le giflais il n'oserait même pas répliquer. Tu ne peux pas fuir à chaque fois que tu as peur, Cassie. Je ne veux pas te faire te sentir mal, mais si tu le considère vraiment, c'est un peu injuste pour lui.

Mon cœur palpite fort.

Est-ce que j'ai peur de lui... ?

Ou je me cache derrière la peur que j'aie de le laisser entrer dans mon cœur.

Je ne réponds rien, tout simplement bouche bée.

Lui aussi m'a reproché que je ne pouvais pas fuir à chaque fois que j'avais peur...

— Bon, après, je t'avoue que moi je ne suis pas objective, parce que pour moi c'est l'homme de ta vie, donc tous ses red flags, ils me passent au-dessus de ma coloration, je te le dis comme c'est, ajoute Cherry sur un ton taquin.

Son commentaire détend l'atmosphère, et je ne peux m'empêcher de rire avec elle.

Au final, en regardant mon amie, je réalise que parler m'a fait du bien. Je me laisse aller dans ses bras, et murmure doucement :

— Merci de m'avoir écouté, Cherry.

— C'est normal, j'avais vu que tu faisais la moue ces derniers temps, elle répond en me serrant très fort contre elle.

Nous restons enlacées quelques secondes avant de nous séparer.

— Bon ! On doit finir cet exposé ! Mais je veux quand même être la première à être au courant de votre mariage ! s'exclame Cherry avec entrain.

Ma rougeur éclate sur mes joues, et je hoche la tête instinctivement. Cherry éclate de rire en me pinçant gentiment le nez.

— On monte ?

J'acquiesce, même si j'ai envie de faire un millier d'autres choses que cet exposé, je suis prête à me mettre au travail.

Nous montons dans sa chambre.

Lorsque Cherry ouvre la porte, j'entre pour la première fois dans sa nouvelle chambre. Je l'avais déjà vu en face-time, mais c'est vrai que voir que la chambre que j'avais connue, avec des posters de Justin Bieber et des One Direction placardée sur les murs à bien changé...

Désormais, la pièce est peine dans des tons doux de rose et de gris clair.

Son grand lit avec une tête de lit en velours gris est entouré de décorations florales. Son lustre en formes de branches de cerisier est suspendu au-dessus. Le mur aussi est orné par un grand tableau peint de fleur de cerisiers. De jolis rideaux roses délicats tombent élégamment du plafond au sol.

Une partie de sa chambre est séparée par un mur avec des moulures, qui laisse deux ouvertures pour accéder à son espace dressing, et plus loin, salle de bain.

Une odeur sucrée flotte dans l'air. Sa chambre respire la féminité et tranquillité.

— OK, alors ! lance Cherry en s'affalant sur son lit.

Je la rejoins en déposant mon sac à nos pieds et en commençant à sortir mon cahier et mon ordinateur, tout en continuant d'admirer sa chambre.

Naturellement, Cherry commence à m'expliquer les premières pistes de développement qu'elle a eu pour notre sujet : quel est l'impact du blanchiment d'argent sur les économies nationales ?

Les discussions oscillent entre économies, et le fait qu'elle m'explique qu'elle soit contente que ses parents soient partit pour le week-end car elle ne supportait plus leurs exigences.

L'après-midi s'écoule doucement. À ce stade, je me suis retrouvée étalée par la moquette pour écrire sur des feuilles toutes nos idées. Cherry est restée assise en tailleur sur son lit.

On passe en revue les répercussions du blanchiment d'argent sur les économies nationales. Il perturbe l'équilibre économique, il a aussi un impact sur les institutions financières. Et puis, il est souvent lié à d'autres formes de criminalité organisée, telles que le trafic de drogue.

Mais au bout d'un moment, je commence à ressentir une douleur sournoise dans le bas du ventre.

Je fronce les sourcils en tentant de l'ignorer, mais plus les minutes passent et plus elle s'intensifie.

Je me doute déjà de ce que c'est...

J'entends le cliquetis des touches du clavier de Cherry, et je me décide à prendre mon téléphone pour vérifier la date de mes prochaines règles sur mon application.

C'est aujourd'hui.

Merde !

— Cherry, je dois passer aux toilettes, je crois que je vais avoir mes règles, désolée !

— Ah ! Mais vas-y ! Je vais dire à Thuy de nous monter du thé et des gâteaux !

J'hoche la tête en prenant dans mon sac une serviette avant de me lever.

Je me dirige vers la salle de bain attenante à la chambre de Cherry.

Je redoute ce moment où je m'assois sur la cuvette, mais en baissant ma culotte, je vois que je n'ai qu'une légère tâche sur mon protège-slip. Je soupire soulagée de m'être écoutée, et je m'en débarrasse pour le remplacer par ma serviette.

J'enroule le protège-slip usagé dans le plastique d'emballage, et ouvre la petite poubelle sur ma gauche.

Mais je me fige.

Mon regard reste bloqué sur un objet dans le fond.

Mon cœur se met à palpiter violemment, mes lèvres s'entrouvrent, et je cligne plusieurs fois des yeux pour être sûre que ce n'est pas un rêve.

Il y a un test de grossesse.

Je reste immobile plusieurs secondes.

Il n'y a rien d'autre dans la poubelle, ce qui indique que le test a été jeté récemment.

Poussée par une curiosité malsaine, je prends un mouchoir et saisis ce test.

Mes mains tremblent en lisant la notion :

« Enceinte. 3+ »

Mon cœur s'arrête.

Il est positif.

Je relève la tête comme si quelqu'un était avec moi. Une panique et une vague de chaleur angoissante me submerge et je n'arrive pas à fermer la bouche face au choc que je ressens.

Ce n'est pas possible ?

Sans attendre, je termine rapidement mes affaires en prenant ce test enroulé dans du papier toilette.

À cet instant je ne réfléchis plus du tout clairement. J'avoue que sur le coup, tout ce que je veux, c'est comprendre ce qui se passe. Je me lave les mains, et retourne rapidement dans la chambre.

Cherry toujours plongé dans son travail sur l'ordinateur ne lève pas les yeux tout de suite.

— T'en as mis du temps, hein ! me lance-t-elle en riant.

Sauf que je m'approche doucement.

Face à mon silence, elle relève finalement la tête et voit le test de grossesse dans ma main, son sourire se fige, puis meurt.

Ses yeux s'écarquillent, et pour un instant, nous partageons le même regard abasourdi.

— C'est... commence-t-elle d'une voix fluette.

Je vois mon amie devenir blanche. Elle est incapable de former une phrase, et moi aussi je ne sais même pas quoi dire, ou quelles questions lui poser, ou ne pas lui poser, pour éviter de la blesser ou l'embarrasser.

Je reste plantée debout là, devant elle :

— Je... c'est pas...

Elle me paraît bouleversée. Ses yeux deviennent légèrement plus brillants, et ça m'impacte profondément moi aussi. J'ose à peine imaginer toutes les pensées qui ont dû traverser son esprit quand elle a découvert ça.

Au même moment, on frappe à la porte.

Mon cœur fait un tel bond qu'il m'a donné l'impression qu'il allait sortir de ma poitrine. Dans un réflexe de panique, je cache rapidement le test de grossesse dans mon soutien-gorge.

C'est madame An qui entre, en portant un plateau avec du thé et des petits gâteaux.

Cherry dit quelque chose à Thuy en vietnamien, elle dépose le plateau sur le bureau, avant de partir avec un sourire adorable.

À peine la porte s'est refermée, que Cherry glisse hors de son lit et me lance :

— Je ne veux pas en parler ici.

Je hoche la tête. Mon amie referme son ordinateur et m'invite à sortir de sa chambre.

J'entends Cherry prévenir madame Thuy que nous allons rapidement passer à la supérette en bas de sa rue.

Sans attendre, nous enfilons nos chaussures, et nos manteaux.

Sa porte d'entrée claque, et nous marchons en silence vers le petit magasin alimentaire en bas de sa rue.

Je sens que ce moment risque d'être compliqué pour elle, et je me dis déjà qu'il faudra que je sois là pour elle, peu importe ses besoins.

Je n'ose pas commencer cette conversation.

En quelques minutes nous arrivons devant les portes coulissantes de la supérette, et c'est à ce moment que Cherry brise finalement le silence :

— C'est un accident...

Je déglutis alors que nous nous enfonçons dans une allée.

— Alors... tu l'es vraiment ?

Ma question me paraît idiote, mais elle hoche la tête pour me le confirmer.

J'essaie de digérer la nouvelle. Je suis à la fois, choquée, perdue, ou heureuse pour elle ? Je ne sais pas mais mon cœur est un mélange de toutes ces émotions à la fois.

Sauf que rapidement, une question glisse de mes lèvres :

— Qui... est le père ?

Cherry ouvre un réfrigérateur pour prendre une boisson fraîche, et je vois son visage se décomposer à l'entente de ma question.

— Cherry...

Une intuition se réveil dans mon cœur.

Je crois que la réponse est assez... évidente.

Toutes les pièces du puzzle commencent à se mettre en place. J'ai un nom en tête, et je peux voir que Cherry se sent de plus en plus honteuse et acculée.

— Est-ce que... c'est Monsieur...

Elle pince ses lèvres, extrêmement embarrassées, en fuyant mon regard, en entrant dans le rayon des confiseries.

— C'est Monsieur McMiller ? Le père, articulé-je.

Cherry place sa paume devant sa bouche en baissant la tête :

Je vois ses yeux retenir des larmes, et rien qu'à son silence et son expression, je n'ai même pas besoin qu'elle me le confirme.

— C'est pour lui que Lalita et toi, vous vous disputiez tout le temps, je murmure en connectant les points dans mon esprit.

— Elle n'en est pas sûre. Je ne lui ai jamais avoué, me répond Cherry une voix teintée de regret.

— Cherry... pourquoi ?

Je ne peux m'empêcher de demander, même si je sens que la question pèse très lourd sur elle. J'ai l'impression que cette grossesse risque fortement de la mettre en difficulté, surtout vis-à-vis de ses parents.

— Je sais pas j'ai... je sais pas... on s'était protégé pourtant, je ne comprends pas !

Sa voix se brise et elle fond en larmes.

Quelques clients nous lancent des œillades. J'attire mon amie dans mes bras et la réconforte en caressant son dos comme elle l'a fait pour moi. Les tremblements de son corps me brisent le cœur, je sens que je suis sur le point de pleurer moi aussi, mais je me fais violence pour résister.

— Calme-toi, Cherry... soufflé-je doucement.

— J'ai peur vraiment trop peur... avoue-t-elle entre deux sanglots.

— Je sais... j'imagine... Qui le sait ? je demande doucement en me détachant légèrement pour croiser son regard.

— Que toi pour le moment... et Thuy. C'est elle qui m'a acheté le test ce matin. Je ne pouvais pas me résoudre à le faire moi-même.

Ses mots sont entrecoupés par ses sanglots étouffés.

— Tu ne l'as toujours pas dit à McMiller ? 

Elle secoue négativement la tête, incapable de me regarder dans les yeux.

— Et... qu'est-ce que t'as décidé ?

Cherry prend mon bras, pour me faire marcher lentement à travers les rayons du magasin, comme bouger lui permettait de fuir un peu la lourdeur de cette conversation.

— Je ne sais pas encore si je veux garder le bébé. Mes parents me tueraient... pour de vrai... et Liam—monsieur... McMiller, je ne sais pas comment il pourrait réagir...

Je ressens la peur dans sa voix.

— C'est... j'arrive à peine à y croire... Tu es à combien exactement ?

— Trois mois...

— T-trois mois !?

Cherry plaque sa paume contre ma bouche avec un regard légèrement effrayé.

— Ne parle pas si fort, Cassie, si on croise quelqu'un qui connaît mes parents, je suis morte !

J'acquiesce en m'excusant tandis qu'elle jette des regards anxieux autour de nous, en craignant que notre conversation ait été entendue.

Debout au milieu de cette allée, entre les fruits et les légumes, je réalise à quel point la situation est grave.

Les parents de Cherry ne l'accepteront jamais.

— Comment est-ce qu'on n'a rien pu voir... j'articule à voix basse.

— J'ai à peine pris du poids, mon ventre commence à peine à gonfler, et tant mieux, parce que ça me laisse le temps de réfléchir avant de trouver quoi dire à mes parents ou à Liam-McMiller.

Nous continuons notre marche. J'ai les paumes sur la bouche, mon cœur tambourine tellement fort que je l'entends résonner jusque dans ma gorge.

— Qu'est-ce qu'on va leur dire à tes parents ? Quand est-ce que tu comptes le dire à McMiller ?

Je commence à ressentir de l'inquiétude, alors que nous tournons dans un autre rayon.

— Je ne sais je-

— Cassie ?

Cherry et moi nous nous arrêtons net, en nous retournant précipitamment toutes les deux.

Une onde de choc me traverse en détaillant l'homme qui se tient devant moi.

Un grand blond, svelte, aux yeux noisette qui me fixe avec un petit sourire intrigué et enchanté.

Mais comme la dernière fois que je l'ai vu à Marylebone, un frisson froid me parcourt. Je lance un regard bref à Cherry qui ne semble pas me comprendre.

— Dani... ? lâché-je complètement perturbée.

— Je ne m'attendais pas à te croiser ici, me dit-il en ouvrant la porte du frigo à sa droite pour prendre du blanc de dinde.

— Moi non plus...

— T'es le mec du Starbucks toi ? lance Cherry en le pointant du doigt.

Dani lui jette un rapide coup d'œil avant de lui répondre simplement :

— Ouais... tu as une très bonne mémoire, toi.

— Comment j'aurais pu oublier un aussi beau-

J'arrête Cherry en serrant ma main autour de son bras. Elle se tourne rapidement vers moi, le regard hagard et reste un instant figée sur moi. Mes mains tremblent et je pense qu'elle l'a sentie. J'essaye de lui faire comprendre que je ne veux pas qu'elle le mette trop à l'aise.

Dani jette lentement son blanc de dinde dans son panier, et c'est à ce moment que je remarque son contenu. Des gants, du scotch, des ficelles...

— On aurait dit que tu me fuis, ces derniers temps, me lance Dani en se grattant timidement l'arrière du crâne. Tout va bien ? Vous aviez l'air dans une discussion assez sérieuse.

Mon cœur tambourine si violemment dans ma poitrine, que je crains qu'il nous ait entendus. Le regard qu'on s'échange avec Cherry nous fait comprendre qu'on pense à la même chose :

—  Juste des trucs de filles... soufflé, en même temps que Cherry hoche la tête pour appuyer mes paroles avec un sourire un peu forcé. Bon, Dani, on—

Alors que j'allais faire un pas pour le contourner, il nous a barré la route en imitant mon geste. Mon bras s'accroche autour de celui de Cherry. Une folle angoisse me provoque une chair de poule, et je pense que c'est à ce moment-là que Cherry ressent la même chose.

À cet instant, j'aurais vraiment aimé que Lalita soit là pour le recaler.

Ou Callahan...

— Je... commence-t-il doucement avec un petit sourire embarrassé.

— On va y aller, s'exclame Cherry avec un faux enthousiasme. Ravie de t'avoir vu ! Salut !

— Cassie, je voulais juste te demander ton numéro, lance-t-il rougissant, alors que Cherry a réussi à nous tirer de là.

— Elle est bientôt mariée, désolée Dani ! lui répond-elle en nous éloignant.

Cherry me pousse le long d'une nouvelle allée. Mon malaise est tel que je me sens fébrile.

— Cassie, qu'est-ce qu'il se passe ? ? J'pensais que tu l'aimais bien ? Pourquoi t'as l'air d'être terrorisée par lui ?

— Je ne l'ai jamais vraiment 'aimé', il était juste gentil avec moi et vous me disiez d'essayer quelque chose avec lui, mais... il me fait peur, je le vois partout.

Cherry hoche la tête en tournant la tête derrière elle pour vérifier que personne ne nous suit.

Sauf que nous tournons dans une nouvelle allée, et nous nous écrions toutes les deux lorsque Dani réapparaît devant nous, avec une expression que je ne lui reconnais pas. Il me paraît beaucoup plus froid. Nous resserrons nos bras entrecroisés avec Cherry, et il y a comme un changement étrange qui s'opère dans l'air.

Cherry n'attend même pas, elle me tire au bout de l'allée. En me retournant, je vois que Dani me guette.

— On court ? S'il te plaît ? lancé-je à Cherry, qui acquiesce immédiatement.

Elle laisse ses articles sur une étagère au hasard, et nous accélérons le pas. Mon ventre se noue lorsque nous quittons le magasin à toute vitesse.

Nos pas résonnent sur le pavé. Je vérifie par-dessus mon épaule à plusieurs reprises, mais il ne semble pas nous avoir suivi. J'ai l'impression qu'une peur intense se réveille en moi.

Qu'est-ce qu'il fait ici ?

Putain, comment je peux le croiser près de chez Callahan et ici ?

Arrivées en bas de la résidence de Cherry, elle s'empresse d'enfoncer ses clés dans sa serrure et claque la porte derrière elle.

On enlève nos chaussures à la hâte et sans attendre, elle me fait monter dans sa chambre et nous nous enfermons à l'intérieur.

Mes poumons me brûlent sous l'effort, et je regrette de lui avoir mis un tel stress alors qu'elle porte un enfant.

— Je suis vraiment désolée !

— Qu'est-ce qui s'est passé pour que tu aies peur de lui comme ça ? me demande-t-elle en enlevant sa veste qu'elle jette sur son lit.

— Je ne sais pas, je... j'ai l'impression de le voir partout, on dirait qu'il me suit...

Cherry se laisse tomber sur son lit en comprenant. Son regard se perd sur son plafond.

— N'empêche, c'est vrai qu'il m'a fait froid dans le dos et puis t'as vu ses articles ? Et puis je ne sais pas s'il habite ici, mais c'est la première fois que je le vois près de chez moi.

À mon tour, je me laisse tomber sur le lit de Cherry en fixant son lustre.

Le son de nos souffles courts résonne.

Et puis elle me dit :

— Je pense qu'on va terminer cet exposé une autre fois, cette course m'a mis K.O.

Un petit sourire tire mes lèvres :

— Je crois que tu as raison... désolée.

Elle secoue la tête pour me dire que ce n'est rien.

Au bout d'un moment, je m'appuie sur mes coudes, et je la fixe. Prise par une vague de compassion et culpabilité. Je finis par me redresser pour m'asseoir en tailleur et je lui dis :

— Tu sais...

Cherry se redresse à son tour pour me faire face :

— Je regrette de ne pas avoir essayé de t'en parler avant parce que je t'avoue que moi aussi je me doutais de quelque chose, mais... peu importe ton choix, je le respecterais et je te soutiendrai.

Un sourire timide éclaire son visage.

— Un enfant, ce n'est pas à prendre à la légère, mais si tu es contente de l'avoir, alors moi aussi.

Cherry, visiblement touchée, ouvre ses bras en signe d'invitation. Sans hésiter, je plonge dans son étreinte. Elle me presse si fort contre sa poitrine que ça m'écrase les joues, et je ne peux pas m'empêcher d'en rire :

— J'ai toujours trouvé que tu étais la fille la plus adorable de cette terre... j'espère que mon bébé aura autant de douceur que toi, me lance-t-elle avec amour.

Je me laisse bercer par son affection. Ses mots me touchent et je lui murmure tout doucement un merci.

Je me décolle légèrement pour mieux la regarder.

Cherry soulève un peu son pull pour me dévoiler son ventre, qui s'est légèrement arrondi. Elle commence à caresser doucement.

— Je l'aime déjà tellement... me murmure-t-elle avec douceur.

Son geste et ses mots tendres me gonflent le cœur, pendant un moment, j'ai presque envie de ressentir les mêmes sensations qu'elle...

Se préparer à être maman.

« Autant que tu m'en demanderas. Donc trois, quatre, cinq, c'est toi qui décides. »

Je me mets à rougir en repensant à Callahan qui m'avait répondu ça lorsque je lui avais demandé combien d'enfants il voulait.

C'est vraiment pas le moment, Cassie.

— Je ne sais pas si c'est une fille ou un garçon, mais je sais déjà que je ne pourrai pas l'avorter...

Sa voix basse, et la tendresse de ses paumes sur son ventre m'ébranlent profondément.

— Alors, ne le fais pas, je lui réponds en prenant une de ses mains.

Elle pince les lèvres, et son regard se voile d'une forte inquiétude.

— Le problème c'est qu'il faut que je garde le secret jusqu'au bout... parce que si mes parents l'apprennent... ils pourraient me forcer à le faire.

Ses aveux me tétanisent. Je sens mon cœur rater un battement à la simple idée qu'on puisse la forcer à avorter.

— Alors on ne dira rien ! Tu essayes de garder le secret !

— Il faut au moins jusqu'à ce que ce soit beaucoup trop tard pour qu'ils puissent me faire quoi que ce soit... j'espère qu'ils ne me feront rien.

Je ressens que sa gorge se noue. Honnêtement, je me demande encore à quel point les parents de Cherry lui font peur, mais quand je pense à ma mère, je crois que j'arrive à la comprendre.

Cette peur de les décevoir, et que leur regard sur nous change définitivement...

— Je t'aiderai autant que je le pourrai, je ne sais pas de quoi tu as besoin, mais s'il te plaît, n'hésite pas.

— Je sais, ma chérie... me répond Cherry avec un sourire triste.

Ses doigts glissent doucement sur ma joue.

— Moi qui ne voulais pas d'enfants pour éviter les vergetures... plus les jours passent et plus je suis excitée à l'idée de devenir maman... 

Je ris doucement.

C'est vrai qu'elle avait toujours fermement affirmé qu'elle n'en aurait pas avant au moins ses trente ans. 

— Maintenant, je suis trop excitée à l'idée de devenir tata moi aussi. Je regrette toutes les fois où, quand on jouait à « qui va être la première à » et d'avoir dit que tu allais être la dernière à être maman.

Cherry éclate de rire, en hochant la tête comme si les souvenirs lui revenaient.

— C'est toi la prochaine, de toute façon, me taquine-t-elle avec un clin d'œil complice.

Mon visage grimace, pris par le choc, mais elle continue de me regarder avec une expression amusée et déterminée :

— Ne dis pas n'importe quoi !

— Oh, s'il te plaît ! Cassie, s'insurge-t-elle en me regardant comme si elle arrivait à peine à me croire.

— Mais quoi ?

— Toi et Cal' ?

— Quoi ? Quoi moi et Cal' ? la questionné-je en sentant mon cœur battre un peu plus fort.

— Cassie ?

Elle lève lentement un sourcil pour me percer à jour.

— Oui ? Cherry tu me stress !

— T'as toujours pas... enfin, lui et toi, vous... vous ne le faites pas ?

— On ne fait pas quoi ?

— Mon Dieu, s'exclame-t-elle en plaquant sa main sur son visage comme si elle découvrait quelque chose d'inconcevable. Qu'est-ce que tu es innocente parfois, je t'envie presque. T'as pas couché avec lui ?

Mes joues me brûlent violemment. Sans attendre, je m'exclame :

— Non !

— Mais, t'es pas sérieuse ?

— Mais si ! Je... je ne suis pas prête, avoué-je d'une voix basse.

— Ah ! Donc vous en avez déjà parlé, rit-elle. T'as bien raison de prendre ton temps. Il doit avoir tellement mal aux couilles ! Prends tout ton temps même !

Malgré moi, un rire m'échappe et elle me suit dans mon hilarité.

Au final, l'après-midi se transforme en une série de rires et de discussions rocambolesque sur les capacités supposées de Callahan au lit, puis on redevient sérieuse en parlant de la maternité de Cherry.

Nous avançons à peine sur notre exposé, mais en réalité, entre nos discussions, on arrive à bien le peaufiner. Quand je constate que la nuit est tombée, il ne nous manquera plus que la rédaction.

— Bon, c'est parfait ! me lance Cherry en se levant de son lit en s'étirant. On a trop bien avancé finalement !

— Je vais commencer à le rédiger demain, je pense, articulé-je en commençant à ranger mes affaires.

— Moi aussi, je pense qu'on l'aura terminé pour la semaine prochaine.

Je hoche la tête en fourrant mon ordinateur dans sa pochette, puis la voix de Cherry m'interpelle :

— Il vient te chercher ?

Je relève la tête vers elle en comprenant tout de suite de qui elle parle.

Je secoue la tête un peu nerveuse avant de lui dire :

— Euh... je ne sais pas s'il est disponible. Je vais appeler un taxi.

Cherry s'approche de moi, et me présente la paume de sa main :

— Donne-moi ton téléphone.

La lueur malicieuse que je vois dans mes yeux me fait hésiter quelques secondes. Mais je lui donne quand même. Mon amie commence à naviguer rapidement dessus.

— C'est 'Burri im', je suppose ?

Elle me regarde avec un sourire en coin.

— Ça veut dire quoi ça encore ?

— Mon... euh...

Mon cœur s'emballe et les mots me manquent, et je me sens de nouveau rougir. Cherry n'en rate pas une pour éclater de rire. Et alors qu'elle plaque le téléphone contre son oreille, je me rends compte de ce qu'elle s'apprête à faire.

Paniquée, j'abandonne le rangement de mon sac et m'écrie en m'élançant vers elle pour tenter de lui arracher le téléphone des mains. Mais Cherry, m'esquive habilement, et avant que je puisse intervenir, j'entends à travers le haut-parleur :

— Microbe ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

Sa voix grave me provoque une nuée de frissons qui descendent le long de mon bas-ventre et mes cuisses. Cherry me jette un regard amusé. Le genre qui me dit : « Ah bon ? Vous avez des petits surnoms, vous ? »

— Salut beau brun, c'est Cherry. Tu pourrais venir chercher ta princesse chez moi ? Elle est venue pour un exposé, et elle n'ose pas te demander de venir. Merci.

À travers le combiné je suis sûre d'entendre un léger rire soufflé. Mes rougissements décuplent deux fois plus, et je ne parle pas de la réaction de mon corps non plus :

— Ton adresse ? lui demande Callahan en se déplaçant.

— C'est 11 Cleveland Row.

— Je suis là dans vingt minutes.

Il raccroche directement.

Je reste figée une seconde.

Callahan ne raccroche jamais si brusquement quand c'est moi au téléphone.

Cherry me regarde avec un sourire triomphant et me rend mon téléphone.

— T'as vu, c'était pas si compliqué, me dit-elle sur un ton taquin.

J'ai extrêmement chaud. Et je déglutis difficilement en avalant ma salive.

Depuis jeudi dernier, on ne s'est pas vraiment adressé la parole. Juste le soir où il m'a apporté sa salade, qui était d'ailleurs délicieuse...

Je termine de rassembler mes affaires en appréhendant légèrement...

Les minutes s'écoulent, et je me sens de plus en plus nerveuse. Cherry me parle de tout et de rien en rangeant les affaires sur son lit, mais je suis un peu ailleurs...

Je ne sais même pas ce qu'on va se dire.

Est-ce que je devrais essayer de lui parler encore.

Ou fuir, comme je le fais à chaque fois...

Je n'en sais rien.

— Viens, on va attendre devant, il sera là d'une minute à l'autre.

Cherry reprend sa veste, et nous descendons. Je dis au revoir à madame An qui me répond d'un salut respectueux. Diane n'étant pas là, je quitte la maison, et nous nous retrouvons devant la porte d'entrée de sa maison.

— Hey... m'appelle-t-elle doucement.

Je relève la tête vers elle.

— Tu me promets de ne le dire à personne, Cassie ?

Mon cœur rate un battement. Son sérieux me donne des frissons.

— Je te le promets, répliqué-je sans hésiter.

— Bon, si tu le dis à l'autre beau gosse, je ne t'en voudrais pas, moi aussi j'aurais eu envie de le dire à mon mec.

— C'est pas mon—

— Chut, Cassie. Ça devient presque ridicule à ce stade, souffle-t-elle faussement agacée.

Je rougis immédiatement.

Après tout, Cal et moi ne nous sommes pas encore réconciliés depuis notre dernière dispute. Je ne sais même pas s'il continuera à m'embêter encore en m'appelant encore « sa femme » comme il le fait tout le temps...

— Je t'aime, tu sais, ma chérie.

La voix de Cherry me ramène sur terre.

Ses mots plongent mon cœur dans un océan de douceur.

Et je m'approche d'elle en me blottissant encore dans ses bras.

Doucement je lui murmure :

— Moi aussi, je t'aime.

Au même moment, les phares d'une voiture illuminent la rue.

Je reconnais la BMW noire de Callahan.














Bonsoir bonsoir, bonsoir ! 🎃

Ça-va ? ☕️









On en parle ouuu ? 😙 (Le prochain chapitre est un de mes favoris (oui j'en ai 10000 de favoris mais il est trop goûtu je suis désolée MDR))

Bon commencez les pronostics, fille ou garçon pour le bébé de Cherry là ? 😙


IT'S TIIIME TO TAKE THE TEA : ☕️, je veux tout entendre, vos impressions, vos ressentis, vos théories, vos retours pour ce chapitre ? Dites-moi tout !


J'ai un tout petit Margaret Talk à faire...

Par pitié... je ne suis pas une machine 🥲... J'essaye du mieux que je peux de rester la plus régulière possible, et moi aussi j'aimerais publier tous les vendredis, mais quand je ne publie pas une ou deux semaines, svp, ne me demandez pas de me faire "pardonner pour mon retard" c'est super frustrant...

Merci de tout cœur d'aimer cette histoire autant que moi, et de l'attendre aussi impatiemment chaque semaine, mais quand je ne poste pas c'est pas par caprice, ou par mesquinerie, c'est que je ne peux pas 🥲...


Quoi qu'il en soit...


VOUS AVEZ VU LA COVER DE VALENTINA OU PAS !?


Je suis tellement fière de la cover, j'ai trop hâte de la voir en vrai bon sang ! 😭 Le livre sera tellement beau dans la bibliothèque, et commencer à préparer une petite place pardon 😙 ! On se donne rendez-vous le 9 octobre (je crois que je me cacherais dans une Fnac, je sais pas encore laquelle juste pour voir le livre à sa sortie 🫠 !) Dress code orange, et si vous n'avez pas d'orange, tant que vous vous sentez orange, c'est l'essentiel ! 🤣🍊


Bon j'y vais bisous, bye ! ❤️







BYE 🏍💨🪐 !





Stardust 🍓




𝚂𝚎𝚎 𝚢𝚘𝚞 𝚜𝚘𝚘𝚗 🕰...



xo, Azra. ✿



IG: azra.reed

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