𝟺𝟼. 𝚀𝚞𝚊𝚝𝚛𝚎 𝚜𝚊𝚒𝚜𝚘𝚗𝚜.
Bonsoir, ça-va ? 🕰
(𝖣𝖾́𝗆𝖺𝗋𝗋𝖾𝗓 𝗅𝖺 𝗏𝗂𝖽𝖾𝗈 𝗉𝗈𝗎𝗋 𝗏𝗈𝗎𝗌 𝗉𝗅𝗈𝗇𝗀𝖾𝗓 𝖽𝖺𝗇𝗌 𝗅'𝖺𝗆𝖻𝗂𝖺𝗇𝖼𝖾)
"L'amour ne ressent aucun fardeau, se moque des difficultés, tente ce qui est au-dessus de ses forces et ne prétexte jamais l'impossible parce qu'il croit que tout lui est permis et que tout est possible."
Thomas Kemp
𝙰 𝙲 𝚃 𝟼.
📻 𝙵 𝚎́ 𝚟 𝚛 𝚒 𝚎 𝚛.
𝟦𝟨. 𝖰𝗎𝖺𝗍𝗋𝖾 𝗌𝖺𝗂𝗌𝗈𝗇𝗌.
Ghost.
Assis côté passager à côté de Wayne. Je me regarde à travers le miroir du pare-soleil que j'ai baissé en serrant un mouchoir autour de ma main. Je tamponne doucement le saignement qui persiste au niveau de mon arcade.
Le véhicule n'est bercé que par le rythme frénétique des essuie-glaces qui balayent le pare-brise de la pluie torrentielle.
Je vois glisser sur ma tempe la goutte de sang qui menace de couler, mais je n'ai pas le temps de la rattraper avant qu'elle ne s'étale sur mon jean.
— Putain ! soufflé-je en frottant mon jean avec mon mouchoir.
Directement, le langage corporel de Wayne se tend. Il se réajuste sur son siège dans un tic nerveux et je l'entends légèrement s'éclaircir la voix.
Je retiens un sourire taquin en coin, je sais déjà qu'il se retient de me faire la réflexion de ne surtout pas tâcher l'intérieur impeccable de sa Mercedes.
— T'inquiète, il ne lui arrivera rien à ta Batmobile...
— Il y a des pansements dans ma boîte à gants, me conseille-t-il précipitamment.
Un petit ricanement m'échappe. J'ouvre sa boîte à gants, et prends quelques secondes pour admirer le soin avec lequel Wayne range ses affaires.
Tout est méthodiquement organisé.
Il est pire que moi.
Je repère une petite boîte en plastique. Je l'ouvre et des pansements transparents y sont soigneusement compartimentés par taille.
J'en choisis un petit, mais un petit objet rond attire mon regard et m'interrompt dans mon geste.
Il y a une petite perle bleu nuit coincée dans un des compartiments de la boîte.
— C'est quoi ça ? demandé-je en lui présentant la pierre.
Wayne tourne la tête vers moi, quand il baisse les yeux sur mes doigts, un léger rouge lui monte immédiatement aux joues.
Non seulement il est vraiment nul pour cacher son embarras, mais là, moi, je me demande sur quoi j'ai mis le doigt...
— C'est juste... une pierre-une pierre, répète-t-il maladroitement.
Il s'éclaircit encore la voix en secouant nerveusement sa montre Patek Phillipe autour de son poignet. Et il fait bien parce qu'elle s'est légèrement enraillée.
— Je vois bien que c'est une pierre, dis-je, en la faisant rouler entre mes doigts pour examiner chaque détail. Où est-ce que tu as trouvé ça ?
— Je ne l'ai pas vraiment trouvé... enfin—est-ce que tu pourrais la ranger à sa place ? Je ne tiens pas à la perdre, balbutie-t-il, clairement mal à l'aise.
J'arque mon sourcil, là, il vient de piquer ma curiosité à vif !
Avec un petit rire, je le scrute. Ses deux paumes étranglent le volant comme s'il ne voulait pas perdre le contrôle ni de lui-même ni de cette voiture, je sens et vois sa nervosité d'ici.
Je sais aussi qu'il déteste quand je m'amuse à le fixer trop longtemps, alors j'arrête au bout de quelques secondes en sachant pertinemment que ça le met mal à l'aise.
Toi... tu caches quelque chose, Batman...
Je finis par ranger sa perle dans la boîte, avant de la glisser à sa place.
Je reprends les soins de mon arcade, et place le pansement transparent dessus pour referme la plaie. Elle n'est pas si grande, mais je ne sais pas pourquoi elle pisse autant le sang.
Je tapote une dernière fois ma peau pour enlever les dernières traces de sang en même temps que Wayne tourne dans une rue avant de s'arrêter à un feu. Directement, il a le réflexe de faire craquer ses doigts.
Le ciel est si sombre à cause de l'orage gronde sous nos têtes. La chaussée est tellement inondée que lorsqu'il redémarre, d'immenses jets d'eau s'infiltrent sous les roues et suit la voiture.
— Tu n'as pas reçu d'autre message ?
Je tourne la tête vers Wayne, qui a les yeux fixés sur la route.
— Rien depuis avant-hier, non.
Je relève le pare-soleil, et j'ajoute :
— J'aimerais parler à cette Lyloe.
Là, il tourne la tête vers moi.
Ses iris ambre plongent dans les miens et je vois l'expression interrogative qui se dessine doucement sur son visage.
— Pourquoi ?
Je fronce légèrement les sourcils, assez surpris par sa question et surtout l'assurance dans sa voix.
Il ne veut pas qu'on y touche à sa hackeuse ou quoi ?
— Comment ça pourquoi ? C'est elle qui a intercepté ces photos. Elle est efficace, je veux en savoir plus sur ce qu'elle peut faire.
Wayne me fixe quelques secondes, avant de détourner la tête en acquiesçant lentement. Comme si ma réponse l'avait satisfait, et comme tout à l'heure, il reporte son attention sur la route.
— Je peux savoir pourquoi j'ai eu l'impression que t'avais pas l'air si enchanté que ça à l'idée j'parle à cette fille toi ?
— Non, tu te trompes, j'étais simplement intrigué par tes intentions, me répond-il un peu trop rapidement à mon goût.
— Rien ne t'intrigue, Wayne et mes intentions, tu t'en bats les couilles la plupart du temps.
J'ai presque cru voir un petit sourire en coin se dessiner sur ses lèvres. J'ai envie d'éclater de rire, mais je décide de ne pas insister plus que ça pour l'instant.
Je le vois soulever le capuchon de son gobelet de café vide, puis il me dit :
— Tu peux mettre tes mouchoirs usagés ici.
Je fourre mes mouchoirs ensanglantés dans le gobelet et il replace le capuchon dessus.
Lyloe hein...
Je savais qu'il y avait une couille à la seconde où il a mentionné cette fille.
Je me dis même qu'il a fait exprès de la mettre sur le dossier juste pour pouvoir bosser avec elle.
Putain... ça devient intéressant !
La voiture s'élance dans la dernière centaine de mètres. Le long d'une longue route déserte et sombre, je vois de loin la clinque qui se dresse seule dans le paysage. Un colosse de verre blanc et moderne.
Les gouttes fracassantes me ramènent sur terre lorsque nous nous engouffrons enfin sur le parking ouvert de la clinique. Une ambulance garée en urgence devant les potes de la clinique reflète ses faisceaux lumineux dans la voiture, nous éblouissant presque.
Malgré l'heure tardive, il y a très peu de place de disponible et Wayne effectue plusieurs tours avant que par chance, un véhicule quitte enfin sa place qu'on s'empresse de prendre.
J'ouvre ma portière une seconde après que Wayne ait coupé le contact. Par réflexe mes épaules se recroquevillent pour affronter l'averse diluvienne et je me dépêche de rejoindre l'entrée de la clinique.
Mais je relève la tête en sentant que les gouttes froides sur mon visage ont cessé, et je réalise à ce moment-là que Wayne a partagé son parapluie avec moi.
Nos enjambées rapides nous mènent devant les portes coulissantes qui s'ouvrent lentement.
Nous nous enfonçons dans la clinique, l'accueil est directement en face de nous. L'ambiance parle d'elle-même, fenêtres renforcées, portes lourdes et systèmes de verrouillage. Personne ne peut sortir d'ici sans dérogation. Même l'air à l'intérieur me paraît froid et stérile. J'ai l'impression que l'endroit me hurle qu'il n'y a rien de bon ici.
Un infirmier en uniforme est assis derrière son bureau. Il ne quitte pas des yeux son ordinateur. Ses doigts ne cessent de taper sur le clavier alors que nous approchons.
— J'ai un rendez-vous, dis-je sans présentation.
Ma voix résonne légèrement dans le hall vide et silencieux.
Wayne s'éclaircit encore la voix comme pour attirer l'attention du type.
— Nom du patient, me répond l'infirmier sans lever les yeux sur nous, ses doigts claquant toujours sur le clavier.
— Silas Caine.
L'infirmier nous scrute enfin du regard, par-dessus ses lunettes à monture épaisse. J'ai l'impression qu'il nous analyse avec précaution avant de lancer froidement :
— Pièces d'identité.
Je fouille dans ma veste, et extrais mon portefeuille duquel j'extirpe ma carte. Wayne fait de même. Nous plaçons nos cartes d'identité dans un autre bac sur le comptoir. Le type les prend et les scanne minutieusement, son regard se balaye entre les cartes, son écran et nous.
Au bout de plusieurs minutes silencieuses qui m'ont paru interminables, il nous dit enfin :
— Très bien. Monsieur Caine est dans une unité de haute sécurité. Veuillez déposer vos effets personnels ici.
Son index mince et blanc tapote deux fois contre un autre bac en plastique plus grand sur le côté.
— Y compris toutes les armes ou dispositifs électroniques.
Wayne et moi nous échangeons un regard avant de commencer à nous débarrasser de nos armes de service et nos téléphones.
Après avoir vérifié nos identités une dernière fois, l'infirmier appuie sur un bouton discret sous le comptoir. Une porte latérale s'ouvre silencieusement dans un grésillement électronique.
Un garde en uniforme au visage impassible et aux épaules carrées apparaît. Il est lourdement équipé de dispositifs de protection. Ses poches débordent, entre son talkie-walkie, ses clés, et sa lampe de poche.
Rien qu'à sa tête, je sais qu'ici ça ne rigole pas ici.
— Veuillez me suivre, messieurs, nous dit-il d'une voix presque mécanique avec un geste de la main.
Nous le suivons, pour traverser plusieurs sas de sécurité.
À chaque fois que nous passons une aile de la clinique, les portes se verrouillent avec un claquement sourd derrière nous.
J'ai l'impression de m'enfoncer en enfer.
Au bout d'une énième porte, le garde utilise sa carte d'accès qui s'ouvre sur un couloir si blanc et insonore, qu'on aurait dit que la pièce n'est pas réelle. Encore une fois j'échange un regard un peu déstabilisé avec Wayne.
Nos pas résonnent sur le sol, et on arrive à une sorte de station équipée d'un détecteur de métal. Il y a d'autres gardes est prostrés comme des statues aux quatre coins de la salle, et un derrière un centre de contrôle. Un peu comme à l'aéroport. Son regard froid ne nous lâche pas et il nous commande en nous pointant du doigt :
— Veuillez passer sous le sas.
Le bruit caractéristique des bips se fait entendre alors que nous passons l'un après l'autre.
— Vos ceintures, dans le bac.
Je regrette presque d'être venu ici.
Avec nonchalance, je déboucle ma ceinture, Wayne fait de même et la place dans le bac, qui est mis de côté par le garde qui nous accompagnait.
— Nous devons procéder à une fouille corporelle. Veuillez lever les bras.
Je me retiens de soupirer.
Pitié quoi.
Deux autres agents de sécurité s'approchent de nous.
Wayne s'éclaircit soudainement la voix, et je vois son expression se ternir.
Lorsque les mains du garde le touchent. Sa mâchoire se contracte violemment, j'ai presque l'impression d'entendre ses dents grincer entre elles. Il regarde droit devant lui, je fronce légèrement les sourcils. Et son corps me semble si tendu que je me focalise plus sur son langage corporel que la fouille que je subis.
Ça ne dure que quelques secondes, ils vérifient, nos poches, nos chevilles et passent leurs mains autour de nos tailles.
Un petit malaise me prend en regardant Wayne qui avale douloureusement sa salive lorsque la fouille se termine enfin. Je comprends qu'il reprend son souffle en entendant la profonde inspiration qu'il prend.
Le garde acquiesce enfin :
— C'est bon. Suivez-moi, s'il vous plaît.
J'ai envie de demander à Wayne si tout va bien, mais nous avançons le long d'un couloir, et le silence est si lourd, que j'ai l'impression que tout le monde m'entendrait.
C'est la première fois que je vois Wayne aussi vulnérable.
Enfin, après une dernière porte nous entrons enfin dans l'aile psychiatrie.
L'espace présente un couloir aligné de portes fermées. Le couloir est peint en couleur pêche, et je trouve ça atrocement déprimant. Ça sent l'antiseptique, et quelque chose d'autre. Une odeur de médicament qui m'écœure déjà.
Il y a juste des numéros à côté des portes.
Nous suivons le garde et mon regard se perd sur les numéros des chambres.
97...
98...
99...
Devant la 100, l'agent de sécurité s'arrête enfin.
Le garde approche sa carte près du dispositif magnétique, son autre main enserre son taser, et il nous annonce :
— Nous sommes arrivés. Je vais ouvrir la porte. Restez derrière moi et ne faites aucun geste brusque. Monsieur Caine peut être parfois... imprévisible.
À son signal, la porte s'ouvre sur la chambre austère de Silas Caine.
Mon cousin.
Je fais rapidement le tour de la pièce. Elle est dépouillée de tout ce qui pourrait servir d'arme, le mobilier est solidement ancré au sol et des fenêtres incassables offrent une vue réduite et triste sur l'extérieur.
Silas est debout, il nous tourne le dos.
Mais je remarque tout de suite que je ne vois pas ses mains.
Elles sont emprisonnées dans une chemise de contention.
— Vous avez de la visite, Caine, lance le garde en se positionnant contre un mur dans la chambre.
J'entre sans attendre à mon tour. Wayne me suit de près, et mes yeux scrutent l'environnement pour s'arrêter sur Silas.
La porte se referme automatiquement dans un claquement sourd.
Nous nous retrouvons, Wayne, Silas, ce garde et moi, cloîtrés entre ces quatre murs blancs.
Je ne sais même pas pourquoi j'ai une légère palpitation cardiaque qui m'angoisse.
L'ambiance ne me plaît pas du tout. Silas nous tourne toujours le dos, et il se tient droit comme une statue. On aurait dit qu'il fait exprès de faire monter la tension pour exploser au meilleur moment, et faire un geste que je n'aurais pas pu anticiper.
— J'ai toujours su que je te reverrais un jour...
Ça voit froide me donne l'impression de venir du plus profond de mes souvenirs. Ça faisait un moment que je ne l'avais pas entendue, et j'ignore ce qui me donne la chair de poule, mais le voir là — prétendument malade— alors qu'il était dehors et bien portant quelques jours en arrière me glace le sang.
Et puis, il se retourne lentement.
Son regard marron et froid se plante dans le mien.
L'énergie qu'il dégage ne me dit rien qui vaille. Et je ne sais pas pourquoi, je me dis que même derrière sa chemise de contention, il reste quand même dangereux.
— C'est bon de te revoir, kushëri. (Cousin)
Son murmure s'accompagne d'un petit sourire mystique. Et depuis qu'il a croisé mon regard, il ne l'a jamais détourné.
— Ça ne t'a pas fait du bien de me revoir mercredi ? je commence les hostilités en scrutant attentivement sa réaction.
Silas incline la tête. Ses sourcils se froncent avec ce petit sourire intrigué. Ma question le surprend.
— Je ne suis pas sûr de comprendre.
— Silas, pitié... Je sais que quelqu'un te fait sortir d'ici, et je veux savoir qui c'est ?
S'il l'avait pu, il aurait bougé les bras. Mais sa chemise de contention l'en empêche.
Je sens tout de suite qu'être privé de sa liberté de mouvement le frustre. Mais il se reprend vite.
— Callahan, ça fait des mois que je n'ai reçu de visite de personne. Tu ne t'en rappelles pas, les Caine ont la sale habitude de tourner le dos à tous ceux qui n'entrent pas dans les codes... n'est-ce pas ?
Je sens le reproche dans sa voix, comme si j'étais responsable de sa folie.
Silas souffre d'un trouble délirant. Une psychose qui l'oblige à croire fermement en ses croyances fausses. Et avec sa schizophrénie, ça n'arrange rien. Il paraît si calme aujourd'hui, mais j'ai déjà vu ses autres facettes, et elles ne sont pas très jolies à voir.
Avant que je puisse répondre, Wayne intervient.
— Tu as été vu ce mercredi, autour de minuit, une heure du matin, dans la rue d'Albany Street.
Silas détourne pour la première fois son regard vers Wayne, ça ne dure qu'une seconde :
— Pourquoi tu es venu avec lui ?
— Je veux savoir comment est-ce que tu sors d'ici sans que ni Adrian, ni cette clinique ne s'en rendent compte. Et je veux savoir pourquoi est-ce que ça fait quatre ans que tu harcèles la fille des Bennett.
Je garde mon calme, d'apparence.
En réalité, je sens la cadence de mon cœur accélérer de plus en plus.
Cette histoire me tend et commence à me faire sacrément chier.
Mon cousin se mène vers son lit, et s'assoit avec nonchalance sur le rebord.
— Pourquoi est-ce que j'en aurais après la pauvre fille des Bennett ?
— Il se fout de ma gueule, lancé-je excédé en m'approchant de lui.
Wayne me retient d'une main ferme sur le bras et le garde, jusqu'ici impassible, décroise les bras, prêt à intervenir, comme si je représentais le plus grand danger de la pièce.
Wayne me lance un regard qui se veut apaisant, le genre qui me rappelle que perdre mon sang-froid ici ne me servira absolument à rien. Et il a raison.
Toujours assis sur son lit, Silas me provoque toujours avec ce putain de sourire.
J'ai l'impression qu'ils s'amusent tous à me narguer.
Je sens mes paumes se serrer et s'étirer sous ma nervosité
— Je ne l'ai jamais approché. Comme tu peux le voir, je suis enchaîné ici, et ce depuis quatre ans, ça me paraît un peu compliqué pour aller harceler une fille.
— Je sais que c'était toi, putain !
— Benjamin m'avait prévenu que tu avais changé depuis que tu as mis les pieds en Irak. Et je peux voir que tes traitements ne marchent pas.
— Qu'est-ce que tu prépares, soufflé-je en sentant que l'ambiance prend un tournant sinistre.
— Tu ne serais pas en vie si j'avais eu le malheur d'être dehors, Callahan. Et ça fait des années que j'attends ce jour où je sortirais enfin. Je ne sais pas ce qu'on t'a fait quand tu étais à l'étranger, mais ça t'a bousillé le cerveau. Tu te souviens de ce que ma mère disait ? Il y a un tas de choses que tu vois mais qui n'existent pas... T'es aussi dérangé que moi en fin de compte.
Wayne intervient avant que je puisse répliquer.
— Cal', on y va. Il ne dira rien de plus.
— Wayne, il était en bas de chez moi, putain ! Il se fout de notre gueule !
— Je te crois, mais il essaye d'entrer dans ta tête, et je sais déjà qu'on n'obtiendra rien de lui. Ne perdons pas plus de temps ici.
— C'est ça... Écoute Beckham te dicter ta vie.
Ma frustration atteint son paroxysme, mais j'ai déjà l'impression que les mots de Silas vont me hanter longtemps. Mais Wayne à raison, j'ai fait une erreur en venant ici, Silas ne me dira rien.
Alors, sans plus de discussion, je recule avec Wayne et le garde qui nous suit avec précaution en s'assurant que Silas ne tente rien :
— C'était un plaisir de vous revoir. La prochaine fois, dites à Benjamin et mon père de venir avec vous !
Mes pas rapides me font quitter la chambre dans une rage silencieuse.
Cette satanée frustration, je sens qu'elle n'est pas près de me quitter, et j'ai l'impression de devenir complètement fou. On aurait dit que je me suis inventé une autre réalité, mais je reste persuadé de ce que j'ai vu ce soir-là !
Cassie aussi l'a vue.
Le bruit des clés du garde, et nos chaussures résonnent parmi les couloirs stériles. Je veux juste quitter cet endroit glauque !
Au bout de plusieurs minutes qui nous obligent à nous plier à ce putain de protocole pour passer la sécurité, on arrive enfin à l'accueil. L'infirmier est toujours là, sans même relever la tête, il fait glisser le bac sur le comptoir.
Nous remettons nos ceintures, et reprenons nos effets personnels.
Sans attendre, les portes coulissantes de la clinique s'ouvrent, et la pluie n'a pas cessé de s'abattre, un violent orage, qui noircit le ciel, gronde à la seconde où je me dépêche de me diriger vers la Mercedes de Wayne.
Je me jette côté passager, et Wayne arrive quelques secondes après moi, et s'installe en faisant attention à faire entrer le moins d'eau possible de son parapluie. Sa portière claque.
Je mets ma ceinture en même temps qu'il met le contact et démarre.
Mon bras se cale contre le cadre de la fenêtre, j'ai le cœur qui bat à mille à l'heure.
Je regarde la pluie s'écouler sur la vitre, et j'ai une sorte de malaise intérieur face à l'absurdité de la situation.
Ça n'a aucune putain de sens tout ce qui se passe.
À chaque nouvelle piste, je me retrouve ballotté dans un nouveau dédale de questions qui n'ont jamais de réponses.
Je me sens manipulé, tiré par le bout du nez dans toutes les directions, et le pire, c'est cette impression angoissante que Cassie est liée à tout cela, sans savoir comment et pourquoi ?
— J'suis sûr qu'il ment, lancé-je dans un souffle en brisant le silence.
— Je savais déjà qu'aller voir Silas n'était pas une bonne idée, me répond Wayne, ses yeux fixés sur la route.
— Mais je l'ai vu, putain...
— Je sais, Cal'. Le problème, c'est que Silas a un profond trouble délirant, et je suis même étonné qu'il ait pu nous parler sans paroles désorganisées. Son traitement semble fonctionner sur lui visiblement. Mais même si c'est bien lui que tu as vu, il y a quelqu'un de l'extérieur qui l'aide et au vu de toutes les questions restées sans réponses depuis ces derniers mois, je ne m'attends pas à ce que ce soit si facile de tout démanteler.
— Adrian pense depuis le début qu'il y a une taupe...
Wayne reste silencieux un moment, puis me demande :
— Qu'est-ce que tu en penses ?
— J'en sais rien... entre cette histoire d'Orpheus et le stalker de Cassie, ça me pousse à croire qu'il n'y a pas que ça... c'est... plus gros que ça, j'crois.
Mes mots hésitants hurlent mon désarroi.
— Je suis d'accord avec toi.
Je tourne la tête vers Wayne.
Honnêtement savoir qu'il me croit m'enlève un pour-cent de poids sur mes épaules.
Le reste du trajet se déroule en silence. Je me perds dans mes pensées, bercé par la pluie qui tambourine contre le toit de la voiture.
Au bout d'une trentaine de minutes, Wayne me dépose en bas de chez moi.
J'ouvre rapidement ma portière en lui lançant un "À plus, Batman."
Il me répond d'un hochement de tête poli et ajoute :
— Je te contacte quand j'ai plus d'informations.
Je hoche la tête en retour, mais avec cette pluie qui s'abat sur moi, je n'attends pas plus longtemps pour me diriger vers mes escaliers extérieurs.
Sauf qu'à mi-chemin, je m'arrête sur mes marches.
Il y a une chose que je devais faire depuis un moment...
Je prends rapidement ma décision en sentant mon visage s'inonder d'eau. Je fais demi-tour et ouvre la porte de mon garage. Je me penche pour entrer avant même que la porte ait fini de se relever. J'empoigne mon casque de moto que j'enfonce dans ma tête avant de sortir la SR.
Ma jambe passe l'assise de ma BMW, et les phares illuminent la nuit. Je démarre en même temps que la porte de mon garage ne se referme automatiquement.
Il me faut qu'une quinzaine de minutes pour me rendre là où je le voulais.
Je laisse ma moto garée sous un abri près du bâtiment, et retire mon casque devant les portes coulissantes qui glissent devant moi.
La même odeur d'antiseptique me prend en pleins poumons. Mon cœur se met à tambouriner un peu plus fort. Je ressens une forme de nervosité me prendre, alors j'inspire profondément en entrant.
La lumière blafarde de la clinique me fait un peu plisser des yeux.
Je suis vraiment crevé.
Mais ça fait des mois que je ne l'ai pas vue...
J'ai à peine franchi le seuil de l'accueil que je tombe sur Marigona. Vêtue de sa blouse blanche, et toujours son classeur rose en main et la montre de petite fille autour du poignet. C'était celle d'une patiente qui a perdu sa bataille contre la maladie. Elle ne l'a jamais enlevé depuis.
— Ah ! Callahan ! s'exclame-t-elle avec un grand sourire réprobateur.
Je lui rends à peine son sourire, le cœur n'y est pas vraiment, et je ressens d'ores et déjà les prémices d'une grande migraine m'écraser le crâne :
— Si je ? (Ça va ?) demandé-je en la suivant dans les couloirs.
— Unë isha ai që po pyesja nëse je mirë ? Kishim kohë pa të parë! Ajo do të të vrasë ! (C'est moi qui me demandais si tu allais bien ? Ça faisait trop longtemps qu'on ne t'avait pas revu ! Elle va te tuer !)
Ses crocs couinent contre le sol lisse, mes baskets aussi à cause de la pluie.
Je sais qu'elle risque d'être déçue...
— Elle dort ?
— Non, me rassure Marigone. Je sortais justement de sa chambre à l'instant. Tu le sais bien, elle lit toujours ses romances avant de dormir.
Je sens le coin de mes lèvres se soulever.
Je le sais bien...
Alors que nous nous enfonçons dans le couloir pour rejoindre la chambre 507. Je retire mes gants de moto et plonge une main dans la poche de ma veste pour en sortir mon téléphone.
Je navigue quelques secondes dans mes conversations et clique sur celle de microbe.
Rapidement, je tape mon message :
« T'as mangé ? »
Je sais que quand elle stress, elle arrête ou oublie de s'alimenter.
Et je sais aussi qu'en ce moment je suis sa principale source d'angoisse.
Au fond de moi, j'espère qu'elle me reparlera avec ce premier message...
J'attends la réponse quelques secondes.
Mais je me souviens que microbe est la personne qui m'a fait comprendre ce que c'était de se prendre des remis de plusieurs heures.
Un petit sourire tire mes lèvres.
Même son silence m'apaise.
Je verrouille mon téléphone. Mon fond d'écran s'illumine et le visage de mon amour apparaît.
J'ai changé la photo.
J'ai mis celle que j'avais prise en douce quand elle s'est endormie le soir où je suis venue chez elle après le meurtre que j'avais commis...
Elle me fait oublier ce jour, et j'adore la regarder dormir.
Je pense qu'elle m'étriperait si elle voyait la photo.
Je range mon téléphone lorsque Marigona frappe doucement à la porte.
Un faible « oui ? » retentit.
J'ai un léger haut-le-cœur lorsque doucement, la porte s'ouvre.
— Sibel, j'ai une surprise pour toi !
Dès que j'aperçois le visage de ma mère, j'ai toujours la même émotion qui me remplit. Je ne saurais même pas le qualifier, mais aimer une mère fait aussi mal que ça nous garde en vie.
Sa silhouette marquée par la maladie me frappe comme à chaque fois. J'ai toujours espoir de revoir ses longs cheveux noirs, ainsi que ses épais sourcils, et que ses yeux ne semblent pas si livides, mais le verdict est le même depuis plus de dix ans.
Sa peau est blême, elle a toujours ce foulard sur la tête qui lui cache son crâne et je ne me souviens plus de la sensation de ses cheveux entre mes doigts. Ça fait douze ans qu'elle les a perdus.
Néanmoins, ses traits épuisés s'illuminent toujours quand elle me voit. Elle me sourit comme si le soleil venait de percer les orages. Je dirais même qu'elle me donnerait toute sa vie même s'il ne lui en reste plus beaucoup.
Tant que je survis une minute de plus...
Une boule se forme dans ma gorge en entrant.
Ça me fait toujours ça, surtout quand elle me tend ses bras. Ses veines bleues sont marquées par ces perfusions qui ne font qu'un avec elle depuis des années maintenant.
Je m'avance vers elle.
La sensation d'être son petit garçon prend le dessus, et alors que l'infirmière referme la porte, nous laissant seuls.
Je laisse ma mère me blottir contre ses bras, contre son cœur qui bat encore...
Elle me serre si fort contre elle.
Avec toutes les forces qui lui reste. Mon visage s'enfouit dans son cou. Elle sent l'antiseptique... Et maman.
Elle sent juste maman.
— Më ke munguar, dielli im. (Tu m'as manqué, mon soleil.)
D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été « son soleil. »
J'inspire profondément en sentant mon cœur se remplir. Chaque mot renforce cette putain de douleur que j'ai dans mon cœur depuis douze ans.
Mes bras la serrent un peu fort, mon cœur résonne, et à chaque fois que je reviens, je me demande pourquoi j'ai pris autant de temps avant de lui revenir...
Je me sens coupable à chaque fois, pour tous ces jours que j'ai laissé filer.
Notre étreinte se tarit.
J'ai l'impression que ça n'a pas assez duré.
Je dépose un baiser sur le haut de son crâne couvert de son doux foulard à motif.
Et comme à chaque fois, je n'ose pas lui demander comment elle va.
Parce qu'elle me dira qu'elle va bien.
Alors que je sais qu'elle va mourir.
Bientôt.
Une angoisse qui me monte à la gorge m'oblige à penser à autre chose que ça.
La gorge un peu nouée, je me redresse, et elle me dit en en pointant du doigt le petit fauteuil à côté de son lit.
— Assieds-toi.
J'enlève ma veste et le tire près d'elle. Après m'être assis, je croise mes bras sur le rebord de son lit et appuie mon menton contre eux.
Mes yeux fixent maman. Elle ferme doucement l'exemplaire de son livre « Orgueil et Préjugés. » Et passe tendrement sa main maigre et blanche dans mes cheveux.
Je ne sais pas c'est la combientième fois qu'elle le lit, mais elle ne s'arrête jamais.
Ce n'est pas la première femme que je connais qui fait ça...
— Tes cheveux sont toujours aussi doux, commente-t-elle avec une pointe d'amusement.
Je souris en réponse. Maman a toujours adoré mes cheveux.
— Un peu gras quand même aujourd'hui, me dit-elle en les pinçant entre ses doigts.
Je ris doucement.
— Je comptais les laver et en plus c'est de l'eau de pluie.
— M'ouais.
Un ricanement fait trembler mon corps. Elle se joint à moi en continuant de glisser ses doigts dans mes cheveux.
— On dirait que tu n'as pas beaucoup dormi toi ? Et tu t'es blessé.
Elle observe mon visage avec cet œil de maman. Je pense même qu'elle saurait combien d'heures de sommeil j'ai dans le sang si je lui laissais deviner.
Je secoue la tête, pour lui dire un non silencieux. Je sors mon téléphone de ma poche pour vérifier que je n'ai pas reçu de message, mais Cassie n'a toujours pas répondu.
Je pose l'appareil à côté de moi sur les draps.
Mes yeux se ferment finalement en sentant les papouilles dans mes cheveux. Ce geste m'a toujours bercé, et je crois que c'était la meilleure façon de me faire dormir quand j'étais plus jeune.
— Tu as mangé ? me demande-t-elle un brin soucieuse.
Encore une fois, je secoue la tête.
— Fais-toi une salade quand tu rentres. D'accord ? me murmure-t-elle.
J'hoche la tête, puis je sens un baiser doux sur le sommet de ma tête.
Lorsque j'ouvre les yeux pour la regarder, ses yeux sombres me ramènent à un flot de souvenirs. Malgré la maladie qui la ronge, elle reste toujours aussi belle à mes yeux, toujours ma mère.
— Il faut que tu dises à ton père qu'il faut qu'il arrête de venir avec d'immenses bouquets de fleurs ici. Regarde.
Ma mère me pointe du doigt une table sur laquelle sont disposés trois bouquets de cosmos noir bien garnis.
Je sais qu'elles viennent de son jardin.
— Tu sais qu'il ne va jamais arrêter, nënë (maman). Ce mec est timbré.
Elle rit doucement en jouant avec mes cheveux.
— Ne parle pas comme ça de ton père, le défend-elle amusée.
Je commence à la titiller en taillant son mari et son ventre qui gonfle depuis qu'elle ne cuisine plus pour lui. Ce qui l'a fait bien rire au final. Elle prendra toujours mon parti, même si je doute qu'elle aime quelqu'un d'autre plus que mon père sur cette terre. Je serais toujours l'exception.
Puis on se met à parler de tout et de rien.
Tout, sauf la maladie.
Tout, sauf ce cancer.
Je ne veux plus rien savoir du monstre qui l'a condamné.
Ce truc s'est métastasé dans ses organes. Ces traitements n'ont plus pour vocation de la guérir, ils visent juste à améliorer ses derniers mois, dernières semaines... derniers jours.
C'est terminé.
Je raconte toutes les conneries que Seiji et Neo font. La plupart du temps, je lui parle presque que de ça. Parce que ça lui provoque de petits rires et c'est tout ce que je peux lui donner.
Elle le sait très bien, mais je ne veux pas lui dire que son fils tue des gens.
Que son fils est corrompu.
Elle n'a pas besoin de Ghost.
Elle a juste besoin de Callahan.
Au bout d'un moment, la conversation se calme légèrement. Ses mains n'ont cessé de caresser mes cheveux, et c'est la seule chose qui empêche ma migraine de prendre plus de place.
— Je te sens ailleurs, dielli im (mon soleil). Qu'est-ce que tu as ? me questionne-t-elle doucement.
J'ai bien senti la palpitation de mon cœur rater un battement.
Mon regard se perd sur les draps.
Où mon téléphone est resté sans réponse depuis tout ce temps.
J'ai envie de laisser couler...
Mais pour la première fois...
J'ai envie de parler.
— Nënë... (maman)
— Dis-moi ?
J'hésite un peu, je ne sais même pas comment je suis censé articuler ce que j'ai en tête, mais la première question qui me vient c'est :
— Quand... quand on t'a annoncé que tu allais te marier, avec bab... Enfin...
Elle me regarde d'abord avec un air interrogateur, en plissant légèrement les yeux, je vois tout de suite qu'elle a compris ou je voulais en venir.
— Ton père t'a parlé pour Hira, c'est ça ?
— Ouais... je réponds, la voix basse.
— Hira est une femme bien. Tu n'as pas à t'en faire, je pense que tout ira pour le mieux. Si tu veux ma bénédic-
— Non.
Ma réponse est si rapide, que la surprise élargit les traits de visage de ma mère.
— Hira ne te plaît pas ?
Non.
— Je ne te crois pas, s'insurge-t-elle comme si elle avait entendu mes pensées. Hira est une très belle femme. Personne ne peut dire le contraire.
Cassie est spectaculaire.
Ma mère me scrute quelques secondes, et elle me demande :
— Tu... tu ne veux pas de ce mariage ?
Sa voix est teintée de confusion.
Dans un geste de frustration et de fatigue, je passe ma main sur mon visage.
— Callahan Michael ? m'appelle-t-elle soudainement sur un ton inquiet.
Je relève rapidement les yeux sur elle, son visage me paraît blême, je fronce les sourcils. Mon cœur tambourine violemment dans ma cage thoracique.
C'est très, très rare que ma mère m'appelle Callahan Michael.
C'est Cal' ou dielli im. (Mon soleil)
Callahan Michael c'est pour les affaires sérieuses.
— Où est ta bague de promesse ?
Par réflexe, je baisse les yeux sur ma main. Je réalise qu'en passant ma main sur mon visage, elle a eu le temps de voir que je ne l'avais plus.
Les mots se coincent dans ma gorge. Et son regard me fait comprendre qu'elle comprend quelque chose sans que j'aie besoin de le dire.
— Il... y a une autre femme... c'est ça ?
Elle pose la question doucement, presque avec crainte.
Je hoche la tête pour confirmer.
— Dielli im... tu sais que tu n'as pas le droit de lui céder cette bague sans l'accord d'Adrian et du conseil. C'est dangereux ce que tu as fait... pour cette fille et toi... Est-ce que ton père le sait ?
Sa voix est légèrement angoissée.
Sur le coup, je m'en veux de lui faire subir ce stress, elle n'en a pas besoin.
Mais je continue sur ma lancée.
— Non... il ne sait rien.
— Pourquoi tu as fait ça ? Il faut que tu fasses attention... Quelqu'un est au courant ?
Son regard me scrute pour déceler la vérité.
— Hira l'a remarqué... lâché-je.
— Cal'... m'appelle-t-elle en plaçant sa main sur son cœur. Elle en a parlé à quelqu'un ?
L'urgence dans sa voix est palpable, d'ailleurs les constantes de sa machine accélèrent aussi.
— Je ne pense pas, nënë (maman). Ça fait quelques jours maintenant, ne stresse pas.
Elle place sa main devant sa bouche en inspirant doucement.
L'angoisser était tout le contraire de ce que je voulais.
Au bout de quelques secondes de silence, elle me lâche :
— Qui est-elle ?
Une sorte de chaleur me gêne les joues, je me touche le nez.
Et soudainement, maman rit.
Le genre de rire léger qui adoucit l'atmosphère. Je l'interroge du regard et elle me lance :
— Mon Dieu... je n'aurais jamais pu penser un jour te revoir aussi embarrassé comme quand tu étais un petit garçon. Qu'est-ce que tu étais mignon...
À mon tour, un petit rire m'échappe face à sa nostalgie.
Puis, je me perds un moment dans mes pensées, et au bout de quelques longues secondes de silences, je me mets à lui dire :
— J'ai arrêté de manger de la noisette parce qu'elle y est mortellement allergique, alors que j'adore ça... À chaque fois que je suis près d'elle, ça me fait une sensation, là, dans la poitrine, dans le ventre ; on dirait que mon cœur va sortir de mon corps. Et puis... j'ai lu son livre préféré... juste... parce qu'elle m'a dit que c'était son livre préféré. J'ai fini de le lire pour elle, et je compte lire la suite de la saga, pour être sûr qu'elle aura quelqu'un avec qui en parler quand elle voudra... j'ai un tas de trucs à dire sur ce foutu bouquin...
Ma mère me regarde, les sourcils levés, bien qu'ils ne soient plus là à cause du cancer. Elle me regarde avec une sorte de surprise mélangée à de l'intrigue, comme si elle découvrait une nouvelle facette de son fils qu'elle ne connaissait pas.
— Je déteste le putain de protagoniste, parce que je sais qu'elle se fait des films avec lui, alors que le mec n'existe même pas, pitié quoi...
Je grimace en pensant à son putain de Preto Cruz.
Encore une fois, ma mère rigole plus fort encore. Mon cœur se réchauffe en voyant ses yeux se mouiller de larmes grâce à moi. Une petite fierté m'emplit.
— Tu me rappelles tellement ton père. Mon Dieu, comme il était jaloux pour un rien et ça ne s'est pas arrangé avec le temps. Vous avez ce petit défaut tous les deux.
Sa voix est teintée d'affection, je ressens toute sa nostalgie dans ses souvenirs. Une larme lui glisse doucement sur la joue. Je lui essuie, mais je ne suis pas sûr que ce soient des larmes de joies.
Malgré tout, elle me sourit, avant de me demander avec un regard plein de curiosité et d'impatience :
— Comment est-ce qu'elle s'appelle ?
J'hésite à dire son nom, parce qu'elle est une Bennett, c'est ma cliente, et rien de tout cela n'était censé arriver.
— C'est... enfin... je l'appelle microbe, moi. C'est microbe pour moi.
Je détourne le regard en me grattant furtivement le nez, un peu gêné.
— Microbe ?
Ma mère est visiblement amusée par le surnom.
— La première fois que je l'ai vue, elle avait le nez qui coulait, cette petite peste.
Je secoue la tête en souriant face à ce souvenir.
— Microbe... c'est mignon, à vrai dire.
— Ouais... elle est vraiment mignonne...
Je me perds un moment dans mes pensées.
Elle est parfaite.
— Callahan Michael Caine...
La douceur dans la voix de ma mère m'indique que cette fois-ci, mon nom complet entre ses lèvres n'a rien d'urgent. Je relève mes yeux dans les siens, elle me regarde avec un doux sourire et la tendresse infinie d'une maman aimante.
— Mon fils serait-il enfin tombé amoureux ?
Sa question est directe, et plante la flèche de cupidon en plein dans mon cœur.
Sa voix est taquine, presque chuchotée, comme un joli petit secret qu'on ne gardera que tous les deux.
La cadence de mon cœur accélère, elle attend ma réponse alors que moi je suis cloué sur place.
Je ne m'étais encore jamais encore posé la question, et pourtant.... à la seconde ou je l'ai entendu la réponse me paraît si évidente.
L'émotion brute que je ressens et qui retourne mon monde tout entier fait écho à ce que je pensais après la discussion avec mon père.
Je n'apprends pas l'amour, je le vis, là, maintenant.
Et chaque pulsation puissante me rappelle qu'il ne bat plus que pour elle.
Je garde mon secret quelques secondes de plus.
Pour ne partager mon amour qu'avec moi, pour la dernière fois.
Et finalement, je n'y arrive plus.
Et j'ai envie que le monde entier le sache.
Alors j'hoche finalement la tête, en avouant silencieusement mes sentiments.
Le visage de ma mère voyage par diverses saisons.
Je vois le printemps, faire naître un bonheur délicat sur ses traits.
L'été arrive vite. Avec un grand sourire, elle illumine la pièce, je ressens sa joie, son excitation comme si je lui avais annoncé qu'elle allait bientôt être grand-mère.
Et puis, le temps d'emmagasiner l'information, ses émotions se tarissent...
L'automne arrive, et laisse le goût pluvieux et morose des feuilles qui n'ont pas réussi à s'accrocher.
Sans appel, l'hiver décime et fait tout mourir sur son passage, et on arrive à la fatalité ultime :
— Mais... elle ne fait pas partie de l'Ordre, c'est ça... ?
J'ai eu la même sensation que je recevoir un poignard en plein cœur.
Ces quelques mots détruisent tous mes espoirs.
Pourtant ça fait six mois que je le sais.
Ça fait six mois que je le nie.
La réalité sortie de la bouche de ma mère me fait plus mal que je n'aurais pu l'imaginer.
De nouveau, comme si j'avais trop de poids sur les épaules, je croise mes bras sur le bord du lit et m'affaisse légèrement.
Les doigts de ma mère retrouvent mes cheveux, et pour la première fois, je ne trouve aucun réconfort à ce geste...
— Callahan...
Sa voix pleine d'empathie décuple ce sentiment de désolation profonde qui s'empare de moi.
Rien que de penser à cette dispute avec Cassie me plonge plus loin dans ma peine.
À quoi elle s'engage en prenant cette bague... ?
Elle a posé la seule question à laquelle je ne peux pas répondre...
Ses mots chargés de colère me paraissent tellement plus censés maintenant.
Je sais ce que ça engagera d'accepter cette bague...
Une vie de fugitifs.
À fuir en regardant constamment derrière nos épaules pour s'assurer que personne de l'Ordre ne nous suit. Une vie de danger, de sang, de stresse, d'illégalité...
Est-ce que j'ai vraiment envie de lui donner cette vie-là ?
Et le poids de la réponse à cette question et cette réalité me serre le cœur.
J'essaye de me recentrer sur les mains de ma mère et elle me dit.
— Je t'aime mon fils, et c'est pour ça que je me sens obligée de te dire que si tu l'aimes, il faut que tu la laisses partir... tu le sais...
Ces mots me déchirent littéralement de l'intérieur.
Je le sais...
Mais je lui ai fait une promesse...
Et c'est à ce moment que je réalise que je ne pourrais pas continuer sans Cassie.
Mon amour, si je dois choisir une vie sans toi, je préfère encore la mort.
Je ferme les yeux, emporté par la douleur de cette pensée qui m'envahit et me noie.
Pendant une seconde, je tente de m'imaginer une vie sans Cassie. Sans ce petit "microbe" qui a contaminé toute mon existence et toute la chimie de mon cerveau.
Et je n'y arrive pas. Les images d'Hira sont floues, celles de Cassie sont claires et nettes.
Le pire, c'est qu'elle n'a rien eu besoin de faire pour que j'en arrive là...
Elle n'a rien fait d'autre qu'être juste, Cassie.
Et dans mes rêves... c'est mon amour que je vois marcher le long de la nef jusqu'à l'autel de l'église. Voilée d'une robe blanche, je m'imagine l'attendre patiemment à côté du prêtre qui scellera nos destins.
C'est encore mon amour que je vois rougir sous moi, sous mes draps, quand je m'imagine donner de l'amour, du plaisir et de beaux souvenirs à une femme, toute la nuit, toute la vie.
Encore une fois, c'est mon amour que je vois quand je m'imagine attendre qu'elle donne vie à nos enfants. Je vois déjà son ventre rond, j'ai leurs yeux en tête, et j'espère déjà que certains auront la couleur de ses cheveux, ainsi que ses grains de beauté sur leur visage...
Et quand la mort nous séparera... Six pieds sous terre... c'est auprès d'elle que je demanderais à Dieu d'être réuni, là-haut.
La tristesse qui me submerge est si intense que j'ai du mal à retenir mes émotions. Ça me fait un mal de chien, ça me massacre de l'intérieur, et je n'ai jamais ressenti ça de toute ma vie. Je veux déjà que cette douleur s'en aille...
— Mais...
La voix de ma mère me fait revenir sur terre. J'ouvre les yeux et les plonge dans les siens. Son amour pour moi me fait du bien... mais... je réalise aussi à ce moment... qu'il ne sera pas suffisamment puissant pour cicatriser mon cœur déchiré comme Cassie le fait juste en laissant ses orages pleuvoir sur mon cœur...
— Tu as ma bénédiction. Pour microbe. Peu importe ton choix, je te soutiendrais, dielli im. (Mon soleil)
Ces mots sonnent à la fois une consolation... et une affliction...
Parce qu'ils me donnent la liberté de choisir, mais aussi le fardeau de cette décision.
Dans cette chambre d'hôpital, sous le regard bienveillant de ma mère, je me sens déchiré entre l'amour et le devoir, entre le cœur et la raison.
L'Ordre...
Ou Cassie ?
Ma famille.
Ou Cassie ?
Ma vie.
Ou Cassie ?
Qu'est-ce qui est pire que de se poser une question à laquelle on a déjà la réponse.
Et elle fera mal dans tous les cas.
— Fais attention à toi... Je ne veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit.
Sa voix est basse, inquiète, comme une maman qui veut encore couver encore son fils qui est devenu trop grand pour rester sous ses ailes abîmées...
Je hoche la tête, la gorge serrée.
— Elle ne me fait plus confiance... j'avoue en laissant totalement tomber les barrières que je garde habituellement.
— Oh, pourquoi ?
— Disons que j'ai... amoché un type qui l'agressait, et ça l'a rebutée de moi.
Ma mère semble réfléchir quelques minutes avant de me dire :
— Elle ne sait rien de toi, n'est-ce pas ?
— Elle connaît mon nom en entier...
— Ce n'est pas suffisant. Si tu ne lui montres pas qui tu es vraiment, ça ne marchera jamais.
— Mais je ne peux pas tout lui dire, nënë. (Maman)
— Tu ne peux pas la marier non plus, et pourtant, tu lui as donné ta bague de promesse, Callahan. Tu sais déjà que ça sera très dangereux pour elle comme pour toi si tu continues dans cette lancée. Mais qui sait... parfois l'amour nous donne une force que l'on n'aurait même pas pu soupçonner. Peut-être qu'en lui parlant, elle acceptera cette partie de toi que tu ne veux pas lui montrer. Tu as pensé à ça ?
— Elle n'a pas besoin de vivre avec cette part de moi.
— Ce dont elle n'a pas besoin, c'est que tu lui caches des choses. Elle décidera d'elle-même si elle l'accepte ou non. J'admire que tu veuilles la préserver, mais ce n'est pas « une part de toi » que tu lui caches, c'est toi. Et tu vas devoir l'assumer si tu veux avoir une petite chance qu'elle te suive dans tes choix.
Les mots de ma mère me font l'effet d'une gifle.
Je reste silencieux, en réfléchissant à ce qu'elle vient de me dire alors qu'elle continue de me masser la tête.
Elle a raison...
Mais si maintenant je l'effraie...
Qu'en sera-t-il quand elle en saura plus... ?
La peur de la perdre pour de bon me paralyse. C'est un risque énorme, peut-être trop grand.
Mais mes réflexions sont interrompues par la vibration de mon téléphone.
Comme je le disais, mon cœur tambourine violemment contre ma cage thoracique, j'ai l'estomac qui frissonne en voyant les notifications microbe.
Je me jette presque sur mon téléphone et le déverrouille pour voir qu'elle m'a envoyé deux messages :
« Microbe : Bonsoir Callahan. »
« Microbe : oui, j'ai mangé. Merci. »
Un sourire involontaire étire mes lèvres face au "Bonsoir Callahan."
J'adore quand elle me le dit.
Pourtant, ce n'est qu'un bonsoir putain.
Rapidement, je tape ma réponse :
« Qu'est-ce que t'as mangé ? »
Mon index tapote le rebord de mon téléphone, et je me mets à mordre ma lèvre en attendant sa réponse.
Une nouvelle exaltation me prend quand je vois la petite bulle de saisie apparaître, disparaître, puis réapparaître... puis disparaître.
Elle hésite.
Mais finalement, elle répond :
« Microbe : de la salade. »
Je sais qu'elle ment.
J'ai un petit sourire en coin :
« C'est vrai ça ? »
Le temps qu'elle prend pour répondre me confirme qu'elle peine à maintenir son mensonge. Elle n'est pas douée pour ça, ce qui en un sens, est une très bonne nouvelle.
— C'est elle ?
Je lève rapidement les yeux vers ma mère, un rire nerveux m'échappe sous son regard pénétrant.
Putain, j'ai presque oublié ou je me trouvais, et j'agis comme un adolescent en chaleur, fan d'une star de cinéma.
J'allais répondre à ma mère, mais mon téléphone vibre à nouveau, ce qui me fait baisser la tête :
« Microbe : Pourquoi tu veux savoir ça ? »
Elle ne veut vraiment pas me mentir. Je trouve ça presque touchant.
Sans attendre, je me redresse.
— Il faut que j'y aille, nënë. (maman)
Je me lève définitivement en enfilant ma veste.
— Aïe...
Ma mère pose une main sur son cœur, avec une expression amusée et mélancolique.
— Je n'aurais pas pensé vivre assez longtemps pour voir une femme voler le cœur de mon fils.
Elle rit doucement, mais je sens qu'il est empli d'une tristesse que je connais bien.
Ses mots me serrent le cœur. La réalité de son état de santé pèse lourd sur moi.
C'est peut-être... notre dernier moment ensemble...
Mes paumes se posent délicatement sur le visage de ma mère, et je lui dis :
— Kam një zemër për ty. Dhe një zemër për të. Mos u shqetëso, nënë, askush nuk do të të zëvendësojë kurrë. (J'ai un cœur pour toi. Et un cœur pour elle. Ne t'inquiète pas, maman, personne ne te remplacera jamais.)
Je m'approche pour déposer un baiser sur son front.
— Reviens me voir plus souvent... me murmure-t-elle d'une voix faible.
Je hoche la tête en guise de promesse.
— Natën e mire, nënë. (Bonne nuit, maman)
Comme à chaque fois que je pars.
Mon cœur est lourd.
Je lui fais un dernier bisou sur la joue. Et la tristesse dans ses yeux me tue toujours.
Et comme à chaque fois, une migraine sournoise commence à s'insinuer dans ma tête.
Comme si mon corps me rappelait le poids déchirant de la séparation.
Je lui dis au revoir doucement et chaque pas qui m'éloigne de ma mère me rappelle que j'ai horreur des au revoir.
En refermant la porte, je croise encore Marigona dans le couloir, elle me sourit comme à son habitude, je réponds poliment d'un hochement de tête.
Ma migraine s'annonce virulente.
Je ressors et enfonce mon casque sur ma tête.
La pluie torrentielle n'a toujours pas cessé.
Je monte sur ma moto, et reprends le chemin de ma maison.
J'essaye de ne plus penser à rien et arrive une quinzaine de minutes plus tard.
Je n'enlève pas ma veste en rentrant chez moi. Je me dirige dans la cuisine, et prends le Tupperware de la salade gourmande que j'avais déjà coupé. J'y ajoute du sirop de grenade, une pincée de sel, un filet d'huile, et un zeste de citron, puis je mélange généreusement.
Une fois prête, je referme la boîte, et la fourre dans un sac en plastique à l'effigie de l'épicerie turque dans laquelle j'achète mon sirop de grenade.
Je ressors par le garage, en range la salade dans le coffre de ma moto.
Sans attendre plus longtemps, je reprends la route sous la pluie incessante, en direction de chez elle.
Sur la route, mon impatience me fait parfois accélérer. Mon jean est trempé, j'ai juste envie d'une bonne douche, et dormir dans le noir pour tuer cette douleur que j'ai dans le crâne.
Mais rien ne me semble plus important à ce moment qu'elle mange quelque chose.
J'arrive chez Cassie une trentaine de minutes plus tard.
Je remarque la voiture banalisée stationnée sur le trottoir d'en face. Ce sont des hommes de l'Ordre que j'aie commandé de rester là pour la surveiller elle et sa maison, de jour, comme de nuit.
Je sors mon téléphone.
Avec cette pluie, c'est compliqué de le manipuler.
Je l'appelle directement.
À ma grande surprise, elle répond presque instantanément.
— Allô... ? Callahan ? C'est toi ? J'ai entendu le moteur de ta moto.
Juste le son de sa voix...
Juste ça, putain, ça me fait du bien.
Je n'arrive même pas à contenir mon sourire, et je lui dis doucement.
— Oui c'est moi. Descends...
Je l'entends se déplacer dans son lit.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? me questionne-t-elle un peu surprise.
Quelques instants plus tard, je vois la lumière de l'entrée de chez Cassie s'allumer. Elle ouvre sa porte. Un grand parapluie transparent au-dessus de la tête la protège elle et son pyjama de grand-mère.
Elle raccroche en me voyant. Je lève la visière de mon casque.
L'amour.
Je le ressens me submerger et me noyer sous cette pluie.
L'amour à la chaleur de toutes les saisons.
La beauté de toutes ses couleurs.
L'éclat de tous ces croissants de lune... qui n'éclairent que moi, dans les cauchemars de mes nuits.
Mon amour.
Quand elle court vers moi, avec ses crocs qui couinent sur le sol mouillé, je descends de ma moto et ouvre mon coffre dans lequel je prends la salade.
Elle ouvre son portail, et me demande :
— Qu'est-ce que tu fais là ?
Je lui tends le sachet contenant la salade.
— Ça t'empêchera de me mentir, je lui dis en tentant de détendre l'atmosphère avec un petit sourire.
Cassie m'interroge du regard, curieuse. Elle essaye de coincer le parapluie sous son bras pour vérifier le contenu du sac, mais en la voyant batailler, je prends le manche pour l'abriter dessous. Elle me lance un petit merci et ouvre enfin ce sac.
Quand elle découvre le Tupperware avec cette salade, je vois son visage se déformer. Ses lèvres se pincent en un sourire à l'envers. Une émotion la parcourt et ses grands de biches se remplissent de larmes sincères.
Elle relève la tête vers moi, visiblement émue.
— C'est-c'est toi qui la fais ? balbutie-t-elle en reniflant.
J'acquiesce.
Un petit soubresaut la prend.
Tant qu'elle est heureuse, ses larmes me vont.
— Rentre maintenant. Il pleut, murmurai-je doucement un petit sourire triste aux lèvres.
Elle reste bouche bée et ne bouge pas.
Cassie reprend son parapluie, et alors que je commence à reculer, elle m'interpelle :
— Attends, Cal' ! S'il te plaît !
Sa paume me retient le bras, m'incitant à me tourner vers elle :
— Est-ce que... ça va ? Tu as l'air triste.
Elle est inquiète pour moi.
Mes yeux se baissent sur son collier de perles autour duquel ma bague de promesse jure toujours que je suis tout à elle.
Une vague d'apaisement souffle sur les petites fissures de mon cœur.
J'enlève un de mes gants de moto, et ma paume caresse doucement ses joues mouillées par ses larmes. J'essuie sa tristesse en espérant être son soleil pour la soirée.
— Maintenant, oui. Ne t'inquiète pas pour moi, zemër, lui assuré-je avec un sourire plus large.
Elle est bouleversée. Quand je fais un pas pour partir, je la vois en faire un vers moi.
Je sais qu'elle ne veut pas que je parte.
Et je ne le veux pas non plus. Mais pour ce soir, il vaut mieux que je parte.
— Rentre, Microbe, et ne pleure pas, je lui dis avec douceur.
— M-merci, pour la salade, merci, c'est gentil, me répond-elle d'une voix tremblante.
Je hoche la tête et mon sourire disparaît sous ma visière.
D'un haussement de menton, je lui commande de rentrer.
Elle recule enfin, et je vérifie qu'elle a bien refermé son portail.
J'attends qu'elle rentre, et que la porte d'entrée soit fermée à double tour pour démarrer.
Mais je la vois, me regarder à travers le petit carreau de la vitre de sa porte.
Je m'éloigne lentement, en imprimant les traits bouleversés de son visage dans mon cœur.
Le son de la SR1000 éclate dans la rue.
Je ne veux pas qu'elle me remercie.
Je veux juste qu'elle vive toutes les saisons... avec moi.
✤
Bonsoir bonsoir, bonsoir ! 🎃
Ça-va ? ☕️
Ce chapitre il m'a trop mit la boule à la gorge, 😭...
J'avais envie de chialer en l'écrivant...
Callahan my son, je l'aime tellement...
Wayne ? Bref, on en reparlera. 😗
Et ma Casbaby d'amour, la fille la plus gentille de la terre 🫠...
J'aime tellement cette histoire... Je veux pas que ça se finisse omg...
IT'S TIIIME TO TAKE THE TEA : ☕️, je veux tout entendre, vos impressions, vos ressentis, vos théories, vos retours pour ce chapitre ? Dites-moi tout !
J'ai pu mettre ce chapitre, car je me suis surpassée, et organisée comme Philippe Etchebest 😮💨 !
Je retourne bosser sur Valentina ! Mais on en parle de la cover reveal qui arrive en JUIN ! Jepeupluattendreeeee ! J'ai trop hâte, vous allez la kiiiifffeeeeerrr BYE ! JDJDJDJDJDJ ! (On se donne RDV sur Instagram 😗 !)
Bon j'y vais bisous, bye ! ❤️
BYE 🏍💨🪐 !
Stardust 🍓
𝚂𝚎𝚎 𝚢𝚘𝚞 𝚜𝚘𝚘𝚗 🕰...
xo, Azra. ✿
IG: azra.reed
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top